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Les richesses de la Foi. (31/08/2007)

Article de saint Josémaria publié dans le quotidien « ABC » (Madrid), le 2 novembre 1969. Il y est question de l'amour de la liberté, en tant que trésor de la vie chrétienne.

Dans ce chant aux richesses de la foi qu'est l'épître aux Galates, saint Paul nous dit que le chrétien doit vivre de la liberté que le Christ nous a obtenue[1]. Telle fut bien l'annonce de Jésus aux premiers chrétiens, qui se poursuivra tout au long des siècles : l'annonce de la libération de la misère et de l'angoisse. L'histoire n'est pas soumise à des forces aveugles ; elle n'est pas non plus le fruit du hasard. Elle est la manifestation des miséricordes de Dieu le Père. Les pensées de Dieu sont au-delà de nos pensées, dit l'Écriture[2]. Voilà pourquoi le fait d'avoir confiance dans le Seigneur signifie avoir la foi « malgré les malgrés », en dépassant les apparences. La charité de Dieu, qui nous aime de toute éternité, est derrière chaque événement, même si c'est parfois de façon cachée pour nous.

Lorsque le chrétien vit de foi —d'une foi qui ne soit pas purement verbale, mais réelle et liée à la prière personnelle—, l'assurance que procure l'amour divin se manifeste par la joie et la liberté intérieure. Alors ces nœuds qui enserrent parfois le cœur, ces poids qui écrasent l'âme se brisent et se dissolvent. Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?[3].Aussitôt un sourire nous vient aux lèvres. Un enfant de Dieu, un chrétien qui vit de foi peut souffrir et pleurer : il peut avoir des raisons de se plaindre ; mais d'être triste, jamais !

La liberté chrétienne naît de l'intérieur, du cœur, de la foi. Ce n'est pas pour autant quelque chose de purement individuel. Elle se manifeste à l'extérieur. Entre autres, par ce qui constitue l'un des traits caractéristiques de la vie des premiers chrétiens, à savoir la fraternité. La foi, cette magnificence du don de l'amour de Dieu, a permis que s'atténuent jusqu'à l'extinction toutes les différences, toutes les barrières : il n'y a ni juif ni Grec, il n'y a ni esclave, ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme : car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus[4]. Se savoir frères et s'aimer comme tels, au-delà des différences de race, de condition sociale, de culture, d'idéologie, est quelque chose d'inhérent au christianisme.

Ma mission n'est pas de parler de politique. Ce n'est pas non plus la mission de l'Opus Dei, dont l'unique finalité est spirituelle. L' Opus Dei n'est jamais entré, et n'entrera jamais dans le jeu des partis et des groupes ; il n'est en rien lié à une personne ou à une idéologie quelconque. Cette façon d'agir n'est pas une tactique apostolique, non plus qu'une attitude de pure convenance. L'Opus Dei agit ainsi par une nécessité intrinsèque, qu'exige sa nature même, marquée au coin de l'amour de la liberté, de la confiance totale dans la condition propre au chrétien dans le monde, agissant dans une parfaite indépendance, et chacun sous sa responsabilité personnelle.

Il n'existe pas de dogmes en matière temporelle. Il ne serait pas conforme à la dignité humaine de vouloir établir de vérités absolues en des matières où, nécessairement, chacun doit voir les choses de son propre point de vue, en fonction de ses intérêts propres, de ses préférences culturelles et de son expérience personnelle. Prétendre imposer des dogmes en ces domaines amène inévitablement à contraindre les consciences, à ne pas respecter son prochain.

Je ne veux pas dire pour autant que l'attitude chrétienne, quant à ces questions temporelles, doive être l'indifférence ou l'apathie. En aucune manière ! Je pense cependant qu'un chrétien doit pouvoir rendre compatibles la passion humaine pour le progrès civique et social et la conscience de ses limitations dans ses opinions personnelles, ce qui l'amènera à respecter les opinions des autres et à aimer le pluralisme légitime. Qui ne sait pas se comporter ainsi n'est pas encore arrivé au bout du message chrétien. Certes, il n'est guère facile d'y arriver, et d'une certaine manière on n'y arrive jamais, car la tendance à l'égoïsme et à l'orgueil ne meurt jamais en nous. C'est pourquoi nous avons tous l'obligation de procéder à un examen de conscience permanent, en confrontant nos actes à ceux du Christ, afin de nous reconnaître pécheurs et de recommencer. Il n'est pas facile d'y arriver, mais nous devons nous efforcer de le faire. 

Dieu, en nous créant, a couru le risque et aventure de notre liberté. Il a voulu pour nous une histoire qui soit une véritable histoire, fruit de décisions authentiques, non une fiction ou un jeu. Chaque homme doit faire l'expérience de son autonomie personnelle, avec ce que cela suppose de hasard, d'essais et erreurs, et parfois d'incertitudes. N'oublions pas que Dieu, qui nous donne l'assurance de la foi, ne nous a pas révélé le sens de tous les événements humains. À côté des choses qui sont totalement claires et sûres pour le chrétien, il en est autres, très nombreuses, qui ne peuvent faire l'objet que d'opinions, c'est-à-dire d'une certaine connaissance de ce qui peut être vrai et opportun, mais qui ne saurait être affirmé de façon irréfutable. Car non seulement il est possible que nous nous trompions, mais aussi que, tout en ayant raison, les autres l'aient aussi. Un objet qui à certains paraît concave semblera convexe à ceux qui se situent dans une autre perspective.

La conscience de la limitation des jugements humains nous pousse à reconnaître la liberté en tant que condition de la bonne entente entre les hommes. Mais ce n'est pas tout, et même ce n'est pas le plus important : la racine du respect de la liberté se trouve dans l'amour. Si d'autres pensent différemment de moi, est-ce une raison pour y voir des ennemis? L'unique raison pourrait être l'égoïsme, ou la limitation intellectuelle de celui qui pense que la seule valeur est la politique, ou les entreprises temporelles. Mais un chrétien sait qu'il n'en est pas ainsi, car toute homme a un prix infini et une destinée éternelle en Dieu : c'est pour chacun d'entre eux que Jésus-Christ est mort.

On est chrétien quand on est capable d'aimer non seulement l'Humanité de façon abstraite, mais chaque personne qui passe près de nous. C'est une preuve de maturité humaine que de sentir reposer sur soi la responsabilité des tâches dont nous voyons que dépend le bien-être des générations futures, mais ceci ne peut nous conduire à négliger la générosité et le service des autres dans les affaires plus ordinaires : avoir des attentions pour nos camarades, souffrir avec ceux qui souffrent, même si leur misère nous paraît sans importance par comparaison avec les grands idéaux que nous visons.

Parler de liberté, d'amour de la liberté, c'est poser un problème difficile, c'est parler d'une des plus grandes richesses de la foi. Car, ne nous y trompons pas, la vie n'est pas un roman rose. La fraternité chrétienne n'est pas quelque chose qui tombe du ciel une fois pour toutes, mais une réalité à construire chaque jour. Et qui doit l'être dans une vie qui conserve toute sa dureté, avec ses heurts d'intérêts, ses tensions et ses luttes, et le contact quotidien avec des personnes qui nous paraissent mesquines, et avec des mesquineries aussi de notre part.

Mais si tout ceci nous décourage, si nous nous laissons vaincre par notre égoïsme ou si nous cédons à l'attitude sceptique de celui qui hausse les épaules, ce sera le signe que nous avons besoin d'approfondir notre foi, de contempler davantage le Christ. Ce n'est qu'à cette école que le chrétien apprend à se connaître lui-même et à comprendre les autres, à vivre de telle manière que le Christ soit présent parmi les hommes.

 

[1]      Cf. Ga 4, 31 (Vg) ; Ga 5,1 (Nvg).

[2]     Cf. Is 5, 8 ; Rm 11, 33.

[3]    Rm 8, 31.

[4]    Ga 3, 28.

12:49 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |