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19/06/2006

LA SOLITUDE.

La solitude est parfois un choix, elle est souvent un destin, elle est toujours une nécessité. Un choix : les enquêtes sociologiques récentes indiquent qu’un grand nombre de nos contemporains préfèrent vivre seuls ; ce faisant, ils ne souffrent pas forcément de solitude. • Un destin : beaucoup d’hommes et de femmes subissent la solitude (et l’esseulement qui peu à peu devient l’isolement) : les liens familiaux, conjugaux, amicaux, de voisinage ou de travail, se sont desserrés au fil des jours. • Une nécessité : nul n’échappe à la solitude. La solitude acceptée et bénéfique est le terme d’une longue maturation. Elle est une nécessité absolue puisqu’il n’existe pas d’accès à soi-même sans solitude assumée. Cet article est tiré de la conférence donnée par A. Bédikian, dans le cadre d’une journée de réflexions proposée par l’Amicale des Anciens étudiants de l’Institut Biblique de Nogent.

Les auteurs bibliques ont reconnu la nécessité de la solitude dans le but de rencontrer Dieu. Dans la Bible, cette solitude est comparée très souvent à un désert, ce lieu par excellence où l’être humain est mis à rude épreuve (Moïse, Elie, Jésus…). Prenons aussi l’exemple d’Adam, après la Chute, lorsque, loin de Dieu, il s’est perdu. Il s’est fourvoyé corps et âme dans le péché, il n’existe plus devant Dieu mais celui-ci, dans sa fidélité, l’appelle à nouveau : " Adam, où es-tu ? " (Gn 3. 9). Et Adam se met à exister car la relation est rétablie. Il en est de même pour chaque homme. Pour qu’il commence à exister, il faut que quelqu’un, un autre, l’appelle. Et c’est par rapport à cet autre qu’il existe. En cela, l’exemple d’Adam est très marquant. A l’opposé de cet appel de Dieu, il y a un autre visage, c’est un visage de tristesse et d’obscurité. Pourquoi ? L’homme qui n’est plus appelé, qui n’entend plus aucune voix, est un homme qui ne peut plus exister : n’ayant plus personne, il devient personne ! Cet être ainsi abandonné, même s’il survit difficilement dans le monde des hommes, de ses semblables, est devenu comme transparent : personne ne le voit plus, ne le regarde plus, il n’est plus quelqu’un et il ne peut donc plus se regarder comme quelqu’un. C’est un peu comme ce clochard que nous trouvons à l’entrée d’un grand magasin, que le regard des clients traverse sans réellement le voir, en le rejetant dans la solitude définitive des objets (personne anonyme, c’est-à-dire personne). Les solitudes que nous côtoyons et que parfois nous dénonçons, celle des personnes âgées et des malades, celle des exclus, des immigrés et des marginaux de toutes sortes, ne sont que les parties les plus visibles et les plus atroces de cette solitude. Solitude qui est celle des hommes contemporains, la nôtre, celle que nous vivons tous, au moins comme une menace, comme la figure présente de notre mort (la peur de la solitude nous renvoie à la peur de la mort). La Bible est très explicite à ce sujet et nous renvoie à la peur de la solitude en plusieurs endroits.

La Bible nous renseigne et sur les côtés positifs de la solitude et sur les troubles qu’elle engendre

Elle nous propose alors des solutions. La Parole de Dieu nous enseigne que nous sommes seuls lorsque nous sommes loin de Dieu : cela, c’est la cause de tout. Nous sommes seuls également lorsque nous sommes loin des hommes : cela, c’est la conséquence, loin des hommes, sans communication avec eux. En fait, ces deux éléments sont étroitement liés : lorsque nous sommes loin de Dieu, nous sommes aussi loin de notre prochain. La Bible nous propose une véritable communication restaurée, une véritable communion avec Christ pour que nous soyons en communion avec Dieu, notre Créateur. D’autre part, la Bible nous propose une communion avec les autres hommes au sein de la famille, de la société, de l’Eglise. Un psychanalyste viennois à dit ceci : " Le véritable inconscient de l’homme est spirituel : si l’homme est malade, c’est parce que Dieu lui manque ". Pascal, à sa manière, décrit le mal-être de l’homme en parlant du vide qui existe en lui, ce grand vide en forme de Dieu… Nous pouvons alors nous poser la question suivante : la solution au problème de la solitude tient-elle simplement au fait de dire que le Christ est la réponse et la solution ? Oui, dans l’absolu, mais il ne suffit pas de le dire pour qu’aussitôt ce soit une réalité. Si Christ et son caractère sont réellement formés en nous, si nous sommes des hommes et des femmes reconstruits, nous sommes alors rendus capables de communiquer avec les autres. C’est ainsi que l’Eglise devient (et c’est d’ailleurs son rôle) un lieu privilégié de communion, de communication, de relation entre les hommes. L’homme est né pour la communauté et c’est dans cette relation communautaire que notre personnalité se nourrit (Tt 2. 14). Dieu veut faire " de nous un peuple qui lui appartienne, purifié par lui et zélé pour les bonnes œuvres " (1 Co 12). Un morceau de corps ne sert à rien, une pierre toute seule n’est rien. Dieu veut construire une communauté. Et pour cela, Dieu a fait de nous des êtres de parole, donc des êtres doués de cette communication qui crée un lien. Ainsi, lorsque ces deux conditions sont remplies, communion avec Dieu et communion avec son prochain, nous pouvons alors dire que la réponse au problème de la solitude est trouvée : c’est la communion avec Dieu et la communion avec nos frères.

Nous avons besoin de communiquer et de ne pas rester seuls.

En ce qui concerne le besoin de communication avec les autres hommes, la Bible nous montre que ce besoin est réel… " Il n’est pas bon que l’homme soit seul… " (Gn 2. 18). " Malheur à l’homme seul… " (Ec 4. 10). " Si quelqu’un maîtrise un seul, deux peuvent lui résister ; et la corde à trois fils ne se rompt pas facilement " (Ec 4. 12). Cette dernière citation, pleine de poésie, nous parle de solitude et d’accompagnement. Ces quelques textes nous montrent que nous avons effectivement besoin de l’aide, de la collaboration, de la communion d’autrui. Que ce soit sur le plan conjugal, familial, professionnel, nous avons besoin des autres, d’un vis-à-vis.

La solitude est devenue un problème majeur dans notre société.

D’où vient donc cette impossibilité de communiquer entre les hommes, malgré nos moyens de communication nombreux et modernes ? La réponse de la Bible est un peu embarrassante car elle nous met en face de nos responsabilités. Elle nous enseigne clairement que nous secrétons la solitude par nos attitudes et notre tempérament. Nous en sommes donc nous-mêmes, le plus souvent, responsables. Si les hommes sont, comme le dit l’apôtre Paul, " menteurs, égoïstes, avares, exclusivement préoccupés d’eux-mêmes, etc. ", ils sont coupés des autres (Ro.1.30 ss) et se sont séparés les uns des autres. Si nous ne connaissons plus le respect ou la reconnaissance envers nos parents, si nous n’avons pas d’affection pour notre prochain, nous serons effectivement seuls, séparés des autres. Voici ce qu’écrit Paul Tournier : " Ce qui nous sépare le plus des autres, ce sont nos propres secrets, le remords de nos fautes, les peurs qui nous hantent, les dégoûts que nous avons de toujours succomber à une tentation toujours renaissante, les doutes qui contrastent avec notre assurance apparente, nos jalousies, nos révoltes et même les naïfs rêves de gloire avec lesquels nous essayons de nous consoler… ". Ces termes forts de Romains 1. 30 et versets suivants sont des mots que la Bible utilise pour montrer ce que nous sommes : c’est notre photo. Ce sont là les tendances de notre être naturel qui nous séparent les uns des autres et qui nous plongent dans la solitude, le rejet, l’isolement.

La solitude est en moi

Certains aspects de notre personnalité et de notre caractère sont créateurs de solitude. L’égoïsme : c’est lui qui nous fait dire, comme Caïn autrefois après le meurtre de son frère Abel : " Suis-je le gardien de mon frère ? " L’égoïsme se manifeste sous bien des aspects : égoïsme des couples qui ne veulent pas d’enfants ou un seul ; égoïsme d’un enfant qui ne veut pas prendre soin de ses parents ; égoïsme dans tous les domaines de la vie, dans le travail, la famille, face aux besoins de la société. La Bible nous dit que nous n’avons pas le droit de penser seulement à nous-mêmes ; elle nous invite à chercher à être agréables à notre prochain et à penser à ce qui pourrait contribuer à son bien. Une telle attitude constructive nous soudera les uns aux autres et se diffusera dans notre communauté, dans notre relation de vie avec nos semblables au lieu de la déchirer

L’individualisme : l’individualisme caractérise notre société et nous caractérise également nous-même. L’enseignement des Ecritures nous encourage à faire tout le contraire. Nous sommes tous interdépendants les uns des autres, solidaires, appelés à réaliser une unité, bien sûr au sein de l’Eglise, mais aussi dans toute notre vie. Malgré notre pluralité, nos différences, nous formons tous un seul corps : telle est la vision de Dieu. L’Eglise n’est pas toujours parfaite mais, dans l’Eglise, il y a l’idéal de société que Dieu propose à notre génération. L’Eglise est semblable à un corps humain avec ses différents membres et organes (1 Co 12. 13). L’apôtre Paul dira : " Nous avons tous été baptisés dans un seul et même Esprit pour former un seul corps, que nous soyons Juifs, Grecs, païens,ou devenus chrétiens, esclaves ou hommes libres ". Voilà la solidarité dans sa forme complète. Notre corps social actuel est un rassemblement d’individualités alors que le modèle proposé par Dieu est celui de l’unité organique en quelque sorte. Dieu voudrait par là éviter toute division et donner aux membres du corps le sens de leur solidarité réciproque, de leur complémentarité et de leur unité afin que chacun d’eux ait le souci des autres pour leur témoigner une égale sollicitude. Nous sommes loin de cela mais il faut déjà le rechercher dans notre engagement personnel !

L’indifférence : elle correspond à la dureté du cœur et elle s’oppose à la sympathie, à la chaleur de l’amour fraternel. Ce sentiment d’amour fraternel, l’apôtre Paul en parle : " Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent, ayez les mêmes sentiments les uns envers les autres… " (Ro 12. 15-16). Il ne peut exister de meilleure définition de l’écoute que celle de pleurer avec ceux qui pleurent et de se réjouir avec ceux qui se réjouissent, une façon de vivre où les choses bonnes ou mauvaises sont partagées. En réponse à l’indifférence, la Bible propose l’esprit de service. Chacun de nous a reçu un don particulier pour le mettre à contribution en faveur des autres. Si nous avions cette compassion, la relation d’aide serait profonde et valable, même avec un compagnon de travail, là où nous sommes chaque jour : nous porterions les fardeaux les uns des autres qui seraient alors aidés.

L’agressivité : notre monde est caractérisé par la hargne, par un esprit de revendication, par le manque d’égards, le manque de courtoisie vis-à-vis de l’autre. En réponse à cette agressivité, la Bible propose la douceur : " Que votre douceur soit connue de tous les hommes " (Ph 4. 5). Elle oppose un esprit pacifique : " Dans la mesure du possible, autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes " (Ro 12. 18). Cet autre texte également : " Faites disparaître du milieu de vous toute mauvaise humeur, toute aigreur, toute rancune, tout esprit de revendication… ". (Le mensonge : ) de quoi nous séparer aussi des autres ! Nous sommes incapables de nous aborder dans la vérité. La vérité est astreignante et difficile (Ep 4. 15). Nous constatons le mensonge dans la famille, le manque de transparence dans la société, dans nos Eglises, partout. Nous sommes alors exhortés, chrétiens, à nous défaire du mensonge et de toutes ses formes ! (1 Jn 1. 7). L’apôtre Jean dira : " Si nous vivons dans la lumière, c’est-à-dire dans la transparence, alors nous sommes vraiment en communion les uns avec les autres ", et cette communion devient alors l’inverse de la solitude.

La rébellion ou le refus de l’autorité : encore une moisson de difficultés. Nous sommes exhortés à prendre notre place dans l’ordre établi par Dieu… Et puis il y a la rancune, la haine, l’esprit de vengeance…

La culpabilité : une réalité qui nous bloque à l’intérieur de nous-mêmes et nous empêche d’avoir une bonne communication avec l’autre. La solution donnée par la Bible, c’est la confession. Si nous avons péché contre notre frère, Jacques nous dit : prenez l’habitude de confesser mutuellement vos fautes ou vos péchés (Jc 5. 16). Les problèmes non réglés sont des blocages et l’Ecriture nous dit : " Si tu vas présenter ton offrande sur l’autel, si tu veux prier et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, arrête de prier, va d’abord te réconcilier " (Mt 5. 23). Face à l’orgueil, à l’esprit de supériorité, à cette soif de pouvoir, aux abus d’autorité que nous subissons ou que nous faisons subir, la Bible propose l’humilité : " Ainsi, comme des élus de Dieu, saints, bien-aimés, revêtez-vous de miséricorde, de bonté, d’humilité… " (Col 3. 12). Les divergences d’idées peuvent aussi être des obstacles dont nous souffrons et peuvent aussi nous séparer des autres. La tolérance biblique permet alors de les surmonter… Alors, pour que s’opère la réconciliation entre nous, entre notre prochain et nous, nous devons auparavant trouver la source de réconciliation en Dieu et avec lui. Comment vivons-nous notre relation avec Dieu, sommes-nous en harmonie avec lui ou en désaccord ?

Malheur à celui qui ne sait pas être seul !

Jésus semble donner une définition positive de la solitude. Il l’appelle " un secret ". C’est un secret qui n’est pas vide. C’est un secret dans lequel il y a Dieu : c’est comme un face à face avec Dieu dans ce secret, dans le silence d’une rencontre avec lui. C’est une solitude qui va remettre à sa juste place toutes les prétentions de notre moi, de notre être revendicateur, une manière de faire pour écarter ses tendances mauvaises et pour que Dieu occupe alors toute la place dans notre vie. Ce secret est un lieu de rencontre avec lui où il n’y a plus de téléphone, plus de télévision, plus de divertissement. Les soucis, les projets, les préoccupations sont mis de côté, au moins pour quelques instants, et nous apprenons alors à ne plus nous occuper de toutes ces choses qui font notre vie pour entrer dans un face à face avec Dieu. C’est là, dans cette solitude recueillie, remplie de sa présence, que nous apprenons vraiment à le connaître tel qu’il souhaite se révéler et se communiquer. Nous n’avons pas besoin de nous réfugier dans un monastère pour cela ! Jérémie nous dit : " Il est bon d’attendre dans le silence le secours de l’Eternel " (Lm. 3. 26). Savons-nous, pour nous-mêmes, combien il est bon ce lieu de recueillement protégé ? Jésus lui-même nous exhorte en disant : " Va dans ta chambre la plus retirée, ferme, verrouille la porte et là, parle-moi ". Jésus, lui aussi, agissait ainsi, retiré à l’écart dans des endroits solitaires, parfois même dans le désert, sur une haute montagne ou ailleurs, seul pour prier, pour rencontrer son Père, Dieu lui-même. La solitude est une école de Dieu dans laquelle il nous éduque. Pour nous, chrétiens, où apprenons-nous à remporter nos victoires, d’abord la victoire sur nous-mêmes ? C’est là, dans le secret, sous le regard de Dieu seul, que nous remportons des victoires et que nous nous formons dans une relation profonde avec Dieu. C’est… renoncer de tout son cœur à soi-même, porter sa croix en secret… C’est ainsi que nous parvenons à vaincre toutes ces forces mauvaises que nous portons en nous-mêmes. La conversation avec notre Dieu vivant, c’est la chose essentielle de notre vie.

Pasteur Alain Bédikian

19:05 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

Commentaires

Bruno, j'ai beaucoup aimé ce texte. C'est vrai que la solitude est nécessaire dans la vie. Mais une solitude qui est pleine de Dieu. La solitude, ne doit pas être vide, non, il faut qu'elle soit habitée par l"Amour de Dieu et l'amour des autres.
Je sais que toi aussi, parfois tu en trouve la nécessité. Avec toute mon amitié. Josiane

Écrit par : Josiane | 20/06/2006

Chère Josiane,
Dieu seul se trouve dans le silence. Tu as raison, je pars souvent ( toutes les deux semaines ), me ressourcer soit dans une Forêt ou un monastère.
Là, je prie et j'écris et je me retrouve enfin pour ensuite retrouver les autres avec une âme sereine.
Je pratique ces méditations depuis l'âge de treize ans. Et cela m'a permis de traverser bien des tempêtes.
Ma Force intérieure, je la dois au Silence, cette rencontre d'Amour avec Dieu.
Puissent les Humains se retirer loin des tourbillons de la Vie pour en respirer les parfums. Dire que nous n'avons pas le temps est une excuse ; je travaille entre 16 et 17 heures/jour.
Il faut savoir planifier son temps, c'est tout. Sans ce silence essentiel, j'aurai fait une dépression depuis longtemps avec la violence quotidienne que je côtoie.
A chacun de trouver son équilibre. La prière peut être un instant de silence au coeur du bruit...
Je te souhaite une belle soirée avec ceux et celles qui te sont chers !
QDTB
Bises Fraternelles, Bruno.

Écrit par : BRUNO LEROY. | 20/06/2006

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