08/02/2011
Andrée Chedid, la poétesse qui dansait la vie a rejoint l'éternité.
L’écrivain et poète née au Caire en 1920 et installée à Paris depuis 1946 est morte lundi 7 février. Elle laisse une œuvre riche où l’amour de la vie occupait la place centrale
Andrée Chedid avec son fils Louis (D) et son petit fils Matthieu (G) (NASCIMBENI/AFP).
« J’ai bien assez vécu ! » ; « Je meurs d’avoir trop espéré/D’avoir trop et trop vite/Vécu de la douceur des mots » ; « J’en ai assez de mourir/Jour après jour »… Des mots qui nomment la mort sans peur ; des vers jetés sur le papier qui la regardent bien en face ; des poèmes qui l’affrontent, plus pour l’apprivoiser que pour la défier. Pour se faire accepter d’elle.
À l’heure de parachever son parcours d’écriture, de clore son dernier recueil poétique, L’étoffe de l’univers , paru cet automne en pleine rentrée littéraire mais loin du tumulte, Andrée Chedid n’en finissait déjà pas de « mourir » sous sa propre plume. Délibérément, sans larmes et dans un sourire à la vie qu’elle aimait tant, elle laissait se refermer une œuvre de ferveur et de chaleur, emplie du soleil sur le Nil et des feuilles mortes sur les rives de la Seine.
Elle livrait cinq poèmes courts, tous intitulés Mourir, tous composés en novembre 2005, à 85 ans. Tous déchirants. Laissant le lecteur devant un point d’orgue, jusqu’à la triste nouvelle tombée lundi midi. Le chant du cygne d’une grande dame des lettres, née en 1920, entrée en écriture à l’âge de seize ans, auteur depuis les années 1950 d’un chant au monde, rempli de fables, d’odes, semblables à cet Orient qui la vit apparaître.
« J’ai bien assez vécu ! » ; « Je meurs d’avoir trop espéré/D’avoir trop et trop vite/Vécu de la douceur des mots » ; « J’en ai assez de mourir/Jour après jour »… Des mots qui nomment la mort sans peur ; des vers jetés sur le papier qui la regardent bien en face ; des poèmes qui l’affrontent, plus pour l’apprivoiser que pour la défier. Pour se faire accepter d’elle.
À l’heure de parachever son parcours d’écriture, de clore son dernier recueil poétique, L’étoffe de l’univers , paru cet automne en pleine rentrée littéraire mais loin du tumulte, Andrée Chedid n’en finissait déjà pas de « mourir » sous sa propre plume. Délibérément, sans larmes et dans un sourire à la vie qu’elle aimait tant, elle laissait se refermer une œuvre de ferveur et de chaleur, emplie du soleil sur le Nil et des feuilles mortes sur les rives de la Seine.
Elle livrait cinq poèmes courts, tous intitulés Mourir, tous composés en novembre 2005, à 85 ans. Tous déchirants. Laissant le lecteur devant un point d’orgue, jusqu’à la triste nouvelle tombée lundi midi. Le chant du cygne d’une grande dame des lettres, née en 1920, entrée en écriture à l’âge de seize ans, auteur depuis les années 1950 d’un chant au monde, rempli de fables, d’odes, semblables à cet Orient qui la vit apparaître.
Une vingtaine de romans et de récits, dont le Sixième jour (en 1960) et L’Autre (en 1969), tous deux adaptés à l’écran, de nombreux recueils de poésies, des pièces de théâtre, des essais, des livres pour enfants, et même des chansons pour son fils Louis et surtout son petit-fils Matthieu – le chanteur M : le fameux « Je dis Aime », en 1999, qu’elle offrit, comme un jeu d’écriture joyeuse.
C’était encore le temps de l’effervescence, avant l’exil intérieur de la maladie. Depuis des années, Andrée Chedid se trouvait confrontée à son propre oubli, qu’elle scrutait jour après jour tandis qu’il gagnait du terrain. Face à l’échéance du néant, elle se dépêchait d’accomplir sa dernière tâche, d’offrir à celles et ceux qui l’accompagnaient des adieux dignes.
Elle se permettait même, en même temps que les vers ultimes, de livrer un dernier roman, Les quatre morts de Jean de Dieu, récit imaginé d’un enfant de son siècle, de la Guerre d’Espagne à la chute du Mur de Berlin : un double masculin, comme elle atteint de cette Alzheimer que, pour le coup, elle se refusait à nommer autrement que « cette salope ».
C’était encore le temps de l’effervescence, avant l’exil intérieur de la maladie. Depuis des années, Andrée Chedid se trouvait confrontée à son propre oubli, qu’elle scrutait jour après jour tandis qu’il gagnait du terrain. Face à l’échéance du néant, elle se dépêchait d’accomplir sa dernière tâche, d’offrir à celles et ceux qui l’accompagnaient des adieux dignes.
Elle se permettait même, en même temps que les vers ultimes, de livrer un dernier roman, Les quatre morts de Jean de Dieu, récit imaginé d’un enfant de son siècle, de la Guerre d’Espagne à la chute du Mur de Berlin : un double masculin, comme elle atteint de cette Alzheimer que, pour le coup, elle se refusait à nommer autrement que « cette salope ».
« La vie, il faut la saisir au collet depuis son plus jeune âge. Avec sérénité, mais avec appétit féroce. » Ces mots, mis dans la bouche de Jean de Dieu, étaient chez elle une idée forte. Comme l’a écrit un jour le critique Jean-Pierre Siméon, ami et grand spécialiste de son œuvre, « la vie, quoi qu’il en soit, a toujours le dernier mot » dans ses textes.
La vie d’Andrée Chedid, remplie de flâneries et de rencontres, débute un premier jour de printemps. Elle naît au Caire, de parents chrétiens libanais dont les aïeuls arrivèrent en Égypte au milieu du siècle précédent. Des parents beaux, brillants, mondains, qui ne jouent pas un rôle clé dans son éducation, confiera-t-elle. À sa mère, l’élégante Alice, devenue très âgée, elle écrit en 2001 à son adresse Les saisons de passage, livre de souvenirs exprimant son amour en même temps que son absence de rancœur.
Andrée, enfant, est pensionnaire au Sacré-Cœur du Caire, un établissement « macabre », « sombre et glacé », écrira-t-elle. C’est là qu’à douze ans, elle sent naître son envie de « devenir poète (pas poétesse) ». Se confiant à sa maîtresse, elle reçoit en guise d’encouragement cette seule réponse, froide et sèche : « La poésie est un métier de paresseux, mon enfant. »
La vie d’Andrée Chedid, remplie de flâneries et de rencontres, débute un premier jour de printemps. Elle naît au Caire, de parents chrétiens libanais dont les aïeuls arrivèrent en Égypte au milieu du siècle précédent. Des parents beaux, brillants, mondains, qui ne jouent pas un rôle clé dans son éducation, confiera-t-elle. À sa mère, l’élégante Alice, devenue très âgée, elle écrit en 2001 à son adresse Les saisons de passage, livre de souvenirs exprimant son amour en même temps que son absence de rancœur.
Andrée, enfant, est pensionnaire au Sacré-Cœur du Caire, un établissement « macabre », « sombre et glacé », écrira-t-elle. C’est là qu’à douze ans, elle sent naître son envie de « devenir poète (pas poétesse) ». Se confiant à sa maîtresse, elle reçoit en guise d’encouragement cette seule réponse, froide et sèche : « La poésie est un métier de paresseux, mon enfant. »
Sa propre réaction, spontanée, même pas effrontée, lui vaut une punition : « Alors, vive la paresse, ma mère. » Une boutade. Car Andrée, qui signera dans les années 1950 un Éloge de la cancritude, travaille. Licenciée de lettres à l’université américaine du Caire, élevée dans les trois langues, l’arabe, le français et l’anglais, elle publie ses premiers poèmes, en anglais, sous le pseudonyme de A. Lake.
Au début des années 1940, elle se trouve au Liban, tout juste mariée à son cousin Louis, un « coup de foudre » qui lui donnera deux enfants et irriguera son écriture. Régulièrement, elle affirmera la primauté du sentiment amoureux : « L’amour est toute la vie, il est vain de prétendre qu’il y a d’autres écritures », écrit-elle. À 86 ans, elle garde le feu pour écrire à Louis un poème à la beauté confondante : « De cet amour ardent je reste émerveillée ».
En 1946, avec lui, elle vécut son « exil libérateur », comme elle nomme, en citant Milan Kundera, son installation à Paris. Elle y développe une œuvre sans moralisme, dure parfois, et sans angélisme. Mais remplie d’espoir pour les petites gens, où chaque figure, héroïne (souvent) ou héros, refuse la fatalité, s’extirpe du malheur, de la guerre, de l’exil, pour se hisser : Omar-Jo, petit orphelin dans L’Enfant multiple, Hassan, dans le Sixième jour, ou la très belle Alefa, dans la Cité fertile, qui a ces mots : « Nos vies ont un terme, la vie n’en a pas »…
Au début des années 1940, elle se trouve au Liban, tout juste mariée à son cousin Louis, un « coup de foudre » qui lui donnera deux enfants et irriguera son écriture. Régulièrement, elle affirmera la primauté du sentiment amoureux : « L’amour est toute la vie, il est vain de prétendre qu’il y a d’autres écritures », écrit-elle. À 86 ans, elle garde le feu pour écrire à Louis un poème à la beauté confondante : « De cet amour ardent je reste émerveillée ».
En 1946, avec lui, elle vécut son « exil libérateur », comme elle nomme, en citant Milan Kundera, son installation à Paris. Elle y développe une œuvre sans moralisme, dure parfois, et sans angélisme. Mais remplie d’espoir pour les petites gens, où chaque figure, héroïne (souvent) ou héros, refuse la fatalité, s’extirpe du malheur, de la guerre, de l’exil, pour se hisser : Omar-Jo, petit orphelin dans L’Enfant multiple, Hassan, dans le Sixième jour, ou la très belle Alefa, dans la Cité fertile, qui a ces mots : « Nos vies ont un terme, la vie n’en a pas »…
Source: La Croix
Jean-Yves DANA |
08:41 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
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