UNE VIE LIBÉRÉE DE SES CHAÎNES. (04/03/2009)
La vie est une série de Pâques, c'est-à-dire de naissances impliquant le consentement à une mort préalable ; depuis la sortie du sein maternel, jusqu’au dernier soupir, où nous devrons accepter de mourir à notre vie naturelle pour entrer dans la vie de Dieu lui-même. Entre ces extrêmes, deux autres étapes sont fondamentales : le passage de l’enfance à l’adolescence, et celui de l’état adulte à la maturité, c'est-à-dire à la découverte de notre identité véritable. Or devenir soi-même ne peut se faire qu’au prix d’une mort aux personnages que nous avons endossés pour paraître aux yeux des autres - et des nôtres. Ce passage est particulièrement délicat, car il se fait le plus souvent à l’occasion d’une épreuve, d’un échec, d’une « crise » qui remet en cause ce que nous avions soigneusement mis en place. La liturgie de ce jour présente le franchissement de cette étape déterminante par deux personnages clés de l’histoire sainte : Abraham qui ouvre la lignée des patriarches, et Jésus qui scelle l’Alliance définitive. A Abraham, le Seigneur demande de lui « sacrifier » son enfant, c’est-à-dire de le « rendre sacré » en l’offrant au Dieu de la vie. Le cheminement du patriarche le conduira à découvrir que pour pouvoir transmettre la bénédiction divine conformément à sa mission, il lui faut immoler sa paternité possessive, symbolisée par le bélier. L’épreuve de Jésus fut bien plus radicale encore : ce n’est pas à un aspect inauthentique de lui-même qu’il est invité à mourir, mais à sa volonté naturelle de vivre. Tous autant que nous sommes, nous subirons notre mort, cette dernière Pâque qui nous introduira dans la définitivité de la vie éternelle. Jésus, lui, a dû la choisir délibérément ; car lui qui n’avait pas été effleuré par le péché, ne devait pas goûter la mort. S’il est passé par ce chemin, c’est uniquement par solidarité avec nous, et afin de pouvoir déverser dans notre mort la vie divine qu’il tient du Père. Sur la montagne, en présence de trois de ses proches auxquels il venait d’annoncer sa Passion prochaine, Jésus s’est offert intentionnellement au Père pour le salut du monde ; il a fait son choix : il ira jusqu’au bout. Par ce libre consentement à sa mission, son humanité adhère pleinement à son identité véritable de Fils unique que « le Père a livré pour nous tous » (2nd lect.). La lumière resplendissante que contemplent les apôtres n’éclaire pas leur Maître de l’extérieur, mais de l’intérieur : elle jaillit du plus profond de sa divinité, d’où elle illumine son humanité. La voix dans la nuée confirme l’option que Jésus vient de faire : il est le Fils bien-aimé, celui qui accomplit la Parole annoncée par la Loi et les prophètes ; c’est lui désormais qu’il nous faut écouter. Moïse et Elie peuvent disparaître : tout est dit en Jésus-Christ.
Chacun de nous un jour ou l’autre, est invité à offrir son « Isaac », à accepter de mourir à ce qu’il y a d’inauthentique en nos vies, pour accéder à notre identité profonde. Certes nous désirons tous devenir nous-mêmes ; mais sommes-nous prêts à payer le prix ? Combien d’entre nous résistent à faire le grand saut, car il s’agit de mourir avant de renaître : il faut en effet accepter de perdre, sans savoir par avance ce que nous trouverons. Ne croyons pas que Dieu prenne plaisir à notre souffrance : « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens ! » (Ps 115). Il désire ardemment « briser nos chaînes », mais il ne peut le faire sans notre consentement. Pour oser le grand passage, puisons notre courage dans la parole de l’Apôtre : « Si Dieu n’a pas refusé son propre Fils, alors comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout ? » (2nd lect.). Oui nous le croyons : grâce au Christ, chacune de nos « morts » est devenue un passage dans la vie, une vie toujours plus pleine, plus authentique.
20:19 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Commentaires
Comment voit-on ce à quoi nous devons mourir pour devenir enfin nous-même ?
Écrit par : Damien POnçon | 07/03/2009
Cher Damien,
Lorsque nous effectuons des actions qui génèrent l'angoisse, le stress, la peur, la déprime...etc. Alors, nous devons nous poser la question de savoir si nous sommes à même de gérer certaines situations. A partir, du moment où un être Humain ne s'épanouit pas dans un domaine précis qu'il soit artistique, littéraire, social, relationnel... Il doit effectuer un travail sur lui-même pour recouvrer une harmonie de vie.
Nous devons mourir à nous-mêmes lorsque l'incohérence entre nos pensées et nos actes se fait jour.
Il faut alors retrouver une assise intérieure, seule substance de l'individu qui demeure imperturbable, inaliénable.
Les convictions intérieures peuvent certes évoluer, heureusement d'ailleurs, cependant elles restent la force d'appui de la personne si son environnement chavire.
Si cet équilibre n'est pas maintenu souvent la personne sombre dans une dépression grave, voire pathologique.
Mourir à nous-mêmes remet en questions pas mal d'acquis conditionnés par la société. Se réapproprier un esprit critique, c'est déjà mourir un peu à soi-même pour découvrir de nouveaux horizons insoupçonnés car, sommeillent dans l'individu des potentialités souvent étouffées par une éducation trop formaliste, n'autorisant pas l'épanouissement des talents que chacun possède intrinsèquement.
Merci, Cher Damien, d'être venu faire un tour sur mon modeste Blog. Sachez que je n'ai fait que répondre très succintement à votre question très enrichissante !
Au plaisir de vous lire et excellent week-end à vous !
Fraternellement, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 07/03/2009
Pour compléter (un peu) la réponse de Bruno à Damien, j'ajouterai que nous n'avons pas trop à nous turlupiner pour savoir "comment voir ce à quoi nous devons mourir pour devenir enfin nous-même" : l'entourage le "voit" généralement mieux que nous ! Si je place des guillemets, c'est parce que ce même entourage sait fort bien jouer de ses complicités pour s'éviter de mourir à ce à quoi il devrait mourir, fustigeant celui qui "voudrait devenir enfin lui-même" en cultivant l'art de le presser à RESTER comme il est, de crainte qu'il ne devienne un reproche vivant, parce qu'un tantinet trop révélateur de "ce qu’il y a d’inauthentique en nos vies"...
"Si cet équilibre n'est pas maintenu souvent la personne sombre dans une dépression grave, voire pathologique." En un sens, oui. Mais qui dit "dépression" sous-tend précisément une réaction à des PRESSIONS contraires, souvent énormes parce que collectives. Pressions allant dans le même sens : celui de déstabiliser un "équilibre maintenu" par un seul contre tous. Vraisemblablement une période charnière pour reconnaître entre mille un de ces moments où "nous devons mourir pour devenir enfin nous-mêmes"... ou nous couler dans le moule afin de sortir de la "dépression". Ce "mal du siècle" qui -s'il n'est pas sans réelles incidences somatiques- est l'un des plus injustes qui soit, parce qu'il est toujours traité comme une souffrance UNIQUEMENT personnelle alors qu'il est l'expression d'une souffrance éminemment collective (d'une collectivité FIGÉE dans ses "convictions intérieures") se projetant sur un bouc émissaire, SEUL chargé de l'apaiser. C'est là aussi que se révèle douloureusement "l'incohérence entre les pensées et les actes qui se fait jour"... mais pas exactement où l'on pense !
Sujet inépuisable (mais parfois épuisant !) s'il en est...
Bien fraternellement,
Écrit par : Michel de Tiarelov | 11/03/2009
Merci pour vos réponses.
Je me retrouve dans le fait que quand l'équilibre est rompu, la dépression pointe sont nez... et que le désespoir est au rendez-vous.
Qu'il n'y a pas 36 manières de retrouver l'équilibre:
- rejoindre le moule
- ou lâcher quelque chose.
Je rejoins THIERRY VISSAC qui affirme, entre autre, que le fond du problème est que nous bâtissons nos vies sur l'idée fausse que le monde, l'autre est dangereux !
Je ne suis pas si sûr que la dépression soit l'expression d'une pression collective. Ce point de vue voudrait dire que le collectif attend de nous quelque chose. Que si nous nous sentons incapable de lui donner, nous sombrons.
Pourtant, celui qui a « le courage d’être soi » est admiré par la majorité, jalousé aussi, alors que celui qui ne veut qu'être aimé dérouille souvent au point de sombrer dans la dépression. Celui là a peut-être à découvrir qu'il doit prendre sa place à sa manière pour que l'autre lui fasse une place !
Ce qui revient à se faire confiance, quitte à déplaire. Ce serait inverser les choses. Plutôt que de bâtir sa vie sur la peur du collectif et être rejeté, oser vivre en fonction de sa boussole intérieure et se rendre compte que c'est bon pour soi comme pour le groupe.
N'est ce pas cela le début de la liberté dont parle "les éveillés" ?
Il y a certes un risque. Le christ n'a pas été rejeté, des millions de personnes le louent. Mais il a quand même focalisé sur lui de fortes haines et s'est fait massacré, ce qui a servi sa gloire.
Écrit par : Damien | 24/03/2009