27/04/2009
Avis concernant le phénomène dit des sectes.
PREAMBULE :
La Commission nationale consultative des droits de l’homme a décidé d’examiner les problèmes posés par le développement contemporain d’organismes usuellement qualifiés de sectes, dans la perspective du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans un Etat démocratique, et particulièrement de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui précise : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi".
INTRODUCTION :
Le seul objet de cette étude concerne les groupements, qu’ils se présentent ou non comme religion, dont les pratiques constatées sont susceptibles de tomber sous le coup de la législation protectrice des droits des personnes ou du fonctionnement de l’Etat de droit. Cet avis, par delà les questions de terminologie, n’entend pas prendre parti dans le domaine religieux, qu’il s’agisse de religions traditionnellement reconnues, de groupes religieux dissidents ou d’institutions prétendant au titre de "nouvelles religions".
Cet avis a été voté par l’assemblée plénière de la Commission le 10 décembre 1993 après étude d’un projet proposé par le groupe de travail mandaté à cet effet, sur la base d’une documentation produite, dont les principaux éléments sont rappelés en annexe.
Ces groupes prennent des expressions multiples et ce serait une erreur de penser qu’ils n’existent que sous des formes religieuses.
De tels groupes ne sauraient être considérés comme illégitimes dès lors qu’ils respectent la législation de l’Etat de droit et que les personnes peuvent y adhérer librement et peuvent s’en retirer librement.
En revanche, le problème de légitimité, au regard du respect des droits de l’homme, peut se poser envers des groupes qui se constituent à proprement parler en "sectes" en empêchant leurs membres de prendre des décisions libres et volontaires. Ces groupes sont fort différents les uns des autres dans leur degré de transgression des lois et le degré de dépendance réelle de leurs membres vis-à-vis de l’autorité du groupe. Ce sont les problèmes qui peuvent être posés par ces groupes et les réponses qui doivent y être données par l’Etat de droit que la Commission a décidé d’examiner.
I- Les problèmes que pose le phénomène dit des sectes
a) au regard des libertés individuelles,
La Commission constate que certains groupes :
utilisent la fragilité d’individus particulièrement vulnérables, singulièrement des mineurs, en les exposant notamment à des pressions d’ordre affectif, à des techniques de manipulation mentale, à des entreprises d’exploitation sexuelle.
recourent à l’encontre de ceux qui résistent à leur action à des procédés diffamatoires et à des harcèlements dans leur vie privée et professionnelle.
b) au regard de l’ordre public démocratique,
La Commission considère que ces groupes peuvent constituer un danger pour les libertés publiques lorsqu’ils prônent le refus des lois, par exemple en exerçant des voies de fait, en accomplissant des détournements, des abus de confiance, des escroqueries, des infractions financières et fiscales, des mauvais traitements, de la non-assistance à personne en danger, des incitations à la haine raciale, des trafics de stupéfiants etc...
II- Les réponses de l’Etat de droit
A- Les mesures législatives et réglementaires
La Commission nationale consultative des droits de l’homme estime que la liberté de conscience garantie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), par la Déclaration universelle des droits de l’homme, par la Convention européenne des droits de l’homme (article 9) rend inopportune l’adoption d’une législation spécifique au phénomène dit des sectes qui risquerait de porter atteinte à cette liberté fondamentale.
Elle rappelle les dispositions du droit commun, non discriminatoires et fondées sur des actes.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme demande :
a) concernant la protection des personnes particulièrement vulnérables, notamment les mineurs.
1. La mise en oeuvre de la Convention internationale des droits de l’enfant (1989), plus particulièrement en ses articles visant à protéger les mineurs et à prévenir les cas d’enlèvement ou de transfert à l’étranger ;
2. que l’attention des magistrats soit appelée sur les textes applicables tant en matière pénale que civile, notamment :
les dispositions relatives aux enlèvements de mineurs, incitation à la débauche et à la prostitution...
celles des articles 375 et suivants du Code civil relatives à la protection des mineurs, et de la loi du 28 mars 1882 sur l’obligation scolaire.
celles de la loi du 3 janvier 1968 relative à la protection des incapables majeurs instaurant des mesures de protection juridique telles que la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.
celles des lois des 13 juillet 1965 et 11 juillet 1975 s’attachant à la protection spécifique des intérêts de la famille de l’adepte marié.
b) concernant le régime applicable aux groupements :
3. l’application vigilante de la loi du 1 er juillet 1901, notamment en son article 1er réservant ce statut aux organisations à but non lucratif, et en ses articles 3 et 7 prévoyant la nullité d’une association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, prononcée par le Tribunal de grande instance ;
4. une appréciation rigoureuse des conditions de la reconnaissance légale prévue pour les congrégations et communautés religieuses par le titre III de la loi du 1er juillet 1901 ;
5. un contrôle strict réservant aux associations cultuelles le bénéfice de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 autorisant les dons et legs exonérés des droits de mutation, ainsi que du bénéfice de divers avantages fiscaux ;
6. une application effective de la législation financière pour vérifier la transparence budgétaire et comptable, réprimer les fraudes fiscales et pour instruire les demandes d’exonération de l’impôt sur les sociétés ;
7. de vérifier que les personnes employées par ces groupements bénéficient de la législation du travail, soient déclarées auprès des organismes sociaux leur garantissant une couverture sociale ;
8. de veiller à ce que la réglementation sur les quêtes sur la voie publique soit effectivement appliquée ;
9. que soient poursuivies et réprimées les pratiques ressortissant du délit d’exercice illégal de la médecine, de l’escroquerie et de la publicité mensongère ; les atteintes relatives à l’intégrité corporelle et les menaces exercées dans ce sens ;
10. que soient appliquées avec vigilance, par les préfectures ou les mairies, les règles de sécurité relatives aux établissements recevant du public et aux lieux d’hébergement utilisés par ces sectes ;
11. que la Commission nationale Informatique et Libertés soumette à contrôle la constitution de fichiers par les sectes ;
La Commission nationale consultative des droits de l’homme propose :
B- Les mesures d’information, d’éducation et de formation
12. que soit mise en place une structure de coordination interministérielle destinée à faire périodiquement le point sur l’évolution du phénomène dit des sectes et à coordonner l’application des mesures législatives et réglementaires pertinentes ;
et que soit créé un centre d’information publique sur ces groupes, recueillant et diffusant toutes informations et assurant une assistance juridique aux victimes ;
13. que soit diffusée une information et une formation auprès des professionnels travaillant dans les milieux de jeunes, tout particulièrement aux chefs d’établissements, et à l’ensemble des enseignants, aux personnels socio-éducatifs, parents d’élèves et que soient rappelés aux acteurs les textes applicables dans les établissements scolaires ;
14. que soit encouragée l’information des adolescents par la diffusion d’opuscules et l’organisation de manifestations scolaires ;
15. que soit diffusée une information aux magistrats, policiers, autorités fiscales, journalistes, particulièrement dans les programmes de formation ;
16. que soit renforcé le soutien aux associations d’aide aux victimes, dans la mesure où la protection des personnes en butte aux agissements de certains groupes ne peut être légitime et efficace que si sont employées des méthodes conformes au respect des libertés publiques et qu’elles contribuent à donner aux victimes les conditions d’une vraie liberté.
CONCLUSION :
La Commission nationale consultative des droits de l’homme estime nécessaire et légitime que l’Etat de droit soit protégé contre toutes les forces qui menacent de le pervertir en ne respectant pas les valeurs démocratiques et les principes fondamentaux des droits de l’homme tels qu’affirmés en droit interne et dans les instruments internationaux. Elle invite tous les citoyens à prendre activement leur responsabilité dans ce domaine essentiel pour les libertés.
Le combat ne fait que commencer...!
11:12 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans SOCIOLOGIE. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, catholique, foi, spiritualite | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
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