15/09/2008
Le christianisme nous apporte la Vie.
20:52 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
14/09/2008
Dieu n'est pas une invention, c'est une découverte.
Zundel parle ici, en novembre 1933, il a 36 ans, aux étudiants de l'institut catholique de Lille. Le texte ne peut guère être coupé. La retraite dont on donne ici la 1ère conférence a pour titre un sujet capital : le réalisme chrétien. Sommes-nous élevés, par un dépassement de nous-mêmes, dans la suprême réalité quand nous croyons en Dieu ? Pour Le découvrir, pour L'expérimenter, un effort de réflexion et de dépassement de soi est nécessaire.A lire avec la plus grande attention.
Maurice ZUNDEL. |
11:17 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
10/09/2008
Il y a au fond de l'instinct sexuel une exigence de sainteté ...
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20:35 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
19/07/2008
Le poème de la sainte liturgie.
- de Maurice Zundel. (1897-1975). Pasteur et théologien Suisse
L'amour, une éternelle extase
La vie nous révèle à nous-même comme une capacité d'infini. C'est là le secret de notre liberté. Rien n'est à notre taille
et l'immensité même des espaces matériels n'est qu'une image de notre faim. Toute barrière nous révolte et toute limite exaspère nos désirs.
C'est aussi la source de notre misère. Une capacité n'est qu'une aptitude à recevoir. Une capacité d'infini est une indigence infinie, qui exige d'être comblée avec une sagesse proportionnelle à ses abîmes.
Il est d'ailleurs évident que ce n'est pas à notre corps, qui n'est qu'un point dans l'univers, que nous devons cette ampleur illimitée du vouloir. Notre âme s'y révèle, et la qualité des nourritures qui doivent nous combler: c'est dans l'invisible (p.15) seulement qu'elles se peuvent rencontrer, dans l'univers intérieur de l'Esprit.
Notre chair même y doit trouver accès et s'assouplir à ses exigences immatérielles, si toute une part de nous-mêmes point rester étrangère a notre suprême réalisation. Mais le monde invisible l'épouvante et la déconcerte; elle se sent dépossédée à son approche et s'attache avec d'autant plus de violence à son domaine.
Ne parvenant pas à réaliser notre unité par en-haut, nous nous efforçons de l'atteindre par en-bas. Par un transfert de notre appétit sur les objets sensibles, nous leur prêtons la séduction infinie qui répond a l'immensité de nos désirs.
Quoi de plus naturel dès lors que de céder à leurs promesses et de subir l'envoûtement de leur attrait? Comment pourrions-nous résister à leur appel, affamés d'infini, quand l'infini semble à portée de la main?
Nous ne voyons pas que ce qui nous fascine et nous enivre, c'est la projection sur les choses du besoin infini qui nous travaille, le scintillement de l'esprit sur la croupe mobile des vagues fuyantes. Nos mains gardent de leur capture autant qu'un enfant qui s'efforce de saisir l'iris d'une bulle de savon. Nos désirs s'exaspèrent, nos raffinements se dépassent et notre vide s'accroît.
Il faudrait, à ce point, nous montrer ce que nous poursuivons réellement, plutôt que de nous accabler sous la vanité des objets qui nous séduisent. Car ce ne sont pas eux qui nous ensorcellent, mais le chatoiement de l'infini dans les plis de leur étoffe: nos pires excès témoignent encore de notre vocation divine, et ne représentent, la plupart du temps, que l'élan désespéré de notre coeur vers un bonheur insaisissable.
Quelle blessure est souvent, en vérité, la révélation de notre grandeur, et quelle résonance illimitée donne à toutes nos émotions cette capacité d'infini qui est le fond de notre nature! Nos douleurs et nos joies sont sans bornes, comme nos tendresses et nos admirations. Et pourtant nos réalisations semblent si précaires et si vaines...
L'Amour est une éternelle extase au berceau de la vie. Il s'est enchanté de tous les espoirs, il a connu tous les sanglots, il s'est meurtri de toutes les blessures, il a poussé jusqu'à la mort l'ivresse de la vie. Il s'est approprié le langage de l'adoration: tellement il était sûr d'être aux prise avec l'Infini. Mais il est rare qu'il en ait reconnu la véritable nature. Comme l'art et comme la science, il a subi, le plus souvent, l'aimantation qui l'entraînait sans cesse au-delà, sans en discerner la source; et il a soumis l'homme à d'indicibles tortures, dont celui-ci était souvent lui-même, avec une aveugle frénésie, la victime et le bourreau...
