7427 7827

De l’esclavage au Negro Spiritual. (15/11/2010)

Au début, était l'Afrique.

En 1492, Christophe Colomb découvre l’Amérique et donne au monde, que l’on dit civilisé, la possibilité de l'un des plus gros carnages de tous les temps. Le monde africain va connaître un immense exode. Le "Noir" est alors considéré comme une marchandise non humaine. Sur le continent américain, ce peuple va tenter de survivre. La culture africaine a suivi cette immigration et le soir, pour oublier les coups de fouets, on chante, on raconte. Le Negro Spiritual de l’époque n’a rien à voir avec celui qui est chanté aujourd’hui. Les premiers étaient avant tout des mélopées africaines qui avaient peu de rapport avec les harmonies que nous connaissons aujourd’hui. En voici donc l’histoire ...

De l’Afrique à l’Occident.

Le peuple qui sera exilé sur le nouveau continent est un peuple de musique, de chant et de danse. C’est surtout cela qui frappa les explorateurs de l’époque comme, entre autres, Jobson et bien d’autres. La musique accompagne chaque moment de la vie d’un village : elle fait partie de la vie du village.

Les instruments sont très variés car, outre les tambours et instruments à percussions (dont la diversité n’est plus à montrer), nous trouvons à cette époque toutes sortes d’instruments à vent (flûtes en roseau, trompettes en corne, ...), des instruments à cordes souvent accordés par improvisation, etc.

 

Des contrats à temps à l’esclavage.

Les premiers noirs arrivés aux Amériques avaient un statut de serviteurs sous contrat -comme les indiens ou même certains blancs-, ce statut permettant assez facilement à moyen terme d’être affranchis. Mais très vite, ces contrats à "temps" se transformèrent en contrat à vie.

A partir de 1660, les codes assurant un statut légal à l’esclavage se multiplièrent.

Durant le XVII° siècle, la question de l’évangélisation des esclaves ne se posait même pas et le statut de l’africain se dégradait de jour en jour.

De l’esclavage au Negro Spiritual.

Au Nord, les noirs avaient le droit d’assister aux offices. Simplement, ils ne pouvaient se placer à coté des blancs. Leurs places étaient réservées au fond de l’église.
Appris par coeur et sans ligne mélodique déterminée, les Psaumes chantés de la Réforme vont se prêter à de nombreuses modifications et altérations.

Au début, les églises catholiques assez pro-esclavage, n’ont pas la faveur du peuple noir. Le manque de participation de l’assemblée lors des offices et la difficulté de compréhension (utilisation du latin) n’ont fait qu’accentuer cette absence de participation des noirs aux messes.

1730-1750 : un réveil dans les églises (the great awaking) apparaît en Angleterre et se répand dans les colonies. Ce réveil s’accompagne de la création d’un nouveau répertoire de cantiques. Les psaumes font place aux hymnes (plus simples). Des recueils circulent et entre autres le très célèbre recueil du pasteur Isaac WATTS publié en 1707 "Hymns & Spirituals Songs". Suivra en 1737 le recueil "A collection of Psalms & Hymns" écrit par le fondateur des Églises Méthodistes (dénomination d’églises auxquelles de nombreux noirs affranchis se joindront) : John Wesley.

Dans le Sud, le noir n’était pas considéré comme un être humain mais seulement comme une marchandise.

"On n'évangélise pas de la marchandise".

Il faut attendre la pression de l’Église d’Angleterre, pour que l’on envoie enfin des évangélistes auprès de la population noire des Amériques.

 

Le soir, après le travail dans les maisons, mais aussi et de plus en plus au fond des bois, des traditionnels sont entonnés. Le principe est simple. Un leader, un preacher raconte une histoire de la Bible et lance le chœur sur un refrain. Une fois le chant et le pas de danse (le schuffle) lancés, les solistes se succèdent. Ces rassemblements étaient interdits et les esclaves risquaient leurs vies à venir louer Dieu ainsi. Mais les promesses de l'Ancien Testament devenaient de plus en plus une réalité qui valait bien ce risque-là.

Pourtant le negro spiritual ne va pas se définir seulement vis-à-vis de l’Eglise. En pleine période d’esclavage, plusieurs esclaves noirs veulent fuir vers le Nord. Il va alors se créer tout un réseau de passeurs que l’on appellera l’"Underground Rail Road". Pour pouvoir communiquer entre esclaves sans que les blancs comprennent, on va utiliser les traditionnels. Le langage spirituel et biblique va devenir alors un code pour les passeurs.
Lorsque le traditionnel chanté parle de l'Égypte, c'est au Sud qu'il fait allusion. Le Jourdain (le fleuve Oahio), lorsqu'il est profond et glacé, devient infranchissable. Il fallait alors attendre, car cela voulait signaler que le danger était présent. Le pharaon représentait le Général LEE, la terre promise le territoire du nord ...

Ce seront plus de 60.000 esclaves qui vont pouvoir, grâce à ces réseaux, fuir le Sud pour se retrouver libres dans le Nord !

 

Dans la tradition réformée, l'instrument de musique était très mal vu. Le chant, lors des cérémonies, posait assez souvent problème. En effet, le pasteur se trompait souvent de ton, d'air, faisant apparaître une certaine confusion dans le chant de l'assemblée.

Vers la fin du 18ème siècle, les premières églises noires voient le jour dans le nord de l'Amérique, suite au réveil de 1730.
Bien que pas encore émancipés, les esclaves noirs sont de plus en plus nombreux à l'office le dimanche matin et parfois même plus nombreux que les blancs.
Les églises baptistes poussent alors comme des champignons. Et en 1774, Georges Leile sera le premier esclave à avoir le droit de prêcher et à créer la première église noire d'Amérique.

Un mouvement se créa alors dans l'Église, afin d'améliorer la qualité du chant. On introduisit alors l'orgue, ainsi qu'une référence, la plus stricte possible, à des mélodies écrites. Il en découla l'arrivée de recueil de chants dans les églises.

La fin de la guerre de Sécession va complètement chambouler le paysage américain et donc, celui de l'Église. Les Noirs ont maintenant le droit de circuler et ils se dispersent dans tout le territoire américain, d'abord des campagnes vers les villes, mais très vite aussi du Sud vers le Nord, où l'avenir leur semble meilleur.

Cette relative liberté et émancipation dans le Sud sera de courte durée, mais toutefois suffisante pour que les lois ségrégationnistes, dites Jim CROW, votées en 1865, ne puissent effacer tout ce qui avait été fait.

19:57 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |