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L’humour est un des attributs de Dieu. (16/02/2007)

Dans son livre Le nom de la rose, Umberto Eco fonde toute l’histoire de son roman, sur une interrogation très troublante qui a perturbé beaucoup de théologiens : “Le Christ a-t-il jamais ri ?” Au-delà de cette question se pose le problème, de l’humour en général et du rire dans la tradition chrétienne. Pourquoi le christianisme, la religion de “la joie qui demeure” et des félicités éternelles, a-t-il été longtemps si sévère à l’égard du rire, considéré comme un abandon, vulgaire et obscène ? Serait-ce l’influence d’Aristote qui voyait dans le rire “une grimace de la laideur, un ennemi de la bienséance” ? Le verdict divin de la Genèse, la sanction de Yahvé, terrible à beaucoup d’égards, n’a jamais empêché l’homme de rire !

Et pourtant, le clergé recommandait à certaines époques de ne pas rire pendant les périodes de pénitence, le carême par exemple. Saint Louis ne riait pas le vendredi. Certes, Jésus ne rit pas dans les Évangiles, mais cela ne signifie pas qu’il n’ait jamais ri. Je n’imagine pas un seul instant un Jésus compassé et sérieux... comme un pape. Il était, à n’en point douter, tout amour et tout humour. À moins que pour ceux dont la foi est fondée sur la peur, l’humour, en tuant la peur, les entraîne à tuer leur foi... Ceux dont la foi est fondée sur l’amour du prochain, comme beaucoup de prêtres et de moines que j’ai rencontrés, ont bien compris que plus ils riaient, plus ils se rapprochaient de Dieu. Un saint triste sera toujours un triste saint.

“L’humour est un des attributs de Dieu” écrivait Chesterton, ce dont Cocteau , le poète qui sauve le feu dans les incendies, n’a jamais douté. Quelqu’un lui demandait un jour : “Que direz vous à Dieu quand vous le rencontrerez ?” Réponse du maître : “Je lui dirai : Permettez-moi de vous saluer, Seigneur, il y a bien longtemps que je ne vous ai jamais vu”. Les éveilleurs de toutes les traditions, d’Orient et d’Occident, enseignent par des anecdotes, des paradoxes, des paraboles, des histoires souvent très drôles, qui enrichissent plus efficacement que beaucoup de discours prétendument philosophiques.

Le reproche que l’on pourrait faire à la philosophie occidentale, c’est d’être parfois trop guindée, raidie par la logique aristotélicienne de non-contradiction et la crainte des paradoxes qui sont pourtant “une forme supérieure de pensée”, selon le physicien Jean Charon. Un bon professeur de philosophie devrait toujours être drôle. Hélas, beaucoup de nos philosophes fonctionnaires, qui répètent des citations et chérissent des opinions, sont souvent tourmentés, rarement joyeux et, par voie de conséquence, loin d’être sages.

Quelques connaissances conceptuelles ne justifient pas que l’on se prenne au sérieux. La réussite de quoi que ce soit d’intellectuel le justifie encore moins. Il est bien rare que nous n’ayons pas quelqu’un à remercier. Alors, évitons de nous gonfler d’orgueil comme l’âne porteur de reliques de Jean de La Fontaine, parce que nous sommes dépositaires de ce que l’on a bien voulu nous donner.

13:40 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |