LE RAT DES CHAMPS. (31/03/2006)
Comme le disait le psychiatre et hypnothérapeute Milton Erickson : « Votre problème, c'est votre solution ! » Nous nous trompons d’abord - et chacun à sa façon -, là où nous pensons justement travailler à une solution ! Ah, les choses ne sont pas forcément simples ! Qu'en penses-tu mon cher cousin ?
Mon cher cousin des champs,
Rassure-toi, vieux, nous n’avons pas été si bloqués que ça pendant les journées de manif. D’abord, parce qu’il est aujourd’hui possible, dans beaucoup de professions, de travailler à distance, depuis chez soi - il suffit d’un ordi et d’un branchement mail et hop, le rat est content ! Mais la partie la plus jeune de ma tribu - tu sais que c’est une belle tribu - n’a pas eu trop de problème non plus, alors même qu’il était hors de question de rester à la maison : elle s’est même fort réjouie de ce qui se passait dehors, en allant bruyamment manifester dans les rues de la capitale. Je me suis d’ailleurs bientôt retrouvé avec plusieurs vieux et vieilles rats et rates soixante-huitard(e)s de mes ami(e)s, échangeant nos impressions sur le fait que nos rejetons avaient pris notre place sur le pavé. Impressions assez diverses, allant de la franche inquiétude de certaines mères à l’incontrôlable fierté de tel ou tel ex-rongeur trotskiste, racontant comment son fiston l’avait appelé, avec son super portable permettant d’envoyer des images à l’autre bout du monde, depuis la place de la Sorbonne où il se trouvait « héroïquement encerclé », avec plusieurs centaines de ses camarades, par les troupes patibulaires du terrible Sarko. Au moment des faits, la mère du garçon (seize ans) ne parvenait pas, elle, à joindre son fiston, car ce dernier, sitôt qu’il voyait le mot « maman » s’allumer sur son téléphone, s’empressait de ne pas répondre à l’inévitable commandement maternel à rentrer illico. Par contre, quelle joie pour lui de répondre à « papa », pour raconter à ce dernier comment, lui aussi, à son tour, se trouvait à présent sur le front brûlant du Quartier Latin - allant jusqu’à filmer avec son portable, à destination de son père, la façon dont ils dépavaient la place (c’est surtout le premier pavé qui est dur à extirper, ensuite, toute la rue se détricote facilement) : en s’aidant des grilles de fer arrachées du pourtour des arbres, vieux truc d’émeutier, que lui avait précisément expliqué (enseigné !) son paternel qui, à présent, dans un bon resto bourgeois, nous narrait l’aventure d’un air hilare... Transmission du savoir, que veux-tu. Passage de relais. Chaîne admirable de la Tradition, reliant les générations les unes aux autres à travers l’espace-temps et faisant de nos enfants les descendants très loin de Spartacus lui-même…
Bon, allez, OK, j’arrête de rigoler. Mais je ne me moque pas entièrement, figure-toi. Car, même si Daniel Mermet, le fameux journaliste fétiche de France Inter (ce vieux rat que j’ai connu jadis), m’exaspère souvent par son côté politiquement correct - tellement, mais tellement correct, bon Dieu, plus correct que ça, tu meurs ! -, j’ai malgré tout compris ce qu’il voulait dire quand, dans un moment d’exaltation comme il en a souvent sur les ondes nationales, il s’est exclamé : « Ah, quelle joie de voir une nouvelle génération descendre dans la rue et découvrir la conscience politique ! » Sur le coup, il m’a agacé. Quand on entend le mot « conscience » au sens fort, franchement, quelle conscience ont développé nos enfants - qu’ils soient pour ou contre le gouvernement d’ailleurs - en ce début de printemps 2006 ? N’étant pas né en France, ayant grandi dans une culture internationale et européenne, j’ai facilement tendance à trouver, comme la plupart de nos voisins, que les Gaulois sont décidément d’incroyables baratineurs illusionnistes, qui se prennent eux-mêmes au piège de leurs boniments d'éternels révoltés... toujours emplis du rêve de devenir fonctionnaires ! Tu me parles de compatriotes expatriés : ma tribu d'origine vit aux quatre coins du monde et ne cotise à aucune sécurité sociale - les vertiges des petits frenchs d'aujourd'hui les consternent, ou les font éclater de rire ! Bref, j'en étais là...
Et puis j’ai revu ma position sur un point qui me semble crucial. Celui de la transmission, justement, du rituel de passage.
Que les grandes manifs lycéennes et estudiantines servent de rite initiatique, c’est évident, tout le monde le dit. Il ne s’écoule pas cinq ans que, hop ! faut y aller ! c’est quasi obligé, quels que soient le parti au pouvoir et la réforme proposée - avec toujours une référence forte au passé : pour les soixante-huitards, c’était un mélange imaginaire de Résistance au nazisme, de Manifeste surréaliste et de Révolution culturelle chinoise (sic) ; pour les jeunes d’aujourd’hui, une version tout aussi imaginaire de Mai 68, revu et corrigé à la façon hip-hop des ghettos américains (de toute façon, que nous le voulions ou non, nous sommes des rats de plus en plus américanisés, mais c’est une autre question). Bref, il y a du rituel de passage dans l’air. Et c’est là que je voudrais en venir.
As-tu lu « Une boussole pour la vie » de Fabrice Hervieu-Wane ? C’est un bouquin qui parle justement du manque grave de rites de passage dans notre société et de la nécessité d’en réinventer (éd. Albin Michel) si nous voulons que la civilisation perdure et surtout évolue. C’est pas évident mais passionnant. Hervieu-Wane est un excellent journaliste des questions de jeunesse. Il commence par parler des rites initiatiques qui, dans les sociétés traditionnelles, te font passer de l’âge d’enfant à celui d’adulte. Mais tout de suite, tu vois le hic : dans la brousse africaine, on me l’a bien expliqué quand j’y faisais des reportages, c’est un passage net, tu es soit enfant, soit adulte, ce sont deux statuts bien tranchés, avec leurs droits et leurs devoirs archi clairs. Or nous, modernes post-modernes, nous avons inventé une dimension radicalement neuve, qui n’existe nulle part ailleurs : la jeunesse, ce long passage qui va de la pré-adolescence à la pré-maturité et où droits et devoirs se télescopent dans un joyeux bordel…
C’est l’une des pierres d’achoppement, qui nous interdit de transposer directement le schéma des rites de passage traditionnels dans notre monde. Il y en a d’autres. Je ne t’en citerai qu’une, de taille, mais qui, elle, pourrait être très empiriquement être éliminée, ouvrant la voie à une nette amélioration des choses… sais-tu où ? Dans le monde du travail. Ce qui est à l’ordre du jour, à une époque où la question du travail angoisse tellement les jeunes gens.
C’est la psychologue-coach Maryse Delarue qui en parle excellemment, dans cet excellent livre, "Une boussole pour la vie". Cette femme a passé des années dans le monde de l’entreprise française. Sa principale mission était d’y convaincre les patrons et leurs cadres de faire bon accueil aux jeunes arrivants. Elle avait en effet constaté que, non seulement cet accueil manquait dans énormément de boites, mais qu’il était même souvent remplacé par son inverse pur et simple : une sorte de mise en quarantaine préalable. Le nouvel arrivant, qu’il soit diplômé ou pas, est a priori suspecté d’être incompétent, tire-au-flanc et arrogant. Il faut donc d’emblée lui faire comprendre qu’il a intérêt à se tenir à carreau. Ça paraît fou, mais Maryse Delarue (dont l’un des fils fait une belle carrière à la télé) semble très sérieuse : dans beaucoup d’entreprises, les seniors ont a priori peur des juniors (qui vont leur piquer leurs places) et auraient plutôt tendance à leur tendre des pièges qu’à les aider. C’est totalement stupide. La plupart des jeunes gens sont bourrés d’énergie et d’enthousiasme, surtout s’ils viennent de décrocher un premier job. Mais accueillis par une douche froide, ils ne mettent pas deux ans pour devenir comme les plus vieux : aigres, méfiants et revanchards. C’est pourquoi cette psy du travail a installé, dans pas mal de boites, des rites de passage, où les seniors accueillent les juniors de façon sereine et responsable : en transmetteurs de savoirs et de connaissance. Cela demande naturellement des seniors bien dans leurs baskets. Et là, bien sûr, le serpent se mord la queue, parce que des jeunes humiliés et mal accueillis deviendront des vieux amers qui, à leur tour, ne comprendront pas la génération montante, etc. J’en suis convaincu : l’un des problèmes de l’Occident actuel, ce ne sont pas ses jeunes, mais ses vieux, qui ne jouent pas bien leur rôle. Nous avons beaucoup de vieux sportifs et de vieux beaux (belles), mais pas assez de vieux sages ! Pas assez de visions sublimes de vieillards admirables ! Pas assez de Mathusalem passés au-delà de l’apparence des choses. La forme du monde à venir, ce sont principalement les jeunes. Mais les responsables du monde présent, ce sont principalement les vieux.
Hugh !
Embrasse ta rate.
( source : Nouvelles clés ).
20:05 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (11) | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Commentaires
Je suis d'accord avec ce que dit Maryse DELARUE. Mais personne n'en parle. Au lieu d'ouvrir les bras aux jeunes, on leur offre une "douche froide" en milieu du travail car on les trouve incapables, on ne leur fait pas confiance. Mais, il faut leur laisser le temps de se former car le monde du travail est un monde différent de ce qu'ils ont connu à l'école, au Collège et au Lycée. On ne laisse pas le temps aux jeunes de grandir...
Écrit par : elisabeth | 02/04/2006
Hé Oui, Chère Élisabeth, nous ne laissons pas grandir nos Jeunes dans la confiance. Importante cette notion de confiance envers quiconque. Nous devons accorder cette confiance afin de responsabiliser l'individu quelques soient ses actes passés. Je me souviens avoir donné la gestion de l'argent des projets des jeunes à un gars qui avait commis des braquages. Dans un premier temps, il fut surpris. Dans un deuxième temps, mon équipe me fit comprendre que j'étais tombé sur la tête...
L'ado me dit : tu sais bien que je sors de taule pour vols et tu me confies le pognon. Je lui ai répondu : Oui, j'ai confiance en toi car, c'est aussi bien ton argent.
Ne pas rester bloqué sur le passé...dépassé.
Donner sa confiance et même si celle-ci est trahie, notre honneur aura été d'avoir accordé cette confiance.
Je le répète sans cesse, un adolescent ne peut pas grandir s'il sent constamment de la méfiance de la part des adultes.
Ce jeune ne m'a volé aucun centime. Au contraire, il effectuait sa tâche consciencieusement. Il se sentait responsable de l'argent à gérer. Autrefois, au regard de son passé, personne ne lui avait accordé un geste de confiance. Maintenant, il travaille et a construit une famille sans rien occulter de son emprisonnement à ses enfants. Il m'écrit de temps en temps pour me remercier.
Je réponds toujours que le mérite lui revient. Il aurait pu me trahir et recommencer ses conneries.
Au contraire, il s'est construit progressivement puisque les autres Jeunes avaient totalement confiance en lui, par la suite.
Le drame de notre société, c'est comme vous le dites si bien, ne plus ouvrir les bras !
Notre société a peur de l'autre, des ennuis et de divers problèmes. Elle est trop frileuse. Oubliant souvent qu'elle a été jeune avec cette esprit d'insouciance qui donne de la légéreté à l'âme de nos ados.
Nous oublions TOUJOURS qu'il existe un risque d'aimer l'autre ou feignons de l'ignorer pour vivre dans la paix...des cimetières.
Le sens que j'ai donné à ma vie est d'aimer dans la force et la liberté avec tout ce que cela implique de problèmes. Mais, je ne crains point les ennuis car, les échecs sont des tremplins vers de possibles réussites.
Puissent les Adultes que nous sommes Aimer inconditionnellement avec la prudence du serpent et la tendresse de la colombe.
Je vous remercie pour votre intervention et vous souhaite un excellent Dimanche.
Très Fraternellement, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 02/04/2006
MERCI du temps que vous passez à DONNER de l'AMOUR aux autres. Vous avez dû rencontrer des échecs, bien sûr. Mais vous faites passer la confiance avant tout. Le monde actuel tourne à l'envers de vous, malheureusement.
Bonne semaine.
Écrit par : elisabeth | 02/04/2006
Merci de faire passer la confiance avant tout.
Le monde actuel tourne à l'envers de vous.
Bonne semaine.
Écrit par : elisabeth | 02/04/2006
J'ai écrit deux fois la même chose car je croyais que mon permier commentaire était tombé dans les oubliettes... Veuillez m'en excuser.
Écrit par : elisabeth | 03/04/2006
Chère Élisabeth,
Ce n'est absolument pas grave. En effet, désormais les commentaires sont modérés. Je ne pouvais pas faire porter tout le poids de ce blog à mon équipe éducative. A chaque fois que je partais, nous étions obligés de nous consulter pour savoir qui aller tenir le Blog. De plus, certains commentaires insultants commençaient à électriser tout le monde.
Attention, je ne dis pas qu'on ne peut guère affirmer un avis contraire. Mais, souvent les insultes qui visent bas sont issues de personnes d'extrême droite sur lesquelles je pisse allègrement, pour ne pas dire plus. Quand un être humain n'a plus de repères intérieurs, il tente de les trouver dans un parti politique extrême ou dans l'expression religieuse fondamentaliste. C'est l'illusion d'un force...perdue.
Ici, c'est un Blog de méditation, de réflexions, c'est ainsi que je l'ai voulu. Et non un stand politique de vieux et de vieilles qui regrettent le temps passé. Que les vieux débris du conservatisme discutent entre eux. Lorsque je les rencontre en chair et en os, je leur dis sans fioritures ma façon de penser.
Si certaines gens refusent d'évoluer, tant pis pour elles, ce n'est pas parce que je suis croyant que je refuse systématiquement toutes évolutions. Il fait avoir une grille de lecture des événements sociaux. Or, ces chrétiens à part la Bible et les encycliques de Benoît XVI, ils ne parviennent pas à décrypter les signes de notre temps. Leur religion vécue dans la soumission à l'Église les a infantilisés.
Vous savez on est toujours sali par de la boue.
Bien-sûr, je fais partie de ce qu'on appelle les "chrétiens progressistes " mais, ne refuse pas le dialogue à condition que les pensées soient étayées.
Voilà, Chère Élisabeth, en substance les raisons de cette modération.
Vous serez toujours la bienvenue en ces lieux même si vos opinions divergent.
Ne vous inquiétez donc pas pour cette erreur de manipulation qui peut arriver à chacun d'entre nous.
Je vous souhaite une ravissante journée dans la paix du coeur !
Très Fraternellement, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 04/04/2006
Bonjour Bruno,
Merci pour vos articles, ils sont vraiment fort.
Beaucoup de jeunes aujourd'hui tournent mal, à mon avis, car justement les adultes leur donne plus de confiance, ne croivent plus en eux.
Mon passé est très lourd aussi, mais le jour ou quelqu'un m'a dit, je crois en toi... cela à boulverssé ma vie et le point de vue que j'avais de moi même.
Comme il est important de dire à quelqu'un tu en vaut la peine, tu en est capable, je crois en toi, je place en toi ma confiance.
Si tout le monde parlerait ainsi je suis sûr qu'il y aurait déjà beaucoup moin de souffrances dans ce monde.
je vous invite à venir voir mon nouveau site, vu que je sais que vous avez aimé le premier...
Que Dieu vous bénisse richement et bénisse le soutien que vous apportez à ses jeunes qui souffrent.
Angélique
Écrit par : Angélique | 04/04/2006
Merci pour votre réponse. Je vous souhaite également une excellente journée. Que les gens malsains aillent créer leur propre blog... Là, ils pourront se défouler entièrement et recevoir des commentaires également. Mais que votre blog reste ce qu'il a toujours été et que nous estimons tous.
Écrit par : elisabeth | 04/04/2006
Chère Angélique,
Je suis allé visiter votre nouveau site avec ravissement et me suis permis de le mettre en première page avec les Blogs amis.
Votre site est réellement une merveilleuse expression de Foi et je tenais à le faire partager à tous et toutes qui seraient intéressés.
La beauté des photographies et des textes donnent de la profondeur à votre ministère.
Je souhaite que celui-ci perdure longtemps afin d'éveiller les âmes à l'Amour du Père !
Merci pour votre retour parmi nous et je vous souhaite une mirifique soirée dans le coeur de Dieu Amour !
QDVB
Votre Frère, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 04/04/2006
Chère Angélique,
Je suis allé visiter votre nouveau site avec ravissement et me suis permis de le mettre en première page avec les Blogs amis.
Votre site est réellement une merveilleuse expression de Foi et je tenais à le faire partager à tous et toutes qui seraient intéressés.
La beauté des photographies et des textes donnent de la profondeur à votre ministère.
Je souhaite que celui-ci perdure longtemps afin d'éveiller les âmes à l'Amour du Père !
Merci pour votre retour parmi nous et je vous souhaite une mirifique soirée dans le coeur de Dieu Amour !
QDVB
Votre Frère, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 04/04/2006
Merci cela me touche beaucoup bruno, vraiment!
merci aussi d'avoir vu la profondeur de mon site car il reflète directement le fond de mon coeur et de mon amour pour mon Sauveur.
Merci pour l'avoir mis sur votre site.. vraiment.
que le Seigneur vous bénisse et j'espère que votre santé va mieux .
Angélique
Écrit par : Angélique | 04/04/2006