SAINT PHILIPPE NÉRI. (04/11/2006)
le saint de la joie - fêté le 26 mai
La sainteté étonnante de Philippe Neri, ce prêtre italien décédé en 1595, lui a valu de la part de Goethe le titre de " Saint humoristique ". Or ce saint de la joie a vécu à une époque des plus sombres de l’Histoire de l’Église. En effet, il a vécu non seulement durant le terrible schisme qui a engendré en peu de temps au XVIe siècle le protestantisme luthérien et toutes sortes d’autres " réformes " qui ont divisé aujourd’hui les chrétiens issus du catholicisme en plus de 30,000 Églises différentes. Non seulement cela, mais il a aussi vécu au temps la réforme de l’Église catholique qui impose une stricte discipline en mettant en place le saint-office et l’Index des livres proscrits, en resserrant de plus la sévérité de l’Inquisition. Or voilà donc que surgit grâce à l’Esprit ce saint de la joie, des excentricités, des tours pendables et surtout de la foi profonde. Saint Philippe Neri jaillit comme une lumière dans la nuit. Il y a aussi au XVIe siècle beaucoup d’autres saints merveilleux comme Thomas More, autre saint de l’humour, et Ignace de Loyola, Thérèse d'Avila et Jean de la Croix, François Xavier et François de Borgia et je ne sais trop combien d’autres.
Saint Philippe Neri, lui, est un simple prêtre séculier, originaire de Florence, qui vit durant de longues années presque sans bouger en plein coeur de Rome. Rien de si fantastique si ce n’est qu’il convertit des milliers de gens. Si bien qu’on décerne bientôt à Philippe le titre de " Réformateur de Rome ". L’illustre Henri Bremond en rajoute : " Philippe était l’un des grands créateurs de la contre-réforme, peut-être le plus grand de tous, aucun autre n’ayant sans doute travaillé avec autant de succès à modifier le visage de la Ville Éternelle en une époque totalement désespérée ". Cela dérange ses contemporains (les saints dérangent et irritent bien des gens) au point que saint Philippe est jalousé, calomnié et très souvent menacé de diverses condamnations, même par des papes. Mais il ne se décourage jamais tant son amour pour Dieu est immense. Voilà un exemple pour tous ceux que " l'Église fait souffrir " comme on dit souvent. Oui, il arrive trop souvent que ce que l'on appelle " l'Église " nous fasse souffrir. Heureusement les saints persécutés savent demeurer fidèles à l’Église.
Philippe, lui, a si bien su faire la part des choses que Dieu s'en est même servi, sans même qu'il ne s'en aperçoive vraiment, pour fonder une association de prêtres qui existe toujours et qui demeure l'une des plus importantes de l'Église: les Oratoriens. Ces prêtres oratoriens sont souvent très remarquables. Pensons au cardinal Newman dans l'Angleterre du XIXe siècle ou aux Pères Louis Bouyer et François Houang en France au XXe siècle, tous trois oratoriens, tous trois d'éminents convertis soit de l'anglicanisme, du protestantisme ou du communisme athée.
Sans doute que la joie un peu folle de Philippe Neri l’a sauvé, même si l’on sait bien que c’est surtout son attachement total au Christ qui le rendait inébranlable. Ses frasques ou ses excentricités sont paraît-il innombrables. On peut en lire plusieurs dans biographie du Père Türk. Il va même jusqu’à tirer la barbe d’un garde suisse. Son humour parfois audacieux lui attire heureusement l'estime de beaucoup de jeunes curieux qui sont alors happés par la foi profonde qui se dégage de tout ce qu’il leur raconte comme aussi de ses conseils quand il demande bientôt à se confesser.Les conversions parmi eux sont très nombreuses et parfois retentissantes. En somme, Dieu utilise le tempérament très spécial de ce prêtre un peu trop original pour permettre à des milliers de gens de se laisser prendre par sa mystique et par cet amour si particulier qui l'habite. Cet amour étrange et puissant en arrive souvent à dégager une telle chaleur qu'il ne ressent plus le froid glacial des hivers romains. On s'étonne de le retrouver en oraison sur le toit du couvent en plein hiver. Conscients de ce phénomène, on cherche à être parfois invité à mettre la main sur son coeur et l'on est bouleversé non seulement par la chaleur presque brûlante de son corps mais aussi par les battements retentissants de son cœur. Son amour pour Dieu et pour les âmes est presque sans limites. Difficile à croire au XXIe siècle, et pourtant les témoins importants sont très nombreux. Ce phénomène permet aux témoins de prendre vraiment conscience que notre Dieu est le Dieu de l’Amour.
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Son plus récent biographe, Paul Türks, oratorien allemand, a publié en 1986 un " Philippe Neri ou le feu de la joie " traduit en français et paru en 1995 chez Bayard/Centurion. Je ne saurais trop vous recommander ces 200 pages que je ne regrette pas d'avoir lues tant l'auteur m’a fait comprendre que tout n'est pas perdu aux jours sombres de l'histoire de l'Église. Au contraire, c'est le temps aujourd’hui de se laisser saisir par l'Esprit, de rejeter la crainte et le désespoir pour faire confiance aveuglément à la force de Dieu. Dieu est présent et patient, même dans le noir. Il cherche ceux qui vont oser accepter de se consacrer comme Philippe Neri à " la réforme de l'Église et qui osent le faire aussi d'une manière trop peu classique pour être facilement comprise ". Il ose même faire ce qui se fait couramment aujourd’hui depuis une cinquantaine d’années : il osait en effet serrer dans ses bras le " hérétiques ", c’est-à-dire ses frères chrétiens séparés. Voilà une frasque inspirée de l’évangile. Mais on ne comprenait pas…
A l’exemple de Philippe Néri, disons-nous bien que si l'on est vraiment sincère et fidèle, il ne nous importe peu que l'on ne soit pas compris et que l'on soit même condamné par certaines personnes influentes. Sachons que notre Église est le Corps du Christ ressuscité. Comme Philippe Néri, il suffit de vivre et de persévérer dans l’amour malgré les chagrins et les peines terrifiantes comme celles que ce saint a endurées alors qu'il était menacé par l'Inquisition, menacé aussi par un important cardinal, même par deux papes, Paul IV et Pie V. Philippe ne lâche pas. Il s'attache sans cesse au Christ et à son Église.
Son action principale est et demeure la même : réunir les jeunes de tous les horizons pour les conduire au Christ. Il a le don de les faire méditer et prier, de les faire se déplacer tous ensemble dans Rome pour se réunir ici ou là, au vu et au su de tous. Il ose même leur donner la parole. Ses jeunes dans la vingtaine s’inspirent de la Bible et surtout des Évangiles pour adresser la parole à la foule. Cela ne peut qu'entraîner d'autres jeunes de 20 ou 30 ans qui sont surpris d’entendre ainsi des jeunes qui croient au point de témoigner. Touchés par ces jeunes convertis et surtout par ce saint surprenant, il se mettent à la recherche du Christ puis finissent par se convertir en cessant de se plier aux mœurs et à la décadence de la Rome de cette époque. Il deviennent vraiment, amoureux du Christ et de son Évangile eux aussi.
Mais surtout, il faut bien spécifier que la façon de saint Philippe Néri de parler est saisissante. D’abord, sa foi est brûlante. Ses messes sont si priantes, dit-on, que personne ne peut y assister sans être bouleversé. Il ne joue pas la comédie. Il est tout simplement " prêtre " et il l’est totalement. Tout chez lui est le fruit de sa vie intérieure, même ses frasques et ses blagues. Ses sermons n’ont rien de convenu et ne sont pas des déclarations recherchées. Il parle simplement et directement, sur un ton qui pénètre les cœurs. Avec une profonde conviction qui étonne tout le monde, il émeut. Car il n’a pas peur d’émouvoir et de développer la sensibilité spirituelle de ses auditeurs.
Né à Florence le 21 juillet 1515, ce jeune Florentin est déjà un joyeux blagueur qui mêle à ses jeux la prière intense. Il est rapidement envahi par l’Esprit Saint.On dirait peut-être aujourd’hui qu’il est très tôt un charismatique. Sa plus grande expérience spirituelle lui est d’ailleurs survenue le Jour de la Pentecôte. Et comme tous les saints, il a décidé que cette expérience serait au cœur de sa vie. C’est là qu’il puise et développe une charité bien concrète pour les pauvres et un zèle missionnaire dévorant. " Il lui arrive de parcourir les rues de Florence en interpellant les passants, les exhortant à la conversion. " Il rêve brièvement de se faire moine bénédictin au Mont-Cassin, mais un fois ordonné prêtre à Rome, Dieu en fait un apôtre foudroyant de bonté et de ferveur communicatives. Sa spiritualité est très particulière. " Il ne réprouve pas la mode immorale, la richesse excessive. Il n’interdit pas les excroissances exubérantes de la culture de son temps. Il fait confiance à l’amour de Dieu qui agit dans le cœur des hommes comme du feu ". Si bien que l’on considère Philippe Néri comme le deuxième Apôtre de Rome après saint Pierre!
L’expérience de Dieu vécue par Philippe Néri est un témoignage vivant de la présence agissante de l’Esprit dans ce monde corrompu de la Renaissance. C’est un expérience contagieuse qui s’étend : qui a vu et entendu Philippe prier et célébrer l’eucharistie a acquis une connaissance plus profonde que celle qu’aurait pu lui apprendre des tas de cours de théologie spirituelle. Saint Philippe Néri lui-même voyait dans son expérience pentecostale une expérience de l’amour de Dieu. Il disait parfois : " L’amour a fait de moi une seule plaie ". C’est qu’il considérait cette blessure et cette marque de l’amour comme sa véritable souffrance. Son disciple Tarugi a témoigné lors du procès de canonisation : " Son cœur bouillonne et émet des flammes et un tel incendie qu’il en a les passages du gosier brûlés comme par du vrai feu " (lettre du 29 janvier 1586). L’amour, en somme, consumait saint Philippe Néri.
Raymond Beaugrand-Champagne
21:11 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |