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L'ART S'ADRESSE-T-IL A TOUS ? (10/04/2006)

L'opinion affirme souvent que l'oeuvre d'art aurait un sens précis, celui que l'auteur lui a donné et qu'il faut donc la déchiffrer par un effort intellectuel. Mais l'amateur reçoit l'oeuvre à travers son corps et son esprit sans disposer d'un code qui permettrait de la déterminer...

Le problème: si l'oeuvre d'art avait quelque chose à nous dire où serait le code (la langue) qui seul peut assurer la transmission d'une information. Si le dire est vie, changement, mouvement comment une oeuvre figée dans l'espace pourrait-elle épouser le devenir d'un discours?
L'enjeu: énorme, la liberté du créateur et de l'amateur, la spécificité de l'art.

Quelques pistes de réflexion pour articuler 2 parties...

  I. Si dire, c'est vouloir faire participer l'auditeur à un sens déterminé par un concept,  l'oeuvre d'art a-t-elle vraiment quelque chose à nous dire alors que...
a) Il n'y a pas de concept, de règle du beau: c'est la nature (le génie, le don) qui donne la règle de production: si le "dire" exige la maîtrise du discours, l'oeuvre pourra-t-elle transmettre un discours alors qu'elle est une surprise pour l'artiste lui-même?
b) Y a-t-il une langue, un code précis des couleurs ou des sons que l'artiste utiliserait pour être "compris? Le dire exige pourtant un code commun à l'émetteur et au récepteur;
c) L'oeuvre d'art s'adresse à la vue ou à l'ouïe, ou aux deux, par l'intermédiaire du corps: l'amateur joue librement de sa sensibilité et de son pouvoir d'interprétation. Si l'oeuvre d'art disait une chose, pourquoi la satisfaction de jouer, d'exercer librement ses facultés, disparaîtrait-elle?

  II. Si l'oeuvre d'art n'a pas quelque chose à nous dire, n'a-t-elle pas beaucoup à nous faire dire alors que...
a) Que l'oeuvre d'art multiplie les symboles (cf. Apollon de Piombino dans l'ouvrage "Les Chemin de la pensée de J. Russ p. 308, ou café de nuit de Van Gogh, ou danseuses de Degas) cela signifie-t-il qu'elle cherche à nous associer à une création?

b) En provoquant des sentiments par sa forme (ex: malaise devant Guernica de Picasso ou tristesse et résignation devant Femmes d'Alger de Delacroix), cela ne signifie-t-il pas qu'elle nous pousse à les exprimer, à les dire?

c) Chaque fois que l'oeuvre d'art étonne, éblouit, ne devient-elle pas un motif qui suscite l'activité de l'amateur comme s'il devenait créateur lui aussi?

Même si l'art ne dispose pas d'une langue qui permettrait d'emprisonner des significations et de les transmettre, il a beaucoup de choses à nous faire dire dans l'exercice de notre humanité, de notre existence libre. En conséquence, il réunit dans des échanges nombreux, sans jamais exclure au nom du concept, du vrai et du faux. Parole totalement libre sans code, l'oeuvre d'art rassemble.

 Kant: "Critique du jugement "(1ère partie: analytique du beau: en particulier la qualité, la modalité).
H. Arendt: "La condition de l'homme moderne"
Michel Haar: L'oeuvre d'art  (un aperçu dans philolivres)
Delacroix: Femmes d'Alger

Voir les pages sur l'ART dans philagora

09:13 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : SPIRITUALITÉ DE LA LIBÉRATION. |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |