20/03/2008
LA RÉVOLTE DE LA FOI.
Jésus a communié à notre souffrance jusque sur la Croix. Mais sans résignation. Il n’est pas venu nous dire de tout supporter patiemment avec pour seule consolation sa présence. Nul compromis ni demi-mesure dans l’histoire de Jésus, mais une ardeur de vivre et un élan irrésistible. La foi chrétienne n’est pas dolorisme mais volonté de prendre la vie à bras-le-corps pour que la joie éclate en une symphonie toujours nouvelle.
Jésus était un révolté. Il ne pouvait admettre la misère de ces pauvres hères qui traînent leurs infirmités depuis des années. Il ne pouvait tolérer que la mort déchire le tissu de tendresse tissé au fil des jours entre une veuve et son fils unique. Comment se réjouir du soleil qui inonde les champs de blé et les vignes tandis qu’un aveugle jamais n’a vu la lumière ? Ses nuits de prière étaient peuplées par tant de boiteux que la musique ne peut faire danser et tant de sourds que le chant de l’oiseau n’égaye pas. Il a arraché les barreaux qui enfermaient la pécheresse dans un cachot de jugements. Il a rejoint le lépreux que la loi et les coutumes avaient mis au ban de la société. Il s’est tressé un fouet de cordes pour balayer tous les marchandages dont nous badigeonnons Dieu et purifier nos ambiguïtés.
Jésus était un révolté et, comme tant d’autres, il l’a payé de sa vie. Il aurait pu se calmer, il aurait dû être plus raisonnable et écouter le voix de la sagesse...Non. Rien n’a éteint le feu qui brûlait en lui. Il a été jusqu’au bout de sa révolte...à la face de Dieu : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » ( MC 15,34 ). Il pouvait bien crier vers Dieu, lui qui avait pris la vie au sérieux. Il avait le droit de faire entendre sa question, lui qui avait tout misé dans l’aventure. Ses mots sonnaient vrai. Sa plainte était justifiée.
Écoutez son cri qui ne fait qu’un avec toutes les misères du monde, avec toutes les angoisses et les déceptions humaines. Écoutez-le qui expire au cœur de toutes nos détresses, dans notre nuit de solitude. Entendez le cri de cet homme aux prises avec le mal et la mort. Écoutez l’oiseau blessé et recueillez la fleur coupée...
Mais dans ce cri jeté à la face de son Père, il y a la Foi, la vraie ! Ne faut-il pas beaucoup de confiance pour crier à quelqu’un sa révolte ? Peut-on mettre à nu sa douleur devant n’importe qui ? Jésus savait bien que Dieu ne peut pas nous abandonner, même si toutes les apparences sont contre nous, car il est un Dieu de fidélité. Et Jésus a fait confiance, nocturnement, au cœur même de sa révolte. Une foi obscure et sourde palpite et gronde dans son désespoir. Déjà une lumière s’annonce à l’aurore de l’horizon. Et le matin de Pâques ne l’a pas déçu. Jésus a eu raison de crier vers Celui-là. Car Il écoute la colère de l’homme et Il n’est pas insensible. Jésus savait ce qu’il faisait en soupirant vers son Père.
La révolte habite toujours la foi. Car la foi est un refus de ce monde abîmé, refus plein d’une confiance parfois douloureuse, toujours mystérieuse. Et Dieu répond. Souvent il semble n’y avoir que le silence, un silence long comme un samedi-saint coincé entre la douleur de la Croix et la joie de Pâques. Mais Dieu répond toujours.
La foi est pour les révoltés. Elle vibre au cœur de notre sédition contre toutes les limites et tous les esclavages qui nous enserrent. Elle naît lorsque la tempête de nos cris et de « nos poings d’interrogation » bondit sur la plage de Dieu et que les vagues de notre véhémence viennent battre de plein fouet les rivages célestes. Nous avons raison de ne pas nous résoudre à la mort de l’aimé. Nous avons raison de ne pas accepter ce monde d’injustice. Si Dieu est Dieu, il ne peut tolérer la solitude de tant d’esseulés ni les tortures des innocents. Est-il possible que Dieu ne soit pas du côté de tous les révoltés et des maquisards de l’Espérance ? Notre révolte est celle même de Dieu. « La foi, disait Karl Barth, est un désespoir confiant ».
Il n’y a pas de foi sans révolte. Mais, il n’y a pas de révolte sans passion de vivre. La Foi est une révolte. Mais au nom de l’Amour et non pour se hisser sur le podium. Nous devons d’abord chercher le Bonheur des autres. C’est l’amitié pour eux qui nous fait prendre le chemin de l’Espérance. La seule manière de se sauver est de sauver son frère. Il n’y a d’accomplissement que dans l’Amour et le salut de tous. Notre Foi , au cœur même de nos reproches peut faire vivre les autres. Puissent les non-croyants entendrent nos cris qui battent à l’unisson de leurs révoltes à condition que nous acceptions nos différences pour devenir ensemble des combattants de la vie afin de construire une civilisation de l’Amour basée sur le respect de la dignité Humaine.
Bruno LEROY.
11:36 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans CHRONIQUES. | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Commentaires
Ah, cher Bruno, je suis à 99% avec vous ! Mais voilà : il y a 1% qui manque à l'appel. (Cela pourrait être pire, non?)
Alors, d'où vient ce 1% ? De l'usage du mot "révolte", tout simplement. Le contexte dans lequel il est décliné est sauf : ce sont quand même les 99% restants ! Mais Dieu "prend plaisir à notre obéissance". Aujourd'hui-même, Jeudi saint, Il "prend son pied"... en prenant les nôtres pour les laver. Et justement, Simon-Pierre commence par se "révolter" contre ce geste qu'il estime incongru !
C'est donc là juste une question de sémantique, mais elle n'est pas secondaire. Étymologiquement, le concept de "révolte" a de forts relents de retour sur soi : pas vraiment l'esprit d'avancer, de faire bouger les choses. (Le petit Robert nous précise même que "révolté" vient de "apostat" : voilà qui donne une saveur étrange à "la révolte de la foi" !)
Encore une fois, je coupe ici les cheveux en quatre (bien que je commence à les avoir presque aussi longs que vous !..) en ne me méprenant nullement sur l'esprit de cette note, me contentant -tel un chien obéissant- d'en ronger un tantinet la lettre. Pas davantage que vous, je ne saurais communier à la résignation doloriste, et tout accepter sans discernement sous le prétexte trop souvent fallacieux de "se rapprocher du Seigneur" par des souffrances qui ne sont que celles de pieds surinfectés parce que personne n'a pu -ou su- les laver en leur temps...
Alors, contre ce qui n'est pas acceptable, je préfère me rebeller plutôt que me "révolter" ! L'étymologie du mot est plus pure... et plus "mâle" (latin "bellum" : GUERRE !). Elle en appelle non à une guerre aveugle et destructive, mais à un combat qui lutte contre tout ce qui détruit la dignité humaine. Et ce "tout" est légion : j'en conviens avec vous !
Et puis, "rebelle" a une consonance imprévue et amusante : le mot n'invite-t-il pas à "re"mettre la beauté à sa juste place ? Donc, à combattre avec sérénité tout ce qui la défigure...
Ne voyez ceci que comme le "savon" de la correction fraternelle. Mais attention : c'est là un savon pour les pieds... non pour le cœur !
Bonne dernière ligne droite en cette semaine Sainte.
Bien fraternellement,
Michel
Écrit par : Michel de Tiarelov | 20/03/2008
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