05/11/2005
TEXTE INÉDIT DE LÉO FERRÉ.
Comment puis-je posséder un texte de Léo Ferré que, même Matthieu son Fils, ne semble pas avoir connaissance ?
En vérité, ce texte sublime n'est pas en ma possession mais, dans les mains et le coeur d'une amie.
Christine Letellier, alors étudiante en Lettres Modernes, fit une thèse pour son Doctorat sur Léo Ferré.
Puis, poussée par son admiration pour ce poète et ce génie ; elle voulut qu'il en prenne connaissance.
Son secret désir était d'avoir l'avis du "Maître" sur le contenu très élaboré de son travail.
Dans un premier temps, Léo Ferré, fut enthousiasmé par une telle profondeur de ses écrits et lui conseilla de se faire éditer.
Toute cette communication entre le poète anar et Christine ne se fit que par missives interposées...
La galère commença pour trouver un éditeur ayant l'audace de libérer du fric sans savoir ce que cela provoquerai comme résultat. Car, vous le savez certainement, rares sont les éditeurs qui aiment l'art ou la littérature, ils préfèrent le pognon, c'est plus concret... Bassesse d'esprit, bassesse de notre société de merde.
Enfin, mon amie trouva un éditeur qui se fichait bien d'en extraire quelques succès, le contenu l'avait séduit. C'était suffisant pour que Christine édita son livre intitulé : LÉO FERRÉ. L'UNIQUE ET SA SOLITUDE.
Elle écrivit immédiatement à Léo pour lui annoncer la bonne nouvelle. Celui-ci enchanté par son combat mené pour se faire éditer, lui envoya un texte pour agrémenter le livre et lui écrivit ceci :
" Mademoiselle Letellier a fait un travail qui dépasse la mesure habituelle de l'université. Elle a trouvé un éditeur, elle va donc faire connaître, aux gens qui aiment la littérature, qu'il existe tout de même un travail d'université qui a ses adeptes.
Je lui donne un texte qui signifiera bien, je pense, sa façon d'avoir " étudié " et son plaisir, avec le mien, de prolonger son coeur et son savoir dans la pratique courante et appréciable de l'intelligence...Rare ! "
Léo Ferré
Ce fut une joie inégalée de recevoir ce texte qu'elle s'empressa de partager et dont je vous partage la teneur, par
pure amitié, et par amour pour Léo Ferré.
JE SUIS UN RÉVOLTÉ PERMANENT et je m'emploie à trouver le bonheur, où qu'il soit, pour le traduire et le réinventer toujours à propos et en dehors des idées reçues. Je ne crois pas au bonheur permanent parce que rien n'est permanent, parce que les conditions d'asservissement dans lesquelles nous vivons - les artistes aussi - nous voilent le vrai sens des choses et des êtres. Il est possible de se désengager de cette tourbe dans laquelle on nous a mis depuis le lait de maman jusqu'aux prétentions exagérées de l'avidité et des manies sexuelles qui dérivent toujours- en tous cas souvent - vers une maternité, attente comprise de ce mâle qui se prend pour la réincarnation de la force même. Je crois que le bonheur est une suite de malheurs contournés, muselés. Je crois qu'il est bâti sur des fondations de misère. Et l'Artiste, dans tout ça ? Et l'Artiste ? Nous sommes les délégués des passions crépusculaires. Nous ne vivons pas. Nous sommes...et encore !
En ce qui doit me concerner absolument, je suis un de la " RÉVOLTE ", vraiment. Et je la tiens avec une laisse, comme on tiendrait un animal monstrueusement éloquent et furieux. Je ne tiens pas à la laisser partir dans les " associations " ou à l'Académie. Et il faut veiller, sans trêve. Les parfums du bien-être souvent vous assaillent et vous racontent votre vrai visage et, en tous cas, votre âge. Je n'ai pas d'âge et me surveille, sur ce plan, très objectivement. Si je me voyais, chaque soir, enfiler des pantoufles, alors je ne serais plus qu'un citatin fichu et chiffré.
La révolte qui a réussi est un asservissement pour d'autres révoltes. La révolte acquise, installée, devient la tyrannie. La révolte doit être permanente parce qu'elle dépasse le fait historique. Elle est antérieure à l'histoire, c'est une clef qui ouvre, parfois. Il suffit de la joindre à une serrure. L'Artiste doit toujours chercher la serrure pour lui, et, en tous cas, pour l'Autre. Le révolté fait l'amour avec les clôtures. Il défonce les portes. Les bat derrière lui, sauvagement, mais il ne doit jamais laisser l'entrebâillement par où soufflent les idées d'apaisement. La révolte apaisée annule le geste de destruction. Il faut détruire, détruire encore. Il faut que l'idée même de destruction n'arrête jamais de procréer la " négation "...
Je vous dis : NON, NON. Le moment où j'acquiesce me retire tout à fait du monde de la proscription. Si je dis, OUI, c'est terminé.
LA RÉVOLUTION ? CA TOURNE. Je ne crois qu'en l'insurrection quotidienne, voire minutée. Les syndicats ont tué le libre arbitre du citadin et les citadins ne le savent pas. Lénine disait bien : " Pour un oeil, deux yeux, pour une dent, toute la gueule "...ça doit être ça, la RÉVOLUTION.
Les révolutionnaires ? Ce sont les employés de la révolution.
La jeunesse du monde actuel est un ferment d'anarchie. L'heure est venue de leur donner la main et l'esprit afin qu'éclatent les anciens cadres dans lesquels nous essayons encore de nous montrer ineptes et retardés. Il ne faut pas que les jeunes ratent le train et finissent, à la trentaine, dans les camps du pouvoir, quels qu'ils soient. LE MARXISME EST RESTÉ A LA CONSIGNE DE 1917 et personne n'a été le réclamer.
Ce ne sont plus les prolétaires qui doivent s'unir. Les prolétaires sont divisés et dans les syndicats, et dans le rang social, et dans le coeur.
JEUNES DE TOUS PAYS, UNISSEZ-VOUS POUR DÉFENDRE VOTRE SEUL BIEN : LA VIE.
IL FAUT DÉSAPPRENDRE TOUT.
LÉO FERRÉ.
(1989).
Ps : Je ne vous cacherai pas que j'ai dû supprimer une phrase qui aurait pu être mal interprétée dans notre contexte actuel où il n'est pas bon d'exprimer une certaine violence. Merci de votre compréhension !
Je tiens à préciser également, pour les novices, que Léo Ferré n'était nullement violent, sauf dans ses textes pour provoquer les gens à l'intelligence, comme il le disait lui-même. Toutes les violences sont les antithèses de l'esprit réellement révolutionnaire.
Bruno LEROY.
09:35 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans TÉMOINS DE CE TEMPS. | Lien permanent | Commentaires (10) | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Commentaires
et bien ... quelle verve ! Je ne sais pas si je désapprends mais j'ai l'impression de ne plus rien savoir, même que mes souvenirs transmutent. Bonjour Bruno, je vous lis avec attention et reconnaissance, pour ce que vous livrer et donner ici, avec une telle confiance. Je crois que je suis une révoltée depuis fort longtemps, par contre, il devient de plus en plus difficile de savoir contre qui et quoi se révolter clairement. Tout se joue dans l'instant, j'imagine.
Écrit par : ardentepatience | 21/10/2005
Chère Ardente Patience,
Je vous remercie pour vos visites régulières et vos commentaires toujours pertinents et invitant à la réflexion!
J'ai une mauvaise nouvelle, une saloperie de Virus m' a détruit une grande partie de mes fichiers dont beaucoup de mails envoyés. Si vous voyez ce que je veux dire...
C'est la raison de mon silence. Je ne puis plus répondre...!
A bientôt, j'espère !!!
Amicalement, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 26/10/2005
Bravo ! Léo Ferré est l'artiste avec lequel je me suis le plus reconnu au plus profond de moi-même. Il est resté communiste. Moi je suis devenu chrétien. Je me suis apperçu que les artistes de cette classe sont très près de Dieu, il suffirait pour eux d'un pas. Mais ce pas reste un miracle ! Je veux dire ce passage de la mort à la vie.
Écrit par : alberto | 06/11/2005
Le coup de la phrase censurée, ça gache tout l'intention que vous aviez de le faire partagée... et ça va même à l'encontre de l'esprit du texte lui-même et de son auteur...
Écrit par : Hum... | 01/02/2006
Cher Ami,
Quant au fait de supprimer une petite phrase. Je l'ai fait par respect en mémoire de Léo afin que ses écrits ne soient pas mal interprétés comme ils le furent durant son existence. Son absence ne contrarie pas le sens du texte présent. Je l'ai fait également par respect pour Matthieu. Je ne veux pas que l'Artiste de Génie qu'était son père soit de nouveau entaché par des incompréhensions dues au contexte socio-politique. Tout cela va très bien dans l'esprit de son auteur...!
Cordialement.
Bruno LEROY.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 02/02/2006
Cher Alberto,
Je suis allé sur votre site que je trouve magnifique.
Un immense merci de nous faire partager à la fois votre passé dans ce commentaire et votre présent empli de Foi sur votre Blog !
Continuez de mettre de la Beauté sur la toile !!!
QDVB
Très Fraternellement, Bruno.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 02/02/2006
Ok. Merci pour votre réponse. J'imagine qu'il s'agissait d'une attaque contre la police ou les institutions. En tous cas, ça fait travailler l'imagination... mais je doute que ça soit plus "térrible" que ce qu'on peut entendre dans Il n'y a plus rien ou la Violence et l'Ennui... Je ne suis pas de la génération de Ferré mais a t'il vraiment été inquiêté pour ces propos par la justice ou lui en a t'on tenu rigueur dans des journaux... Je crois que non. Et à la limite, j'imagine que ça aurait fait plaisir à Ferré de voir ces textes mettre la pagaille dans quelques instances. Sinon, on trouve un texte sur le même ton dans le livre avec photos de Lacout avec la même conclusion :"JEUNES DE TOUS PAYS, UNISSEZ-VOUS POUR DÉFENDRE VOTRE SEUL BIEN : LA VIE." Sans doute a t'il repris ça du Traité qu'il avait l'intention d'écrire... Merci pour le partage.
Écrit par : Hum... | 03/02/2006
Cher Ami,
J'avais saisi que vous n'étiez pas de la génération Ferré. Mais, l'aimer tel que vous le faites aujourd'hui est tout à votre Honneur.
Détrompez-vous, Léo a été sali par la presse et notamment un journal tel que Libération. Puis, il a reçu des menaces de mort par un journal intitulé " L'idiot International ". Je suis allé le voir sur scène à plusieurs reprises et il y avait soit des alertes à la bombe ou des gens d'extême Droite qui lui envoyaient des boulons en pleine figure.
Il a toujours été sali par des personnes qui, justement ne comprenaient pas ses textes. Libé le traitait de nihiliste à cause de son long poème : Il n'y a plus rien.
Lorsqu'il était agressé sur scène, il disait à son public de partir pour sa sécurité mais, que lui ne bougerait pas car, disait-il : Je suis un mec debout !
Et nous restions pour le soutenir !
J'ai tenté de contacter Matthieu pour obtenir l'autorisation de publication de ce passage mais, il était absent.
Comme, il possède également le texte, je ne veux pas que ce soit lui qui devienne la cible des intolérants et des imbéciles de tous bords.
Je vous remercie de votre compréhension !
Très Cordialement.
Bruno LEROY.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 03/02/2006
Léo, c'est mon mari qui me l'a fait découvrir. Il est tout simplement hors norme, il est lui, unique mais il reste vivant même mort ...
Écrit par : elisabethleroy | 08/02/2006
Chère Élisabeth,
Lèo c'était, l'Amour, la Liberté, l'Anarchie aussi et surtout la poésie au bout des lèvres et des doigts...
Il demeurera dans notre mémoire non comme un maître à penser mais, un exemple à suivre avec sa seule conscience pour diriger son existence.
N'a-t-il pas écrit que ce qu'il y a d'incombrant dans la morale , c'est que c'est toujours la morale des autres.
Il nous invitait à construire notre vie en fonction de notre propre morale.
En suivant ses pas, nous lui rendons Hommage !
Sa recherche poétique n'aura pas été vaine...
Je vous remercie de votre visite.
Cordialement !
Bruno LEROY.
Écrit par : BRUNO LEROY. | 08/02/2006
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