LE TEMPS DE L'ABSENCE. (01/09/2006)
Un homme est sur le départ, il s’apprête à un grand voyage. Il convoque ses serviteurs et leur confie ses biens. Nous ne savons pas exactement s’il répartit l’ensemble de ses biens entre ses serviteurs, mais il est clair qu’il leur donne à chacun une vraie fortune ! Même celui qui n’a qu’un seul talent n’est pas lésé.
Sans doute est-ce là une équivoque à dissiper sans tarder : ne mésinterprétons pas le sens du mot talent. Dans la parabole, le maître du domaine donne de l’argent à ses serviteurs ; il ne leur donne pas des capacités ni des aptitudes particulières, ce que nous appelons des talents. Au contraire, Jésus nous dit que ces hommes reçoivent « chacun selon ses capacités ». Le maître les reconnaissait capables de gérer cet argent car il ne leur donne aucune consigne et part sans laisser la moindre recommandation. D’ailleurs, les serviteurs prouvent que leur maître ne s’est pas trompé puisque « aussitôt » ils se mettent à l’ouvrage.
Vient alors le temps de l’absence du maître, celui où les serviteurs sont livrés à eux-mêmes. On les voit s’activer, particulièrement le troisième. Il creuse et il enfouit le trésor, dans le but de le restituer plus tard. Nous comprenons alors qu’un problème apparaît. Le maître comptait sur une compétence de ses serviteurs immédiatement exploitable pour faire fructifier son bien. Voici que l’un d’entre eux n’agit pas selon sa capacité… Que se passe-t-il ?
Le maître revient finalement de son long voyage. Il prend enfin la parole, pour le troisième mouvement de l’histoire, celui de la rétribution. Le dernier serviteur n’est pas félicité. Remarque que, lorsqu’il prend la parole, il n’évoque pas de relation entre son maître et lui : il se contente d’un portrait sévère. Il décrit son maître comme un « homme dur », qui moissonne là où il n’a pas semé et ramasse là où il n’a pas répandu le grain. Puis, clé de l’histoire, il avoue : « j’ai eu peur ».
Le maître prend à son tour la parole et confirme les observations du serviteur : « tu savais ». « Tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je n’ai pas répandu ». Mais le cœur de la comparaison n’est pas repris par le maître. Il ne se reconnaît donc pas dans l’ « homme dur ».
Ces deux éléments sont à mettre en lien. La peur a déformé le visage du maître aux yeux de son serviteur. Il a vu en lui un « homme dur », alors qu’il ne l’est pas ! Le troisième serviteur représente ainsi l’homme blessé par le péché, c'est-à-dire chacun de nous, dont la perception de Dieu est déformée. Les conséquences du péché empêchent de voir la tendresse de Dieu. Le serviteur se voit comme un esclave aliéné par un tyran. En rendant le talent qu’il a reçu, le pauvre homme cherche à se libérer de la dette de l’existence, pour être quitte avec son maître. Un peu comme un pécheur désirerait rendre sa vie et les richesses qu’il a reçues et fuir de devant la face du Seigneur. Ainsi le serviteur cherche à quitter son statut et se présente comme un simple mercenaire, un homme embauché pour une tâche mais qui bientôt partira.
Là est sans doute le drame le plus intense du péché. Le plus terrible en effet n’est pas dans l’éloignement de Dieu mais dans l’incapacité à voir qu’un retour est possible, un vrai retour, dans la plénitude l’amitié du Seigneur ! Seigneur ouvre nos yeux aux merveilles de ton amour, montre-nous ta douceur et nous cesserons d’errer dans nos solitudes. Ouvre-nous les portes de ta maison, que nous redécouvrions la joie d’être des fils.
Frère Dominique
20:55 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |