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AU SECOURS LES BANLIEUES SONT EN FEU ! (14/11/2005)

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Les Banlieues sont en feu pouvait-on entendre dans tous les médias. La focalisation du phénomène de violences urbaines fut une réelle entrave au travail éducatif d'apaisement que nous effectuons sur le terrain. Beaucoup de personnes m'ont interrogées dont les radios, pour me demander mes impressions sur cette insurrection soudaine. Les éducateurs que nous sommes savent souvent ce qu'il ne faut pas faire ou dire mais, ne possèdent pas la science infuse pour expliquer tous les malaises de notre société. Ce n'est guère faute de réfléchir, c'est l'urgence des problématiques à régler qui prime. La réflexion vient après. Quoique, j'ai abordé le sujet à plusieurs reprises durant les années 80 en disant que les Jeunes par désarroi risquaient de mettre le feu si nous continuons une Politique Sociale vide de Sens. Les personnes venues assister à mes interventions ne voyaient en moi qu'un prophète du malheur, un oiseau de mauvaise augure. Le dossier sur les problématiques des Banlieues se referma consciemment...
Et puis, cette révolte qui fomentait depuis longtemps est passée à l'acte. C'est étrange comme les regards diffèrent désormais. Je semble détenir la vérité. Mais, quelle vérité ?
On me demanda si les propos de Sarkozy furent à l'origine de ces émeutes. Je réponds catégoriquement : NON !
Ils furent certes, l'étincelle qui alluma la mèche, longtemps préparée.
Le problème des ados n'est pas dans le langage de Sarko. Cette analyse est trop réductrice en cherchant un bouc-émissaire responsable de la flambée de violences.
Tout le monde sait dans son fort intérieur que le malaise est plus profond. D'abord, la peur des ados d'être ce qu'ils sont. Je m'explique. L'adolescence est une phase de construction individuelle. Pour cela, il faut que les jeunes aient des projets d'avenir sur lesquels s'appuyer, se construire.Or, notre société est celle du chômage. Celle qu'on nous présente sans avenir, sans devenir. Alors, les adultes demeurent les uniques référents face à ces angoisses existentielles de l'ado. Simplement, ils ne tombent pas toujours sur la personne "providentielle" qui pourrait les extraire de leur mal être. Les dealers, voire une maffia interne a rapidement maîtrisée la situation. La drogue et surtout l'alcool sont les addictions substitutifs d'une ghettoïsation en marche contre la désespérance.
Mais pourquoi, les jeunes éprouvent-ils un tel désespoir ?
Je parlais précédemment de la peur. Cette peur du flic qui représente l'autorité souvent insultante, méprisante. Il est de très bons policiers qui effectuent leur travail humainement. Loin de moi, l'idée de décrier la police.
Ces jeunes ne se sentent appartenir à personne, à rien et surtout pas la France qui les rejette, par peur.
Oui, nous revenons sans cesse à la problématique de la peur. Les Français, en général, ont peur des jeunes estimant qu'ils vivent dans un autre monde, une autre planète. Tant que nous ne reviendrons pas à l' éducation globale, rien ne pourra se construire de réellement concret. Qu'est-ce que l'éducation globale ? C'est la prise de conscience chez chaque Citoyen que l'enfant d'un autre pourrait être le sien. C'est intervenir auprès de lui lorsqu'il fait une connerie et lui expliquer les raisons de son geste. Et faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Il en était ainsi autrefois lorsque les religieux, les communistes, les travailleurs sociaux, les policiers et toute la population voyait un ado mal tourner.
Tout ce petit monde a déserté les Banlieues involontairement et les jeunes se sont retrouvés seuls face à eux-mêmes. Cette solitude qui fait venir des éléments extérieurs néfastes et qui met les familles livrées à elles-mêmes dans l'ingérence des problèmes. La vie est belle en Banlieue contrairement à l'image qu'on puisse en donner. Les gens se parlent, se chahutent, s'affrontent et c'est l'horizon d'une micro-société qui palpite au vent de l'existence. Non, les Banlieues ne sont pas des poubelles où s'entassent les cadavres de la délinquance juvénile. Cette vision est fausse. Elle est l'endroit certes, où se concentrent toutes les blessures humaines et sociales.
Il faut redonner de cette confiance perdue par ce sentiment d'abandon de la part des Jeunes. Il faut davantage de proximité de la part de tous citoyens qui sent la jeunesse basculer. Nous leur volons leur adolescence. Ils répondent aux agressions en fonction de leur âge. Il faut soutenir également les parents et cesser de les insulter en disant qu'ils ont démissionnés. C'est nous qui avons désertés. Nous sommes dans une dynamique de peur, dès que nous voyons une bande, nous pensons agression. Nous devons redevenir des Hommes et des Femmes attentifs aux autres. Davantage dans une pulsion de solidarité permanente, plutôt que de jugements et de trouille. Cautionner leurs actes délictueux, jamais. Ce serait les déresponsabiliser totalement. Insulte suprême. Il est temps de réinvestir les lieux avant qu'une génération maffieuse instaure ses propres lois. C'est en partie déjà présent. Mais, de grâce levons-nous pour une politique de proximité au sens noble du terme. Et n'écoutons pas les discours des pseudo-libertaires qui attisent le feu de la révolte. Il ne s'agit nullement d'une révolte organisée sauf, par certains adultes opportunistes. Mais, d'une désespérance exprimée par des Jeunes en recherche d'identité, et qui ne la trouveront jamais sans notre soutien. Rien n'est perdu, tout commence par une nouvelle prise de conscience, je l'espère. Je suis conscient de n'avoir pas tout évoqué dans cet article, notamment la pauvreté endiguée par une économie parallèle.
Bruno LEROY.
Éducateur de Rue.

12:35 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (2) |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |