Ce que le pape n'a pas pu dire. (18/01/2008)
Benoît XVI devait prononcer une conférence dans une université romaine, mais il en a été empêché par quelques professeurs et étudiants. Nous vous proposons l'essentiel du discours qu'il avait préparé.
Une vague de désapprobation a traversé l'Italie à l'annonce du refus de recevoir le pape. Le monde politique et culturel, de droite comme de gauche, a condamné ce geste. Le Cardinal Ruini expliquait aujourd'hui dans le Corriere della Sera ce que ce geste impliquait : refuser de donner la parole à une personne parce qu'elle ne pense pas comme ses censeurs.
Le texte du Pape étudie la distinction entre foi et raison, soulignant sa propre mission « de maintenir haut le goût de la vérité, d'inviter la raison à se remettre à la recherche du vrai, du bien et de Dieu, de l'encourager à suivre les éclairages qui scandent l'histoire de la foi chrétienne ».
Hier le Cardinal Secrétaire d'Etat a fait parvenir une lettre au Recteur de l'Université La Sapienza de Rome, exposant les raisons pour lesquelles le Saint-Père a renoncé à présider aujourd'hui la cérémonie d'ouverture de l'année académique: "Les conditions pour son déroulement serein n'étant plus réunies par la faute d'un groupe restreint d'enseignants et d'étudiants, nous avons considéré opportun de renoncer à la visite du Saint-Père, effaçant ainsi tout prétexte à de déplorables désordres... Vue l'attente manifestée par une large majorité universitaire face à une intervention de haute tenue culturelle, pouvant encourager en chacun la recherche de la vérité, le Pape a décidé de communiquer le texte" qu'il devait prononcer.
Pourquoi le pape parle dans une Université
Dans ce texte, lu ce matin à par le président de l'université, Benoît XVI évoque son intervention à l'Université de Ratisbonne, lors de son voyage de septembre 2006 en Allemagne: "Certes, je me suis exprimé en tant que Pape, mais c'est d'abord l'ancien professeur qui a parlé dans son ancienne université. Aujourd'hui, j'ai été invité en tant qu'Evêque de Rome à La Sapienza, jadis université pontificale. C'est donc en Evêque de Rome que je m'exprimerai... dans une université publique, jouissant d'une autonomie qui est en est la base, d'un principe fondateur qui constitue la nature même universitaire, exclusivement liée à l'autorité de la vérité".
Rappelant que le Pape est avant tout l'évêque de Rome, Benoît XVI explique "qu'en vertu de la succession apostolique depuis Pierre" il assume "une responsabilité épiscopale étendue à l'Eglise catholique toute entière... Or, grande ou petite qu'elle soit, la communauté dont a charge l'évêque vit dans le monde, partage ses conditions et ses péripéties. Son cheminement propre et son discours ont inévitablement un impact sur le reste de la communauté humaine".
Le Pape s'exprime en "représentant d'une communauté porteuse de savoir et d'expérience éthique, qui sont importantes pour l'humanité toute entière. Ainsi s'exprime-t-il comme représentant qu'une raison morale".
Ensuite le Pape pose la question de savoir ce qu'est l'université, sa mission.
« Son origine réelle et profonde réside dans l'appétit de connaissance caractérisant l'homme, qui veut tout savoir de ce qui l'entoure, qui cherche la vérité en tout... Mais la vérité n'est pas seulement théorie... Elle est beaucoup plus que le savoir. La finalité de cette connaissance de la vérité est de connaître le bien... Mais quel est ce bien qui nous rend vrais? La vérité nous rend bons et la bonté est vraie. C'est cet optimisme qui vit dans la foi chrétienne car elle a reçu la vision du Logos, de la Raison créatrice qui, par l'Incarnation, s'est manifestée comme Bien et Bonté à la fois ». Le Saint-Père a alors cité les universités médiévales où agissaient côte à côte la philosophie et la théologie, dans la recherche de l'homme total, sans déroger au primat de la vérité. Benoît XVI a cité ici le Concile de Chalcédoine qui affirma que "la philosophie et la théologie doivent inter-agir sans confusion ni divorce".
Philosophie et théologie : le rapport entre Raison et Foi.
"Sans confusion signifie que chaque discipline doit conserver son identité, la philosophie demeurant une recherche libre et responsable de la Raison", tandis que "la Théologie doit continuer à s'en tenir à un trésor de connaissance qu'elle n'a pas elle-même élaboré...et qui n'étant pas exploitable par la seule réflexion, alimente sans cesse la pensée qui progresse". Quant à sans séparation, cela signifie, a dit le Pape, que "la philosophie ne recommence jamais de manière isolée chaque fois qu'un philosophe se trouve à son propre point zéro. Elle prend place dans le grand dialogue de la sagesse historique...sans devoir se fermer à ce que les religions, et la foi chrétienne en particulier, ont reçu et donné à l'humanité en matière de clefs".
"De fait, une grande part de ce que dit théologie ne peut être assimilé que dans la foi, ne pouvant donc apparaître comme une obligation pour qui reste inaccessible à la foi". Il est également vrai "que le message de la foi chrétienne est...une force purificatrice de la raison...un encouragement à persévérer dans la vérité, avec une force qui s'oppose à toute pression de pouvoir comme à tout intérêt".
Puis le Saint-Père a évoqué notre société dans laquelle "se sont ouvertes de nouvelles dimensions du savoir", mises en valeur par l'université dans le champ des sciences naturelles et des sciences humaines. Parallèlement, on a heureusement assisté "à la reconnaissance des droits et de la dignité de l'homme", sans que le chemin de l'homme puisse se considérer accompli. On se trouve "devant le danger de tomber dans une déshumanisation qui n'est jamais vraiment écarté... Pour ne parler que de lui, le danger pour le monde occidental est que l'ampleur de son savoir et de son pouvoir l'emporte sur la question de la vérité. Cela signifierait aussi que la raison succombe à la fin à la pression des intérêts, à l'attraction de l'utilité, considérés comme critères ultimes".
"Il y a le danger de voir une philosophie, démissionnant de ses responsabilités réelles, se transformer en positivisme. Et celui pour la théologie et sa mission d'éclairage de la raison de se réduire à la sphère privée de tel ou tel groupe quantitatif".
Pour conclure, Benoît XVI s'est demandé ce que le Pape devrait dire ou faire dans une université : "Il est certain qu'il ne doit pas chercher à imposer autoritairement la foi à autrui. La foi ne peut être proposée que dans la liberté. Au-delà de son ministère de Pasteur de l'Église, et en vertu de la nature spécifique de ce ministère, sa mission est de maintenir haute le goût de la vérité, d'inviter la raison à se remettre à la recherche du vrai, du bien et de Dieu, d'encourager la raison à suivre les éclairages qui scandent l'histoire de la foi chrétienne".
http://www.opusdei.fr/art.php?p=26171
16:50 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |