Être clandestin aux États-Unis. (25/01/2011)
Par Vanessa Gondouin-Haustein
Malgré les politiques de quotas, la répression liée aux suites du 11 septembre et l’inaction de Barack Obama, les immigrés illégaux ont plus de facilités pour vivre et travailler aux États-Unis que dans certains pays d’Europe. Originaires du Mexique, d’Afrique ou d’Europe de l’Est, de nombreux migrants arrivent chaque année pour fuir la pauvreté.
La silhouette d’Ali * se dessine dans l’encoignure de la porte arrière de l’épicerie « C’est bon chez convénience », à Staten Island, face à Manhattan. Son collègue Ahmed * trépigne. Il est midi passé et l’homme attend pour aller se coucher. Son service de douze heures s’est achevé il y a une vingtaine de minutes et le sommeil le tiraille. Originaire du Yémen, Ahmed est arrivé aux États-Unis il y a un peu plus de cinq ans.
RÊVE AMÉRICAIN
Au début, il est venu comme beaucoup d’immigrés avec un visa de trois mois, juste le temps de se faire un peu d’argent. Puis les mois et les saisons ont passé et Ahmed est resté. Son visa ayant expiré, l’homme est aujourd’hui considéré comme un immigrant illégal.
« La notion de rêve américain fascine les étrangers dont le niveau de vie dans leur pays est relativement faible, analyse James Griffin, professeur de droit à l’Université du Michigan aux États-Unis. Tout le monde peut travailler, avec ou sans papiers. Les salaires sont souvent bien supérieurs à ceux que ces hommes pourraient gagner chez eux. »
Impatient de gagner son lit, Ahmed échange brièvement quelques mots avec son compatriote avant de lui remettre les clés de la caisse. Enfin seul, Ali tourne machinalement le bouton de la radio Al-Jazeerah et sourit.
Derrière une apparence sereine, certaines blessures du passé ne semblent pas cicatrisées. « À Sana’a, au Yémen, la vie était difficile. Nous vivions dans une petite maison avec mes parents, ma femme et mes neuf enfants. Mon maigre salaire ne me permettait pas de tous les nourrir, explique-t-il. Grâce à l’argent que je gagne ici, mes enfants peuvent désormais aller à l’école et ma famille a pu déménager dans une maison plus grande. »
Ahmed et Ali cohabitent dans une petite pièce, sans confort ni sanitaires, à l’arrière du magasin. Le patron, « un Égyptien honnête », comme le définit Ali, prélève aux deux hommes 100 dollars par semaine sur leur salaire pour le loyer.
« Cette situation est provisoire, assure Ali qui tente lui-même de se convaincre. Nous allons très vite repartir. » En attendant ce jour, les deux hommes travaillent douze heures par jour, sept jours par semaine, sans repos, ni congés pour 2 000 dollars à la fin du mois. Ils vivent sobrement, pas ou peu de sorties, à l’exception de quelques compatriotes avec lesquels ils se retrouvent pour fumer.
César *, un jeune Mexicain de 27 ans, est arrivé aux États-Unis il y a six ans. Extrêmement méfiant, le jeune homme ne s’étend guère sur sa situation de clandestin ( il ne possède aucun permis d’entrée ). Intendant dans un immeuble, il travaille six jours et demi par semaine, entre dix et douze heures par jour.
Il occupe une petite chambre sans fenêtre dans le sous-sol de l’immeuble et sous-loue son lit à Iban*, un jeune cubain qui travaille la nuit dans un restaurant. La salle-de-bain et la cuisine sont sur le palier. César envisage de se marier pour obtenir des papiers. Un mariage blanc qui n’est pas du goût de ses parents restés au Mexique.
« C’est une fille de ma communauté. Elle est très belle, mais elle ne veut pas réellement de moi. Elle fait cela pour l’argent », raconte César un brin complexé. Sa mère lui a défendu d’épouser cette femme qu’elle qualifie de « prostituée ». Tiraillé entre la nécessité de régulariser sa situation et la volonté familiale, le jeune homme ne veut pas être puni par « le Dieu de ses parents », celui qui a, selon lui, protégé sa vie jusque-là.
À l’âge de 21 ans, César a franchi, à pied et de nuit, la frontière qui sépare son pays des États-Unis. « Dieu m’a protégé, confie-t-il. Il m’a permis d’arriver ici et de trouver un travail pour nourrir ma famille. Je crois qu’il est là pour les clandestins. »
Anita * n’a pas eu la chance de César. La jeune femme a été arrêtée, en août dernier, au volant de son véhicule dans la banlieue de Washington. Originaire du Mexique, elle est arrivée avec ses parents à l’âge de cinq ans. Âgée aujourd’hui de 27 ans, elle ne se souvient ni de son pays, ni de sa langue maternelle qu’elle refusait de parler avec ses parents.
Diplômée de sociologie et extrêmement impliquée dans l’église catholique de Washington, Anita a ouvert, il y a quelques mois et avec l’appui de sa paroisse, un centre d’aide chrétien pour les illégaux. « Qu’elles soient catholiques ou protestantes, les Églises soutiennent les étrangers sans papiers, explique James Griffin. Outre les besoins de première nécessité, beaucoup d’églises mettent à la disposition des illégaux des logements et des services d’assistance juridique. »
MOBILISATION
Après l’arrestation d’Anita et sa condamnation à quitter le territoire trois mois plus tard, plusieurs églises de Washington et de New York (où la jeune femme travaillait deux jours par semaine) se sont mobilisées pour lui venir en aide. « Malgré toutes nos prières et les appels répétés de l’Église et de ses membres aux autorités locales, Anita a quitté le territoire fin octobre », précise Marie *.
Les deux femmes se sont rencontrées lors d’un week-end spirituel dans le Nord de l’État de New York. « L’Église perd un membre actif et notre communauté une amie de foi, témoigne Marie. Lors de notre dernier échange par mails, Anita me faisait part de sa difficulté à vivre dans un pays qu’elle ne connaissait pas. Elle me disait qu’elle ne se sentait pas prête à tout reconstruire. Mais c’est une jeune fille intelligente et extrêmement forte et toutes nos prières l’accompagnent. »
Éva Patterson est depuis dix ans avocate spécialiste des questions d’immigration. Elle dénonce l’échec des pouvoirs publics face aux sans-papiers. « La plupart des immigrés travaillent et sont pleinement intégrés dans la société américaine », précise-t-elle.
Il y a quelques mois, elle a sauvé Lejla, une jeune femme de 34 ans originaire de Bosnie, qui est arrivée aux États-Unis avant les attentats du 11 septembre 2001. « J’étais venue ici pour travailler et étudier, devenir un jour avocate », raconte Lejla.
Son rêve a viré au cauchemar lorsque faute de papiers la jeune fille a opté pour un mariage blanc. « Beaucoup de personnes ont recours à ce type de contrat, précise l’avocate. Moyennant une importante somme d’argent, les étrangers sans papiers obtiennent à l’issue de leur union et dans un délai allant de un à cinq ans, une carte de résident permanent. Ça ressemble un peu au film Green Card avec Gérard Depardieu et Andie MacDowell, sauf que ça ne finit pas toujours aussi bien. »
MARIAGE BLANC
Lejla s’est mariée en 2006 en échange de 15 000 dollars. Au début, tout se passait bien. En compagnie de sa jeune épouse, le faux mari américain se rendait au tribunal une fois tous les deux mois pour son rendez-vous avec la juge chargée des questions d’immigration.
« Chacun vivait de son côté et tout allait bien », raconte-t-elle. Toutefois, « après deux ans de procédure, face à la lenteur bureaucratique et aux questions souvent soupçonneuses de la juge, mon faux mari a commencé à s’impatienter, puis à paniquer. Il me réclamait plus d’argent, beaucoup plus d’argent. »
Lejla, alors standardiste dans une agence d’assurance, a multiplié les petits boulots le soir et le matin. « Ne pouvant plus payer, il a commencé à être violent, très violent… » Les sanglots étouffent la voix de Lejla. Son avocate poursuit le récit. « Lorsqu’il a commencé à l’agresser sexuellement, Lejla a fini par se rendre à la police. Malgré les menaces répétées de son mari qui lui disait qu’elle irait à Guantanamo, à cause de sa foi musulmane, Lejla n’a pas cédé. Elle a été très courageuse. Dans ce pays, beaucoup trop de personnes jouent avec la peur des immigrants illégaux. »
Éva Patterson regrette que malgré ses promesses, Barack Obama tarde à s’atteler à ce dossier (Lire ici). « Les mariages blancs sont extrêmement dangereux. Personne ne connaît les réelles raisons qui poussent un citoyen américain à se marier avec des étrangers sans papiers », précise l’avocate qui réclame une loi pour protéger les immigrés sans papiers. Lejla, qui possède des papiers en règle, envisage de devenir avocate comme celle qui lui a « redonné le sourire ».
Éva Patterson est arrivée de Hongrie à l’âge de 20 ans. Elle aussi, elle a choisi de se marier pour pouvoir étudier et obtenir des papiers. Il y a quelques mois, elle a succombé au charme d’Alejandre *, un Kosovar de 45 ans.
« Il est venu me demander de l’aide. Il m’a raconté sa vie, ses parents malades, son statut de médecin à Pristina, puis la guerre et sa fuite aux États-Unis. Il est ici depuis dix-sept ans, je n’ai pourtant rien pu faire pour lui. Avant les attentats du 11 septembre, certains illégaux obtenaient des permis de séjour après avoir passé dix ans illégalement sur le sol américain. Aujourd’hui les lois se sont durcies », explique-t-elle.
Alejandre travaille la nuit comme garde malade dans un grand hôpital new yorkais et le jour comme chauffeur de taxi. Il dort peu, économise tout son argent qu’il envoie à ses parents et rêve du jour où il n’aura plus besoin de se cacher pour éviter les contrôles d’identité.
Il y a quelques semaines, Alejandre a appris que sa mère était mourante. Il a décidé de quitter les États-Unis pour tenir, une dernière fois dans ses bras celle qui lui a donné la vie. Malgré l’amour qu’elle porte à cet homme, Eva a refusé de le suivre. « J’ai tout sacrifié pour en arriver là où je suis aujourd’hui. Je ne me suis pas sentie prête. Alejandre est parti et il lui est interdit de revenir sur le territoire américain pendant les dix prochaines années », conclut celle qui envisage de tout quitter pour le retrouver.
Comme beaucoup d’hommes originaires du Moyen-Orient, Hassan * travaille pour une épicerie dans un quartier de Brooklyn. Âgé d’une quarantaine d’années, l’homme se définit comme apatride.
« Je suis Palestinien, né sans terre, ni nationalité. J’ai grandi dans un camp de réfugiés en Jordanie. J’ai passé mon enfance dans cet endroit tenu par l’ONU, j’y ai rencontré mon épouse et nous avons eu cinq enfants. Il fallait des papiers pour entrer et sortir et des autorisations pour obtenir des aliments », confie l’homme.
Il y a cinq ans, Hassan a choisi de quitter son pays et sa famille pour venir s’installer clandestinement aux États-Unis. Arrivé légalement avec un visa de six mois, il n’est jamais reparti. « J’ai préféré l’illégalité américaine à la vie forcée qui se jouait dans les camps », avoue-t-il, arborant un sourire malgré les difficultés.
ASILE
Hassan travaille quatorze heures par jour pour quatre cents dollars par semaine. Grâce au soutien d’un ami palestinien et d’un avocat israélien, il a bien tenté de régulariser sa situation en demandant l’asile politique. Faute d’une réelle nationalité palestinienne et possédant des papiers jordaniens, sa demande a été rejetée.
L’été dernier sa famille est venue lui rendre visite. Son épouse a laissé à Hassan leur fils aîné de 15 ans. Sa vie a alors changé. Il s’est senti moins seul, même s’il reconnaît que les premières semaines avec l’adolescent, qu’il n’avait pas vu depuis longtemps, n’ont pas été faciles.
« Je commence le matin à 7 heures et finis le soir à 21 heures. Je sais d’où je viens et je ne voulais pas que mon fils soit illettré comme ses parents. » Il y a quelques semaines, Hassan a pris la décision de faire venir son deuxième fils de 13 ans.
« Il est extrêmement difficile pour mon épouse d’élever nos enfants dans le camps, surtout depuis que je suis parti. Et puis, je préfère que mes enfants aillent à l’école, même illégalement, plutôt que de traîner toute la journée dans le camp », confie celui qui va devoir augmenter son temps de travail pour l’éducation de ses deux enfants.
Hassan rêve du jour où il fera venir toute sa famille. « D’ici là, dit-il en levant les mains vers le ciel, Obama aura réformé l’immigration, inch' Allah. »
*Les prénoms ont été modifiés.
Source : Témoignage Chrétien.
RÊVE AMÉRICAIN
Au début, il est venu comme beaucoup d’immigrés avec un visa de trois mois, juste le temps de se faire un peu d’argent. Puis les mois et les saisons ont passé et Ahmed est resté. Son visa ayant expiré, l’homme est aujourd’hui considéré comme un immigrant illégal.
« La notion de rêve américain fascine les étrangers dont le niveau de vie dans leur pays est relativement faible, analyse James Griffin, professeur de droit à l’Université du Michigan aux États-Unis. Tout le monde peut travailler, avec ou sans papiers. Les salaires sont souvent bien supérieurs à ceux que ces hommes pourraient gagner chez eux. »
Impatient de gagner son lit, Ahmed échange brièvement quelques mots avec son compatriote avant de lui remettre les clés de la caisse. Enfin seul, Ali tourne machinalement le bouton de la radio Al-Jazeerah et sourit.
Derrière une apparence sereine, certaines blessures du passé ne semblent pas cicatrisées. « À Sana’a, au Yémen, la vie était difficile. Nous vivions dans une petite maison avec mes parents, ma femme et mes neuf enfants. Mon maigre salaire ne me permettait pas de tous les nourrir, explique-t-il. Grâce à l’argent que je gagne ici, mes enfants peuvent désormais aller à l’école et ma famille a pu déménager dans une maison plus grande. »
Ahmed et Ali cohabitent dans une petite pièce, sans confort ni sanitaires, à l’arrière du magasin. Le patron, « un Égyptien honnête », comme le définit Ali, prélève aux deux hommes 100 dollars par semaine sur leur salaire pour le loyer.
« Cette situation est provisoire, assure Ali qui tente lui-même de se convaincre. Nous allons très vite repartir. » En attendant ce jour, les deux hommes travaillent douze heures par jour, sept jours par semaine, sans repos, ni congés pour 2 000 dollars à la fin du mois. Ils vivent sobrement, pas ou peu de sorties, à l’exception de quelques compatriotes avec lesquels ils se retrouvent pour fumer.
César *, un jeune Mexicain de 27 ans, est arrivé aux États-Unis il y a six ans. Extrêmement méfiant, le jeune homme ne s’étend guère sur sa situation de clandestin ( il ne possède aucun permis d’entrée ). Intendant dans un immeuble, il travaille six jours et demi par semaine, entre dix et douze heures par jour.
Il occupe une petite chambre sans fenêtre dans le sous-sol de l’immeuble et sous-loue son lit à Iban*, un jeune cubain qui travaille la nuit dans un restaurant. La salle-de-bain et la cuisine sont sur le palier. César envisage de se marier pour obtenir des papiers. Un mariage blanc qui n’est pas du goût de ses parents restés au Mexique.
« C’est une fille de ma communauté. Elle est très belle, mais elle ne veut pas réellement de moi. Elle fait cela pour l’argent », raconte César un brin complexé. Sa mère lui a défendu d’épouser cette femme qu’elle qualifie de « prostituée ». Tiraillé entre la nécessité de régulariser sa situation et la volonté familiale, le jeune homme ne veut pas être puni par « le Dieu de ses parents », celui qui a, selon lui, protégé sa vie jusque-là.
À l’âge de 21 ans, César a franchi, à pied et de nuit, la frontière qui sépare son pays des États-Unis. « Dieu m’a protégé, confie-t-il. Il m’a permis d’arriver ici et de trouver un travail pour nourrir ma famille. Je crois qu’il est là pour les clandestins. »
Anita * n’a pas eu la chance de César. La jeune femme a été arrêtée, en août dernier, au volant de son véhicule dans la banlieue de Washington. Originaire du Mexique, elle est arrivée avec ses parents à l’âge de cinq ans. Âgée aujourd’hui de 27 ans, elle ne se souvient ni de son pays, ni de sa langue maternelle qu’elle refusait de parler avec ses parents.
Diplômée de sociologie et extrêmement impliquée dans l’église catholique de Washington, Anita a ouvert, il y a quelques mois et avec l’appui de sa paroisse, un centre d’aide chrétien pour les illégaux. « Qu’elles soient catholiques ou protestantes, les Églises soutiennent les étrangers sans papiers, explique James Griffin. Outre les besoins de première nécessité, beaucoup d’églises mettent à la disposition des illégaux des logements et des services d’assistance juridique. »
MOBILISATION
Après l’arrestation d’Anita et sa condamnation à quitter le territoire trois mois plus tard, plusieurs églises de Washington et de New York (où la jeune femme travaillait deux jours par semaine) se sont mobilisées pour lui venir en aide. « Malgré toutes nos prières et les appels répétés de l’Église et de ses membres aux autorités locales, Anita a quitté le territoire fin octobre », précise Marie *.
Les deux femmes se sont rencontrées lors d’un week-end spirituel dans le Nord de l’État de New York. « L’Église perd un membre actif et notre communauté une amie de foi, témoigne Marie. Lors de notre dernier échange par mails, Anita me faisait part de sa difficulté à vivre dans un pays qu’elle ne connaissait pas. Elle me disait qu’elle ne se sentait pas prête à tout reconstruire. Mais c’est une jeune fille intelligente et extrêmement forte et toutes nos prières l’accompagnent. »
Éva Patterson est depuis dix ans avocate spécialiste des questions d’immigration. Elle dénonce l’échec des pouvoirs publics face aux sans-papiers. « La plupart des immigrés travaillent et sont pleinement intégrés dans la société américaine », précise-t-elle.
Il y a quelques mois, elle a sauvé Lejla, une jeune femme de 34 ans originaire de Bosnie, qui est arrivée aux États-Unis avant les attentats du 11 septembre 2001. « J’étais venue ici pour travailler et étudier, devenir un jour avocate », raconte Lejla.
Son rêve a viré au cauchemar lorsque faute de papiers la jeune fille a opté pour un mariage blanc. « Beaucoup de personnes ont recours à ce type de contrat, précise l’avocate. Moyennant une importante somme d’argent, les étrangers sans papiers obtiennent à l’issue de leur union et dans un délai allant de un à cinq ans, une carte de résident permanent. Ça ressemble un peu au film Green Card avec Gérard Depardieu et Andie MacDowell, sauf que ça ne finit pas toujours aussi bien. »
MARIAGE BLANC
Lejla s’est mariée en 2006 en échange de 15 000 dollars. Au début, tout se passait bien. En compagnie de sa jeune épouse, le faux mari américain se rendait au tribunal une fois tous les deux mois pour son rendez-vous avec la juge chargée des questions d’immigration.
« Chacun vivait de son côté et tout allait bien », raconte-t-elle. Toutefois, « après deux ans de procédure, face à la lenteur bureaucratique et aux questions souvent soupçonneuses de la juge, mon faux mari a commencé à s’impatienter, puis à paniquer. Il me réclamait plus d’argent, beaucoup plus d’argent. »
Lejla, alors standardiste dans une agence d’assurance, a multiplié les petits boulots le soir et le matin. « Ne pouvant plus payer, il a commencé à être violent, très violent… » Les sanglots étouffent la voix de Lejla. Son avocate poursuit le récit. « Lorsqu’il a commencé à l’agresser sexuellement, Lejla a fini par se rendre à la police. Malgré les menaces répétées de son mari qui lui disait qu’elle irait à Guantanamo, à cause de sa foi musulmane, Lejla n’a pas cédé. Elle a été très courageuse. Dans ce pays, beaucoup trop de personnes jouent avec la peur des immigrants illégaux. »
Éva Patterson regrette que malgré ses promesses, Barack Obama tarde à s’atteler à ce dossier (Lire ici). « Les mariages blancs sont extrêmement dangereux. Personne ne connaît les réelles raisons qui poussent un citoyen américain à se marier avec des étrangers sans papiers », précise l’avocate qui réclame une loi pour protéger les immigrés sans papiers. Lejla, qui possède des papiers en règle, envisage de devenir avocate comme celle qui lui a « redonné le sourire ».
Éva Patterson est arrivée de Hongrie à l’âge de 20 ans. Elle aussi, elle a choisi de se marier pour pouvoir étudier et obtenir des papiers. Il y a quelques mois, elle a succombé au charme d’Alejandre *, un Kosovar de 45 ans.
« Il est venu me demander de l’aide. Il m’a raconté sa vie, ses parents malades, son statut de médecin à Pristina, puis la guerre et sa fuite aux États-Unis. Il est ici depuis dix-sept ans, je n’ai pourtant rien pu faire pour lui. Avant les attentats du 11 septembre, certains illégaux obtenaient des permis de séjour après avoir passé dix ans illégalement sur le sol américain. Aujourd’hui les lois se sont durcies », explique-t-elle.
Alejandre travaille la nuit comme garde malade dans un grand hôpital new yorkais et le jour comme chauffeur de taxi. Il dort peu, économise tout son argent qu’il envoie à ses parents et rêve du jour où il n’aura plus besoin de se cacher pour éviter les contrôles d’identité.
Il y a quelques semaines, Alejandre a appris que sa mère était mourante. Il a décidé de quitter les États-Unis pour tenir, une dernière fois dans ses bras celle qui lui a donné la vie. Malgré l’amour qu’elle porte à cet homme, Eva a refusé de le suivre. « J’ai tout sacrifié pour en arriver là où je suis aujourd’hui. Je ne me suis pas sentie prête. Alejandre est parti et il lui est interdit de revenir sur le territoire américain pendant les dix prochaines années », conclut celle qui envisage de tout quitter pour le retrouver.
Comme beaucoup d’hommes originaires du Moyen-Orient, Hassan * travaille pour une épicerie dans un quartier de Brooklyn. Âgé d’une quarantaine d’années, l’homme se définit comme apatride.
« Je suis Palestinien, né sans terre, ni nationalité. J’ai grandi dans un camp de réfugiés en Jordanie. J’ai passé mon enfance dans cet endroit tenu par l’ONU, j’y ai rencontré mon épouse et nous avons eu cinq enfants. Il fallait des papiers pour entrer et sortir et des autorisations pour obtenir des aliments », confie l’homme.
Il y a cinq ans, Hassan a choisi de quitter son pays et sa famille pour venir s’installer clandestinement aux États-Unis. Arrivé légalement avec un visa de six mois, il n’est jamais reparti. « J’ai préféré l’illégalité américaine à la vie forcée qui se jouait dans les camps », avoue-t-il, arborant un sourire malgré les difficultés.
ASILE
Hassan travaille quatorze heures par jour pour quatre cents dollars par semaine. Grâce au soutien d’un ami palestinien et d’un avocat israélien, il a bien tenté de régulariser sa situation en demandant l’asile politique. Faute d’une réelle nationalité palestinienne et possédant des papiers jordaniens, sa demande a été rejetée.
L’été dernier sa famille est venue lui rendre visite. Son épouse a laissé à Hassan leur fils aîné de 15 ans. Sa vie a alors changé. Il s’est senti moins seul, même s’il reconnaît que les premières semaines avec l’adolescent, qu’il n’avait pas vu depuis longtemps, n’ont pas été faciles.
« Je commence le matin à 7 heures et finis le soir à 21 heures. Je sais d’où je viens et je ne voulais pas que mon fils soit illettré comme ses parents. » Il y a quelques semaines, Hassan a pris la décision de faire venir son deuxième fils de 13 ans.
« Il est extrêmement difficile pour mon épouse d’élever nos enfants dans le camps, surtout depuis que je suis parti. Et puis, je préfère que mes enfants aillent à l’école, même illégalement, plutôt que de traîner toute la journée dans le camp », confie celui qui va devoir augmenter son temps de travail pour l’éducation de ses deux enfants.
Hassan rêve du jour où il fera venir toute sa famille. « D’ici là, dit-il en levant les mains vers le ciel, Obama aura réformé l’immigration, inch' Allah. »
*Les prénoms ont été modifiés.
Source : Témoignage Chrétien.
11:27 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |