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Tes traces dans ma vie. (12/02/2009)

       

 

A mes Sœurs moniales de Lourdes

A la fin de la retraite…

***

Seigneur,
Huit jours de silence
Pour me mettre en route
A fin de retrouver
Tes traces dans ma vie 
Que je vais re-traiter
Aujourd'hui,

Peu importe mon âge,
Je me penche sur mon passé
A la recherche des traces
Imprimées par Dieu
Les traces de Dieu sont là
Quand ceux que j'ai perdu de vue
Ne sont pas perdus du cœur.

Les traces de Dieu sont là
Sur le tas de ruines
Des fausses illusions perdues
Éclats épars des égoïsmes
Qui émiettaient ma vie.

Les traces de Dieu sont là
Dans mes mains vides
De ce que je voulais retenir
Et dans le cœur plein
Qu'il a fallut vider
De ce que j'ai tant voulu aimer.

Les traces de Dieu sont là
Quand j'ai laissé tomber
Ce à quoi je tenais tant 
Quand je n'ai fait que plier
Au lieu d'être brisé
Par mes peurs et lâchetés.

Les traces de Dieu sont là
Sur les chemins de rencontre
De gens-débout
Qui tiennent malgré tout.

Seigneur,
Que mes journées commencent toujours
En me dépossédant un peu de moi-même
Souhaitant le bonjour,
A Toi et à mes sœurs

Donne-moi d'aimer les autres
Sans éprouver de jalousie
En admirant leurs talents
Dont Tu les as gratifiés

Donne-moi, Seigneur,
L'inquiétude de les voir grandir
en Toi
Et la quiétude de me déposséder
de moi
faisant en moi le vide
que Tu puisses combler.

Donne-moi, Seigneur,
De te chercher et te trouver toujours
Au cœur de ma faiblesse
Pour construire solidement
Sur Toi, mon Roc
La fraternité quotidienne.

Que la vie communautaire
Soit communion entre nous
en Toi
et grâce à Toi
universelle communion

Donne-moi, Seigneur,
De me découvrir vulnérable
Et pouvoir passer
De la domination au service,
Du jugement à la compréhension,
De l'indifférence à la tendresse.

Donne moi, Seigneur,
De traverser la vie
Non pas en cumulant les années
Mais en désencombrant l'inutile.
Non pas en m'affirmant
Pour être devant les autres
Mais en m'effaçant
Pour être transparent
A ton vouloir devenir
Tout en tous.

Donne moi, Seigneur,
Chaque matin
De pouvoir rire de moi
Et prendre ma vie avec humour
Et chaque soir
D'avoir pris les autres au sérieux.
Et leur vie avec amour.

Donne-moi, Seigneur,
De ne pas aimer Toi et les autres …
en général
Mais de vous aimer dans le concret
De chaque instant.

A quoi bon dire :
Je vous donne toute ma vie
Si je retiens pour moi
le moment présent ?

A quoi bon dire :
Je veux vous gagner tout le monde
Si je ne supporte plus d'écouter
Toujours les mêmes
Minuscules ennuis de ma voisine ?

Seigneur,
là ou la souffrance éclabousse
le visage humain défiguré,
que, par la mienne, ta tendresse façonne
l'humain transfiguré .

Au carrefour de toutes nos rencontres
Croisement de l'humain et l'inhumain,
Fais de moi, Seigneur,
Ton sourire sur le monde
Jusqu'à l'éclat de rire
D'une humanité
définitivement fraternelle .

Que mes journées finissent toujours
En me dépossédant un peu plus de moi-même.
Souhaitant la bonne nuit à mes sœurs
Et dans mon sommeil
M'abandonnant à Toi.

°°°

frère Pedro

Lourdes, Décembre 2005

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" Ce n'est pas ce que nous mangeons qui nous nourrit mais ce que nous digérons. Ce n'est pas la foi que nous professons qui nous fait vivre mais celle que nous mettons en pratique."

"Tout ce que l'on sait ou que l'on croit savoir de Dieu est faux. Il n'y a qu'une chose à savoir de Dieu : cela dépasse l'intelligence, cela se passe aux sources de l'être, c'est que cette connaissance est un total engagement. C'est dans le renoncement à s'appuyer sur soi que l'on connaît Dieu."

"Pas de toit, pas de soi..."

"Être triste, c'est comme penser continuellement à soi-même."

"Quand vient la vieillesse, regarde, non ce qui te quitte,
mais ce qui te reste."

"Dans l'exacte mesure où tu laisses toutes choses,
Dieu arrive en portant tout ce qui est sien."

"Dieu ne peut être que pour celui qui a besoin de Lui.
Alors, il devient tout en celui-ci."

"Combien d'hommes savent tout et ne comprennent rien.
Il y en a beaucoup qui ne savent rien et comprennent tout."

"Il faut semer en hiver si nous croyons au printemps."

"Si entre nous on respire mal, c'est Dieu qui étouffe."

"Tant qu'on ne fait pas place à la souffrance de l'autre, on ne comprend rien."

"Si longue soit la nuit, elle finit toujours par faire place à l'aurore."

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« On ne devrait jamais écrire qu’au dernier quart d’heure, dans l’éblouissante lumière de la mort. » Jean Sulivan. Matinales. Aujourd’hui les ateliers d’écriture sont à la mode un peu partout, dans tous les milieux sociaux. Quand, en 1993, nous avons démarré l’atelier d’écriture à La Moquette, ce n’était pas le cas, surtout dans le monde de la rue. Notre atelier est né de la rencontre d’un groupe de journalistes avec les Compagnons de la Nuit. En effet les fondateurs du mensuel La Rue ont trouvé dans La Moquette l’espace adéquat pour l’élaboration et la mise en place de leur projet. De février à septembre 1993, une soirée par semaine a été consacrée à la discussion du projet lui-même et remplacée, dès la parution du premier numéro du mensuel (septembre 1993), par l’atelier d’écriture, dont la finalité était de produire des textes pour le journal. Une animatrice professionnelle dirigeait et animait la marche de l’atelier. Elle suggérait les thèmes, mais le travail n’était pas seulement de l’expression thématique. Il s’agissait de travailler des « formes d’écriture », afin que chacun puisse trouver la sienne. Rapidement l’atelier d’écriture est devenu un lieu de recherche et de plaisir pour ceux qui aiment l’écriture ou ont envie d’écrire, malgré les difficultés de le faire pour certains. Il n’y a pas d’histoire de niveau dans l’atelier : tous sont placés à la même enseigne pour explorer les formes variées d’écriture, dans des domaines comme la mémoire, le réel ou l’imaginaire. Quand La Rue a disparu, l’atelier d’écriture a continué, devenant une des activités qui rend présente de manière privilégiée la finalité de notre travail : procurer aux personnes l’occasion de donner. Au lieu de s’en tenir à l’image du demandeur, du pauvre, celui qui écrit offre aux autres, et à lui-même, une autre image de soi, en même temps qu’il découvre ou cultive sa créativité. Il est des événements qui bouleversent la trajectoire d’une vie. Les séquelles psychologiques affaiblissent ou empêchent la construction ou la reconstruction de la personnalité. Des carences dans les relations affectives et éducatives conditionnent le comportement dans la vie quotidienne. La vie personnelle, professionnelle et sociale des personnes à la rue témoignent d’une logique souvent répétitive dont l’issue est marquée par la souffrance et l’échec.

Faire bouger les personnes de l’intérieur

Tout cela caractérise la majorité des « clients » que les Compagnons de la Nuit rencontrent. Une grande partie du public qui vient à La Moquette présente un cumul de difficultés et d’échecs (scolaires, affectifs, professionnels), des problèmes de santé (physique et psychologique) et d’insertion sociale (pas ou peu de formation, sortants de prison ou d’hôpital psychiatrique, alcooliques, toxicos). À ces situations les réponses données par la société sont majoritairement des aides matérielles. Pour les plus cassés par l’existence, ces réponses sont, d’une part, difficiles à mettre en œuvre, en particulier pour le logement et l’emploi, et d’autre part, ne correspondent pas forcément à ce qu’il conviendrait de leur proposer pour qu’ils puissent se ressaisir. En effet, leur problématique existentielle dépasse largement celle des manques matériels. Ces manques sont à l’origine des réponses sociales : les dispositifs proposés pour les combler. Nous sommes arrivés ainsi à un système d’aide rassurant surtout pour la société qui a mauvaise conscience et se sent obligée de faire quelque chose pour les personnes à la rue. Mais ces mesures qui améliorent le quotidien s’attaquent aux symptômes plutôt qu’au fond du problème. Notre manière d’envisager le travail auprès de ces personnes en grande difficulté est de l’ordre du relationnel. D’où notre effort pour aller plus en profondeur, en faisant émerger les potentialités cachées, oubliées ou inconnues, que chacun porte en soi, par un travail d’intériorité, d’insertion en soi-même, prélude et garantie de l’insertion sociale. Il s’agit de faire bouger les personnes de l’intérieur au rythme propre à chacun. Notre travail aux Compagnons de la Nuit et particulièrement dans les activités à La Moquette (conférences-débats, rencontres, fêtes-anniversaires, revues de presse, atelier d’écriture) est de l’ordre des cadres de référence, de la manière d’être et de vivre. L’atelier d’écriture a lieu dans un espace de vie et de rencontre entre personnes différentes et au milieu d’activités diverses et souvent simultanées. Le travail d’écriture se faisant au milieu des autres, tous sont témoins de la démarche. Autour de la table des écrivains sont assises d’autres personnes qui peuvent les regarder faire ou les oublier lorsqu’ils s’adonnent à la lecture des journaux ou à la conversation à plusieurs. Le fait d’être vu pendant l’écriture n’est pas sans importance. En effet, pour certaines personnes, se montrer maladroit ne sachant presque pas, voire même pas du tout écrire, dictant le texte, est une épreuve que seul un climat de confiance peut aider à surmonter. Avoir le courage de montrer ses limites est une manière de les dépasser en donnant une image de soi plus dynamique, davantage conforme à ce qu’on veut devenir, une personne considérée, reconnue, acceptée.

De la construction de la personnalité

Les soirées à La Moquette sont à la jonction entre une dure journée à la rue et un lendemain qui ne sera pas meilleur. L’écriture peut être aussi bien le moment de vomir l’accablement de la journée que celui de se ressourcer, avant d’aller dormir. Elle peut nourrir les rêves comme alimenter le cauchemar. L’atelier d’écriture favorise le voyage à l’intérieur de soi. En effet, l’exercice de l’écriture nous permet ce voyage intérieur. Voyage d’où l’on revient par l’accouchement, la mise au monde de quelque chose qui était en nous, inconnue ou oubliée, et qui remonte à la surface à travers les sentiments exprimés, décrits, écrits. Non sans difficulté, sans sacrifice, comme l’écriture elle-même, car chaque lettre meurt à la suivante pour agencer le mot, chaque mot meurt à son tour pour laisser la place à la phrase qui trouvera sens à la lecture. C’est grâce à la phrase écrite, à la lecture pour soi et à la relecture en public, à laquelle tous sont présents, que le sens se découvre nouveau et plus dense, plus riche chaque fois. À travers le texte écrit et le sens nouveau retrouvé, l’auteur lui-même se manifeste, transformé, transfiguré. À travers cette nouvelle figure, le regard personnel et celui de l’autre se transforment à leur tour pour laisser voir, en faisant paraître à la lumière, une autre zone de la personne restée dans l’ombre auparavant. D’une certaine manière, l’acte d’écrire permet de rassembler les morceaux éparpillés à l’intérieur de la personne. C’est de la construction de la personnalité qu’il s’agit là. Les morceaux éparpillés d’une personnalité éclatée sont comme les mots pris séparément, chacun est une petite entité refermée sur elle-même. Comme les mots se transforment en s’associant dans le langage, l’homme aux sensations et sentiments éparpillés s’unifie par l’effort de créativité dans l’écriture. Cette unité intérieure, manifestée par l’écriture, lui permet d’établir un autre type de relation avec ses semblables et lui procure l’occasion de transformer sa vie. La vie est comme du vin dans un verre : le liquide opaque, présenté à la lumière et traversé par elle, devient alors rose ou rouge flamboyant. La vie, traversée par la créativité de l’écriture, se transfigure par la qualité de la relation nouvelle instaurée avec les autres. Les diverses formes d’écriture sont autant de fenêtres ouvertes vers l’intérieur. De la prose aux vers, du récit à la maxime, tout peut être occasion de relation créatrice à soi et aux autres. Souvent, c’est sous couvert de la frivolité ou de la plaisanterie que les choses essentielles sont révélées. Un autre aspect de l’écriture c’est qu’elle permet d’effacer ce que l’on porte en soi. Pour pouvoir les oublier, il faut que les choses puissent être nommées, qu’elles soient dites ou écrites. Faire remonter la mémoire pour oublier les souffrances subies efface le poids du passé qui encombre le présent de telle sorte que le futur peut être compromis à son tour. À La Moquette, les travailleurs sociaux sont totalement impliqués. Ce sont eux qui animent à tour de rôle, choisissant et proposant les thèmes qui les tiennent à cœur. Pour ce faire, ils suivent une formation permanente afin d’assimiler et améliorer leur technique sous la direction d’une professionnelle. En effet, on ne s’improvise pas animateur des ateliers. Cette maîtrise technique vient renforcer les capacités d’animation nécessaires au travail social mené à La Moquette. L’atelier d’écriture s’inscrivant dans le travail d’ensemble accompli tout au long des soirées depuis des années. Travail, donc, dans la durée. Celle-ci étant une dimension indispensable pour envisager un vrai service aux personnes en grande difficulté personnelle et/ou sociale. L’atelier d’écriture prend ainsi sa place dans la dynamique globale du travail social accompli par les Compagnons de la Nuit.

Pedro Meca, Directeur des Compagnons de la Nuit, Paris Pedro Meca vient de publier Poèmes de la nuit, aux éditions Cana.

 

20:33 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |