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03/10/2006

Vivre en cohérence avec sa Foi.

L’évangéliste avait précisé que « Jésus durcit sa face pour faire route vers Jérusalem » (Lc 9, 51). La remontrance que Notre-Seigneur vient d’adresser aux disciples qui voulaient détruire par le feu le village Samaritain ayant refusé l’hospitalité à leur Maître, prouve que le « durcissement » dont il est question ne concerne pas la relation de Jésus aux hommes, pour le salut desquels il s’apprête précisément à entrer dans sa Passion. Les dialogues avec trois disciples potentiels, rassemblés par Saint Luc en une seule péricope, vont nous permettre de mieux comprendre en quel sens le compagnon de Jésus est appelé à « durcir sa face ».
« Je te suivrai partout où tu iras » : cet homme a perçu ce qui constitue l’essence de l’attitude du disciple : suivre le Maître avec une disponibilité inconditionnelle. Cependant, ce Rabbi n’est pas comme les autres : banni de sa patrie, repoussé par les Samaritains, soupçonné par ses coreligionnaires, il « passe au milieu de ses détracteurs et va son chemin » (cf. Lc 4, 30), qui le conduira bientôt au Golgotha. Devenir disciple d’un tel Maître mérite réflexion : on ne s’engage pas à la légère à la suite d’un Rabbi qui s’est mis tous les responsables religieux à dos. Même les renards ou les oiseaux, qui comptent parmi les animaux les plus prudents, se réservent un lieu de repli où ils pourront se mettre à l’abri. Tel n’est pas le cas de Jésus « qui n’a pas d’endroit où reposer la tête » - entendons : qui ne dispose à proprement parler d’aucun lieu de refuge, si ce n’est le Cœur du Père qu’il rejoint dans la prière. Tout comme son Maître, le disciple n’appartient plus à ce monde (cf. Jn 17, 14), car sa patrie n’est pas sur terre mais au ciel. Aussi demeure-t-il en errance tant qu’il n’a pas rejoint sa demeure d’éternité. Avons-nous accepté cette pauvreté radicale ? Sommes-nous disposés à adopter ce statut de pèlerin permanent, consentant par avance à tous les risques d’exclusion au nom de l’Evangile que comporte cet état ?
L’inconnu dont l’intervention occupe la première partie de notre péricope, avait pris l’initiative de la demande. C’est bien ainsi que les choses se passaient dans la tradition juive, mais la pratique de Jésus est tout autre ; contrairement aux Rabbis de l’époque, c’est lui qui choisit ceux qu’il appelle à le suivre : « Il appela ceux qu’il voulait » (Mc 3, 14).
Le second personnage - que cette fois Jésus prend l’initiative d’appeler à sa suite - demande un délai pour enterrer son père. En Israël, l’obligation de rendre les honneurs d’une sépulture à ses parents, prime sur toutes les autres obligations légales ; la requête semble donc tout à fait justifiée. Pourtant, l’appel ne souffre aucun délai : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu ». La rupture entre le monde ancien où règne la mort, et le Royaume de la vie que Jésus vient inaugurer de la part de Dieu, est totale. Le disciple doit faire un choix radical, manifestant ainsi qu’il est lui-même né à la vie nouvelle, par la foi en celui qui par sa mort nous délivre de la mort, et par sa résurrection, nous ouvre à la vie divine. S’il est vrai que « celui qui croit en Jésus, même s’il meurt, vivra ; et que tout homme qui vit et qui croit en lui ne mourra jamais » (Jn 11, 26), il est clair que l’unique urgence est « d’annoncer le règne de Dieu » à ceux qui sont confrontés au drame de la mort physique, comme à ceux qui sont dans les filets de la mort spirituelle, c'est-à-dire dans le péché.
Il est difficile de savoir si le troisième personnage prend l’initiative de présenter sa candidature - comme le premier - ou s’il répond à un appel de Jésus que l’évangéliste n’a pas mentionné. Quoi qu’il en soit, il reconnait Jésus comme « Seigneur » et se déclare prêt à le suivre, sous-entendu inconditionnellement. Il demande simplement, comme Elisée à Elie, de pouvoir « faire ses adieux aux gens de sa maison » (cf. 1 R 19, 20s). La réponse de Jésus dépasse l’exigence d’Elie, qui avait attendu le retour d’Elisée. La mission du Fils de l’homme ne souffre d’aucun préalable ; elle n’est conditionnée par rien : autant dire qu’elle est une priorité absolue, qui l’emporte même sur les règles élémentaires de convivialité humaine. Une telle radicalité dans le détachement, ne se justifie que par l’urgence d’annoncer le Royaume qui vient ; bien plus : qui est déjà là dans la personne de Jésus. Lorsque l’espérance nous ouvre les yeux sur le monde nouveau qui surgit là où est semé l’Evangile, comment ne pas garder nos regards fixés sur l’avenir que Dieu ouvre devant nous ? « Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre. En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Col 3, 1-4).

« Seigneur, à la lecture de ta Parole, je me rends compte combien je suis tiède, et comme je suis loin de répondre aux exigences que tu poses à tes disciples ! Ouvre mes yeux sur la radicale nouveauté introduite dans le monde par ta venue, et fais moi réévaluer mon existence quotidienne à la lumière de ta présence, afin que je puisse vivre en cohérence avec la foi que je professe. »


Père Joseph-Marie

19:23 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

NE VOUS LAISSEZ PLUS ÉCRASER.

Cette terrible histoire est peut-être la vôtre. Un homme va se faire écraser par les autres. Votre vie est si souvent écrasée par d’autres personnes. Dans le cadre de votre travail, suite à un drame familial, à cause de vos enfants difficiles. Il est malheureusement facile de constater que vos circonstances présentes vous écrasent complètement, elles sont trop lourdes pour vous ; que ce qui se passe à l’intérieur de vous, vos soucis, vos tracas, vos angoisses, vos craintes, vous écrasent littéralement. Bref, l’officier de ce récit d’hier, c’est vous aujourd’hui !  Lui va mourir, mais vous, vous allez vivre !

Il est intéressant de noter pourquoi cet homme va mourir écrasé, et ainsi éviter de commettre les mêmes erreurs que lui. Lui n’a pas cru Dieu. Il est évident que votre foi dans les promesses de Dieu vous dégagera de toutes formes d’oppression. Ne vous contentez pas de savoir cela, vivez-le !

Ensuite il a confondu les genres ; il n’a vu en Élisée qu'un prophète comme un autre, rien de plus ! Dieu utilise des moyens faibles pour atteindre ses objectifs dans votre vie ; cet homme va donc passer de manière catastrophique à côté du plan de Dieu pour sa vie. Aujourd’hui ces quelques lignes sont le faible moyen que Dieu va utiliser pour que vous en finissiez avec tout ce qui vous écrase.

Enfin, il était l’officier principal du roi, celui sur lequel le roi se reposait ; il n’a pas voulu perdre la face ; il s’est cru plus intelligent et plus sage, bien au-dessus des histoires du prophète. Bref, il avait le droit de penser ainsi, mais il en est mort. Ayons l’humilité, quand le Seigneur s’adresse clairement à nous, de croire simplement qu’il sait mieux que nous comment faire pour nous bénir, nous délivrer et nous sauver de tout ce qui nous écrase.

Une prière pour aujourd’hui

Seigneur Jésus, tu sais tout ce qui écrase ma vie, tout ce qui est si lourd pour moi, cet emploi du temps dément, ces responsabilités impossibles, ce chef qui me fait peur, ces collègues qui ne m’aiment pas, etc. Je viens tout te confier et m’abandonner entre tes mains. Ce qui m’écrase et qui voudrait finir par me tuer, je l’abandonne à tes pieds, Jésus. Amen

Samuel Foucart

09:55 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans CONSEILS SPIRITUELS. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

Étrange clair de Lune.

Il n'y a pas si longtemps de cela, avant la généralisation de l'éclairage électrique, les agriculteurs comptaient sur le clair de Lune pour mener à bien leurs moissons d'automne. Avec tout ce qui arrivait à maturité simultanément, il était hors de question d'arrêter le travail au coucher du Soleil. Dans ces circonstances, une brillante pleine Lune était une précieuse alliée. C'était ce qu'on appelait alors, et encore aujourd'hui, " la lune des moissons ".

http://www.cidehom.com/science_at_nasa.php?_a_id=258


À l'aube des planètes
Grâce à l'instrument Visir installé sur le VLT de l'Observatoire Austral Européen, une équipe de chercheurs majoritairement français est parvenue à mettre en évidence un disque protoplanétaire autour d'une jeune étoile.


http://www.cidehom.com/astronomie.php?_a_id=350


Les plus belles images

Le microquasar du cour est enfant de bohème

http://www.cidehom.com/apod.php?_date=061003


La victoire en roulant

http://www.cidehom.com/apod.php?_date=061002


Le Lion, le crane et le visage

http://www.cidehom.com/apod.php?_date=060926


Galaxies sens dessus dessous

http://www.cidehom.com/apod.php?_date=060929


Soyez les premiers à annoncer ces nouvelles à vos amis en leur faisant suivre ce message !

http://www.cidehom.com

09:50 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans ADOS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

Qui sont les chrétiens spirituels ?


C'est une tentation permanente, surtout chez ceux qui insistent sur le sérieux de la vie chrétienne, de faire un tri entre les chrétiens et de distinguer les " spirituels " des autres. Robert Somerville, qui a longtemps été le directeur de l'Ecole Pastorale, essaie de prévenir ce danger dans cette étude principalement centrée sur les écrits de l'apôtre Paul.

Il n'est pas rare d'entendre, dans nos Eglises, des jugements sur le degré de "spiritualité" des chrétiens. "Celui-ci est vraiment spirituel. Mais celui-là non". On établit donc une distinction entre deux catégories de chrétiens: les "spirituels" et les autres, généralement qualifiés de "charnels". J'aimerais poser quelques questions à ce sujet. Le Nouveau Testament nous autorise-t-il à faire une telle distinction? Sur quels passages se base-t-on pour cela? Quels sont les critères qui permettent de reconnaître qu'un chrétien est spirituel ou non?

L'adjectif "pneumatikos" (spirituel), s'appliquant à des personnes, n'apparaît que rarement dans le Nouveau Testament . Sur les 21 cas où ce terme est employé (toujours dans des épîtres, dont près de la moitié dans 1 Corinthiens), c'est seulement à trois reprises que ce terme caractérise des personnes : deux fois dans 1 Corinthiens (2.15 et 3.1) et une dans Galates (6.1). Dans les autres cas, il s'agit des biens spirituels (Ep 1.3, Ro 15.27), ou des choses spirituelles (1 Co 2.13, 10.3), des dons spirituels (1 Co 12.1, 14.1), de la sagesse spirituelle (Co 1.9), de la maison spirituelle qu'est l'Eglise ( 1 Pi 2.5), etc.

Des chrétiens fiers d'être spirituels

Il vaut la peine de se poser la question: pourquoi l'apôtre Paul donne-t-il tant de place à ce mot dans l'épître aux Corinthiens et si peu dans ses autres lettres? La raison reconnue par les commentateurs est qu'il s'agit là d'un mot qui faisait partie du vocabulaire religieux des Corinthiens, mais qui était utilisé par eux dans un sens que l'apôtre jugeait dangereux et qu'il devait donc chercher à corriger.

En effet, ce que les chrétiens de Corinthe entendaient par "spirituel" était bien plus influencé par la pensée païenne dominante, celle de l'hellénisme, que par l'Evangile. Les "spirituels" étaient selon eux des hommes ayant atteint un niveau supérieur de connaissance, une sagesse divine réservée à ceux qui, grâce à un initiation ou une illumination, s'étaient affranchis des servitudes du monde matériel corrompu et participaient déjà de la nature céleste. On peut remarquer à ce sujet l'emploi de l'adverbe "déjà" au chapitre 4, verset 8 et la manière dont Paul se moque de leur façon de se glorifier dans tout ce passage. Ils se voient déjà arrivés, "parfaits". Ils sont des super-chrétiens. Ils recherchent la confirmation de ce sujet de fierté dans des expériences mystiques, surnaturelles en particulier dans le culte. D'où leur attirance vers le don des langues plutôt que vers les autres dons. Cela leur permet de se vanter de leur supériorité (4.6, 4.18, 5.2) malgré les exemples d'immoralité qu'on rencontre chez eux (5.6). Peu importe à leurs yeux. Ils sont libres ("tout est permis"); puisque le monde matériel est de toute façon mauvais, l'usage qu'ils font de leur corps n'a rien à voir avec leur vie spirituelle. Les lois morales de la Bible ne sont contraignantes que pour les gens simples, immatures. Eux peuvent jouir de leur liberté, sans se soucier des autres.

Convaincus de leur supériorité "spirituelle", ils considèrent que la prédication de Paul centrée sur l'événement historique de la croix de Jésus-Christ révèle une sagesse élémentaire. Ils ont, eux, dépassé ce stade dans leur recherche de la sagesse et de la connaissance. A leurs yeux, Paul n'est pas réellement spirituel. Il néglige le niveau supérieur, qui donne accès à la connaissance de Dieu grâce à une initiation et des exercices "spirituels", sans passer par le Christ crucifié et ressuscité. Ils ne croient pas au message de la résurrection (chapitre 15): le corps n'ayant aucune valeur, ce qui lui arrive est sans importance. Comme ils ont déjà atteint le stade d'une existence angélique, l'espérance de la résurrection ne les intéresse pas. L'édification de l'Eglise ne les préoccupe pas non plus, d'où leur comportement lors de la Cène (11.20-22) et le peu de cas qu'ils font du risque d'être une occasion de chute pour les faibles (8.9-13, 10.32-33).

Il est clair qu'aux yeux de Paul, de tels chrétiens, qui se vantent d'être spirituels, ne le sont pas en réalité. Bien que ce ne soit pas son vocabulaire habituel, Paul reprend ce terme "spirituel", qu'ils affectionnent, pour corriger leurs déviations.

Spirituels ou psychiques (1 Corinthiens 2)

Dans deux des trois cas où Paul applique l'adjectif "pneumatikos" à des humains, il est vraisemblable qu'il s'en sert pour désigner les croyants sans distinction. Au chapitre 2, verset 15, il oppose l'homme spirituel à l'homme "psychique". Segond a traduit ce mot par "animal"; la Colombe par "naturel"; la T.O.B, "l'homme laissé à sa seule nature", le Français courant "l'homme qui ne compte que sur ses facultés naturelles"; la Bible du Semeur "l'homme réduit à ses seules forces".

Bien que la compréhension de ce passage soit difficile et ait donné lieu à des interprétation différentes (1), il me semble qu'ici Paul parle des païens, des incroyants, de ceux qui n'ont pas cru à l'Evangile et qui ont "l'esprit du monde" (v.12), mais non le Saint-Esprit. Ils se vantent de leur sagesse, mais en réalité ils ne peuvent pas connaître les choses de Dieu. Aucune technique religieuse ou" spirituelle" ne peut donner la vraie connaissance de Dieu. Seul le Saint-Esprit peut nous faire connaître Dieu. Or, pour l'apôtre Paul, comme pour le reste du Nouveau Testament, le Saint-Esprit est donné à tous ceux qui, ayant entendu l'Evangile du Christ crucifié, le reçoivent par la foi ( Rom 8.15-16,1 Cor 3.16, 12.3, 12.7,12.13, Gal 3.2, Eph 1.13, etc.). L'homme spirituel n'est donc pas ici un chrétien supérieur, qui aurait gravi un degré de plus dans la connaissance de Dieu, mais tout chrétien né de l'Esprit, qui bénéficie des dons de la grâce de Dieu (le salut d'abord, la vie nouvelle, puis les "charismes"). Il convient de noter ici le parallèle entre le "nous" du verset 12 (ce que Dieu nous a donné par grâce) et le "vous" des versets 4 à 8 du premier chapitre de l'épître où Paul parle de "la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Christ, vous avez été enrichis en lui en toute parole et en toute connaissance"). Ces mots s'adressent à l'ensemble des chrétiens de Corinthe et non à une élite de "spirituels". Il est donc exclu qu'au chapitre 2, il les range parmi les "psychiques", qui ont reçu l'esprit du monde et non l'Esprit de Dieu (et dont les "princes de ce siècles" mentionnés aux vv. 6 et 8, sont un exemple frappant). Sinon, comment l'apôtre aurait-il pu les décrire, sans se contredire, comme "ceux qui ont été sanctifiés" (1.2) et leur dire:"Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu (6.11), ou encore: "Votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu et vous n'êtes pas à vous-mêmes. car vous avez été rachetés à un grand prix" (6.19-20)? Ainsi donc, lorsque Paul parle de l'"homme psychique" ou "naturel", en 2.14, il ne vise pas des chrétiens ignorants ou infidèles, mais les incroyants, ceux qui n'ont pas cru à l'Evangile du crucifié et n'ont pas reçu le don du Saint-Esprit .

De la même façon, il y a tout lieu de penser que, dans Ga 6.1, Paul pense à l'ensemble des chrétiens des Eglises de Galatie lorsqu'il écrit: "Vous qui êtes spirituels". L'épître est adressée aux Eglises, à tous leurs membres, et non à des chrétiens de niveau supérieur.

Spirituels ou charnels

Mais n'en va-t-il pas autrement des chrétiens de Corinthe à qui Paul adresse des reproches au début du chapitre 3 ? Là, il semble bien faire une distinction entre deux sortes de chrétiens: ceux qui sont spirituels et ceux qui, comme les Corinthiens, sont charnels. Il exprime en effet le regret de ne pas pouvoir leur parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels, de petits enfants en Christ.

A première vue, l'apôtre refuse ici la qualification de "spirituels" à certains chrétiens. Mais à y regarder de plus près, il ne met pas en doute le fait qu'ils ont reçu l'Esprit. A plusieurs reprises dans l'épître, Paul tient pour acquis que les chrétiens de Corinthe à qui il écrit ont reçu le Saint-Esprit (3.16, 6.11, 6.19, 12.3, 12.13). Il peut le dire, bien qu'ils se comportent encore comme des païens, des hommes dont les pensées et le comportement restent davantage influencés par l'esprit du monde que par l'Esprit de Dieu. A cause de cela, il ne peut pas leur parler comme à des spirituels, alors qu'il devrait pouvoir le faire puisqu'ils ont reçu le Saint-Esprit . Il s'attriste de constater qu'ils ne tirent pas les conséquence de leur statut en Christ. Il leur dit en quelque sorte: " Vous avez reçu l'Esprit (vous êtes donc des spirituels), eh bien, conduisez-vous comme tels!".

L'opposition ici n'est plus entre spirituel et "psychique", mais entre spirituel et "charnel", ou entre petit enfant et adulte. Il est clair que le petit enfant est déjà né! Mais ses parents ont parfois des raisons de s'inquiéter en voyant qu'il ne grandit pas, qu'il ne progresse pas, n'apprend pas à marcher, à parler, à lire, à jouer avec les autres, etc. Que des croyants convertis restent encore "charnels", c'est-à-dire davantage soumis à leurs propres raisonnements, à leurs propres volontés, à leurs propres désirs qu'à ceux de Dieu est une évidence. Toutes les exhortations du Nouveau Testament qui invitent les chrétiens à se laisser instruire par Dieu, à changer de comportement, à progresser dans la foi et dans l'amour, nous montrent que ce que nous constatons dans nos Eglises existait déjà dans les Eglises du premier siècle. Tous les pasteurs, je pense, peuvent, comme Paul, regretter que tel ou tel disciple de Jésus ne progresse pas et parfois même régresse, en retombant dans des habitudes dont on le croyait libéré et qui n'honorent certes pas le Seigneur.

Tous les chrétiens ne progressent pas au même rythme. La chose essentielle, bien entendu, est de partir, de se convertir, de se remettre au Seigneur Jésus pour le suivre et le servir. C'est là le changement décisif, produit par l'action du Saint-Esprit (1 Co 12.3), mais qui doit être suivi de bien d'autres changements. L'homme nouveau (ou la nouvelle nature) doit "se renouveler en vue d'une pleine connaissance selon l'image de celui qui l'a créée" (Col 3.10). Le rôle des conducteurs de l'Eglise et surtout des pasteurs-enseignants (mais aussi d'autres frères et sœurs dans la foi), est d'"avertir et d'instruire tout homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait (ou: accompli, ayant atteint la pleine maturité) en Christ" (Col 2.28). Pour cela, il faut commencer par un enseignement élémentaire, puis avancer vers une connaissance plus approfondie de la Parole de Dieu, une meilleure compréhension de sa grâce et de sa volonté, une mentalité nouvelle, libérée des influences du "monde" et permettant de voir toutes choses dans une lumière nouvelle, celle de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ (Rom 12.2). Cela implique, tout au long du chemin, des changements, des repentances, des renoncements à des manières de penser ou d'agir qui sont incompatibles avec l'appartenance à Christ. On ne peut que reconnaître que tous les chrétiens ne se trouvent pas, à un moment donné, aussi avancés dans la marche vers la maturité chrétienne.

En ce sens, on peut dire que certains sont plus "spirituels" que d'autres. A plusieurs reprises, il nous est dit que tel ou tel croyant est "rempli du Saint-Esprit", soit à un moment donné, en vue d'une action particulière (Ac 4.8, 13.9), soit de manière habituelle (Ac 6.3, 6.5, 11.24). Mais cela n'est pas le cas de tous les chrétiens à tout moment. Sinon, Paul ne prendrait pas la peine d'écrire:"Soyez remplis de l'Esprit" (Ep 5.18).

Parallèlement, Paul s'inquiète de voir les Galates en danger de "finir par la chair" après avoir" commencé par l'Esprit" (3.3). C'est pourquoi il les exhorte par ces mots:"Si nous vivons par l'Esprit, marchons aussi par l'Esprit" ou comme traduit la Bible du Semeur:"Puisque l'Esprit est la source de notre vie, laissons-le aussi diriger notre conduite" (5.25). Il reconnaît par ailleurs que les chrétiens eux-mêmes peuvent attrister le Saint-Esprit Ep 4.30) ou même l'éteindre (1 Th 5.19).

On peut à cet égard faire un parallèle entre les termes "spirituels" et "saints". Tous les chrétiens sont saints, puisqu'ils appartiennent à Dieu et qu'ils sont été sanctifiés. Paul peut donc écrire "aux saints" qui sont à Philippes ou à Colosses ou "à ceux qui ont été sanctifiés en Christ-Jésus" à Corinthe. Tous les chrétiens sont sanctifiés en Christ, mais tous sont appelés à progresser dans la sanctification, même si certains sont plus avancés que les autres. Mais nulle part, le Nouveau Testament ne fige cette différence, en distinguant deux catégories de chrétiens, les chrétiens supérieurs, qui sont pleinement saints et "spirituels, et ceux qui ne le sont qu'à moitié. Même les plus avancés ont encore besoin de progresser. Tous sont saints, mais aucun n'a encore atteint le but.

Une distinction à faire avec prudence

Je crois qu'il y a de réels dangers à vouloir étiqueter les chrétiens d'une Eglise et à les ranger dans deux catégories bien distinctes: les spirituels et les charnels. Et cela, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il n'est pas sage de s'appuyer sur un texte isolé (celui de 1 Co 3) pour établir une distinction permanente entre chrétiens. Répétons-le: si Paul a recours ici (et dans ce seul cas) à l'adjectif "spirituel" c'est en fonction de la situation particulière des Corinthiens, qui s'attribuaient cette qualité pour s'en glorifier. L'apôtre cherche à démonter les prétentions des soi-disant "spirituels" de Corinthe.

Ensuite, dans toute ses épîtres, Paul se garde bien de cloisonner l'Eglise, de la séparer en catégories plus ou moins proches de Dieu. Il lutte contre l'esprit de clan, contre toute prétention à une supériorité "spirituelle", contre l'orgueil qui se permet de juger et de mépriser les autres. Il n'établit pas de hiérarchie entre les chrétiens. Il ne connaît pas de super-chrétiens. Redisons-le: ses épîtres sont adressées à tous les chrétiens d'une Eglise, il les tient tous pour des frères en Christ, il reconnaît qu'ils ont tous part au Saint-Esprit.

En troisième lieu, la vie spirituelle n'est pas statique. Elle est une marche avec Christ, une croissance. Un instantané ne peut en donner qu'une image imparfaite. La vraie question n'est pas tant:"Quel niveau ai-je atteint?", mais: "Suis-je en marche ou arrêté?". Il faut donc veiller à ne pas porter un jugement définitif sur des personnes qui sont en évolution, en les enfermant dans des catégories figées. Les termes d'enfant et d'adulte évitent plus facilement cet écueil, puisqu'ils évoquent l'idée de croissance.

En outre, il est bon de se poser la question:"A partir de quel niveau de sainteté, de piété, de fidélité pratique peut-on dire que quelqu'un est vraiment spirituel? Sommes-nous sûrs de l'être nous-mêmes? Sans doute, si "spirituel" veut dire simplement "conduit par l'Esprit", nous pouvons avoir l'assurance que le Saint-Esprit nous conduit. Mais "nous bronchons tous" dit Jacques (3.2) et Jean renchérit:"Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous" (1 Jn 1.8). Autrement dit, aucun de nous ne peut affirmer avec une pleine assurance qu'il se laisse toujours conduire par l'Esprit et qu'il ne reste plus rien d'humain ou de charnel dans ses pensées et son comportement. La grande faiblesse des Corinthiens est précisément de se proclamer "spirituels", de s'enorgueillir. Etablir une, classification, une sorte de hiérarchie parmi les chrétiens (les spirituels et le non-spirituels, les saints et les moins saints, les bons et les mauvais), c'est s'exposer au danger de pharisaïsme.

Quels critères ?

De plus, il faut s'interroger sur les critères qui pourraient nous permettre de distinguer les chrétiens spirituels des chrétiens charnels, les adultes des petits enfants. Je crains que très souvent les critères que nous utilisons ne soient pas les mêmes que ceux que nous indique le Nouveau Testament.

Je puis me tromper, mais il me semble que, parmi les critères le plus souvent évoqués pour juger si un croyant est "spirituel" ou non, on peut citer la piété, l'engagement dans l'Eglise, le zèle, les dons spirituels, le comportement moral, la connaissance de la Parole de Dieu. Je suis bien d'accord pour dire qu'on peut s'attendre à ce qu'un chrétien adulte, conduit par l'Esprit fasse preuve d'une grande fidélité dans tous ces domaines. Mais nous pouvons aussi porter des jugements contestables en nous fiant trop exclusivement à de tels critères. Nous ne connaissons que très imparfaitement ce qui se passe dans le cœur des humains. Nous risquons de juger selon les apparences, à la manière des pharisiens.

Prenons par exemple, la piété. Il ne fait pas de doute qu'un chrétien conduit par l'Esprit aura une vie de prière, tant personnelle que communautaire, forte et persévérante. L'Esprit nous pousse à prier, à louer Dieu, à intercéder pour les autres. Mais à quoi se juge l'authenticité de la prière? Jésus nous met en garde contre le danger de juger selon ce que l'on voit ou que l'on entend. Ceux qui prient le mieux ne sont pas forcément ceux qu'on entend le plus prier. Le vraie prière, dit le Seigneur, n'est pas celle qui s'affiche, mais celle qui est cachée:"Entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est dans le lieu secret" (Mt 6.6). J'ai plusieurs fois été irrité d'entendre dire d'un frère qu'il ne prie pas assez, sans savoir ce qui se passe dans le secret de sa chambre. Jésus nous dit aussi que la prière ne se mesure pas en quantité. Ce n'est pas forcément en priant longtemps et beaucoup que l'on prie mieux (Mt 6.7-8). Attention à ne pas porter de jugement sur la piété des autres en se fondant sur la longueur ou la beauté de ses prières. La plupart des prières que Jésus a exaucées, dans l'Evangile, étaient brèves, l'exemple-type étant simplement:" Aie pitié de moi" et, parmi les modèles de prières d'intercession, on peut citer celle de Marie:"Ils n'ont plus de vin" (Jn2.2) ou celle des sœurs de Lazare:"Celui que tu aimes est malade" (Jn 11.3). Il m'est arrivé, au cours de mon ministère, de découvrir un jour que tel frère ou telle sœur avait un merveilleux ministère d'intercession. mais il ou elle l'exerçait dans une discrétion telle que tous ou presque l'ignoraient.

D'autre part, la piété, les actes religieux ne sont qu'un aspect de la marche avec le Christ. Il est important de ne pas confondre "religieux" et "spirituel". Jésus reproche aux pharisiens de prendre prétextes de leurs devoirs religieux pour ne pas aimer leur prochain en action et en vérité (Mt 12.9-13, 15.1-9, etc.). Les prophètes de l'Ancien Testament tenaient souvent le même langage, allant jusqu'à affirmer que prières et sacrifices sont en horreur à Dieu s'ils ne sont pas accompagnés de justice et de miséricorde envers les hommes ( Es 1.10-17, Amos 5-22-24, etc.). Il est parfois plus spirituel de prendre un balai ou de faire la vaisselle que de prier.

Le zèle et l'engagement dans l'Eglise sont aussi pour beaucoup un critère décisif. Là encore, il est certain que le Saint-Esprit rassemble les chrétiens pour qu'ils forment une communauté et il demande à chacun d'eux de "mettre au service des autres le don qu'il a reçu". Celui qui se tient à l'écart de l'assemblée, qui n'y vient qu'en passager ou en spectateur quand cela lui chante, qui ne donne que le minimum de temps ou d'argent à son Eglise ne fait certes pas preuve de maturité spirituelle. Il n'est d'aucune utilité pour les autres et s'affaiblit lui-même. Mais ce n'est pas non plus toujours celui qui consacre le plus de temps à l'Eglise qui sert le mieux le Seigneur. On peut s'engager à fond dans son Eglise pour de mauvaises raisons: pour se convaincre qu'on est un meilleur chrétien que les autres, parce que cela nous donne un certain prestige, sinon un pouvoir, pour que Dieu nous aime davantage, parce que rien d'autre ne nous intéresse. D'autre part, le service du Seigneur ne se limite pas à l'Eglise locale, même si c'est là son premier terrain d'application. Il arrive que Dieu confie à des chrétiens, membres d'Eglise, des responsabilités qui les obligent à être parfois absents de leur communauté. Cela peut présenter des dangers; il y a un équilibre à trouver. Mais il est injuste de reprocher à un frère ou une sœur d'accepter des engagements dans une oeuvre autre que son Eglise locale, s'il s'agit pour lui de répondre à un appel de Dieu. Ne vaut-il pas mieux le considérer, à l'exemple d'un missionnaire, comme un envoyé de l'Eglise pour qui on prie? Un chrétien conduit par l'Esprit doit être à la disposition de son Seigneur, pas nécessairement de son pasteur. De la même façon, la mère de famille , qui a plusieurs enfants en bas âge, sera moins disponible pour le service de l'Eglise que la plupart des chrétiens; Le temps et les soins qu'elle donne à ses enfants ne font-ils pas aussi partie de son engagement chrétien?

La manifestation des dons spirituels (ou de certains d'entre eux) est aux yeux de plusieurs, un bon critère de spiritualité. "S'il a reçu ce charisme, c'est sûrement qu'il est en communion profonde avec le Seigneur". Les chrétiens de Corinthe attachaient surtout de l'importance au parler en langues: un charisme dont l'origine surnaturelle était évidente et qui les désignaient à leurs yeux comme des chrétiens supérieurs. Pour l'apôtre Paul, le parler en langues est bien un don du Saint-Esprit. Il ne doit donc pas être méprisé, mais il ne justifie aucun sentiment de supériorité. Paul insiste aussi sur le fait que l'Esprit distribue ses dons à chacun en particulier, comme il veut: 1 Cor 12.11). Les dons sont un effet de la libre grâce de Dieu (comme l'indique le terme "charisme") et non une récompense pour une vie spirituelle de qualité supérieure. En outre, ce qui compte, c'est la manière dont on met en oeuvre le don reçu. Il doit servir à l'utilité commune (1 Cor 12.7) et à l'édification de la communauté (1 Cor 14.12). Or, celui qui parle en langue s'édifie lui-même plutôt que l'Eglise. Enfin, l'apôtre nous demande de ne pas mépriser ceux dont les dons sont les moins évidents ou les moins glorieux, mais au contraire de les entourer de plus d'honneur (1 Co12.22-25). Les charismes ne doivent en aucun cas devenir une source de rivalité et de division dans l'Eglise. Celui qui a reçu un don et qui l'exerce pour sa propre gloire ou pour dominer les autres n'est pas spirituel, quel que soit le don qu'il a reçu.

Je pourrais également mentionner parmi les critères de "spiritualité" les connaissances biblique, la bonne doctrine ou la rectitude théologique. Paul nous met en garde contre la connaissance lorsqu'elle devient un motif de s'enorgueillir (1 Co 8.1). Par ailleurs, il ne s'inquiète pas des différences d'opinion qui existent dans l'Eglise sur des questions qui ne sont pas d'importance capitale (Rom 14, Phi 3.15-16). Mais d'autres vérités lui apparaissent tellement essentielles qu'à ses yeux, ceux qui les rejettent ne peuvent être inspirés par le Saint-Esprit. C'est le cas de la confession "Jésus est Seigneur" (1 Cor 12.3; voir aussi 1 Jn 2.22) et de la prédication de l'Evangile du salut par grâce (Gal 1.8-9 et toute l'épître). De son côté, Jean déclare que "tout esprit qui confesse Jésus venu en chair est de Dieu et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu" (1 Jn 4.2-3). Mais ces vérités fondamentales ne sont-elles pas ce que croient tous les chrétiens? Leur confession n'est-elle pas demandée à tout baptisé?

Puisque l'emploi de l'adjectif "spirituel", surtout en parlant des chrétiens, se trouve principalement dans la première lettre aux Corinthiens, on me permettra de me référer à cette épître pour essayer de discerner à quoi on peut reconnaître qu'un chrétien est conduit par le Saint-Esprit dans sa marche vers la maturité. Je répète que tous les critères que j'ai mentionnés plus haut donnent des indications utiles, mais relatives, et doivent donc être utilisés avec beaucoup de prudence, surtout s'il s'agit de faire une distinction entre des croyants qui, les uns comme les autres, appartiennent à Jésus-Christ.

L'humilité

On ne peut manquer d'être frappé par l'insistance avec laquelle l'apôtre Paul met ses frères en garde contre la tentation de s'enorgueillir, de se vanter d'être de super-chrétiens (comme les Corinthiens). C'est cette prétention (et certes pas le Saint-Esprit) qui les conduit à proclamer:" Moi, je suis de Paul ou de Pierre, etc."), à quoi Paul répond:"Que personne ne mette sa gloire dans les hommes" (3.21). Son souci, c'est que personne ne puisse s'enorgueillir devant Dieu (1.29). Tous nos dons, tous nos progrès nous les devons à la grâce de Dieu:" Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l'avais pas reçu?" (4.7). Dans Ph 3.4-9, l'apôtre explique comment il a lui-même traduit cette découverte de la grâce dans sa propre vie: "Ce qui était pour moi un gain, je l'ai considéré comme une perte à cause du Christ". En cela, il est en plein accord avec le Seigneur Jésus qui a sévèrement averti "ceux qui se persuadent d'être justes et qui méprisent les autres" en affirmant: "Celui qui s'élève sera abaissé et celui qui s'abaisse sera élevé" (Luc18.9-14) et avec d'autres apôtres, comme Jacques et Pierre, qui tous deux citent le proverbe:"Dieu résiste aux orgueilleux et il fait grâce aux humbles" (Jac 4.6, 1 Pi 5.5). Au chapitre 14 de sa lettre aux Romains, Paul pose des questions qui s'adressent aux chrétiens d'aujourd'hui autant qu'à ceux d'autrefois:" Qui es-tu, toi qui juges un serviteurs d'autrui? (v. 4), "Mais toi, pourquoi juges-tu ton frères? ou toi pourquoi méprises-tu ton frère? Nous comparaîtrons-tous devant le tribunal de Dieu." Aux Galates ("Vous qui êtes spirituels"), il écrit:"Si quelqu'un pense être quelque chose, alors qu'il n'est rien, il s'illusionne lui-même. Que chacun examine son oeuvre propre, et alors, il trouvera en lui seul, et non dans les autres, le sujet de se glorifier". "Les autres" sont ceux qui sont surpris en quelque faute et que nous serions donc tenté de qualifier de chrétiens non spirituels.

Tous ces passages nous donnent une des caractéristiques d'une spiritualité authentique: l'humilité, la libération du besoin de nous faire valoir, de nous convaincre de notre propre justice, de notre haute valeur spirituelle, tout spécialement en jugeant les autres pour démontrer notre supériorité. Une phrase de Luther me parait tout à fait pertinente ici, même si on peut la juger excessive:" Le propre de l'homme charnel est de se croire spirituel et de se plaire; le propre de l'homme spirituel est de se croire charnel et de se déplaire". Il va de soi que celui qui a compris que l'orgueil est l'ennemi n° 1 de la vie spirituelle fera preuve de beaucoup d'humilité et de prudence en portant un jugement sur les autres, donc en cherchant à les classer en "charnels" ou "spirituels".

L'amour

Pour l'apôtre Paul, le test de l'authenticité de la foi se trouve moins dans ce qu'on peut appeler la vie religieuse ou la piété que dans le comportement quotidien des croyants. Dans ses exhortations aux chrétiens, il se préoccupe principalement de la manière dont ils vivent concrètement leur foi, non seulement dans l'Eglise, mais dans tous les domaines de la vie et principalement dans les rapports qu'ils ont les uns avec les autres. Une conduite qui bafoue la volonté de Dieu, qui se résume dans le commandement d'aimer, met en question la réalité de la foi de celui qui se comporte ainsi. L'esprit de division des Corinthiens révèle qu'ils sont encore des enfants en Christ (3.1ss); des dérapages de caractère sexuel obligent l'apôtre non seulement à reprendre ses correspondant (ch. 6), mais à prendre des mesures disciplinaires (ch. 5 ), l'égoïsme et le mépris des plus faibles détruisent la communion entre frères (chapitres 8, 10 et 11). Le même accent se retrouve dans les autres épîtres, où les exhortations apostoliques portent surtout sur la mise en pratique de l'amour que le Seigneur a commandé à ses disciples (Rom, chapitres12 à 14, Eph 4.1 à 6.9, Phi 2.1-18, Col, chapitres 3 et 4, etc.). Aux Galates, il rappelle que la vie nouvelle des croyants, la liberté que le Christ leur a accordée se voit à l'amour qu'ils ont les uns pour les autres et par lequel ils se font serviteurs les uns des autres (5.13). C'est en portant le fruit de l'Esprit, qui est l'amour et tout ce que l'amour produit dans une vie, qu'un chrétien témoigne qu'il est bien né de l'Esprit, qu'il est donc spirituel.

Cela correspond parfaitement à l'enseignement du Seigneur Jésus. "C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez" (Mat 7.20), "A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples si vous avez de l'amour les uns pour les autres" (Jean 13.35).

L'amour que demande le Seigneur ne peut se limiter à un sentiment, à une vague bienveillance. Il doit se traduire par des actes. L'apôtre Jean le rappelle:"N'aimons pas en parole; ni avec la langue, mais en action et en vérité(1 Jean 3.18). Tout le Nouveau Testament, pour nous aider à comprendre ce qu'aimer veut dire, utilise des verbes actifs: accueillir, servir, pardonner, se soumettre, encourager, supporter, faire du bien, etc.

Le texte sans doute le plus décisif à ce sujet est le chapitre 13 de la première épître aux Corinthiens. C'est en quelque sorte la clef de voûte de toute l'épître. Les chrétiens de Corinthe, enclins à se dire spirituels et fiers de l'être, croyaient pouvoir s'appuyer sur des manifestations spectaculaires de l'Esprit pour étayer leurs prétentions. Paul leur répond que toutes les manifestations qu'on est porté à dire spirituelles n'ont aucune valeur si l'amour n'est pas là. Le don des langues, la connaissance, la prophétie, le dévouement, le martyre même ne valent rien sans amour. L'amour ne se voit pas tant à l'extraordinaire, qu'à l'ordinaire de la vie. En effet, la description de cet amour que fait ensuite l'apôtre s'applique aux relations ordinaires et quotidiennes que l'on peut avoir avec les autres. Cela inclut la patience, l'esprit de service, l'humilité, le désintéressement, la maîtrise de soi, la vérité, le pardon, la confiance, l'espérance.

Voilà ce qui caractérise un chrétien "spirituel".

Dans un langage différent, un petit chœur, inspiré du psaume 15, résume bien l'essentiel de ce qui caractérise le chrétien "spirituel":

Seigneur, qui entrera dans le sanctuaire pour t'adorer?

Celui qui a les mains lavées, le cœur purifié, (voir 1 Co 6.11)

qui n'a pas de vanité (voir 1 Co 1.29)

et qui sait aimer (voir 1 Co 13)



Robert Somerville  

05:30 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans SPIRITUALITÉ | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

02/10/2006

NOTRE DAME...

Notre-Dame du Grand Large.

Sous son voile les yeux baissés,
Elle tisse les mots secrets,
Les mots que l’amour en silence,
Pose dans son cœur ; elle danse.

Parfois derrière la croisée,
Sa silhouette un peu penchée,
Chante en brodant, bouche fermée,
Pour les enfants du monde entier.

Seule loin de tout rivage, dans la pluie, dans les orages,
A Notre-Dame du Grand Large
Seule au milieu des nuages, des cocotiers, des coquillages,
A Notre-Dame du Grand Large, Notre-Dame du Grand Large …

Au creux de l’Océan indien,
Sous la toison des tamarins,
Elle s’éveille doucement,
Dans le balancement du vent.

 

 
 

Daniel Facérias
« La Carmélite », extrait de l’album « Jean de la Croix »

21:04 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans Prières. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

NOS ANGES GARDIENS.



C'est une vérité de foi que les Anges, tout bienheureux qu'ils sont, reçoivent une mission de Dieu auprès des hommes; les paroles de Notre-Seigneur, l'enseignement des Docteurs et des Saints, l'autorité de l'Église, ne nous permettent pas d'en douter. Si les démons, en légions innombrables, rôdent autour de nous comme des lions prêts à nous dévorer, selon la parole de saint Pierre, il est consolant pour nous de songer que Dieu nous a donné des défenseurs plus nombreux et plus puissants que les démons.

C'est au plus tard dès sa naissance que tout homme venant au monde est confié à la garde d'un esprit céleste; les païens, les hérétiques, les pécheurs eux-mêmes, ne sont pas privés de ce bienfait de Dieu. Il est même certain que divers personnages, en raison de leur situation, comme les rois, les pontifes, ou en raison des vues spéciales de Dieu sur eux, comme nombre de saints, ont parfois plusieurs Anges gardiens. Il semble indubitable que non seulement les individus, mais les sociétés et les institutions, sont confiées aussi spécialement à la garde des Anges; l'Église, les royaumes, les provinces, les diocèses, les paroisses, les familles, les ordres religieux, les communautés, ont leurs angéliques protecteurs.

Les Anges nous préservent d'une foule de maux et de dangers, ils éloignent de nous les occasions du péché; ils nous inspirent de saintes pensées et nous portent à la vertu, nous soutiennent dans les tentations, nous fortifient dans nos faiblesses, nous animent dans nos découragements, nous consolent dans nos afflictions. Ils combattent avec nous contre le démon et nous prémunissent contre ses pièges; si nous tombons, par fragilité ou par malice, ils nous relève par le remords, par les pensées de la foi, par la crainte des jugements de Dieu, et nous procurent divers moyens de conversion: ils portent nos bonnes oeuvres et nos prières à Dieu, réparent nos fautes, intercèdent pour nous auprès de la divine miséricorde, suspendent la vengeance céleste au-dessus de nos têtes; enfin ils nous éclairent et nous soutiennent dans la maladie et à l'heure de la mort, nous assistent au jugement de Dieu, visitent les âmes du purgatoire.

Saint Bernard résume nos devoirs en trois mots: "Quel respect, quel amour, quelle confiance de notre part ne méritent pas les anges! Respect pour leur présence, amour à cause de leur bienveillance, confiance en leur protection." Ajoutons un quatrième devoir, la docilité à leur bonnes inspirations.


Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.

20:40 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans CONSEILS SPIRITUELS. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

« Ses armées, serviteurs de son désir » (Ps 102,21)

Origène (vers 185-253), prêtre et théologien
Homélies sur Ezéchiel I, 7 (trad. SC 352, p 71-73 rev)

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Les anges descendent vers ceux qui sont à sauver. « Les anges montaient et descendaient au-dessus du Fils de l'homme » (Jn 1,51) ; et « ils s'approchèrent de lui et ils le servaient » (Mt 4,11). Or les anges descendent parce que le Christ était descendu le premier ; ils craignaient de descendre avant que l'ait ordonné le Seigneur des puissances célestes et de toutes choses (Col 1,16). Mais quand ils ont vu le Prince de l'armée céleste demeurer sur la terre, alors, par cette voie ouverte, ils sont sortis à la suite de leur Seigneur, obéissant à la volonté de celui qui les a répartis comme gardiens de ceux qui croient en son nom.

 Toi, hier, tu étais sous la dépendance du démon, aujourd'hui, tu es sous celle d'un ange. « Gardez-vous, dit le Seigneur, de mépriser aucun de ces petits » qui sont dans l'Eglise, « car en vérité je vous le dis, leurs anges voient constamment la face de mon Père qui est dans les cieux ». Les anges se vouent à ton salut, ils se sont déclarés au service du Fils de Dieu, et ils disent entre eux : « Si lui il est descendu dans un corps, s'il s'est revêtu d'une chair mortelle, s'il a supporté la croix, s'il est mort pour tous les hommes, pourquoi nous reposer, nous, pourquoi nous épargner ? Allons, tous les anges, descendons du ciel ! » C'est pourquoi quand le Christ est né, il y avait « une multitude de l'armée céleste louant et glorifiant Dieu » (Lc 2,13).

Source : Évangile au quotidien.

20:30 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans SPIRITUALITÉ | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

LES SAINTS ANGES GARDIENS.

« Qui donc est le plus grand dans le Royaume des Cieux ? ». La question des disciples dit beaucoup de l’idée qu’ils ont du Royaume que Jésus est venu annoncer. Ils semblent d’abord avoir bien perçu qu’ils ont un statut particulier, qui leur permet de s’approcher du maître et de lui poser des questions en particulier. Ils ne sont pas comme les autres. Ils sont peut être plus grands que les autres. La question est donc pour eux de savoir qui est plus grand, et au nom de quoi.

Jésus n’entre pas dans cette discussion erronée, il répond par un geste, en plaçant un enfant au milieu d’eux. L’acte est symbolique, mais il est surtout efficace. Il montre l’attitude médiocre qui est la nôtre : sans cesse à nous regarder les uns les autres, à nous comparer, et bientôt à nous jalouser. Ce que Jésus attend, c’est que nous regardions ensemble dans la même direction. Plutôt que comparer nos tailles, découvrir la grandeur à laquelle nous sommes appelés.

Si Jésus nous donne en exemple un enfant, ce n’est pas pour exalter l’idée d’une perfection passée, d’une innocence innée à retrouver, ni pour nous infantiliser. Sainte Thérèse, fêtée le 1er octobre, l’a bien rappelé. L’enfant ne représente pas un paradis perdu mais la nouveauté, il incarne l’avenir, il est celui qui vient. L’enfant est le monde nouveau qui doit advenir et devant lequel le monde ancien doit s’effacer.

Cela ne va pas sans résistance malheureusement. En effet, la nouveauté que Jésus désigne ne se fabrique pas, elle ne se construit pas, elle s’accueille : « celui qui accueillera un enfant », celui-ci connaîtra la joie d’appartenir au Royaume.

Ainsi les adultes que nous sommes n’ont pas tellement à se construire par rapport aux autres ou par rapport à leur rêves, mais nous avons à travailler sur nous-mêmes pour devenir l’enfant que Jésus désigne, pour prendre possession de la filiation dont nous fait grâce le Père des Cieux. Nous avons à accueillir l’autre, qui a pour nous le visage de Jésus lui-même. C'est-à-dire non seulement apprendre à nous tenir sans cesse dans une joyeuse et reconnaissante dépendance vis-à-vis de notre Père des Cieux, mais permettre aux autres d’être eux-mêmes fils dans le Fils en les reconnaissant comme tels et en les y encourageant.

L’enfant placé par Jésus au milieu de nous est donc un exemple de simplicité. Une simplicité qui sait reconnaître les choses pour ce qu’elles sont, sa dépendance pour ce qu’elle est, ses frères pour ce qu’ils sont appelés à devenir. Une simplicité angélique.

Nos anges gardiens sont en effet déjà totalement dans la logique de la nouveauté du Royaume. Ils sont continuellement devant la face de Dieu, rappelle Jésus. Preuve de leur grandeur, certes, et donc de la nôtre, qui recevons l’aide de telles créatures. C’est leur mouvement ascendant vers le Père qui nous indique la route, leur secours quotidien qui nous garde de nous perdre.

Demandons leur, à eux et à la « petite » Thérèse, de nous apprendre à louer pour les dons de sa grâce. Sans doute est-ce une porte d’entrée aisée vers l’attitude d’enfant que Jésus voudrait pour nous. Qu’ils nous apprennent à quitter le mode des comparatifs pour entrer dans le monde du superlatif de l’amour de Dieu, qui est sans égal, qui est le seul qui puisse nous combler, pour que nous puissions accueillir pleinement la grâce d’être fils de Dieu.


Frère Dominique

20:23 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

L'altération des sentiments un risque pour la Foi.

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Ce dont nous avons le plus à nous garder, ce n'est pas tant de l'affaiblissement de notre foi en Dieu, que du changement de nos sentiments chrétiens. " Prenez donc garde en votre esprit, et ne soyez pas infidèles. " L'altération des sentiments a de terribles effets.

L'ennemi trouve là une brèche par laquelle il pénètre dans notre âme et la détourne de Dieu.

 Il y a des sentiments que nous ne devons jamais tolérer, car ils nous détourneraient de la foi en Dieu, et nous pousseraient à mettre notre confiance dans la puissance et dans la sagesse humaines.

Méfiez-vous des " soucis de ce monde ", car ce sont eux qui produisent de l'amertume.

Il est extraordinaire de constater le pouvoir qu'ont les petits problèmes de l'existence pour nous éloigner de Dieu.

Refusez de vous laisser submerger par les soucis de la vie.

Autre chose encore qui nous éloigne de Dieu: le désir de nous justifier. Saint-Augustin priait ainsi: " O Seigneur délivre-moi du désir de vouloir toujours me justifier! " Ce sentiment détruit la foi en Dieu. " Il faut que je m'explique. Il faut qu'on arrive à me comprendre ", voilà notre désir.

Notre Seigneur n'a jamais tenté de " s'expliquer ", il laissait les erreurs se corriger d'elles-mêmes.

Quand nous nous apercevons que la vie spirituelle de ceux qui nous entourent ne fait pas de progrès, et que nous laissons cette constatation tourner à la critique, nous nous coupons de Dieu. Car Dieu ne nous a pas donné le discernement pour que nous jugions notre frère, mais pour que nous intercédions en sa faveur.
 

Bruno LEROY.

12:09 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans CONSEILS SPIRITUELS. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

Le pasteur et la violence.

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Ce texte résume les interventions de Richard Gelin, pasteur à Bordeaux, lors d’une session de l’École Pastorale en juin 2004. Il en garde une dimension d’oralité.

Dans Résistance et soumission, Dietrich Bonhoeffer emprisonné écrit : « Le danger de nous laisser aller à mépriser les hommes est grand. Nous savons bien que nous n’en avons pas le droit, et que nous n’aurons jamais que des rapports stériles avec eux tant que nous ne serons pas exempts de mépris. Les quelques pensées qui suivent nous aideront à nous préserver de cette tentation : en méprisant les hommes, nous succombons au défaut principal de nos adversaires. Qui méprise un homme ne fera jamais rien de lui. Rien de ce que nous méprisons dans l’autre n’est entièrement étranger à nous mêmes. Que de fois exigeons- nous d’autrui plus que ce que nous sommes prêts à accomplir nous-mêmes ! … Il nous faut apprendre à considérer les hommes non en fonction de ce qu’ils font ou ne font pas, mais plutôt en fonction de ce qu’ils souffrent. La seule relation féconde, surtout avec l’homme faible, est celle qui procède de l’amour, c’est à dire du désir d’être en communion avec lui. Dieu lui-même n’a pas méprisé les hommes, mais s’est fait homme par amour pour eux ».

L’accompagnement pastoral conduit inévitablement à la confrontation avec toutes sortes de violences. Dans ce contexte, quant au meurtre et à la violence, la parole radicale de Jésus est une sauvegarde pour ne pas se réfugier dans un mépris pessimiste à l’égard de bien des hommes. Bonhoeffer a raison : « rien de ce que nous méprisons dans l’autre ne nous est entièrement étranger ».

Les violences

Le pluriel devrait toujours être de mise quand on évoque la violence. En effet, la violence ne peut se réduire à un type d’actes précis. Il s’agit plutôt d’une attitude illégitime, parfois illégale, qui engendre chez l’autre de la peur, de l’insécurité, de l’incapacité à s’affirmer, le sentiment d’une menace, d’un rapport de force imposé. Les manifestation peuvent être directes et évidentes (coups, cris, menaces) ou cachées, insidieuses. La manière dont nous définissons le phénomène est capitale dans sa compréhension. Souvent nous ne savons rien, parce que nous ne voulons rien savoir de ce qui se vit sous nos yeux, et parce que nous avons tous une “tolérance culturelle” à certaines formes de violence. Nous associons la violence à la représentation d’une brute épaisse, de l’alcoolique, d’un être primaire. Ces représentations sont non seulement fausses - la violence est présente dans toutes les catégories sociales et intellectuelles - mais elles jouent un rôle mythique permettant à chacun de se dire : « je ne suis pas violent, puisque je ne suis pas une brute inculte ». Louis Althusser, homme cultivé et esprit fin, est connu comme l’auteur de violences domestiques régulières ; l’histoire récente de Bertrand Cantat est très révélatrice. Ses amis clament haut et fort que ce n’est pas un monstre, sous entendu : les coups portés n’ont pu être qu’exceptionnels. On est alors dans une logique d’accident regrettable, mais excusable, plus que dans une logique de culpabilité.
Le témoignage biblique établit que nous ne sommes pas là aux marges de l’humain, dans l’exceptionnel ou l’accidentel, mais bien au contraire au cœur de l’humanité.

La violence dans la Bible

La violence fréquente des récits bibliques, incluant celle de la Croix, surprend souvent le lecteur néophyte. On a raison de répondre que la Bible est un miroir reflétant notre image, tant que l’on demeure conscient que cette réponse ne règle pas toutes les questions.
Les chapitres 3 à 6 de la Genèse proposent un aperçu étonnant.
Au chapitre 3, la désobéissance a pour conséquence un déséquilibre du couple dans lequel s’introduit un principe de domination. La relation d’égalité et de complémentarité est faussée par un rapport de force.
L’étape suivante, c’est le meurtre fratricide. P. Ricœur dit de ce récit que : « nous apprenons là que dès cet instant la fraternité n’est plus un donné naturel, mais un projet éthique. Il faut une volonté de fraternité, un désir ». La fraternité est donc toujours à construire. Elle n’est pas la relation naturelle.
Au chapitre 4, Caïn exprime sa peur d’être à son tour victime. Il a peur que sa violence ait enclenché le cycle de la vengeance (principe de la vendetta). Dieu pose pour limite sept morts contre le meurtre de Caïn. On voit s’amorcer un ouragan de violences qui se poursuit avec Lémek, lui même meurtrier selon son aveu et qui appelle à soixante dix-sept vengeances contre son éventuel meurtrier.
Au chapitre 6, la décision du déluge a pour cause le constat que Dieu fait de la prolifération universelle de la violence.
Notons encore que dans le renouvellement de l’Alliance avec Noé, une différence notable est attestée : l’homme, originellement végétarien, est autorisé à tuer des animaux pour se nourrir.

Le pasteur et les violences dans la société

Lorsqu’un symptôme concerne des millions d’individus, il n’est plus possible de parler de folie, ni de considérer qu’il s’agit de situations individuelles. Les anthropologues évoquent les violences domestiques comme une maladie sociale.
Constater de la violence dans les familles de l’Église, constater de la violence engendrée par le fonctionnement de l’institution ou se découvrir soi-même comme capable de violence, ne doit pas nous étonner. La promesse de l’action transformatrice de l’Esprit est pour une bonne part un apaisement de cette nature violente : paix, douceur, maîtrise de soi, respect de l’autre, etc… Cette promesse suppose une communauté de besoin, aucun de nous n’est étranger à la violence. Le commentaire que Jésus fait de la loi : « vous avez entendu qu’il a été dit : tu ne tueras pas ! mais moi je vous dis que celui qui se met en colère… » (Mt 5) renvoie chacun à sa propre violence, pour nous permettre de regarder le problème non comme des juges, mais comme des frères, conscients d’être eux-mêmes dans le besoin de l’apaisement de l’Esprit.

La notion de violence est culturelle. Nous ressentons aujourd’hui comme des violences inacceptables des comportements qui hier provoquaient seulement du mépris (pédophilie) voire étaient considérés comme normaux (harcèlements). Au 17ème siècle des juristes estimaient juste de battre sa femme à condition de ne pas la tuer. C’était bon pour elle. Cette conviction était du même ordre que celle qui consiste aujourd’hui encore à croire qu’il est indispensable de battre un enfant pour l’éduquer ! On constate une radicalisation de la sensibilité contemporaine aux diverses formes de violence qui joue positivement dans notre appréciation du caractère violent du temps présent.

Le versant le plus facile à considérer - toute proportion gardée - est celui de la violence dont le pasteur est le témoin dans la vie privée des membres de sa congrégation. Particulièrement celles qui lui seront rapportées comme vécues à l’extérieur de la famille. C’est, hélas, une dimension fréquente dans le monde du travail. Il me paraît peu exagéré , de parler aujourd’hui à propos du travail salarié d’une forme nouvelle d’esclavage. J’ose parler « d’esclavage » dans la mesure où gagner sa vie est une nécessité vitale qui réduit considérablement la liberté d’un homme. Démissionner, au regard d’un monde dominé par le chômage, est une décision extrêmement difficile dont les conséquences peuvent se révéler dramatiques. Ce n’est plus la loi qui lie l’esclave à son maître, mais la crainte du chômage. Il y a violence quand une entreprise utilise les conditions du marché comme un élément de chantage pour obtenir plus que par le légitime contrat.
Dans ce cadre, le rôle pastoral sera l’accompagnement spirituel du croyant afin qu’il soit « vainqueur du mal par le bien » selon le chemin de sagesse proposée par Romains 12.17 à 21. « Être vainqueur du mal par le bien » ou « ne pas rendre le mal pour le mal » signifie sur le strict plan pastoral aider la personne à ne pas développer de haine envers celui/celle qu’elle estime être son agresseur ; ne pas laisser l’esprit de l’injustice prendre la direction de la vie du croyant. La justice doit être affirmée. Il est légitime de faire appel à une instance de régulation, type « Prud’hommes ». Être croyant n’est pas choisir une attitude victimaire, surtout quand dans le silence s’installe une complicité passive, un encouragement à l’agresseur à multiplier ses victimes. La résistance à répondre au mal par le mal, qu’évoque l’Écriture, est une résistance intérieure dont le but est que nous ne devenions pas semblables à celui que l’on combat. Il ne s’agit pas de nier les sentiments violents, les rancœurs, les sentiments d’injustice qui habitent celui qui est l’objet d’agressions diverses. Il faut au contraire les reconnaître comme habitant « naturellement » tout être humain, mais comme étant aussi une part de notre humanité appelée à refléter la gloire du Christ. Dans la victoire du bien, il n’y a pas un refoulement frustrant et insatisfaisant, mais l’apaisement naissant de la conviction que le mal, tapi à notre porte, perd un combat. L’appel à des autorités de régulation est l’un des moyens mis à notre disposition pour éviter de développer des sentiments de haine et d’injustice.
Il y a d’autres part les violences dont le pasteur sera témoin à l’intérieur d’une famille de l’Église. Il peut en être “témoin invité” : une personne s’est confiée à lui, souvent la victime, mais parfois aussi l’auteur de violence. Il peut en être aussi le “témoin passif” : rien n’est évident, rien n’est dit mais le pasteur à partir de multiples petits éléments acquiert la conviction qu’une violence illégitime est agissante dans une famille. Nous sommes tentés de “ne rien voir” quand personne ne dit rien. D’attendre, de croire que le temps règle ce genre de problèmes. Assez fréquemment, les personnes se livrant à des actes violents, par exemple des châtiments corporels excessifs envers leurs enfants, ou des châtiments corporels à un âge où l’enfant ne devrait plus être sous ce type de traitement, ces personnes souffrent elles-mêmes d’une honte envers leur attitude. Je pense à une jeune mère attentive, parent unique, disponible, mais qui parfois face à une désobéissance normale craque et gifle ses enfants. Elle ne veut pas entrer dans ce type de rapport. Elle est consciente de la nocivité de cette attitude. L’action pastorale concrète a consisté, à son initiative, à l’écouter, à prier régulièrement avec elle et pour elle dans sa responsabilité de mère, à l’encourager à demander pardon aux enfants quand elle sait avoir dépassé la mesure, et à lui offrir des espaces de liberté. Quand on est une mère seule ayant à assumer toutes les responsabilités parentales, il est normal d’être parfois débordé. C’est une dimension de la fraternité que d’offrir de temps à autres la possibilité à cette personne de s’occuper un peu d’elle-même, en prenant l’initiative de garder les enfants.

Tout pasteur est confronté au cas de violences du type “femmes battues”. Il est hautement recommandé de s’informer, en amont, auprès des associations spécialisées. Ces associations ont beaucoup travaillé à comprendre l’ensemble de la dynamique de la violence. En connaître les formes et les cycles permet d’en prendre conscience plus tôt et de ne pas se laisser abuser par une réconciliation superficielle.

Fonctionnement classique des cycles de la violence conjugale

Un homme violent envers une femme a toujours le même but : il tente de la contrôler, de la dominer en usurpant jour après jour sa dignité.
Les formes de la violence peuvent être de nature verbale, physique, sexuelle, psychologique, économique. Ces diverses formes se conjuguent quasi-systématiquement.

La violence physique se définit par l’ensemble des atteintes au corps de l’autre [taper, frapper, donner des coups de pieds, de poing ; … mordre ; … utiliser un objet ; … gifler, fesser ; … séquestrer, pincer, tirer les cheveux… la liste est infinie]

La violence psychologique

Un homme, auteur de multiples violences, explique : « la violence la plus forte, c’était peut être la violence morale, celle qui cherche vraiment à atteindre l’autre dans ce qu’il est, dans son être, vraiment au plus profond de lui ».
Les violences psychologiques sont toutes actions visant à porter atteinte à l’intégrité psychique de l’autre : son estime de soi, sa confiance en soi, son identité de sujet.
La violence psychologique peut prendre d’autres formes : les insultes, les remarques vexatrices, la critique permanente, se présenter comme celui qui détient la “vérité”, inférioriser l’autre, lui interdire d’exprimer des sentiments et des émotions, les chantages et les menaces, imposer des actions dégradantes, contrôler les déplacements, insulter et dévaloriser le genre féminin .

Les violences verbales

Plus que le contenu des paroles appartenant souvent à la violence psychologique, la violence verbale est la violence du débit de la voix, des cris c’est-à-dire des modes même de communication. Cris qui stressent, ton brusque permanent, interrompre sans cesse les conversations de l’autre, lui imposer un changement de sujet. Ponctuer ses phrases par des insultes, des grossièretés, des qualificatifs infamants.

Les violences sexuelles

- avoir des rapports par contrainte ou menaces ; …traiter l’autre comme un objet sexuel.
- le forcer à se prostituer
- le viol (forcer son conjoint a une relation sexuelle est un viol)
- les coups sur les organes génitaux
- imposer à l’autre des pratiques sexuelles contre sa libre volonté.

Il a été repéré un cycle classique de la violence en 4 périodes dont la connaissance permet de ne pas considérer un problème récurrent comme un problème réglé.
1) la recherche du prétexte. Une mise sous pression amenant la femme à se sentir coupable, à admettre la violence. Le prétexte est le déclencheur, non la cause de la violence.
2) phase d’explosion, d’agression. Il faut faire peur, faire plier et brutaliser
3) Après le paroxysme, il y a une tentative de minimiser les faits et leur gravité. L’homme prétend avoir perdu le contrôle de lui même ; …il accuse la femme de folie, d’exagération, de provocation.
4) Il demande pardon, fait des promesses. En général la femme reprend espoir. Mais quand la peur de perdre la femme diminue, la violence recommence.
Le piège est souvent de se contenter du fait que la personne victime ne veut pas entendre parler d’une intervention extérieure. Il y a même parfois dans nos milieux la tentation de considérer comme une dimension de l’amour, de subir, plutôt que de faire intervenir la justice ou les services sociaux. Mais il faut dire clairement que ce n’est pas de l’amour. L’amour refuse toute forme de violence. Le pasteur doit être attentif à ce que sa pastorale n’encourage pas la co-dépendance dans laquelle on se donne le rôle de celle/celui qui souffre, mais qui finira par sauver le conjoint que l’on veut considérer comme étant lui même la vraie victime.
Si l’amour implique le don de soi, donner sa vie pour l’autre, ne signifie pas se faire frapper par l’autre. Le pasteur lui-même est témoin d’un salut. Il n’est pas le sauveur et rarement le sauveteur. J’insiste sur le fait que ce travail-là est d’autant plus difficile que notre prédication fonctionne avec des références excessives à l’amour, excessives au regard de notre explicitation de ce qu’est l’amour. Nous mettons des hommes et des femmes en danger d’errances dangereuses quand nos idées ne sont pas claires sur les fondements de ce que l’amour est, et de ce qu’il n’est pas, de ce qu’un couple est, et de ce qu’il n’est pas. Il faut redire ce qu’est l’alliance du mariage et ce n’est qu’elle n’est pas, quelles en sont les limites. Le divorce n’est pas la solution pour régler les problèmes de la vie conjugale. Mais il se justifie quand l’intégrité morale, physique ou psychique d’une personne est menacée par le conjoint. On se marie “pour le meilleur et pour le pire”… à affronter côte à côte, et non pas pour le pire, quand celui-ci surgit de l’intérieur même du couple.

Les violences à l’intérieur de la communauté

À l’intérieur de l’Église, le pasteur va être confronté à la violence au moins dans trois dimensions :
a) la violence suscitée par une personne appartenant au groupe
b) la violence se manifestant dans une situation de crise
c) la communauté elle même comme génératrice de violences.

a) Il y a le cas courant de la personne qui n’est pas de mauvaise volonté, mais qui régulièrement blesse les autres par des paroles intempestives, maladroites et catégoriques, au point qu’il faut bien constater un comportement de nature violente. Face aux réactions suscitées, elle se considérera elle-même comme la victime. La plupart du temps, la personne n’a absolument pas conscience de cette dimension et refusera totalement l’idée que l’on puisse qualifier de violents ses paroles ou ses actes. On rencontrera aussi une sous-catégorie, pas si rare, de personnes promptes à vous dire combien elles sont sensibles et qui ne font preuve d’aucune sensibilité à l’égard des autres. Le travail pastoral portera d’abord sur la prise de conscience de cette dimension de violence, se traduisant par du découragement, des blessure, de l’incompréhension, de la peur du regard ou de la présence. La deuxième phase consistera à aider la personne à comprendre ce qui, en elle même, produit cette attitude. Souvent la personne dira : « je dis ce que je pense ! ». Il faut l’accompagner vers le « je pense à ce que je dis ». Ce peut être conduire avec elle une réflexion sur l’actualité de la parole de Paul : « Bénissez, ne maudissez pas ». Oui, on peut bénir en exprimant du désaccord. Tout est dans la manière de la faire. Attention, il ne s’agit pas de réagir à toute parole suscitant une réaction, mais d’être attentif à celui ou à celle par qui ces réactions se multiplient.

b) Nous sommes aussi parfois confrontés à des personnalités très perturbées. Nos moyens pour apprécier l’opportunité d’une prise en charge psychiatrique sont souvent limités. Pour une hospitalisation forcée, il faut pouvoir faire établir que la personne est dangereuse pour elle même ou pour ses proches, par un médecin et par l’autorité civile. C’est quasiment impossible !
Le pasteur est alors condamné à improviser, à faire preuve de bon sens et souvent à gérer ses propres craintes.
Le cas de X…, homme à l’enfance perturbée, violent, manipulateur, sadique, paranoïaque… et chrétien !
Mon premier contact a été pour empêcher qu’il frappe un autre membre de l’Église. À la suite de cela il s’est livré à un chantage au suicide. X en veut uniquement à ceux qui l’ont aidé, pas aux autres et n’agresse que ceux qu’il ressent comme plus faibles que lui, physiquement et psychologiquement. Il a développé des relations “sado-maso” avec de jeunes adultes en difficultés au point qu’il a fallu intervenir de plusieurs manières, jusqu’à organiser la fuite d’un de ces adultes.
X a proféré plusieurs fois des menaces à l’encontre de la communauté, des bâtiments et des personnes. Toutefois, quoique parfois très menaçant à l’égard du pasteur dans son attitude ou l’incluant dans une menace générale, X n’a jamais exprimé de menaces explicites directes.

Mes trucs… dans la crise !

Je parle volontairement de « trucs ». Au sens où il ne s’agit pas pour moi d’entrer dans une thérapie, mais de garder un contact sans devenir le « prisonnier » de cet individu. Il faut bien sûr prendre conscience du caractère de malade mental de la personne. Elle vit dans un autre monde inaccessible à notre argumentation, quoique responsable. Parfois dans un premier temps on a l’impression qu’elle entre vraiment dans un dialogue, mais assez vite il devient évident qu’il n’en est rien. Elle revient à ses obsessions et à ses comportements. Face au chantage au suicide, pour ma part je refuse à entrer dans ce chantage. Je lui explique que s’il veut se suicider, je le regrette , mais que je n’ai pas l’intention de m’y opposer. De même devant la menace d’incendier les bâtiments, je lui ai répondu qu’elle ferait ce qu’elle voudrait mais que moi je n’allais pas passer ma nuit à surveiller. Mon attitude l’a surpris de la part d’un pasteur, ayant pu “obtenir” auparavant ce qu’il désirait auprès d’autres pasteurs à partir de ce chantage culpabilisant. Voici les quelques principes que dans un cas aussi complexe j’ai cru discerner comme important :
- Ne pas manifester de peur, car il joue sur sa force physique et mentale (maladive) pour s’imposer aux autres.
- Toujours garder de la réserve dans la relation ; …refuser l’intimité ; …refuser d’être assimilé à un intime ; …refuser les cadeaux.
- Refuser le chantage pastoral, chantage à la foi, à l’amour ; …refuser aussi le rôle du sauveur. Demeurer le maître de la durée et de la fréquence de l’entretien. Paradoxalement, je trouve plus facile de rester maître du temps, si je me rends chez la personne, plutôt que si je la reçois à mon bureau.
- Quand elle surgit en crise, j’essaye autant que possible de la recevoir à l’extérieur, au grand air. Le sentiment de violence et de danger s’accroît avec la contiguïté d’un lieu.
- Quand des personnes subissent des coups ou des menaces, les encourager vivement à porter plainte. L’expérience montre qu’il y a souvent une dimension de lâcheté chez les manipulateurs sadiques qui abandonnent quand leur victime se rebelle. La dimension sadique se nourrit de la passivité et de la peur de la victime qui accroissent le sentiment de puissance et de domination.

Les violences dans les situations de crise

On va retrouver essentiellement les dimensions de violence verbale et de violence psychologique.
La violence verbale se manifestera dans la manière dont une personne agresse les autres par exemple, par le ton de sa voix ou encore en se plaçant dans le rôle du martyr, de la victime, et en utilisant ce positionnement pour interdire toute discussion dans un domaine particulier.
De la violence se manifeste parfois à l’intérieur d’un conseil ou à l’occasion d’une assemblée générale. Il faut bien avoir conscience que les circonstances manifestent la violence, mais n’en sont pas la cause. La cause est toujours en l’homme. L’expression de la violence peut être encouragée par des maladresses dans le fonctionnement de la parole et de la prise de décision, quand une personne a le sentiment d’être victime d’une injustice. Il y a certainement un gros travail à accomplir dans nos Églises sur nos méthodes de prise de décision. J’ai été surpris, dans une situation particulière, du niveau de violence qui peut être atteint dans une Église. J’ai été témoin, c’est ainsi que je l’ai ressenti, d’une volonté de blesser un pasteur, de “se faire sa peau”. Quand une proportion importante de l’Église est impliquée ou quand plusieurs des leaders se déchirent, il est indispensable de faire appel à une assistance extérieure.

Quand l’Église sécrète de la violence

Il est une autre dimension du rapport de l’Église à la violence qui est largement sous-estimée, et qui, à ma connaissance, n’a pas fait l’objet dans notre milieu d’une étude approfondie. C’est celle de la violence générée par les caractéristiques même du fonctionnement et du discours d’une communauté. Nous sommes là au cœur de la question de la secte.
Une Église peut-elle être une secte ? Oui !
Quand pouvons-nous dire qu’une Église est une secte ? Quand de la violence résulte d’un fonctionnement revendiqué. C’est une réalité difficile à établir et à prouver et pourtant indéniable. Comme dans le cas des violences domestiques, les plaintes exprimées ne sont pas un critère indispensables.
Je suis le pasteur de plusieurs personnes et couples qui témoignent, à partir d’expériences différentes, avoir été les victimes « consentantes pour un temps », de violences que sur le moment elles-mêmes n’identifiaient pas ainsi.
J’ai donc dû m’interroger sur la réalité de cette violence. Est-ce un langage approprié, pour rendre compte de ce que ces personnes ont vécu ? Oui, je le crois. Quand des gens arrivent complètement démolis par des expériences spirituelles et ont tout à reconstruire après dix, quinze ou vingt ans de vie chrétienne, le mot de violence n’est absolument pas excessif. Quelqu’un avec qui je parlais pour préparer cette session a utilisé cette phrase : « j’ai eu affaire à des voleurs d’âme ! ».

Il nous faudra travailler à une définition de la violence spirituelle.
On peut parler de violence spirituelle :
- quand la communauté se construit comme un lieu de dépendance, quand elle existe contre les autres ou au-dessus des autres. C’est la communauté vase clos, qui provoque de l’enfermement. Il peut y avoir une illusion de diversité par des orateurs dits “extérieurs”, mais qui tiennent exactement le même discours.
- quand avoir des idées différentes de celles des leaders suscite de la crainte.
- quand, en cas de questionnement ou de désaccord, le responsable est en vérité incapable d’envisager d’avoir eu tort, les deux arguments récurrents étant :
- le manque de foi
- les attaques de Satan

Pour rebondir sur le rapport du Secrétaire général de la FEEBF lors du congrès 2004, une caractéristique de cette violence est qu’elle surgit souvent dans une Église où les responsables ont une formation embryonnaire se traduisant par une pensée limitée, très réductrice, très affirmative et fondée sur une vision plutôt que sur l’étude de la Parole.

Les personnes que j’ai consultées accusent des responsables chrétiens d’avoir joué avec leur adolescence, de n’avoir pas respecté leur fragilité d’ados et de les avoir embarquées sans égard pour l’esprit critique, en jouant sur l’instinct grégaire et marginal des ados et de les avoir enfermé dans une vision dualiste : le groupe - le monde.
La violence est surtout ressentie au moment de la rupture. L’appartenance est dans une certaine mesure sécurisante, même si des failles profondes commencent à être perçues. Rompre implique de renoncer à une apparence de sécurité même si on la sait illusoire. La personne en ressort avec une grande difficulté à faire confiance. Certains abandonnent, sinon la foi, en tous les cas toutes ses manifestations collectives.

Face à l’expérience complexe de cette violence et de ses conséquences, l’accompagnement pastoral consiste à aider la personne à se ressaisir de la légitimité de son “je” devant Dieu. Beaucoup de ces Églises fonctionnent sur une négation du “je”. On évoque bien une relation “personnelle” à Dieu, mais totalement encadrée par un discours établissant les principes de sa légitimité. Un “je” soumis à la reconnaissance des leaders, n’est plus un « je » devant Dieu. Le « nous » du Notre Père est une communion de « je ». Nous devons aider ces personnes à apprendre à affirmer la légitimité fondamentale de leur “je” devant Dieu, établie par l’amour même de Dieu, et à apprendre que ce “je” prime sur toute autre autorité ou institution ; …qu’il dépend uniquement de l’amour personnel de Dieu pour elles, qu’il en est à la fois la conséquence et la condition. C’est là un travail de longue haleine.
Comme le Sabbat, l’Église est faite pour l’homme, pour qu’il apprenne à vivre devant Dieu, de la vie de Dieu, dans une communion paisible.

Conclusion

Que le chapitre 4 du livre de la Genèse témoigne d’une généralisation de la violence au cœur de l’expérience humaine atteste bien qu’elle est la manifestation même de la soumission de ce monde au mal. Nous nous tournons vers l’Esprit apaisant du Christ, non pour faire taire la violence, mais pour nous guérir de cette maladie et nous rendre capable de ne jamais y répondre ni par la violence, ni par le mépris des violents.


Richard Gelin   

11:00 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans Problèmes de société. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, social |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |