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QUESTIONS D'ADOS. (14/04/2006)

Est-il vrai que, pour les Catholiques, au moment de l'Eucharistie, le pain se transforme réellement en corps du Christ et le vin en sang du Christ ? Si c'est le cas, il ne s'agit pas d'un mémorial, mais d'un renouvellement du sacrifice ? Qu'appelle-t-on la transsubstantiation ?


Votre question est très pertinente. Je vous renvoie aux ouvrages de Pierre Descouvemont, François Varone et Jean-Yves Leloup, dont je me suis servi pour ces quelques pistes, si vous souhaitez approfondir votre réflexion.

Dans la doctrine traditionnelle de l'Eglise catholique, en effet, le pain et le vin ne sont pas de simples éléments par lesquels le Christ vivant nous communique sa vie au moment de la communion. La Présence réelle du Christ dans le pain et le vin est une vérité que l'Eglise a toujours perçue dans l'Ecriture, comme le rappellent des personnalités telles qu'Ignace d'Antioche (+107), Irénée (+202) ou Cyprien (+258), ces témoins de la foi ancestrale de l'Eglise.

Pour s'opposer à l'interprétation purement " symbolique" de certains croyants, l'Eglise utilise à partir du XIe siècle la notion de substance. Elle signifie par là le mystère de la transformation radicale du pain et du vin au corps et au sang du Christ. On parle désormais de transformation substantielle. Cette notion philosophique de substance (qui signifie : ce qui est permanent dans un sujet susceptible de changer) sera de plus en plus utilisée, si bien qu'au IVe Concile du Latran (1215), le mot transsubstantiation entrera dans le langage officiel de l'Eglise.
Ce terme, à connotation philosophique, a l'avantage de mettre en valeur la profondeur du changement qui s'opère dans le pain et le vin au moment de la consécration, malgré la permanence de leurs apparences sensibles, ou, pour reprendre un terme philosophique, de leurs accidents. Pour les théologiens du Moyen Age, sous les apparences du pain et du vin, c'est la substance du corps et du sang du Christ ressuscité - et non plus la substance du pain et du vin - qui se trouve présente.

La messe est un mémorial de la Passion de Jésus-Christ. Non pas un mémorial inerte, comme se plaît à le rappeler P. Descouvemont, mais un mémorial vivant. En effet, la Présence réelle du Christ, pour le Catholique, rappelle que c'est avec ce corps que le Christ nous a libéré du péché et que c'est avec ce corps qu'il continue à nous sauver.
Lorsque nous communion, le Christ réalise sa promesse : "Celui qui mange ma chair et bois mon sang demeure en Moi et Moi en lui" (Jn 6,56). L'Eucharistie, c'est vraiment le Christ qui a mis sa toute-puissance au service de son amour. C'est un contact personnel et intime avec tous les membres de son Eglise (1).

Dans ce sens, vous avez raison. Il y a bien renouvellement, mais je n'aime pas beaucoup le terme de sacrifice et tout ce que cela implique théologiquement, à savoir, pour reprendre les termes de F. Varone : "la mort de Jésus interprétée comme sacrifice expiatoire, censée être renouvelée sous forme d'immolation mystique sur l'autel de la messe, pour le rachat des péchés des hommes." Comme lui, je pense que c'est de l'ordre de la malcroyance. Jésus n'est pas mort pour satisfaire un Dieu de sacrifice, mais pour "rendre témoignage à la vérité" (Jn 18,37) jusqu'au bout et à n'importe quel prix. La croix rappelle au croyant le combat vital de l'homme pour la vérité de l'homme et de Dieu ; pratique que l'on apprend, avec Jésus, à pousser jusqu'au bout s'il le faut.
C'est dans le Repas de communion, comme l'écrit F. Varone, que le croyant, "refaisant les gestes de Jésus, en mémoire de Lui, communiant par le pain et la coupe à l'existence donnée de Jésus, retrouvera sans cesse son sens de la différence, ne se laissera pas normaliser par la loi universelle du pouvoir humain, religieux ou non". Il faut comprendre, par là, que l'Eucharistie doit constituer sans cesse le croyant en anti-modèle du monde et relancer une pratique différente de celle du monde, selon le modèle de Jésus, afin d'éviter de communier qu'en apparence (2).

Parler de sacrifice, c'est donc risquer d'ignorer toute la vie et l'action de Jésus, mais également réduire le Salut à la mort de Jésus. Or, c'est oublier la Résurrection qui en est l'aboutissement. Et là, je rejoins J.-Y. Leloup qui souligne bien que Jésus a pris sur lui la souffrance du monde, mais pour sa délivrance. Or, ce n'est pas la souffrance qui nous sauve, mais l'amour à travers lequel Il va transformer cette souffrance.
Il n'y a donc ni sadisme de la part de Dieu, ni dolorisme ou masochisme de la part de Jésus, mais, comme le rappelle le symbolisme du Christ en croix souvent mal interprété : quelqu'un dont les bras et le coeur sont ouverts. C'est l'ouverture totale qui ne se préserve pas, parce qu'il y a en Lui ce feu de l'amour qui peut transformer toute chose (3).

Christian Rossier, aumônier de gymnases.

(1) Pierre Descouvemont: "Guide des difficultés de la foi catholique", Ed. Cerf, 1993.

(2) François Varone: "Ce Dieu censé aimer la souffrance", Ed. Cerf, 1990.

(3) Jean-Yves Leloup: "La montagne dans l'océan", Ed. Albin Michel, 2000

10:15 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |