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25/02/2005

L'ÉDUCATION FAIT GRANDIR L'HUMAIN.

L'inacceptation des contraintes éducatives courantes recouvre très souvent une opposition à certaines circonstances que le jeune n'a jamais pu admettre. N'a-t-on pas noté que le second né d'une famille, du fait de sa place de second, avait dans beaucoup de cas un tempérament de révolté. La cause profonde de sa révolte, c'est d'avoir manqué la première place et d'être toujours coiffé d'un aîné qui précède et s'intercale entre les parents et lui ; mais les manifestations de son humeur rebelle seront multiples et ne paraîtront pas spécialement dirigées contre l'aîné. La cause oubliée, l'attitude générale restera: le pli sera pris.
Les réactions de l'adolescent à la contrainte seront, on le voit, plus faciles à comprendre, si l'on prend la peine d'étudier toute sa situation affective. Quelles que soient les origines reculées de la révolte, nous devons considérer ce qui l'alimente dans le présent. Bien entendu, tout ce qui rappelle la situation traumatique initiale est de nature à raviver la colère et la rancune. Bien des jeunes insurgés cherchent surtout à éprouver l'amour qu'on leur porte, parce qu'ils ont souffert, un jour, de se croire privés de cet amour dont tout être a besoin pour vivre. Il y a des révoltes normales et nécessaires qui visent à de justes conquêtes. Mais il y a aussi des révoltes à l'état pur, qui ne visent à rien du tout et traduisent seulement un état de malaise qui apparaît, chaque fois que l'individu peut se croire injustement lésé ou souffre de la vanité de ses efforts et se sent impuissant à obtenir la satisfaction de désirs dont il n'a parfois lui-même qu'une notion imprécise.

L'inacceptation des contraintes imposées du dehors ne vient pas forcément de la nature de ces contraintes ; elle peut venir d'un sentiment de gêne intérieure, dont l'individu cherche à se débarrasser par une manoeuvre de diversion dirigée contre l'autorité extérieure, prise comme bouc émissaire. Il est plus facile en effet, et moins inquiétant, de s'attaquer à un ennemi concret et connu, qu'à un ennemi invisible qui est au fond de nous et dont nous n'arrivons même pas à nous dissocier complètement. Ce sont les êtres qui vivent dans la plus grande dépendance affective qui ont sans doute le plus violent besoin de se livrer à des démonstrations insurrectionnelles, sans cesse renouvelées parce que toujours inefficaces. Celui qui se montre le plus insubordonné en paroles est parfois celui qui est le moins capable de se refuser à faire ce qu'on lui demande. Car il y a, parmi les révoltés, toute la catégorie des révoltés verbaux qui tirent en général de leur rébellion le maximum de désagrément, à l'inverse des révoltés passifs qui disent toujours "oui" et n'en font qu'à leur tête.

Cela correspond à cette tendance à retourner cette agressivité contre soi, que l'on rencontre chez beaucoup de personnes chez qui existe une certaine tension agressive qu'elles sont incapables d'utiliser vraiment contre d'autres, par crainte et par culpabilité. Les réactions d'excessive docilité à la contrainte peuvent être factices et dissimuler quelque calcul hypocrite ; mais elles procèdent souvent d'un certain infantilisme moral qui se traduit par une véritable impossibilité de concevoir la désobéissance à l'adulte. Ce dernier a, somme toute, trop bien réussi dans sa propagande ; il n'a pas permis à l'adolescent d'imaginer un idéal plus élevé que la soumission et, du même coup, il l'a retenu au stade du nourrisson qui n'est capable de rien par lui-même, sans l'aide, ou tout au moins l'approbation, de la grande personne.

L'initiative, l'énergie, l'imagination, l'invention, l'originalité, le dynamisme se trouvent dévalorisés. L'esprit critique ne saurait se développer ; et il ne saurait être question de savoir se conduire seul, un jour, dans l'existence. Rien n'est plus faux en l'occurrence que l'affirmation commune "Pour apprendre à commander, il faut savoir obéir". En effet, il serait dangereux de se réjouir d'une docilité si grande qui va tout à fait à l'encontre du but essentiel de l'éducation: apprendre aux jeunes à se passer de ses éducateurs. Il est sans doute difficile à l'adulte de fomenter une révolte contre sa propre autorité ; aussi bien n'est-ce pas ce qu'on lui demande! Le jeune passif a besoin d'être encouragé et incité à donner en chaque circonstance son avis personnel, que l'on se gardera bien de contrer brusquement, même si l'on est pas tout à fait d'accord avec lui. Mais il y a là toute une éducation à entreprendre qui souvent a été gâchée, dans les débuts, par la fâcheuse et trop fréquente tendance à se substituer au jeune en toutes circonstances, sans lui laisser acquérir le sens et l'autonomie de sa personnalité.

Tout adolescent revendique inconsciemment mais légitimement, le droit de rester un être autonome. Rien ne peut le blesser plus que l'idée qu'on lui témoigne un amour intéressé. D'où cette attitude de défense si fréquemment rencontrée chez les adolescents qui se veulent "durs" et s'accrochent désespérément à une formule qui montre bien au fond leur faiblesse: "on ne m'aura pas". Ils s'efforcent par cette affirmation (qui est une sorte d'engagement vis-à-vis d'eux mêmes) de consolider leur résistance. Ils ne se défendent pas seulement contre l'humiliation de céder, mais contre la déception sentimentale. L'essentiel pour eux est d'être assurés qu'on s'intéresse à eux pour autre chose que pour les "avoir". Ils se méfient d'ailleurs en général des déclarations et des démonstrations ; ils préfèrent souvent les chefs qui se montrent fermes et stricts, avec une bienveillance réelle mais tacite, à ceux qui se prétendent d'emblée leurs amis et font appel aux ressources de la plus séduisante persuasion. "On ne m'aura pas" ne signifie pas tellement "on ne me fera pas céder", mais plutôt: je ne me laisserai pas prendre à la duperie des sentiments. Malgré l'apparence, c'est une attitude plus affective que rationnelle.

Le rôle de l'éducateur avec ces "durs" n'est pas tant de les enchaîner que de les libérer d'eux-mêmes. Seuls, des adultes vivant des convictions et valeurs humaines sans les imposer mais par une cohérence de vie, deviendront les modèles identificatoires salvateurs dont les jeunes éprouvent une criante nécessité et qu'ils cherchent désespérément dans certaines stars de la télévision ou joueurs de football dont le quotient intellectuel est rarement élevé. Le drame de notre société est de manquer cruellement de personnes ressources dont les adolescents pourraient puiser quelques pensées pour forger leur personnalité. Notre devoir est de prendre la relève en devenant des combattants de l'amour et de l'espérance et en leur inculquant le sens du militantisme pour un monde meilleur. Ils deviendront alors des rebelles de l'amour dont notre société manque tragiquement.
BRUNO LEROY.
ÉDUCATEUR de RUE.

10:05 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans RÉFLEXIONS ET PENSÉES | Lien permanent | Commentaires (3) |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

Commentaires

Monsieur Leroy,
C'est une fantastique idée d'avoir ouvert ce site personnel car, je suis un grand admirateur des livres et surtout, articles que vous écrivez. J'ai eu la chance de vous rencontrer à Perpignan lors, d'une conférence que vous donniez sur la misère et le besoin de resserer les liens de solidarité. Vous étiez devant plus de 2000 personnes et votre calme était troublant. Je vous ai même demandé à la fin si vous n'aviez jamais le tract et vous m'avez répondu surpris que la peur vous était inconnue. J'aime beaucoup aussi votre esprit rebelle où vous dites vos quatre vérités en face et qu'el que soit la fonction de l'individu. Vous dites que vous vous " foutez " des titres mais qu'il faut respecter chaque être humain, justement parce qu'il un être humain et non une fonction. J'aimerais tellement vous ressembler vous étes un peu mon idéal dans la vie. Malheureusement, je n'ai pas votre spiritualité et votre culture et je manque de confiance. J'essaie de vous imiter quand j'ai un problème ou que j'ai peur mais, je n'y arrive pas toujours. Je vous en avais parlé et vous m'aviez répondu qu'il fallait d'abord que je sois moi-même. Je lis tout de vous et tout en vous me plait. J'attends une prochaine conférence pour voir si le rebelle au grand coeur reste prêt à m'écouter et surtout à remettre les gens à leur place quand ils disent des conneries. Vous êtes un mec vrai et c'est tellement rare d'en recontrer maintenant. Vous vivez ce que vous écrivez et c'est à ça que je veux parvenir.Merci pour tout et que Dieu vous garde ! A bientôt, j'espère de tout coeur.

Écrit par : Sébastien Dufourd | 28/02/2005

On déverouille une porte.
On me pousse à l'intérieur d'une pièce.
La porte se referme.
J'y suis vraiment donc ?
Un doute subsiste encore.
Il y a peut-être une sortie de secours, une issue ?
Je ferme les yeux. Il me faut des repères.
Mes pensées sont fragiles.
J'ouvre les yeux, pour mieux les refermer.
Les mûrs sont là, qui dejà me désignent comme coupable !
Je ne suis plus qu'un nom, un prénom. Pire, un numéro d'écrou.
Impasse totale. Horizon bouché.
Combien d'injures sur ces murs gris ? Combien de haine ?
Je suis fatigué, épuisé, à plat, mais ne me rend pas.
Aujourd'hui, j'affronte la vie comme elle vient.
L'enfer ne me fait pas peur, c'est plutôt mon domaine.
Ce que je crains, c'est l'étage du dessous.

La folie.

Écrit par : mark | 04/03/2005

Monsieur,
Je vous remercie pour ce très beau poème plein d'un réalisme qui fait penser et questionner chaque être Humain que nous sommes. Après l'enfer, le froid insidieux de la Folie, le renversement d'une réalité qu'on croyait acquise. En effet, tout peut chavirer du jour au lendemain...Il faut avoir la force de tenir le bateau malgré les tempêtes. Merci pour ce somptueux texte et bon courage pour le devenir qui doit advenir. Puisse-t-il être paisaible et Harmonieux !
Bruno LEROY.

Écrit par : BRUNO LEROY | 04/03/2005

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