30/05/2009
La pleine connaissance spirituelle vers laquelle nous guide l’Esprit.
Le fil rouge de la liturgie de cette fête de Pentecôte me semble être le passage de la Seigneurie du Christ à celle de l’Esprit au cœur du disciple et au cœur de l’Eglise. Par trois fois, Saint Paul insiste auprès des chrétiens de Galatie afin qu’ils « se laissent conduire par l’Esprit ». Il ne s’agit pas pour autant de changer de Maître : Celui que Jésus envoie d’auprès du Père ne fera que « reprendre ce qui vient du Fils pour nous le faire connaître ». Et comme le Verbe prononce les paroles du Père, c’est ultimement au Père que l’Esprit tout comme le Fils rendent témoignage.
Il semble pourtant qu’il y ait une contradiction dans les propos de Notre-Seigneur, puisqu’il affirme d’abord qu’il aurait « encore beaucoup de choses à nous dire, mais que pour l’instant nous n’avons pas la force de les porter » ; puis il ajoute que l’Esprit se limitera à nous « redire tout ce qu’il aura entendu ». Dans ces conditions, qui donc va compléter l’enseignement que Jésus n’a pas pu achever en raison de notre faiblesse ?
Si nous interprétons ces paroles comme la révélation d’un manque dans l’ordre du savoir, il y a effectivement une difficulté ; mais s’il s’agit d’un déficit dans l’ordre de la connaissance - au sens d’une intuition spirituelle de la véritable identité du Christ - la contradiction disparaît
: seul l’Esprit du Père et du Fils peut nous révéler la vérité de leur relation, et par là leur identité profonde. Littéralement, l’Esprit de vérité nous guidera dans la vérité toute entière, c'est-à-dire qu’il nous introduira dans le mystère de la Personne du Père en nous donnant part à la vie filiale du Christ. L’Esprit ne nous livre pas de « nouvelles informations sur l’affaire Jésus », mais il le « glorifie » : il révèle sa gloire, la gloire qu’il tient du Père en tant que Fils unique, venu nous introduire dans « la grâce et la vérité » (Jn 1, 17).
La parole de Jésus ne suffit donc pas pour « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » : il faut davantage ; un autre don est nécessaire : celui de l’Esprit, qui glorifie le Fils, c'est-à-dire qui met en lumière le caractère divin de sa mission. La parole s’écoute ; la gloire se contemple : la parole nous constitue en interlocuteurs de Dieu, la contemplation de sa gloire nous unit à lui dans l’amour, tout en nous unissant entre nous dans une même communion.
Nous avons donc besoin d’un double accompagnement : celui de la parole, et celui de l’Esprit. Nous pourrions dire que nous n’allons vers le Père qu’en donnant la main au Fils et à l’Esprit : « Si vous ne devenez pas comme les petits enfants – sous-entendu qui se laissent conduire par la main – vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18, 4). Et où allons-nous ainsi ? La seconde lecture de ce jour nous précise que notre marche nous conduit d’un état à un autre. En devenant sujet du Christ Jésus et en obéissant à son Esprit, nous passons de la sujétion à la Loi, à la liberté des enfants de Dieu ; ou encore : de l’esclavage de la chair à la liberté de l’esprit ; et enfin : de la mort à la vie. Ce passage n’est cependant pas une promenade de santé : Jésus nous parle de l’Esprit comme d’un Défenseur, un Témoin, un Avocat ; le contexte est donc celui d’un procès, d’une mise en accusation. Certes l’issue de l’affrontement ne fait pas de doute puisque Jésus est passé par c e chemin avant nous pour nous ouvrir la voie qui conduit au Père ; mais si notre Maître est déjà dans la gloire, nous sommes encore au cœur du combat. D’où l’importance de demeurer soumis à celui que Jésus nous a envoyé d’auprès du Père pour nous protéger, nous conseiller, nous guider et nous introduire dans la vérité toute entière.
Si Jésus nous dit avec autant d’insistance qu’il est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), et s’il nous envoie « l’Esprit de vérité » dont la mission est de nous « guider dans la vérité toute entière », c’est donc que ce qui nous barre l’accès à la vie en plénitude, c’est le mensonge. Le diable est en effet « Père du mensonge », et par le fait même, « homicide, et cela depuis les origines » (Jn 8, 44-45). D’où l’importance de proclamer à temps et à contretemps la parole de vérité, car c’est elle qui ouvre le chemin de la vie. Le poison mortel réside dans le mensonge - subtilement entretenu par le démon - selon lequel l’homme serait divin par nature, et n’aurait dès lors nullement besoin de salut. Enfermé dans son autonomie carcérale, ce petit dieu ne voit pas qu’il est esclave de la chair, aliéné de lui-même, voué à la mort ; alors qu’il est de toute éternité appelé par le Père à partager sa propre vie dans la lumière de l’amour.
La pleine connaissance spirituelle vers laquelle nous guide l’Esprit est donc à la fois « théorique » et « pratique » : il s’agit de coopérer avec la grâce à une transformation profonde de notre être afin de « devenir participants de la vie divine » (2 P 1, 4). Nous laisser conduire par l’Esprit signifie nous soumettre en toutes choses à ses directives afin de ne plus « obéir aux tendances égoïstes de la chair » (2nd lect.), et de vivre selon la loi de charité. Tel est le chemin que sont invités à suivre ceux qui « sont au Christ » (Ibid.) et progressent vers la vie filiale.
L’Esprit nous donne d’abord de croire en Jésus, Seigneur et Sauveur ; puis il nous conduit vers un attachement toujours plus radical à sa Personne, afin de vivre de sa vie. Sur ce chemin, il s’agit pour chacun de nous de faire la vérité sur nos comportements, afin d’extirper les agissements du vieil homme, qui sont incompatibles avec une vie en Christ. Il suffit de parcourir la liste des « actions auxquelles mène la chair » que nous énumère Saint Paul, pour découvrir que nous n’avons pas encore « crucifié en nous la chair, avec ses passions et ses tendances égoïstes », pour laisser « vivre l’Esprit en nous ». Telle est précisément la raison pour laquelle nous revivons chaque année la solennité de la Pentecôte : nous avons besoin de nous laisser purifier dans le Feu de l’Esprit afin de pouvoir « rendre témoignage en faveur de Jésus », et « proclamer par toute notre vie les merveilles de Dieu » (cf. 1ère lect.).
« Aujourd’hui, Seigneur, par le mystère de la Pentecôte, tu sanctifies ton Eglise chez tous les peuples et dans toutes les nations ; répands les dons du Saint Esprit sur l’immensité du monde, et continue dans les cœurs des croyants l’œuvre d’amour que tu as entreprise au début de la prédication évangélique, par Jésus le Christ, Notre-Seigneur » (Or. d’ouv.).
Père Joseph-Marie.
19:45 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.