7427 7827

UN SENTIMENT D'ABANDON... (14/11/2005)

Sentiment d'abandon de la part des autorités, mauvaises relations entre jeunes et policiers, mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, "provocations" de "Sarko", nuits d'émeutes : des adolescents décrivent le mal-être et la violence. 
 
Un collégien de 13 ans sort de sa poche une cartouche argentée de flash-ball, ramassée dans sa cité des 3.000, à Aulnay-sous-Bois: "Ici, mercredi, les CRS étaient en panique, ils appelaient des renforts !", raconte-t-il, fasciné. Le sigle des compagnies républicaines de sécurité et le nom du ministre de l'Intérieur - Sarkozy, "Sarko" - reviennent sans cesse dans la conversation des adolescents qui "prennent l'air", vendredi après-midi, dans le quartier de la Rose des Vents, loin de leur collège "en travaux". Mercredi soir, des jeunes "ont brûlé le poste de police et le garage Renault", raconte Fatou, 14 ans, adolescente noire, longiligne, dont les cheveux tressés disparaissent sous une capuche. "D'un côté, je suis fière (qu'ils fassent ça) parce qu'on dirait que Sarkozy ne nous aime pas. Il nous fait la misère, c'est un raciste, il a mis... l'huile au feu!". "Sarko cherche, il trouve !", ajoute un garçon de 13 ans, portant un appareil dentaire et un sweat-shirt "Boston".

Fatou - quatrième d'une famille de neuf enfants, dont la mère est "à la maison", le père "éboueur" - en sait beaucoup sur la mort, à Clichy-sous-Bois, le 27 octobre, des deux adolescents électrocutés dans un transformateur EDF où ils s'étaient réfugiés parce qu'ils se croyaient poursuivis par la police. "L'un des deux était mon cousin, dit Fatou (dont le prénom a été changé). Quand il a appris sa mort, mon père n'a pas dormi, il ne pensait qu'à ça. Mes frères ont brûlé des poubelles. Tous les affrontements, là, c'est à cause des morts à Clichy". "Non, c'est plein de trucs en même temps, la coupe le garçon au sweat "Boston", énumérant d'une traite "les provocations de la police qui nous contrôle pour rien du tout, même les petits; plein de bavures; pas de moyens, rien du tout pour les cités... Et aussi le manque d'animation, de travail".

"C'était calme depuis longtemps ici"

Les adolescents assurent que "ceux qui cassent tout ont 16, 17, 18, 19 ans... Ce ne sont pas les vraiment grands". Ils approuvent un homme de 22 ans venu affirmer: "C'était calme depuis longtemps ici. S'il n'y avait pas eu les paroles de Sarko - le "Kärcher", la "racaille" - y'aurait pas eu tout ça". Ils multiplient les anecdotes pour témoigner des mauvaises relations entre jeunes et policiers. Billal, 13 ans, assure qu'un soir à 22H, les CRS l'ont "braqué" avec une lampe et un flash-ball. "J'étais au 4e étage, à la fenêtre. Ils m'ont dit : rentre chez toi ! Mais j'y étais, chez moi !", dit le garçon d'une famille de cinq enfants, dont le père "travaille - Hamdullah! ("grâce à Dieu", en arabe) - comme conducteur d'engins".

"Boston" décrit un quartier mal entretenu, sans aire de jeux: "Même notre collège est défoncé, sale, loin d'ici. On est dans une zone d'éducation prioritaire mais ils nous ont grillé la priorité !" Devant le bâtiment 10, un adolescent noir de 15 ans patiente avant l'entraînement de foot. Evoquant "les Français qui ont les bonnes places", il précise être né en 1990 à Villepinte (Seine-Saint-Denis): "Nous, les noirs et les arabes, on n'est pas Français, puisqu'ils font la différence..." "Pendant les émeutes, j'étais chez moi. Mais s'il n'y avait pas les parents...", glisse-t-il, devant des amis. "Sérieusement, brûler les voitures, ils n'ont pas raison, dit-il, on s'excuse ! Mais brûler le commissariat, c'est bien: les policiers ont déménagé".
Source : AFP

09:44 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (1) |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |