HOMMAGE A RAYMOND DEVOS. (15/06/2006)
Devos, dans l'au-delà des mots
L'humoriste français Raymond Devos est décédé, jeudi 15 juin, à son domicile dans les Yvelines. Il était âgé de 83 ans
Un jongleur est mort. Avec les mots comme avec des balles, Raymond Devos était capable de prouesses et de figures surprenantes. Né le 9 novembre 1922 à Mouscron, en Belgique, fils de Louis, expert-comptable, et d’Agnès, dans une famille nombreuse de 7 enfants, il est mort de maladie à 83 ans, après cinquante années de carrière. Toujours sur scène à l’Olympia à presque 80 ans, en 1999, il avait depuis longtemps cessé d’avoir un âge précis aux yeux de son public.
Ecrire était pour lui un plaisir : « écrire n’a jamais été laborieux. C’est l’esprit qui joue sur les mots, dans des jeux où la sonorité des mots est primordiale. Brusquement, on franchit les limites de la logique, et ça tombe dans l’absurde », racontait-il à un journaliste du Figaro. Prendre les mots au pied de la lettre, interpréter, déformer, pour rebondir. Raymond Devos laisse une collection de plus de 200 sketchs ciselés, loufoques, truffés de jeux de mots hilarants et absurdes. Encore fallait-il les dire, ces textes, éviter le bide. Raymond Devos s’en acquitta avec brio.
Avec son éternel complet bleu électrique, ses bretelles et son nœud papillon, il occupait la scène avec un style, des manières qui n’appartiennent qu’à lui. Il était d’abord une voix, sonore, tonitruante, et une diction si particulière. Toujours à la limite de la suffocation, à force de surprise ou de rire. Un physique aussi, des yeux fous et un corps qui l’empêcha parfois de monter sur scène aussi souvent qu’il l’aurait aimé. Il était affaibli depuis plusieurs années par des crises de périar thrite, mais se donnait sans compter pour chacun de ses spectacles, incapable de se ménager. Autodidacte, Raymond Devos a toujours eu envie de faire rire. Petit garçon, il amusait la galerie en racontant des histoires drôles à la récréation. À son grand regret, il dut quitter l’école après l’obtention de son certificat d’études, au collège du Sacré-Cœur à Tourcoing, faute d’argent pour la suite de ses études. Il a effectué toute une série de métiers – livreur, triporteur, fort des Halles. En 1945, il prend quelques cours de théâtre au Vieux-Colombier.
Sa seule formation. De 1953 à 1955, il intègre la compagnie de Jacques Fabbri. Mais « trop bavard » pour être clown, comme il le disait lui-même, il écrit ses textes et se lance en solo. Vocation tardive, selon lui, qui intervient alors qu’il a 33 ans, « l’âge du Christ ! » soulignait-il malicieusement. Et de raconter cet épisode truculent : de passage à Biarritz, contrarié par la pluie battante qui l’empêche d’aller sur la plage, il entre dans un café. Au serveur qui lui demande ce qu’il veut, il répond : « Je voudrais voir la mer. » Le serveur réplique : « Vous ne pouvez pas, elle est démontée », et lui rebondit : « Vous la remontez quand ? » Ce fut pour lui un révélateur.
En 1956, il fourbit ses premières armes sur la scène du Cheval d’Or, des Trois Baudets et de l’Écluse, en montant notamment le numéro Les Pinsons. Il rencontre à la même époque plusieurs de ses maîtres à penser : Pierre Dac, Francis Blanche, Robert Lamoureux. Il investit pour la première fois la scène de l’Olympia en 1958. Il reviendra dans cette salle trois fois, en 1968, 1994 et 1999. Il écrit aussi des romans : Les 40e délirants en 2002, Une chenille nommée Vanessa, en 2003, et, l’an dernier, Sans titre de noblesse. Maniant la plume d’une main d’orfèvre, Raymond Devos nouait les ficelles de ses sketchs de manière très simple mais très efficace. À partir d’une situation banale (l’achat d’un billet de train pour Caen, une petite fille qui veut caresser un chien), il introduisait un élément absurde.
Le billet de train devient « un aller pour quand ? », la petite fille caresse la main du maître qui tient le chien en laisse. Ensuite, Raymond Devos déroulait à grands renforts de mimiques. De sa gestuelle spectaculaire, il faisait naître sur le plateau des scènes extraordinaires.
Il aimait à citer cette phrase de Marc Chapiro, très importante pour lui : «L’imaginaire a la valeur du réel dès qu’il est conçu selon le modèle de l’existant.» C’était sa manière de «faire rire de tout». Il a également fait quelques apparitions au cinéma, comme dans cette scène lunaire de Pierrot le fou, de Jean-Luc Godard (1965). Assis face à la mer à côté d’une petite radio qui crachote une mélodie au piano, il raconte une série d’échecs amoureux ponctuée de « Est-ce que vous m’aimeeeeez ? » pleins d’emphase. Jean-Luc Godard aurait expressément fait appel à lui pour la jouer, contre l’avis de son producteur qui estimait qu’elle était complètement inutile.
Il avait fait du monde du cirque une deuxième famille, et effectuait chaque jour des séances de « culture mimique » pour s’entraîner. Il a même sauté sur un trampoline pendant longtemps, jusqu’à ce que son corps fatigué le lui interdise. Sans doute initié par ses parents, musiciens amateurs, il découvrait régulièrement un instrument de musique et apprenait à en jouer.
À 12 ans, il s’achète une mandoline avec ses propres économies. La guitare, la clarinette, le piano, la harpe qu’il découvrit à 55 ans, et la flûte plus récemment, font partie de son univers. Toute une collection d’instruments peuplait sa maison de Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Il avait aussi du flair pour découvrir des talents et soutint Johnny Hallyday à ses débuts, contribuant à le lancer.
Si drôle à la scène, Raymond Devos avait également – c’est la condition du clown – un côté triste. Visionnaire de l’absurde à l’étrange personnalité, si voyante et encombrante à l’extérieur, mais si secret sur lui-même. Discret sur sa vie privée, il avouait son regret de ne pas avoir d’enfants. Il a été maintes fois récompensé pour son œuvre : Médaille d’Or de la Sacem en 1979 et Grand Prix de l’humour en 2001, Grand Prix du théâtre de l’Académie française (en 1986), Molière du meilleur one man show en 1989 et Molière d’honneur en 2000, et tant d’autres. Autant de médailles bien méritées, à épingler sur son large poitrail. On l’imagine rejoignant les grandes figures de l’humour qui peuplaient son Panthéon : Charlie Chaplin, Buster Keaton, Pierre Étaix, Fernand Raynaud, les Fratellini ou Grock.
Sophie CONRARD
France-Culture rediffusera samedi, de 15 heures à 17 heures, « Le Bon plaisir de Raymond Devos », ainsi qu’un florilège de ses chroniques, toute la journée. Un hommage lui est également rendu sur le site de l’INA (www.ina.fr).
L'humoriste français Raymond Devos est décédé, jeudi 15 juin, à son domicile dans les Yvelines. Il était âgé de 83 ans
Un jongleur est mort. Avec les mots comme avec des balles, Raymond Devos était capable de prouesses et de figures surprenantes. Né le 9 novembre 1922 à Mouscron, en Belgique, fils de Louis, expert-comptable, et d’Agnès, dans une famille nombreuse de 7 enfants, il est mort de maladie à 83 ans, après cinquante années de carrière. Toujours sur scène à l’Olympia à presque 80 ans, en 1999, il avait depuis longtemps cessé d’avoir un âge précis aux yeux de son public.
Ecrire était pour lui un plaisir : « écrire n’a jamais été laborieux. C’est l’esprit qui joue sur les mots, dans des jeux où la sonorité des mots est primordiale. Brusquement, on franchit les limites de la logique, et ça tombe dans l’absurde », racontait-il à un journaliste du Figaro. Prendre les mots au pied de la lettre, interpréter, déformer, pour rebondir. Raymond Devos laisse une collection de plus de 200 sketchs ciselés, loufoques, truffés de jeux de mots hilarants et absurdes. Encore fallait-il les dire, ces textes, éviter le bide. Raymond Devos s’en acquitta avec brio.
Avec son éternel complet bleu électrique, ses bretelles et son nœud papillon, il occupait la scène avec un style, des manières qui n’appartiennent qu’à lui. Il était d’abord une voix, sonore, tonitruante, et une diction si particulière. Toujours à la limite de la suffocation, à force de surprise ou de rire. Un physique aussi, des yeux fous et un corps qui l’empêcha parfois de monter sur scène aussi souvent qu’il l’aurait aimé. Il était affaibli depuis plusieurs années par des crises de périar thrite, mais se donnait sans compter pour chacun de ses spectacles, incapable de se ménager.
Livreur, triporteur, fort des Halles...
Sa seule formation. De 1953 à 1955, il intègre la compagnie de Jacques Fabbri. Mais « trop bavard » pour être clown, comme il le disait lui-même, il écrit ses textes et se lance en solo. Vocation tardive, selon lui, qui intervient alors qu’il a 33 ans, « l’âge du Christ ! » soulignait-il malicieusement. Et de raconter cet épisode truculent : de passage à Biarritz, contrarié par la pluie battante qui l’empêche d’aller sur la plage, il entre dans un café. Au serveur qui lui demande ce qu’il veut, il répond : « Je voudrais voir la mer. » Le serveur réplique : « Vous ne pouvez pas, elle est démontée », et lui rebondit : « Vous la remontez quand ? » Ce fut pour lui un révélateur.
En 1956, il fourbit ses premières armes sur la scène du Cheval d’Or, des Trois Baudets et de l’Écluse, en montant notamment le numéro Les Pinsons. Il rencontre à la même époque plusieurs de ses maîtres à penser : Pierre Dac, Francis Blanche, Robert Lamoureux. Il investit pour la première fois la scène de l’Olympia en 1958. Il reviendra dans cette salle trois fois, en 1968, 1994 et 1999. Il écrit aussi des romans : Les 40e délirants en 2002, Une chenille nommée Vanessa, en 2003, et, l’an dernier, Sans titre de noblesse.
"Faire rire de tout"
Le billet de train devient « un aller pour quand ? », la petite fille caresse la main du maître qui tient le chien en laisse. Ensuite, Raymond Devos déroulait à grands renforts de mimiques. De sa gestuelle spectaculaire, il faisait naître sur le plateau des scènes extraordinaires.
Il aimait à citer cette phrase de Marc Chapiro, très importante pour lui : «L’imaginaire a la valeur du réel dès qu’il est conçu selon le modèle de l’existant.» C’était sa manière de «faire rire de tout». Il a également fait quelques apparitions au cinéma, comme dans cette scène lunaire de Pierrot le fou, de Jean-Luc Godard (1965).
"Est-ce que vous m’aimeeeeez ?"
Il avait fait du monde du cirque une deuxième famille, et effectuait chaque jour des séances de « culture mimique » pour s’entraîner. Il a même sauté sur un trampoline pendant longtemps, jusqu’à ce que son corps fatigué le lui interdise. Sans doute initié par ses parents, musiciens amateurs, il découvrait régulièrement un instrument de musique et apprenait à en jouer.
À 12 ans, il s’achète une mandoline avec ses propres économies. La guitare, la clarinette, le piano, la harpe qu’il découvrit à 55 ans, et la flûte plus récemment, font partie de son univers. Toute une collection d’instruments peuplait sa maison de Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Il avait aussi du flair pour découvrir des talents et soutint Johnny Hallyday à ses débuts, contribuant à le lancer.
Si drôle à la scène, Raymond Devos avait également – c’est la condition du clown – un côté triste. Visionnaire de l’absurde à l’étrange personnalité, si voyante et encombrante à l’extérieur, mais si secret sur lui-même. Discret sur sa vie privée, il avouait son regret de ne pas avoir d’enfants. Il a été maintes fois récompensé pour son œuvre : Médaille d’Or de la Sacem en 1979 et Grand Prix de l’humour en 2001, Grand Prix du théâtre de l’Académie française (en 1986), Molière du meilleur one man show en 1989 et Molière d’honneur en 2000, et tant d’autres. Autant de médailles bien méritées, à épingler sur son large poitrail. On l’imagine rejoignant les grandes figures de l’humour qui peuplaient son Panthéon : Charlie Chaplin, Buster Keaton, Pierre Étaix, Fernand Raynaud, les Fratellini ou Grock.
Sophie CONRARD
France-Culture rediffusera samedi, de 15 heures à 17 heures, « Le Bon plaisir de Raymond Devos », ainsi qu’un florilège de ses chroniques, toute la journée. Un hommage lui est également rendu sur le site de l’INA (www.ina.fr).
21:35 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (5) | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Commentaires
Bonjour M. Bruno Leroy,
J'ai lu, avec beaucoup d'émotion, votre interview sur l'url ci-dessous :
http://www.lemague.net/dyn/article.php3?id_article=1825&var_recherche=leroy
Président de l'association EURO-MINORITES :
http://www.mercure5s5i.com/lenouveaumonde/groupe.php?gro=61
mais aussi du mouvement politique ARC-EN-CIEL :
http://www.mercure5s5i.com/lenouveaumonde/groupe.php?gro=60
et candidat aux présidentielles 2007 :
http://www.mercure5s5i.com/lenouveaumonde/groupe.php?gro=59
Je serai ravi de vous rencontrer.
Merci par avance de bien vouloir me contacter par email
alain.coutte@hotmail.fr
A bientôt
Alain Coutte
Écrit par : Coutte | 16/06/2006
Cher Monsieur,
Je suis allé visiter sommairement votre site. Je retournerai pour voir plus en détails l'ensemble de vos actions et projets. Tout ce que vous exprimez me paraît franchement très pertinent et surtout, exempt d'une certaine langue de bois. Ce qui est devenu rare de nos jours, il faut bien l'avouer.
Cependant, je ne saisis pas en quoi je pourrais vous être utile dans vos démarches car, je ne fais point de politique au sens où nous l'entendons couramment.
Je serai donc enchanté de savoir pour quelles raisons vous désirez me rencontrer. Sachant que vous êtes au service des plus petits. Ma voix vous est déjà acquise d'avance. Je sais reconnaître la sincérité des personnes qui défendent corps et âme toutes formes de discriminations. Et vous en faites partie.
Vous pouvez me contacter à l'adresse mail suivante : edukaction@club.fr
En attendant des nouvelles plus précises de votre part concernant une éventuelle rencontre, je vous prie d'agréer, Cher Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
Cordialement.
Bruno LEROY.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 16/06/2006
Avec Raymond DEVOS, toute une vie, un exemple, s'en va... Il avait l'âge de mon père et regrettait de ne pas avoir fait d'études mais il s'est rattrapé toute sa vie car elle était bien remplie ... Autodidacte largement...
Écrit par : elisabeth | 19/06/2006
Chère Élisabeth,
Raymond Devos était un Grand Homme qui ne faisait pas d'humour pour insulter les autres, comme certains.
Mais, il travaillait le langage pour nous faire découvrir l'absurdité de nos comportements et conditionnements.
Il était effectivement autodidacte, les études l'aurait peut-être formatée vers une autre discipline et nous n'aurions pas connu son génie.
Mais, il était également un grand passionné et ses sketches révèlent un travail de longue haleine sur les mots.
Oui, un passionné des mots ( maux ) et e la vie vient de nous quitter.
Iremplaçable personnage génial !
Merci beaucoup pour votre intervention.
Je vous souhaite une très belle soirée !
Amicalement, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 20/06/2006
Chere Sophie CONRARD
Merci de votre Beau Papier sur RAYMOND DEVOS
vous en avez saisi l'esprit , et le coeur d'un personnage cher a nous tous, et vous avez parfaitement signalé les personnages cles qui composent son Pantheon Universel de l'Humour.
sa finesse, son talent, son esprit, son humour et surtout son Coeur.
Merci a vous chere Sophie CONRARD
Jean Paul NOUCHI
jp-nouchi@hotmail.com
universal-peace-embassy@hotmail.com
Écrit par : NOUCHI Jean Paul | 21/06/2006