LA FOI RÉVOLTE DES CONSCIENCES. (30/03/2007)
Jésus a communié à notre souffrance jusque sur la Croix. Mais sans résignation. Il n’est pas venu nous dire de tout supporter patiemment avec pour seule consolation sa présence. Nul compromis ni demi-mesure dans l’histoire de Jésus, mais une ardeur de vivre et un élan irrésistible. La foi chrétienne n’est pas dolorisme mais volonté de prendre la vie à bras-le-corps pour que la joie éclate en une symphonie toujours nouvelle.
Jésus était un révolté. Il ne pouvait admettre la misère de ces pauvres hères qui traînent leurs infirmités depuis des années. Il ne pouvait tolérer que la mort déchire le tissu de tendresse tissé au fil des jours entre une veuve et son fils unique. Comment se réjouir du soleil qui inonde les champs de blé et les vignes tandis qu’un aveugle jamais n’a vu la lumière ? Ses nuits de prière étaient peuplées par tant de boiteux que la musique ne peut faire danser et tant de sourds que le chant de l’oiseau n’égaye pas. Il a arraché les barreaux qui enfermaient la pécheresse dans un cachot de jugements. Il a rejoint le lépreux que la loi et les coutumes avaient mis au ban de la société. Il s’est tressé un fouet de cordes pour balayer tous les marchandages dont nous badigeonnons Dieu et purifier nos ambiguïtés.
Jésus était un révolté et, comme tant d’autres, il l’a payé de sa vie. Il aurait pu se calmer, il aurait dû être plus raisonnable et écouter le voix de la sagesse…Non. Rien n’a éteint le feu qui brûlait en lui. Il a été jusqu’au bout de sa révolte…à la face de Dieu : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » ( MC 15,34 ). Il pouvait bien crier vers Dieu, lui qui avait pris la vie au sérieux. Il avait le droit de faire entendre sa question, lui qui avait tout misé dans l’aventure. Ses mots sonnaient vrai. Sa plainte était justifiée.
Écoutez son cri qui ne fait qu’un avec toutes les misères du monde, avec toutes les angoisses et les déceptions humaines. Écoutez-le qui expire au coeur de toutes nos détresses, dans notre nuit de solitude. Entendez le cri de cet homme aux prises avec le mal et la mort. Écoutez l’oiseau blessé et recueillez la fleur coupée…
Mais dans ce cri jeté à la face de son Père, il y a la Foi, la vraie ! Ne faut-il pas beaucoup de confiance pour crier à quelqu’un sa révolte ? Peut-on mettre à nu sa douleur devant n’importe qui ? Jésus savait bien que Dieu ne peut pas nous abandonner, même si toutes les apparences sont contre nous, car il est un Dieu de fidélité. Et Jésus a fait confiance, nocturnement, au coeur même de sa révolte. Une foi obscure et sourde palpite et gronde dans son désespoir. Déjà une lumière s’annonce à l’aurore de l’horizon. Et le matin de Pâques ne l’a pas déçu. Jésus a eu raison de crier vers Celui-là. Car Il écoute la colère de l’homme et Il n’est pas insensible. Jésus savait ce qu’il faisait en soupirant vers son Père.
La révolte habite toujours la foi. Car la foi est un refus de ce monde abîmé, refus plein d’une confiance parfois douloureuse, toujours mystérieuse. Et Dieu répond. Souvent il semble n’y avoir que le silence, un silence long comme un samedi-saint coincé entre la douleur de la Croix et la joie de Pâques. Mais Dieu répond toujours.
La foi est pour les révoltés. Elle vibre au coeur de notre sédition contre toutes les limites et tous les esclavages qui nous enserrent. Elle naît lorsque la tempête de nos cris et de « nos poings d’interrogation » bondit sur la plage de Dieu et que les vagues de notre véhémence viennent battre de plein fouet les rivages célestes. Nous avons raison de ne pas nous résoudre à la mort de l’aimé. Nous avons raison de ne pas accepter ce monde d’injustice. Si Dieu est Dieu, il ne peut tolérer la solitude de tant d’esseulés ni les tortures des innocents. Est-il possible que Dieu ne soit pas du côté de tous les révoltés et des maquisards de l’Espérance ? Notre révolte est celle même de Dieu. « La foi, disait Karl Barth, est un désespoir confiant ».
Il n’y a pas de foi sans révolte. Mais, il n’y a pas de révolte sans passion de vivre. La Foi est une révolte. Mais au nom de l’Amour et non pour se hisser sur le podium. Nous devons d’abord chercher le Bonheur des autres. C’est l’amitié pour eux qui nous fait prendre le chemin de l’Espérance. La seule manière de se sauver est de sauver son frère. Il n’y a d’accomplissement que dans l’Amour et le salut de tous. Notre Foi , au coeur même de nos reproches peut faire vivre les autres. Puissent les non-croyants entendrent nos cris qui battent à l’unisson de leurs révoltes à condition que nous acceptions nos différences pour devenir ensemble des combattants de la vie afin de construire une civilisation de l’Amour basée sur le respect de la dignité Humaine.
Bruno LEROY.
21:28 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Commentaires
Votre écriture est toujours un vrai bonheur, Bruno. Merci de nous partager vos réflexions.
Oui, quand le monde semble si noir, quand les haines, la violence, s'imprègnent de plus en plus, nous envahissent, et peuvent nous désespérer, ayons ce "désespoir confiant". Quelle merveilleuse formule de Karl Bath, qui me rappelle cette phrase d'Etty Hilsum, qui évoque une éxécution par les nazis : Dieu, il est au bout de cette corde". Il partage notre souffrance, Il n'est pas là pour nous aider à nous résigner, mais bien pour nous donner la force de la combattre et de nous révolter.
Écrit par : Bruno | 31/03/2007
Cher Bruno,
Je vous remercie pour votre intervention. Pour moi, le véritable chrétien ne peut être soumis mais, il doit être levain dans la pâte Humaine. Il doit être rebelle au coeur du monde. Voici un court texte que je vous confie. Lisez-le attentivement et vous penserez, comme je l'ai cru en le lisant, qu'il est d'un prêtre rebelle progressiste ou théologien de la Libération. Hé bien, non il est de José Maria Escriva, le fondateur de l'opus Dei dont on ne peut accuser sa pensée de progressisme échevelé. J'aime ce texte qui fut écrit au siècle dernier et semble encore d'actualité. Il explique bien que nous devons faire la révolution de l'Amour.
Le chrétien qui tend la joue droite et ne dit rien est une image véhiculée par les médias qui n'ont rien compris à l'essence même du pardon.
Retrouvons le vrai Dieu, celui qui refuse l'angélisme mais veut des combattants de l'Amour et de l'Espérance à son service. Soyons Témoins de ce Dieu-là !
Voici le texte :
"En ces temps de violence, de sexualité brutale, sauvage, notre devoir est d'être des rebelles. Toi et moi, nous sommes des rebelles: nous ne voulons pas nous laisser entraîner par le courant et devenir des bêtes.
L'Église n'a que faire de femmes bonnes ou d'hommes bons. — De plus, celui qui se contente d'être presque... bon, ne l'est jamais suffisamment: ce qu'il faut, c'est être "révolutionnaire".
Face à l'hédonisme, face à la charge de paganisme et de matérialisme qui nous est offerte, le Christ a besoin d'anticonformistes, de rebelles de l'Amour!"
José Maria Escriva.
Je vous souhaite un merveille Dimanche des Rameaux et une excellente semaine Sainte !!!
Très Fraternellement et en prière avec vous, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 31/03/2007