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Les dix questions que soulève le second tour. (25/05/2007)

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Qui a voté pour Nicolas Sarkozy ?

Les hommes (54 %) ont un peu plus voté que les femmes (52 %) en faveur du futur président de la République (1). À noter toutefois que, comme à chaque élection présidentielle depuis 1988, les hommes comme les femmes ont placé le même candidat en tête du second tour.

L’âge, en revanche, reste globalement une variable explicative du vote : 61 % des 60-69 ans et 68 % des 70 ans et plus ont voté pour Nicolas Sarkozy. Cet ancrage à droite des personnes âgées est une constante sociologique.

À l’opposé, les 18-24 ans ont porté Ségolène Royal en tête (58 %), comme les 45-59 ans (55 %). La candidate PS retrouve donc l’électorat jeune de François Mitterrand en 1981 et 1988, que Jacques Chirac était parvenu à séduire en 1995 avec son discours sur la « fracture sociale ». En croisant ces deux variables, l’électeur type de Nicolas Sarkozy est soit un homme de moins de 35 ans, soit une personne de plus de 60 ans. Celui, ou plutôt celle, de Ségolène Royal est une femme de 35 à 59 ans.

En ce qui concerne les catégories professionnelles, ce second tour a confirmé les tendances sociologiques lourdes. Les artisans et commerçants (82 %), ainsi que les agriculteurs (67 %), ont plébiscité Nicolas Sarkozy. Tandis que les ouvriers, qui avaient placé Jean-Marie Le Pen en tête du premier tour, ont majoritairement voté pour Ségolène Royal (54 %), de même que les salariés du public (57 %) et les chômeurs (75 %).

Enfin, les deux candidats en lice au second tour font jeu égal dans les villes de plus de 100 000 habitants et dans l’agglomération parisienne, tandis que Nicolas Sarkozy obtient 57 % dans les communes rurales.

Comment le PS interprète-t-il sa défaite ?

La série est douloureuse. Pour la troisième fois consécutive, après 1995 et 2002, le PS perd l’élection présidentielle. L’échec est cette fois d’autant plus cuisant que les socialistes ont longtemps été persuadés que cette échéance serait la leur, après les victoires retentissantes aux régionales et aux européennes de 2004.

Ces certitudes n’ont pas résisté à la campagne. Vu du PS, le paysage politique semble aujourd’hui bien désolé. « Si on regarde lucidement, à 46 %, on est dans l’étiage de la gauche lorsqu’elle va mal », assure ainsi un proche de Laurent Fabius. Autrement dit, pour les fabiusiens, « la danse du ventre autour de Bayrou n’a rien changé ».

D’autres estiment que le mal vient d’ailleurs. François Hollande met en cause l’incapacité du PS à renvoyer Nicolas Sarkozy à son statut de « candidat sortant ». Pour les amis de Dominique Strauss-Kahn, c’est tout le logiciel du PS qui est périmé. Lui estime même que tout s’est joué dès le premier tour. La candidate aurait fait le plein à gauche en prenant le risque de désorienter l’électorat plus modéré. Elle aurait alors ouvert un espace au centre sur lequel François Bayrou a fait son miel.

Surtout, pour les strauss-kahniens, l’échec du dimanche 6 mai est à mettre au passif d’un PS incapable de se moderniser. Une attaque en règle contre François Hollande, premier secrétaire depuis dix ans, qui trouve des échos jusque chez les royalistes. « On n’a pas fait ce que l’UMP a fait, une vraie révolution idéologique », se désolait lundi Jean-Louis Bianco sur i-Télé.

Pour qui ont voté les électeurs de François Bayrou ?

Jeudi 3 mai, François Bayrou avait indiqué qu’il « ne voter(ait) pas Sarkozy ». Parmi ses électeurs du premier tour, 40 % ont toutefois voté Nicolas Sarkozy au second. Tandis qu’entre 38 et 40 % ont préféré Ségolène Royal et entre 20 et 22 % se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul. Il s’agit du plus mauvais report de voix du centre vers la droite entre les deux tours d’une élection présidentielle.

En 1965, selon un sondage préélectoral de l’Ifop, 61 % des électeurs de Jean Lecanuet au premier tour ont voté pour Charles de Gaulle au second, et 39 % pour François Mitterrand. Jean Lecanuet avait pourtant marqué sa préférence en faveur du candidat de la gauche en déclarant : « Mes suffrages ne vont à personne, mais les conceptions de M. Mitterrand sont très proches des miennes. »

En 1988, selon un sondage postélectoral de la Sofres, 81 % des électeurs de Raymond Barre au premier tour ont voté pour Jacques Chirac au second, 14 % ont voté pour François Mitterrand et 5 % se sont abstenus. L’électorat de Raymond Barre en 1988 se positionnait de façon très différente de celui de François Bayrou : seuls 5 % des barristes de 1988 se disaient de gauche, contre 33 % des bayrouistes de 2007 (sondage Sofres du jour du vote).

Avec un vote se ventilant au second tour à parts égales entre le candidat de droite et celle de gauche, François Bayrou possède un véritable électorat centriste.

Pour qui ont voté les électeurs de Jean-Marie Le Pen ?

Le 1er mai, Jean-Marie Le Pen avait appelé à « une abstention massive » pour le second tour. Seulement 19 à 25 % de ses électeurs du 22 avril ont suivi cette consigne de vote ou ont voté blanc ou nul. Au premier tour, Nicolas Sarkozy avait déjà, comme le dit Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof), « siphonné » l’électorat d’extrême droite, le vote Le Pen diminuant pour la première fois à une élection présidentielle.

Au second tour, entre 63 et 66 % des électeurs de Jean-Marie Le Pen ont voté pour Nicolas Sarkozy dimanche 6 mai, contre 12 à 15 % pour Ségolène Royal. Il s’agit, depuis 1988, du plus mauvais report de voix de l’extrême droite vers la gauche entre les deux tours d’une élection présidentielle.

En 1988, selon un sondage postélectoral de la Sofres, 65 % des électeurs de Jean-Marie Le Pen au premier tour ont voté pour Jacques Chirac au second et 19 % pour François Mitterrand. En 1995, toujours selon une enquête postélectorale de la Sofres, 51 % des électeurs de Jean-Marie Le Pen au premier tour ont voté pour Jacques Chirac au second et 28 % pour Lionel Jospin.

Nicolas Sarkozy retrouve donc un report de voix comparable à celui de Jacques Chirac en 1988, alors qu’au premier tour la composition de l’électorat de Jean-Marie Le Pen était a priori plus que jamais défavorable à la droite, puisqu’il était composé à 49 % d’ouvriers (27 % en 1995, 16 % en 1988). C’est la seule catégorie professionnelle où, au second tour, Ségolène Royal devance nettement Nicolas Sarkozy (54 % contre 46 %).

L’UMP est-elle sûre de gagner les élections législatives ?

Elle part en tout cas en position de grande favorite. À chaque fois que des élections législatives se sont déroulées dans la foulée d’une élection présidentielle, elles ont donné une majorité au président nouvellement élu, même s’il ne s’agissait que d’une majorité relative en 1988.

Un sondage de l’institut CSA dimanche, après l’annonce de la victoire de Nicolas Sarkozy, donne l’UMP en tête des partis avec 35 % d’intentions de vote contre 30 % au PS, 15 % au futur Mouvement démocrate de François Bayrou et 8 % au FN. En 2002 l’UMP avait obtenu au premier tour 34,40 % des voix.

Nicolas Sarkozy ne laissera à personne d’autre le soin de mener cette bataille. Il a prévenu avant son élection qu’il allait « s’engager fortement » dans la campagne afin de se doter d’une majorité suffisamment large pour mettre en œuvre son programme. Avec 365 députés, l’UMP dispose déjà d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale. L

L’objectif est de la conforter voire de l’amplifier. Pour y parvenir, le nouveau président élu travaille à un « pacte présidentiel » pour les législatives sur lequel se retrouveraient ceux qui l’ont soutenu « à l’UMP et parmi d’autres sensibilités », a précisé lundi Luc Chatel, l’un des porte-parole de l’UMP. Il s’adressera en priorité aux 22 députés UDF sur 29 qui ont appelé à voter pour Nicolas Sarkozy entre les deux tours.

Car le score de l’UMP pourrait dépendre de la stratégie électorale de François Bayrou et du nombre de triangulaires que ses candidats pourraient avoir à affronter si l’UDF, futur Mouvement démocrate, et le FN parviennent à se maintenir dans de nombreuses circonscriptions.

Quel avenir pour Ségolène Royal ?

«Le drapeau de la gauche est à terre », a lancé dès dimanche soir Laurent Fabius, sans préciser qui pourrait le ramasser. Ségolène Royal ? Voilà bien la question qui agite le PS et tend les rapports entre les « éléphants ».

Ségolène Royal n’avait pas encore, lundi en milieu de journée, précisé ses intentions. Mais elle a fortement suggéré qu’elle entendait bien poursuivre sur sa lancée : « D’autres rendez-vous démocratiques nous attendent et je continue le combat commencé avec vous. » Pour prétendre mener la bataille, la candidate dispose d’un argument choc : les 16,8 millions de voix rassemblées sur son nom. Plus qu’aucun autre candidat de gauche n’en a jamais réuni, victoires mitterrandiennes comprises.

« Ségolène a déclenché un mouvement. Elle demeure notre meilleur atout pour poursuivre la rénovation engagée au PS », assure ainsi le sénateur David Assouline. Au PS, tous ne sont évidemment pas de cet avis. « Elle a une place à part, concède un proche de Martine Aubry. Mais si elle veut nous faire croire qu’on a gagné et qu’on doit continuer sans rien changer, il va falloir la ramener sur terre. »

Déjà, chacun pousse ses pions. François Hollande assure qu’il revient « au premier secrétaire, avec tous les talents » de relever le défi des législatives. Laurent Fabius plaide pour une direction de campagne collective. Une façon de rappeler qu’il entend y prendre toute sa part. Dominique Strauss-Kahn affiche son ambition de continuer à son compte l’ouverture au centre. « Un ton de règlement de comptes », s’insurge déjà le royaliste Jean-Marc Ayrault.

Quelle stratégie pour Bayrou ?

François Bayrou lancera jeudi 10 mai le Mouvement démocrate, auquel il est d’ores et déjà possible de « pré-adhérer ». Selon les premiers sondages consacrés aux élections législatives, le parti obtiendrait entre 12 % (Ifop) et 15 % (CSA) des voix les 10 et 17 juin prochains.

L’UDF est actuellement coupée en deux. D’une part, la majorité des militants et le noyau dur des bayrouistes, favorables à la poursuite d’une ligne centriste à équidistance de la droite et de la gauche.

D’autre part, la majorité des élus qui ne veulent pas se couper de l’UMP et de leur électorat de centre droit. L’heure du choix semble avoir sonné. Dès lundi 7 mai, les partisans de Nicolas Sarkozy ont annoncé le lancement d’un « pacte présidentiel » ouvert aux candidats se reconnaissant dans la nouvelle majorité. À commencer par les élus UDF qui ont déjà signé l’« appel aux élus locaux UDF pour une majorité unie autour de Nicolas Sarkozy », lancé quelques jours après le premier tour par Gilles de Robien et André Santini.

Les élus UDF devront donc choisir entre le Mouvement démocrate et le « pôle centriste » de la majorité présidentielle. Avec un enjeu majeur pour François Bayrou : la survie d’un groupe parlementaire après les législatives. Ce qui, en raison du mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, semble compromis si le Mouvement démocrate refuse de nouer une alliance entre les deux tours.

Le Pen peut-il endiguer le déclin du FN ?

Jean-Marie Le Pen a subi, coup sur coup, deux camouflets. Non seulement il a perdu un million de voix au premier tour (avec 10,44 % des suffrages) par rapport à 2002, mais en plus la consigne de « s’abstenir massivement » qu’il avait donnée à ses électeurs n’a pas été suivie. Il va par conséquent être difficile pour lui d’endiguer le déclin du FN.

Sa volonté affichée de miser sur « un redressement » de son parti aux élections législatives de juin est destinée surtout à maintenir ses militants en ordre de bataille. Certes, les candidats FN pourront gêner les candidats UMP. Mais le scrutin majoritaire n’a pas jusqu’à présent profité au parti et, lors de la présidentielle, Nicolas Sarkozy a capté dès le premier tour les voix de nombreux électeurs frontistes.

En réalité, sa seule chance de rebond, Jean-Marie Le Pen, qui aura 79 ans le 20 juin, la voit dans les éventuelles difficultés que Nicolas Sarkozy pourrait connaître. Ainsi, le chef frontiste a cherché, lundi, à exploiter les incidents qui ont suivi l’élection du candidat UMP dimanche soir.

Il a aussi répété que « Nicolas Sarkozy ne tiendra pas ses promesses », certain que dans ce cas les anciennes voix lepénistes reviendraient au bercail. Mais, à moyen terme, la question de savoir qui reprendra le flambeau du FN est posée.

Quel est l’enjeu des législatives pour les autres partis ?

L’élection présidentielle a contribué à rebattre les cartes de l’échiquier politique, notamment à gauche. Les scores historiquement bas enregistrés notamment par les candidates du PCF, Marie-George Buffet (1,93 %), et des Verts, Dominique Voynet (1,57 %), posent la question de l’avenir politique et de la représentation au Parlement de ces formations.

Selon un sondage CSA réalisé dimanche 6 mai, le Parti communiste recueillerait 2 % des voix aux élections législatives du 10 et 17 juin et les Verts 1 %.

Le problème se pose avec plus d’acuité pour les Verts dont la représentation à l’Assemblée nationale – trois députés – ne repose que sur l’alliance contractée avec le PS. Aucun accord électoral n’a pour l’instant été conclu avec la formation de François Hollande. Mais le parti écologiste, qui réclamait à son allié un coup de pouce afin d’obtenir une vingtaine de députés (le minimum pour constituer un groupe parlementaire), va sans doute devoir revoir ses ambitions à la baisse.

Pour le PCF, qui compte 21 députés à l’Assemblée, l’objectif est simple : il faut sauver son groupe parlementaire, menacé par son inexorable déclin dans les urnes. S’il peut espérer conserver quelques bastions historiques, il devra pour assurer l’avenir du groupe négocier un accord de désistement au second tour avec le PS. Or, cette stratégie fait débat au sein du PCF où les refondateurs seraient favorables à des candidatures uniques de la gauche de la gauche.

Ces élections seront d’autant plus déterminantes pour ces deux formations que leur financement dépend largement des aides de l’État, qui sont calculées pour moitié en fonction des résultats aux législatives et pour moitié en fonction de leur représentation au Parlement. En 2006, le PCF a touché plus de 3,7 millions d’euros à ce titre et les Verts un peu plus de 2 millions d’euros.

Comment expliquer la forte participation des Français ?

Les Français se sont une nouvelle fois déplacés en masse dimanche : 83,97 % (soit 16,03 % d’abstentions) des électeurs inscrits ont voté. Une participation légèrement améliorée par rapport à celle du premier tour : 83,77 % (16,23 % d’abstentions).

Ces chiffres sont nettement supérieurs à ceux de 2002 (71,6 % et 79,7 %). L’intérêt des électeurs s’est ainsi confirmé. Même si les chiffres des seconds tours de 1974 (87,33 %) et 1981 (85,85 %) ne sont pas atteints, l’élection présidentielle de 2007 a battu le record du nombre de votants : du fait du chiffre inégalé d’inscrits (44,5 millions), jamais autant de Français – près de 38 millions – n’avaient déposé le même jour un bulletin dans l’urne.

Cette mobilisation s’explique par plusieurs facteurs, selon les politologues. En premier lieu, la mémoire du « traumatisme » du résultat du 21 avril 2002, qui avait vu la France secouée par des manifestations contre Jean-Marie Le Pen dans l’entre-deux-tours, a poussé plus que jamais, notamment les jeunes, à s’inscrire et à voter.

Ensuite, les électeurs ont été attirés par le renouvellement des personnalités en lice (les trois principaux candidats étaient des quinquagénaires) et de leurs discours (le thème de la rupture a été commun aux trois).

Enfin, les deux crises majeures que furent les émeutes urbaines de l’automne 2005 et la protestation contre le contrat première embauche (CPE) expliquent la remontée de la participation. Il faut toutefois rappeler que, de toutes les élections, c’est la présidentielle qui enregistre le plus souvent la participation la plus forte. S’il y a rebond citoyen, il devra donc être confirmé aux législatives de juin.

Bruno LEROY.
Source : La Croix.

20:14 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne, politique |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |