| Peut-être n’est-il pas inutile de préciser d’emblée les sources de la citation de Jésus… « Vous avez appris qu’il a été dit ». Rien n’est plus impersonnel ; qui a dit cela ? « Tu aimeras ton prochain » est évidemment une citation biblique, mais « tu haïras ton ennemi » n’en est pas une ! Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, la Bible invite toujours à ne pas dresser les barrières de la haine entre les hommes. Il est vrai que l’Ancien Testament, dans le livre des psaumes par exemple, utilise parfois un langage assez rude ; mais il l’est uniquement envers ceux qui attaquent Dieu. La haine qu’il convient alors d’éprouver est celle de l’ennemi de Dieu, c'est-à-dire celle du péché. La première vertu de cet enseignement de Jésus est donc de remettre en question les frontières qui nous permettent de distinguer les amis des ennemis. Y a-t-il des hommes que nous désignons comme « ennemis » parce qu’ils sont ennemis de Dieu ? Si oui, regardons comment Dieu se comporte avec eux : il fait pleuvoir et donner du soleil sur leurs récoltes. Serions-nous meilleurs que Dieu, plus aptes que lui à exercer la justice ? Notre Dieu est le Dieu de miséricorde, il est le Dieu qui est Père. Comportons-nous en fils et laissons au temps de la miséricorde l’occasion d’engendrer des conversions chez ces « ennemis » avec qui Dieu prend patience. Mais regardons-nous toujours les ennemis de Dieu comme les nôtres ? N’appelons-nous pas facilement, et seulement, « ennemis » nos agresseurs ? Nous rencontrons en effet bien souvent de l’opposition, de la méchanceté, et il peut arriver qu’on veuille explicitement nous nuire. « Eh bien moi je vous dis : aimez vos ennemis ». La parole de Jésus est cinglante et nous rejoint au cœur des injustices que nous subissons. Comment les vivre, comment traverser cette souffrance ? En remarquant que ce commandement de Jésus vient avant la contemplation de la paternité de Dieu. Ce n’est pas parce que nous avons en Dieu un Père miséricordieux que nous trouverons la force de l’imiter. Au contraire, c’est en l’imitant que nous aurons la force de devenir et de rester ses fils ! « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent afin d’être vraiment les fils de votre Père ». Le but clairement exprimé est de devenir des fils. Voilà qui renverse les traditions de la sagesse humaine. « Vous avez appris qu’il a été dit » disait Jésus. Eh bien, tous ces raisonnements sont à l’envers de la logique de l’évangile. Ce n’est pas à nous de nous faire solidaires de Dieu, mais c’est Dieu qui se rend solidaire de nous. « Nos ennemis », qu’ils le sachent ou pas, participent tous à un vaste projet qui consiste à détruire dans l’homme la marque que son Père des Cieux y a inscrite et qui fait sa grandeur. Et particulièrement en nous, les chrétiens. « Nos ennemis » le sont parce que le mal sait qu’en nous il atteint le Dieu qui s’est fait solidaire de sa créature ! Nous sommes chrétiens, nous sommes des christs, donc l’ennemi de Dieu atteint sa cible en nous. Aussi, entrer dans la haine n’est pas nous opposer aux « ennemis », mais nous éloigner du Dieu d’amour, et donc donner victoire à l’Ennemi, en fortifiant le règne du péché. Et Jésus d’insister : notre logique humaine ne mène à rien. Que peut-il nous revenir si nous nous contentons d’aimer nos amis et de haïr nos ennemis ? Au contraire, si nous nous conduisons en enfants de Dieu, nous visons la perfection qui est la sienne. « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Les enfants de Dieu sont donc ceux qui comptent sur sa grâce pour ne jamais être séparés de lui, ils choisissent d’aimer leurs ennemis pour témoigner que le Dieu visé par le péché en notre humanité, est le Dieu de Miséricorde, celui qui tient ouvert devant chacun de ses enfants le chemin de la réconciliation. A nous d’être les jalons de son amour sur ce chemin. Frère Dominique
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