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Catholiques : de la paranoïa à la modestie. (31/01/2011)

Par Philippe Clanché

Une de Charlie Hebdo pour la visite du pape en France en septembre 2008.  Copyright : DR

Les catholiques, quelle que soit leur tendance, sont plutôt mal perçus en France. Petite réflexion sur les causes de ce désamour et la manière d'y survivre.

Il est de bon ton de geindre, dans certains milieux, face à un anti-christianisme grandissant. Nous n'évoquerons pas ici le sort, terrible, des chrétiens d'Orient, placés face au dilemme de la terreur ou de l'exil.

Non, nous parlerons de ces faits divers français qui font dire à certains que le christianisme et ses valeurs, constitutifs de notre société, sont bafoués de plus en plus fréquemment. Et ce discours dépasse largement la sphère traditionaliste.

Alors, oui, il faut le déplorer, quelques laïcards obtus et certains responsables politiques frileux et incultes en matière de laïcité remportent ça et là quelques succès. Oui, il faut déplorer les décisions comme celle de l'édition lyonnaise du quotidien gratuit "20 minutes" qui supprime un supplément publicitaire acheté par le diocèse, cédant à des journalistes effrayés par un "Je vous salue Marie" ou ces maires qui interdisent des crèches traditionnelles sur les places de villages. Nous l'avons fait sur ce site (Lire ici) et nous recommencerons.

Mais il faut savoir dépasser le stade de la seule dénonciation. D'abord parce qu'en matière de gestes anti-religieux, ce que peut subir - parfois - le catholique français n'a rien à voir avec le quotidien de ses frères juifs ou musulmans. Entendre crier à la discrimination dans ce cadre nous apparaît aussi désarmant que d'entendre les passagers des transports s'estimant « pris en otage » à chaque mouvement social.

Sachons raison garder : le chrétien en général, et le catholique en particulier, est, dans notre pays, libre de pratiquer sa foi, de débattre, de disposer d'un journal quotidien parmi les plus respectés et d'exprimer ses opinions dans l'espace public. Il fait partie, de plein droit, de la société. Sinon, aucun évêque n'aurait osé ouvrir la bouche face au sort fait aux étrangers ces derniers mois.

Étudions les sources de ce mouvement d'opposition si douloureusement ressenti par certains croyants. Il est l'œuvre d'une génération - les quadras-quinquas (1) - née et élevée dans l'indifférence, au mieux, ou, au pire, dans l'opposition absolue à l'Église romaine.

Cette opposition, mêlée de méconnaissance,  n'est pas uniquement le fruit de l'air du temps de l'après 68. Car il s'agissait alors de s'en prendre non à n'importe quelle tradition mais à celle qui, des siècles durant, a régenté la vie publique et la vie privée, dirigé les consciences et dicté les comportements jusque dans les chambres à coucher...

Beaucoup de catholiques des années 2000 subissent le ressentiment de l'impérialisme intellectuel de leurs aînés. Les balanciers vont parfois plus haut qu'il ne faudrait et les excès laïcistes n'ont pas plus de sens que n'en avait la mainmise ecclésiale d'hier sur la société.

MODESTIE

Face à ce constat, comment se comporter ? On peut déplorer le passé  et entretenir la nostalgie du temps où le message catholique était incontestable et devait s'imposer à tous. Cette attitude de repli n'est pas, heureusement, la voie majoritaire. La tendance est alors de se plaindre, de crier à l'injustice devant ce désamour.

Et si une autre posture était envisageable ? Celle de la modestie, du profil bas. Difficilement audible aujourd'hui, l'institution catholique peut-elle attendre des jours plus sereins pour retrouver une place à laquelle la sociologie et l' Histoire lui donnent le plein droit ? Après-demain, les persiffleurs n'auront plus aucune raison d'en vouloir à une famille philosophique avec laquelle ils n'auront aucun compte à régler, ni les leurs, ni ceux de leurs parents. A condition de ne ne pas reproduire les erreurs du passé et d'abandonner définitivement le rôle de donneur de  leçon.

Des signes positifs existent en ce sens. Quand les rectorats et les centres de formation pédagogique de l'Enseignement catholique proposent une formation sur la culture chrétienne, ils sont assaillis de candidats. Toutes ces générations religieusement incultes - et qui savent qu'on ne peut comprendre Molière ou Hugo ni admirer Rembrandt sans ces bases - tentent de rattraper le temps perdu.

Ces enseignants et leurs élèves auront demain une vision apaisée de ce qu'est le catholicisme. D'ici là, les catholiques doivent-ils  retourner dans les catacombes ? Non bien sûr. Mais simplement accepter les piques de l'époque en se disant qu'il fut des temps plus rudes.

Et pourquoi ne pas vivre cela avec le sourire, comme ces croyants qui persistent à lire Charlie Hebdo et le Canard enchaîné, pourtant experts en mauvaise foi. Après tout, la bêtise et l'inculture de certains de leurs concitoyens n'empêchent en rien les chrétiens de vivre, prier, célébrer, se former...

Laissons le dernier mot à un grand prélat visionnaire qui va quitter sa charge à la fin du mois, Albert Rouet, évêque de Poitiers (2) :

« Aujourd’hui, le risque est que les chrétiens se durcissent entre eux, tout simplement parce qu’ils ont l’impression d’être face à un monde d’incompréhension. Mais ce n’est pas en accusant la société de tous les maux qu’on éclaire les gens. Au contraire, il faut une immense miséricorde pour ce monde où des millions de gens meurent de faim. C’est à nous d’apprivoiser le monde et c’est à nous de nous rendre aimables. »

(1) La mienne, je suis né en 1968.

(2) Interview de Stéphanie Le Bars dans Le Monde,  4 avril 2010 (Lire ici). D'Albert Rouet, on peut lire le remarquable « J'aimerais vous dire... », Bayard éd., 2009 (Lire ici la critique de Témoignage chrétien). A paraître en février 2011 : « Vous avez fait de moi un évêque heureux », éd. de l'Atelier.

13:44 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |