05/12/2009
Le silence appelle à l’aventure de l’intériorité.
Photo : Bruno LEROY.
Nous sommes en l’an 28 de notre ère. L’empereur Tibère règne sur l’immense empire romain, qui va des rivages de la mer du Nord aux confins du désert saharien, et de la Palestine au détroit de Gibraltar. La méditerranée est un lac romain.
D’amblée St Luc énumère les régions où Jésus va exercer son ministère ainsi que les princes qui les gouvernent. Il termine en nommant les chefs religieux de l’époque en Judée. Cette précision du temps, du lieu et du contexte historique, souligne que les événements dont il va être question ne sont pas un mythe, mais une réalité plus décisive pour l’histoire universelle, que les faits et gestes des empereurs et roitelets se disputant indéfiniment le pouvoir.
Car Jean, fils d’un inconnu nommé Zacharie, ne parle pas en son nom propre, ni au nom de son père ou de son clan, ni même au nom d’un pouvoir politique : il est porteur d’un message venu du Très-Haut : par lui, « la parole de Dieu fut adressée » aux hommes de toutes races, langues, peuples et nations. Le Précurseur va donner vie à une parole préfigurée dans les prophéties d’Israël, et qui attendait son heure dans les Ecritures. Le lieu où surgit cette parole est également significatif : le désert, espace hostile où on évite de passer, lieu à distance des territoires occupés par les hommes, où le silence appelle à l’aventure de l’intériorité.
La discrétion avec laquelle St Luc décrit le Baptiste contraste avec celle qu’en donnent les autres évangélistes : aucune allusion à la pauvreté de son vêtement ni à sa nourriture frugale. Cette sobriété permet de focaliser toute l’attention du lecteur sur la Parole que Jean est chargé de transmettre. Ce n’est pas le personnage du Précurseur qui contraste avec les grands hommes politiques et religieux cités, mais c’est la Parole qui leur fait face et devant laquelle ils auront à se situer.
Cette Parole continuera à les interpeller même lorsqu’ils auront éliminé la voix qui l’a faite résonner à leurs oreilles ; car à défaut d’entendre le Précurseur, désormais : « tout homme verra le salut de Dieu ». C’est donc que la Parole que Jean annonce, se manifestera de manière visible, et que le salut qu’elle apporte sera perceptible par tout homme de bonne volonté. Tel est l’inouï de la Bonne Nouvelle : la parole de salut vient comme quelqu’un que l’on pourra voir et entendre, toucher et aimer.
On ne peut plus clairement annoncer son dynamisme : sa portée sera universelle ; elle se diffusera comme une flamme courant dans un chaume, annonçant partout son message de paix, de joie et de réconciliation à tous les hommes sans exception. Les enfants de Dieu dispersés par une triste nuit de péché, seront enfin « rassemblés du levant au couchant par la Parole du Dieu Saint ; ils se réjouiront parce que Dieu se souvient » (1ère lect.) « de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais » (Lc 1, 55). Ils les « conduira dans la joie, à la lumière de sa gloire, leur donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice » (1ère lect.).
La mission prophétique qui lui échoit, pousse Jean à s’approcher du fleuve, où il proclame un « baptême » que l’on pourrait aussi traduire par « une plongée » ou « un plongeon de conversion ». Pour se rendre au fleuve qui coule en bordure du désert et pour s’y plonger, les Juifs de l’époque devaient quitter leurs routes et leurs comportements habituels, et consentir à l’initiative d’un autre ; ce qui suppose qu’ils fassent confiance à ce Jean et à « la Parole de Dieu qui lui fut adressée ». Pour eux comme pour nous, la conversion commence lorsque nous consentons à sortir de nos ornières pour nous exposer aux appels de l’Esprit, qui nous parle par les prophètes.
La référence au livre d’Isaïe est incertaine, car il n’y est pas question de baptême pour la rémission des péchés. Le prophète de la première Alliance pressentait la nécessité pour l’homme de se préparer à accueillir une intervention divine imminente, mais c’est avec le Baptiste, que nous sont révélés les mots et les gestes qui conviennent. L’interprétation d’une prophétie se fait toujours rétrospectivement : c’est l’intervention concrète de Dieu dans l’histoire qui éclaire son annonce, car l’accomplissement dépasse toujours la prédiction. Ce processus culmine en Jésus : c’est à partir de lui qu’il faut désormais lire les Ecritures, puisque c’est en lui qu’elles trouvent leur plénitude de sens.
« A travers le désert, une voix crie » : c’est le volume sonore de la voix de Jean qui appelle, qui atteste et conteste, plus que les paroles articulées et la signification qu’on peut leur donner. Le cri s’élance comme une flèche, il file droit devant vers celui-qui-vient et dont il faut préparer la route. Les ravins, montagnes, collines figurent autant d’obstacles sur la route du désir éveillé par la voix du Précurseur, mais c’est celui-qui-vient qui les enlèvera : « car Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu » (1ère lect.).
C’est en ces termes qu’au cœur de la liturgie de ce second dimanche de l’Avent, résonne l’appel à la conversion. Celle-ci ne réside pas dans l’observance scrupuleuse d’un ensemble de règles rituelles. La conversion réside dans la reconnaissance de notre pauvreté et de notre impuissance à nous amender, et dans l’accueil de l’intervention du Dieu tout-autre qui seul peut sauver l’homme. C’est pourquoi la conversion que proclame le Baptiste consiste essentiellement dans la suppression des obstacles qui nous empêche de recevoir « le Salut de Dieu » qui se donne à voir, c'est-à-dire le Sauveur. Quant à l’urgence de la conversion, elle est motivée par l’imminence de l’intervention divine, et donc par la perspective de la rencontre prochaine avec le Dieu vivant.
Le thème de la conversion sera également au cœur de la prédication de Jésus ; là encore, il ne sera lié à aucune pratique pénitentielle particulière : la voie royale que propose Jésus est celle du dépouillement de toute suffisance, condition sine qua none pour pouvoir reconnaître sa véritable identité, et pour pouvoir accueillir l’Esprit de charité, qui seul peut nous introduire dans la vérité de notre condition filiale. Il s’agit donc d’une conversion à l’amour ; l’amour du Christ, et l’amour concret de tous nos frères, quelle que soit leur race, leur condition sociale et même leur identité spirituelle, au nom de notre commune appartenance au Père que nous révèle Jésus, unique médiateur de la fraternité universelle : c’est en « progressant de plus en plus dans l’amour, que nous marcherons sans trébucher vers le jour du Christ » (cf. 2nd lect.).
L’Eglise, peuple de convertis unis dans la charité, a précisément pour mission de faire entrer l’humanité toute entière dans la voie d’un amour sans frontières, qui brise le carcan de tous les particularismes clos.
L’Eucharistie est le lieu par excellence où s’exprime ce caractère universel de la Bonne Nouvelle ; elle constitue le rassemblement où tout homme peut voir le salut de Dieu, et peut entrer dans la joie de son Seigneur. C’est ici autour de la table où le Père lui-même nous nourrit du Pain des Anges, qu’après nous avoir « dépouillé de notre robe de tristesse et de misère, il nous revêt de la parure de la gloire de Dieu ; qu’il met sur notre tête le diadème de la gloire de l’Eternel » (1ère lect.), le diadème de l’Epouse, toute parée pour son Epoux-qui-vient.
D’amblée St Luc énumère les régions où Jésus va exercer son ministère ainsi que les princes qui les gouvernent. Il termine en nommant les chefs religieux de l’époque en Judée. Cette précision du temps, du lieu et du contexte historique, souligne que les événements dont il va être question ne sont pas un mythe, mais une réalité plus décisive pour l’histoire universelle, que les faits et gestes des empereurs et roitelets se disputant indéfiniment le pouvoir.
Car Jean, fils d’un inconnu nommé Zacharie, ne parle pas en son nom propre, ni au nom de son père ou de son clan, ni même au nom d’un pouvoir politique : il est porteur d’un message venu du Très-Haut : par lui, « la parole de Dieu fut adressée » aux hommes de toutes races, langues, peuples et nations. Le Précurseur va donner vie à une parole préfigurée dans les prophéties d’Israël, et qui attendait son heure dans les Ecritures. Le lieu où surgit cette parole est également significatif : le désert, espace hostile où on évite de passer, lieu à distance des territoires occupés par les hommes, où le silence appelle à l’aventure de l’intériorité.
La discrétion avec laquelle St Luc décrit le Baptiste contraste avec celle qu’en donnent les autres évangélistes : aucune allusion à la pauvreté de son vêtement ni à sa nourriture frugale. Cette sobriété permet de focaliser toute l’attention du lecteur sur la Parole que Jean est chargé de transmettre. Ce n’est pas le personnage du Précurseur qui contraste avec les grands hommes politiques et religieux cités, mais c’est la Parole qui leur fait face et devant laquelle ils auront à se situer.
Cette Parole continuera à les interpeller même lorsqu’ils auront éliminé la voix qui l’a faite résonner à leurs oreilles ; car à défaut d’entendre le Précurseur, désormais : « tout homme verra le salut de Dieu ». C’est donc que la Parole que Jean annonce, se manifestera de manière visible, et que le salut qu’elle apporte sera perceptible par tout homme de bonne volonté. Tel est l’inouï de la Bonne Nouvelle : la parole de salut vient comme quelqu’un que l’on pourra voir et entendre, toucher et aimer.
On ne peut plus clairement annoncer son dynamisme : sa portée sera universelle ; elle se diffusera comme une flamme courant dans un chaume, annonçant partout son message de paix, de joie et de réconciliation à tous les hommes sans exception. Les enfants de Dieu dispersés par une triste nuit de péché, seront enfin « rassemblés du levant au couchant par la Parole du Dieu Saint ; ils se réjouiront parce que Dieu se souvient » (1ère lect.) « de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais » (Lc 1, 55). Ils les « conduira dans la joie, à la lumière de sa gloire, leur donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice » (1ère lect.).
La mission prophétique qui lui échoit, pousse Jean à s’approcher du fleuve, où il proclame un « baptême » que l’on pourrait aussi traduire par « une plongée » ou « un plongeon de conversion ». Pour se rendre au fleuve qui coule en bordure du désert et pour s’y plonger, les Juifs de l’époque devaient quitter leurs routes et leurs comportements habituels, et consentir à l’initiative d’un autre ; ce qui suppose qu’ils fassent confiance à ce Jean et à « la Parole de Dieu qui lui fut adressée ». Pour eux comme pour nous, la conversion commence lorsque nous consentons à sortir de nos ornières pour nous exposer aux appels de l’Esprit, qui nous parle par les prophètes.
La référence au livre d’Isaïe est incertaine, car il n’y est pas question de baptême pour la rémission des péchés. Le prophète de la première Alliance pressentait la nécessité pour l’homme de se préparer à accueillir une intervention divine imminente, mais c’est avec le Baptiste, que nous sont révélés les mots et les gestes qui conviennent. L’interprétation d’une prophétie se fait toujours rétrospectivement : c’est l’intervention concrète de Dieu dans l’histoire qui éclaire son annonce, car l’accomplissement dépasse toujours la prédiction. Ce processus culmine en Jésus : c’est à partir de lui qu’il faut désormais lire les Ecritures, puisque c’est en lui qu’elles trouvent leur plénitude de sens.
« A travers le désert, une voix crie » : c’est le volume sonore de la voix de Jean qui appelle, qui atteste et conteste, plus que les paroles articulées et la signification qu’on peut leur donner. Le cri s’élance comme une flèche, il file droit devant vers celui-qui-vient et dont il faut préparer la route. Les ravins, montagnes, collines figurent autant d’obstacles sur la route du désir éveillé par la voix du Précurseur, mais c’est celui-qui-vient qui les enlèvera : « car Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu » (1ère lect.).
C’est en ces termes qu’au cœur de la liturgie de ce second dimanche de l’Avent, résonne l’appel à la conversion. Celle-ci ne réside pas dans l’observance scrupuleuse d’un ensemble de règles rituelles. La conversion réside dans la reconnaissance de notre pauvreté et de notre impuissance à nous amender, et dans l’accueil de l’intervention du Dieu tout-autre qui seul peut sauver l’homme. C’est pourquoi la conversion que proclame le Baptiste consiste essentiellement dans la suppression des obstacles qui nous empêche de recevoir « le Salut de Dieu » qui se donne à voir, c'est-à-dire le Sauveur. Quant à l’urgence de la conversion, elle est motivée par l’imminence de l’intervention divine, et donc par la perspective de la rencontre prochaine avec le Dieu vivant.
Le thème de la conversion sera également au cœur de la prédication de Jésus ; là encore, il ne sera lié à aucune pratique pénitentielle particulière : la voie royale que propose Jésus est celle du dépouillement de toute suffisance, condition sine qua none pour pouvoir reconnaître sa véritable identité, et pour pouvoir accueillir l’Esprit de charité, qui seul peut nous introduire dans la vérité de notre condition filiale. Il s’agit donc d’une conversion à l’amour ; l’amour du Christ, et l’amour concret de tous nos frères, quelle que soit leur race, leur condition sociale et même leur identité spirituelle, au nom de notre commune appartenance au Père que nous révèle Jésus, unique médiateur de la fraternité universelle : c’est en « progressant de plus en plus dans l’amour, que nous marcherons sans trébucher vers le jour du Christ » (cf. 2nd lect.).
L’Eglise, peuple de convertis unis dans la charité, a précisément pour mission de faire entrer l’humanité toute entière dans la voie d’un amour sans frontières, qui brise le carcan de tous les particularismes clos.
L’Eucharistie est le lieu par excellence où s’exprime ce caractère universel de la Bonne Nouvelle ; elle constitue le rassemblement où tout homme peut voir le salut de Dieu, et peut entrer dans la joie de son Seigneur. C’est ici autour de la table où le Père lui-même nous nourrit du Pain des Anges, qu’après nous avoir « dépouillé de notre robe de tristesse et de misère, il nous revêt de la parure de la gloire de Dieu ; qu’il met sur notre tête le diadème de la gloire de l’Eternel » (1ère lect.), le diadème de l’Epouse, toute parée pour son Epoux-qui-vient.
Père Joseph-Marie.
21:13 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
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