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Loi relative à l'immigration et à l'intégration. (05/07/2006)

La France se veut être un État de droit. Aussi, dans le cadre de la construction de cet État, s'est-elle dotée de l'institution du Conseil Constitutionnel, chargé de contrôler la conformité de la loi à la Constitution, aux libertés et aux droits fondamentaux de valeur constitutionnelle.

Le contrôle exercé par le Conseil Constitutionnel n'est pas automatique. Il doit être saisi. Seuls, le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou encore soixante députés ou soixante sénateurs peuvent soumettre une loi, non promulguée, à son contrôle. Or, pour des considérations politiciennes et électoralistes, de nombreux élus et des responsables politiques s'abstiennent, à ce jour, de saisir le Conseil Constitutionnel, le privant, dès lors, d'exercer pleinement son rôle, et ce, en dépit de l'existence de dispositions législatives manifestement contraires à la Constitution. Ce refus de saisine du juge constitutionnel tend malheureusement à devenir une pratique, qui vise à remettre en cause les fondements mêmes de la Démocratie. En outre, la saisine du Conseil ne nous garantit plus aujourd'hui du respect des droits fondamentaux, écartés pour des raisons d'opportunité. L'évolution de la jurisprudence constitutionnelle nous le prouve : si, dans un premier temps, le Conseil Constitutionnel s'est certes imposé comme le garant des libertés et des droits fondamentaux, il apparaît que ses décisions les plus récentes, notamment en matière d'immigration, s'inscrivent davantage dans une logique sécuritaire que dans une réelle volonté de protection des droits fondamentaux.

Parce que nous sommes attachés à la défense et à la protection des libertés et des droits fondamentaux qui doivent prévaloir dans un État de droit et que nous souhaitons vivre dans une société où les notions de liberté, d'égalité et de solidarité ont encore un sens, nous, citoyens, saisissons le Conseil Constitutionnel. Nous savons que cette saisine n'a pas de fondement juridique mais elle a une valeur de symbole. Elle témoigne de notre volonté de contribuer à la construction d'un véritable État de droit et de résister à la logique liberticide et sécuritaire qui prévaut actuellement.

Par cette action, nous appelons aussi à une réforme de l'institution du Conseil Constitutionnel, les carences du système actuel étant inacceptables. Nous demandons la mise en place d'une véritable juridiction constitutionnelle, qui pourrait être saisie directement par les citoyens, notamment dans l'hypothèse où un texte législatif porterait atteinte à leurs droits fondamentaux, à l'instar des cours constitutionnelles qui existent dans la plupart des États européens.

Sur l'inconstitutionnalité de la loi relative à l'immigration et à l'intégration :

La loi réforme, une nouvelle et énième fois, le droit de l'entrée et du séjour des étrangers sur le territoire français. Elle s'inscrit dans un esprit populiste et une logique sécuritaire, visant à rendre les étrangers responsables des principaux maux qui frappent la société.

Cette réforme se révèle particulièrement attentatoire et discriminante au regard des droits de la personne. Elle vise en effet à précariser et à stigmatiser la situation de tout étranger, indépendamment même du fait qu'il soit possesseur ou non d'un titre de séjour. Elle augure la disparition du droit au séjour pour toutes les personnes qui construisent leur vie en France, pour les familles, les conjoints et les enfants. Elle entérine la quasi-disparition de la carte de résident et rend les conditions d'accès à la carte de séjour temporaire encore plus difficiles, en ajoutant, comme condition à sa délivrance, la preuve d'une certaine « intégration républicaine » laissée à l'appréciation de l'administration. Le texte organise aussi le système de l'immigration jetable : les étrangers jugés « utiles » ou « talentueux » par l'administration seront seuls autorisés à venir travailler, jusqu'à ce que l'État français n'ait plus besoin d'eux. La loi évacue l'humain pour ne plus voir que la force de travail. En outre, les possibilités de contester les décisions de l'administration devant les juridictions sont réduites par la nouvelle loi, portant ainsi atteinte aux droits au juge et à une justice équitable.


Citons des exemples particulièrement attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux de valeur constitutionnelle :

1. La violation du droit à une vie familiale normale. La loi tend en effet à rendre impossible la vie familiale des personnes étrangères et des ressortissants français conjoints d'étrangers. Ainsi, le conjoint étranger d'un français ne peut obtenir un titre de séjour que s'il justifie d'un visa long séjour. En conséquence, il devra retourner dans son pays d'origine et être séparé de son conjoint pour y attendre la délivrance hypothétique d'un tel visa afin de pouvoir revenir en France et vivre alors en toute légalité auprès de son conjoint. Par ailleurs, la situation de ceux qui auraient un titre de séjour en tant que conjoint de français sera rendue précaire et particulièrement instable. La loi prévoit en effet que, désormais, la délivrance de la carte de résident relève du pouvoir discrétionnaire - soit du bon vouloir - du Préfet. S'agissant des conjoints et enfants d'étrangers en situation régulière, les conditions du regroupement familial sont encore durcies, rendant le regroupement, de fait, quasiment impossible. De même, concernant l'attribution de la nationalité française, la durée exigée de vie commune passe de 2 ans à 4 ans pour le couple mixte résidant en France et de 3 à 5 ans si le couple réside à l'étranger;

2. La violation du droit au respect de la vie privée. La notion de vie privée recouvre le droit à une vie sociale et à l'épanouissement personnel. La loi abroge la possibilité d'obtenir une carte de séjour temporaire par la preuve de la présence effective en France depuis au moins dix ans. Cette disposition était une reconnaissance des attaches personnelles, nouées par les personnes ayant vécu de longues années en France.


Il ressort de ces dispositions, particulièrement attentatoires aux droits fondamentaux, que la loi visée s'inscrit en porte-à-faux total avec les valeurs d'un État de droit et instaure une société dont nous, citoyens, ne voulons pas.

Nous condamnons donc fermement les atteintes ainsi portées aux libertés et aux droits fondamentaux par la loi relative à l'immigration et à l'intégration. Nous appelons le Conseil Constitutionnel à remplir son rôle et accomplir sa mission de gardien et de protecteur des libertés et des droits fondamentaux. Nous réclamons, à ce titre, qu'il prononce la censure de la loi relative à l'immigration et à l'intégration.
Bruno LEROY Directeur du Service Éducatif et Action sociale
Et l'Association : Place aux Droits
http://placeauxdroits.net/

09:46 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spiritualite-de-la-liberation, GAUCHE, chritianisme, social |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |