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MANIAQUE DU DÉSERT! (01/05/2006)

Je viens d’apprendre que mon organisme doit rompre ses liens avec le sucrage, pour cause de diabète de type 2, fréquent chez les personnes qui arrivent comme moi à l’âge mûr. Je dois donc me discipliner à doser correctement mon alimentation pour éviter que trop de sucre n’affecte mon taux de glycémie… Finis les beaux desserts au sirop d’érable ou au chocolat avec plein de crème fouettée, fini le sucre à la crème et les tartes aux pommes chaudes refroidies par une petite montagne de crème glacée… Pour être en santé, il me faut manger autrement, et autre chose, en m’habituant à goûter avec joie d’autres aliments moins sucrés, qui me nourrissent tout aussi bien et même mieux, et qui ne font pas de tort à mon système. Mon médecin me recommande en plus de faire de l’exercice physique, pour favoriser une circulation sanguine et une oxygénation bénéfiques pour l’équilibre du corps. Mon diabète me prive de dessert et m’envoie au désert…Est-ce un grand drame?

Je renonce au dessert, mais pas au désert!

On peut se passer de dessert, mais pas de désert! Je réfléchis avec vous à l’importance de comprendre nos cheminements de vie à partir de la symbolique du désert, amplement utilisée dans les textes bibliques. Le désert est le lieu de l’errance du peuple libéré de l’esclavage de l’Égypte, où Dieu l’accompagne au quotidien en le guidant et le nourrissant. C’est le lieu de la solitude et de la rencontre intime avec Dieu.

Jésus est présenté par les évangiles comme l’homme du désert, c’est-à-dire celui qui se retire dans son intérieur profond pour être en tête-à-tête avec son Père. Aux débuts du christianisme, des hommes et des femmes d’une grande intensité spirituelle ont choisi d’aller vivre au désert, dans la pauvreté et la solitude, pour concentrer toute leur attention sur la présence de Dieu, sur la communion avec Lui dans le dépouillement total.

Aujourd’hui encore, nous refaisons à une plus petite échelle de semblables expériences quand nous prenons du temps de désert, en nous retirant des occupations quotidiennes pour faire une retraite dans le silence, pour prendre quelques jours de repos hors des bruits de la cité.

Offrons-nous des déserts dans la ville…

Des hommes et des femmes font de leur vie une expérience de désert en se retirant dans un monastère. Les grandes communautés monastiques attirent aujourd’hui des jeunes, et il est toujours fascinant de participer à des liturgies dans les abbayes et les monastères, dans une atmosphère de recueillement et d’intensité intérieure.  Faut-il quitter la ville pour trouver le désert où Dieu se révèle à nous?

Les célébrations eucharistiques quotidiennes ou hebdomadaires offrent des petits espaces de désert, de recueillement, de silence. Elles sont le temps privilégié de partage des itinérants que nous sommes, en quête de la cité céleste. Mais il ne faut pas se limiter à ces expériences. Il faut aménager aussi d’autres déserts dans nos vies surchauffées de préoccupations et de distractions superficielles.

Offrons-nous des déserts originaux. Fermons la radio dans la voiture pour faire la paix en dedans de nous. Laissons la télévision se reposer et assoyons-nous calmement pour respirer intérieurement. Durant nos promenades, vibrons à la beauté du monde qui nous entoure. Savourons la vie qui palpite en nous. Allons joyeusement au désert!

Chacun vit son désert selon l’appel de Dieu, au monastère ou en ville. Car il est possible de comprendre la signification du désert et de s’adonner à la vie au désert au cœur même de la cité, dans le métro et à la maison. Il faut alors la même discipline que pour le dessert!

Aller au désert, c’est…

Le sens spirituel du désert prend alors les formes suivantes. Le désert, c’est mon désert intérieur, mon vide, mes limites, ma fragilité semblable au sable instable, ma souffrance. Aller au désert, c’est s’habituer à reconnaître cette pauvreté en soi. Mais cette pauvreté est une chance : elle rend possible que j’accueille Dieu, lui qui proclame bienheureux les cœurs pauvres. Aller au désert, c’est se mettre à l’écoute, à l’attention, pour accueillir et écouter Dieu qui parle à l’intime du cœur. Et cela peut se vivre partout, même si certaines occasions et certains contextes favorisent une plus grande intensité de rencontre.

Aller au désert, c’est aussi aller à la rencontre des autres, puisque Dieu se rend présent en tout être humain. Il ne peut donc être question d’être maniaque de désert en fuyant les appels à servir, à se dépenser généreusement, à donner sa vie pour le bonheur des autres. Car les disciples de Jésus savent bien que tout désert cache un puits où ils peuvent ensemble partager la Vie.

Me voilà donc rassuré. Je peux vivre mon diabète comme un désert qui m’offre bien plus de joie et de plénitude que tous les desserts…

Je vous bénis


Jean Declos, prêtre

12:03 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |