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29/09/2007

POURQUOI TANT D'INDIFFÉRENCES ?

« Cet homme, c’est toi » (2 Sm 12, 7). Ces paroles par lesquelles le prophète Nathan accuse le roi David, pourraient fort bien m’être attribuées à moi, qui me scandalise devant l’indifférence de ce mauvais riche faisant bombance, tout en ignorant le pauvre Lazare, mendiant sur le pas de sa porte. Comme David qui se scandalisait du comportement de ce riche propriétaire égorgeant l’agnelle du pauvre pour épargner son cheptel, alors que lui-même venait de prendre la femme de Uri le Hittite, ainsi moi aussi je me fais l’accusateur des riches de ce monde, en refusant de voir que j’en fais partie. « Esprit faux ! Enlève d’abord la poutre de ton œil, alors tu verras clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère » (Lc 6, 42). Ne faisons-nous pas partie de « ceux qui vivent bien tranquilles et se croient en sécurité » (1ère lect.) alors que tant de nos frères sont aux aboies, tourmentés par la faim, la maladie, le dénuement ; pourchassés sur les routes de l’exil, exposés à toutes sortes de violence ? Nous sommes tellement habitués au spectacle de la misère du monde, que nous finissons par la regarder de loin, de très loin ; en tout cas d’assez loin pour ne pas en être dérangés.
En disant cela je ne cherche pas du tout à culpabiliser qui que ce soit ; d’ailleurs je parle à la première personne, et si nous sommes tant soit peu honnêtes, nous n’aurons nulle peine à nous reconnaître dans ce comportement qui affecte globalement la grande majorité des pays occidentaux, croyants et non-croyants confondus.
Pourtant nous savons fort bien que cette inertie nous accuse : « le Seigneur », lui, « protège l’étranger ; il soutient la veuve et l’orphelin ; il fait justice aux opprimés ; aux affamés il donne le pain » (Ps 145). C’est-à-dire qu’il attend de nous que nous lui permettions d’accomplir ces œuvres élémentaires de compassion, en nous rendant disponibles à son Esprit de charité. Jésus nous a enseigné - et nous a surtout montré - le comportement de Dieu à notre égard : c’est par compassion pour notre misère que le Verbe a pris chair de notre chair ; « lui qui était riche, il est devenu pauvre à cause de nous, pour que nous devenions riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9). Aussi notre vraie richesse est-elle de consentir à nous appauvrir pour nos frères, comme lui, le Christ, l’a fait pour nous.
Certes, nous avons aussi à veiller avec prudence sur l’avenir de notre famille, de notre prochain le plus proche ; mais « il ne s’agit pas de nous mettre dans la gêne en soulageant les autres, nous rassure saint Paul. Il s’agit d’égalité, ce que nous avons en trop compensera ce que d’autres ont en moins. Quand on y met tout son cœur on est accepté pour ce que l’on a, peu importe ce que l’on a pas » (2 Co 8, 12-14).
Dimanche passé Notre-Seigneur nous donnait ce conseil : « Faites-vous des amis avec l’Argent trompeur afin que le jour où il ne sera plus là ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles » (Lc 16, 9). La parabole de ce jour, qui n’est distante que de quelques versets de la péricope de la semaine passée, pourrait bien être une mise en application de ce précepte : si le riche avait vécu la dimension de partage qui s’imposait au nom de la simple humanité du pauvre Lazare, ce dernier l’aurait accueilli dans le sein d’Abraham. Son indifférence - ou plutôt son égoïsme - entraine le riche vers le bas, et cette inertie perdure au-delà de la mort : « on l’enterra » ; alors que rien ne s’oppose à l’élévation de Lazare emporté par les anges dans les hauteurs célestes.
Il ne s’agit pas de faire l’apologie de la misère, ni de diaboliser la richesse, mais de mettre notre condition de vie quelle qu’elle soit dans la perspective de notre destinée éternelle, à savoir la participation à la vie même du Dieu d’amour. Lorsque saint Jean de la Croix annonce de façon lapidaire qu’au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour, il entend dire par là que nous n’emporterons avec nous que nos actes de charité. « Amor meus, pondus meus » disait également saint Augustin : mon « poids » dans la balance du jugement divin sera mon amour, c’est-à-dire les bonnes œuvres que j’aurai accomplies avec l’aide de la grâce. C’est également ce que nous enseigne saint Paul dans la seconde lecture : si nous prétendons être des « hommes de Dieu » il nous faut « vivre dans la foi et l’amour » c’est-à-dire dans « une foi vivante par la charité » (Ga 5, 6) ; car « la foi qui n’agit pas est bel et bien morte » (Jc 2, 26).
Notre-Seigneur n’a jamais prétendu que ce chemin était facile : dans les versets qui font la transition entre l’Évangile de dimanche passé et celui d’aujourd’hui, il nous invite tout au contraire à « employer toute notre force pour entrer dans le Royaume » (Lc 16, 16) ; c’est donc qu’il faut faire un effort pour vaincre l’inertie de notre égoïsme. Saint Paul parle même d’un combat : « Continue à bien te battre pour la foi et tu obtiendras la vie éternelle » (2nd lect.). Réveillons-nous donc de nos torpeurs. Certes nous ne pouvons pas apporter soulagement à toutes les souffrances du monde - d’ailleurs le Seigneur ne nous le demande pas. Mais nous sommes invités à chercher activement le pauvre Lazare qui est « couché à notre porte, couvert de plaies » - les plaies des maladies physiques, mais aussi des épreuves morales ou spirituelles. Nous avons tous reçu de quoi partager avec des frères plus démunis, qui nous permettent de faire fructifier les dons de Dieu au soleil de son amour.
Puissions-nous oser sortir de nous-mêmes, de nos isolements protectionnistes, et nous exposer aux besoins de nos frères : ce sera le plus beau témoignage que nous puissions rendre à la résurrection de Notre-Seigneur, qui par nous pourra ainsi continuer son ministère de compassion et étendre son Royaume.


« Seigneur qui donne la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes, prends pitié de nos lourdeurs, de nos indifférences, de nos égoïsmes. Accorde-nous ta grâce pour que nous découvrions qu’« il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35). En nous hâtant ainsi sur le chemin de la charité nous parviendrons au bonheur du ciel par Jésus, le Christ, notre Seigneur. »


Père Joseph-Marie.

20:40 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

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