Le mystique a sondé ces plaies avec un indicible respect et une magnanime compassion. Il a compris que l'élan magnifique devait retomber sur soi, ou trébucher sur une idole, que cette sortie triomphale ne pouvait qu'aboutir à la pire captivité, si l'extase ne rencontrait son objet véritable, si l'infini ne se révélait indubitablement comme un Autre: à qui tout l'être pût être réellement donné, avec toutes les exigences de sa vie intérieure, toute la richesse de ses désirs, et toute l'immensité de son cour. Un Autre, mais qui fût de l'ordre de l'esprit, et tellement intérieur à l'âme que la personne acquît sa véritable autonomie en lui cédant et en s'y abandonnant comme à son vrai moi. Un Autre en nous, qui ne fût pas nous, et sur qui notre être moral pût être fondé, dans un altruisme qui consacrât son unité.
09:13 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
29/05/2008
JE NE CROIS PAS EN DIEU.
« La santé c'est la paix du corps, son silence.
Mais ce silence même peut être maladie et prélude à la mort.
Ah ! quels cris dans ma chair qui souffre !
Quel trouble dans mon coeur, quel chaos, quelle angoisse !
Que lourde est cette vie qui peine à se porter !
Entre le monde et moi l'alliance est rompue,
qui faisait de ma vie une source féconde et jaillissante.
Ah ! qu'il est amer ce désaccord qui la vient tarir !
Oh toi, qui tiens ma vie entre tes mains,
ne laisse pas cette souffrance me détruire
jusqu'à ce que tout soit consommé.
Toi, dont le silence est créateur,
dans l'excès de mes maux, ne laisse pas s'éteindre mon esprit.
Apaise mon angoisse par ta présence de lumière. »
(Poème en vers libres de M. Zundel pour la cantate de Frank Martin « Et
la Vie l'emporta », 1974, dédiée à Zyma SA Nyon à l’occasion du 75e
anniversaire de sa fondation)
22:06 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
05/11/2007
SILENCE DU MATIN.
23:15 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
03/11/2006
Maurice Zundel, libre et pauvre.
Maurice Zundel, libre et pauvre
Maurice Zundel est né en 1897, à Neuchâtel (Suisse). Son père était fonctionnaire des postes; sa mère travaillait à la maison. Sa ville, bourgeoise, un peu froide, très protestante à l'époque.
Le petit Maurice fréquente l'école, puis le collège de sa ville, où il est à peu près le seul catholique. Il a pour camarade de classe Jean Piaget, le célèbre psychologue. Très tôt, il prendra goût aux sciences et formera avec Piaget un club d'amis de la nature, où l'on réalisait des études fouillées sur les insectes, les mollusques ou les oiseaux. Cette passion de la science ne le quittera jamais; sa vie durant, il lut avec frénésie les ouvrages scientifiques les plus significatifs. Il alla jusqu'à lire dans le texte la théorie de la relativité d'Einstein. Il avait une grande admiration pour Jean Rostand, dont le désintéressement le fascinait. Pour Zundel, la science est plus que la science. Elle est recherche de la vérité sur l'univers et en même temps dialogue obscur, émerveillé ou lumineux avec la vérité du Créateur. Pour lui, le savant véritable est celui qui cherche à comprendre, qui sert la vérité et qui se réjouit de la lumière ineffable et gratuite qui se lève en lui, dès lors qu'il atteint à une vérité profonde, essentielle. Le savant est celui qui cherche à faire grandir l'homme dans une connaissance et une maîtrise plus responsables de l'univers.
À quatorze ans, il fut saisi par une expérience spirituelle profonde. Et qui devint décisive. Comme souvent, il était allé prier dans l'église Notre-Dame de Neuchâtel, un bâtiment néogothique fort sombre. Il se tenait devant la statue de l'Immaculée de Lourdes. Soudain, la présence de la Vierge le bouleversa jusqu'au plus intime et il reçut dès ce moment la vocation à la virginité, qui ne le quitta plus tant l'image de Marie s'était imprimée en lui. Marie devint pour lui le sacrement de l'amour maternel et virginal de Dieu, de cet amour plein de tendresse et qui jamais ne veut posséder. «Je l'appelle Virgo Virginans: O Vierge qui nous virginise! Virgo Virginans: c'est délicieux.» Zundel eut dès lors une approche toute particulière de l'amour virginal: c'est l'amour qui ne referme pas les bras, qui est toujours en état de don. Un peu comme l'eau chaste du Cantique du Soleil de saint François, l'eau qui s'écoule, sans jamais s'arrêter.
À la même époque, il fréquentait un camarade protestant, apprenti mécanicien. Ce dernier était pieux: il avait tapissé sa chambre de versets de saint Jean. Il était de condition très modeste. Ensemble, ils parlaient de la condition des pauvres, mais aussi de la béatitude de la pauvreté. Ils se mirent à lire Les Misérables de Victor Hugo et Zundel resta impressionné toute sa vie par l'accueil magnanime que Mgr Myriel fit à Jean Valjean. Dès lors, il voulut porter secours aux pauvres et surtout il voulut leur faire sentir leur dignité. Ce souci ne le quitta jamais. L'abbé Zundel donnait tout; les clochards de Lausanne le savaient et hantaient sa porte. Tout donner, c'était sa manière de montrer aux mendiants qu'ils étaient des «princes». Et si une comtesse -- il y en avait sur les bords du lac Léman -- lui donnait une enveloppe, il la donnait à son tour, sans prendre garde à la somme qu'elle contenait. Dès cette période, il est sensible aux problèmes de justice sociale. En 1921, il prend pratiquement seul parti publiquement en faveur du vote des femmes. Et à partir des années trente, il écrit sur le chômage, en proposant les solutions d'aujourd'hui. Il aborde les problèmes démographiques, etc. C'était alors peu commun dans le clergé.
De seize à dix-huit ans, il passa deux ans au collège de l'abbaye bénédictine d'Einsiedeln. Il fut saisi par la liturgie, à laquelle il consacrera plus tard son ouvrage le plus connu : Le Poème de la sainte liturgie. Mais surtout, il fut subjugué par le silence des moines. Le silence lui devint indispensable, car il est le seul chemin vers Dieu, vers la beauté, la vérité, l'amitié. Il dira: «Le silence est forme d'ouverture, de démission, de pauvreté. S'il est impossible de rencontrer la beauté et l'amour en dehors du silence, c'est que Dieu est silence, comme il est pauvreté.»
Il fit ensuite ses études de théologie au Grand Séminaire de Fribourg, où il eut pour condisciple le futur cardinal Journet. Ce fut pour lui une période difficile et sèche. Il n'y retrouvait pas le silence et la belle ordonnance liturgique des bénédictins. Mais surtout, il avait peine à supporter la scolastique qui lui semblait enfermer Dieu dans un système. Il avait peur qu'on en fasse un «grand souverain dominant le monde», alors que le seul Dieu dont il faille parler est le «Dieu du coeur de l'homme», selon l'expression de saint François de Sales. Toute sa vie, il voulut parler uniquement du Dieu de Jésus Christ, du Dieu trinitaire, du Dieu humble et pauvre, qui avait touché son coeur et transformé sa vie. Sa théologie est née de son expérience. Il le dit dans une formule suggestive: «Dieu n'est pas une invention, c'est une découverte.» Ou encore: «Dieu, c'est une expérience.»
C'est la force de l'approche zundélienne que de puiser au coeur de l'expérience. Car si l'expérience est profonde, elle va rejoindre le chemin de beaucoup, qui trouveront alors dans les écrits et la vie de Zundel une consonance avec ce qu'ils vivent.
Mais c'est aussi, évidemment, sa faiblesse. Car la pensée de Zundel peut demeurer étrangère -- voire énigmatique -- pour celui qui s'approche de Dieu ou de sa propre intériorité par des voies très différentes de la sienne. En ce sens, il n'est guère étonnant que l'abbé Zundel, dans son originalité, colorée par le personnalisme et la rencontre du Poverello, et le cardinal Journet, thomiste et systématicien, ne se soient guère compris.
En 1919, Maurice Zundel est ordonné prêtre à Fribourg. Il est envoyé comme vicaire à la paroisse Saint-Joseph, la plus grande de Genève. Très vite, son apostolat attire l'attention, car il ne fait rien comme tout le monde. Il se trouve incapable d'enseigner le catéchisme tel qu'il est; il préfère conduire les enfants à Dieu à travers l'émerveillement devant les grandes oeuvres d'art ou à travers la lumière des récentes découvertes scientifiques. Avec les jeunes gens et les jeunes filles, il parlait de problèmes socio-économiques, du mariage et même d'éducation sexuelle. Une de ses anciennes enfants du catéchisme me disait récemment: «Il avait un tel sens de la grandeur de l'homme qu'il voulait nous la communiquer. Parfois, nous ne comprenions rien ou nous étions déroutés, mais nous le suivions, car il nous respectait et il nous élevait.»
Mais l'originalité et le zèle ne sont pas toujours de mise. Un de ses confrères, que Zundel avait surpris sans le vouloir en fâcheuse posture morale, le dénonça calomnieusement pour ses audaces, etc. L'évêque d'alors, Mgr Besson, était très prudent. Il porta sur Zundel un jugement dont les conséquences devaient s'avérer graves: «C'est un franc-tireur, et l'Église n'aime pas beaucoup les francs-tireurs.»
L'évêque choisit d'éloigner cet «original». Alors commença une longue et douloureuse période d'exil, de 1925 à 1946. Zundel est d'abord envoyé à Rome, à l'Angelicum, pour y «refaire» sa théologie avec le P. Garrigou-Lagrange. Il y approfondira le thomisme. Il choisit la philosophie et sa thèse de doctorat s'intitulera: L'Influence du nominalisme sur la pensée chrétienne.
En 1927, l'évêque l'envoie à Paris. Zundel passe six mois comme troisième vicaire à Charenton. Seul, presque sans travail pastoral, il croit mourir de dessèchement. Mais, plus tard, il rendra grâces pour cette terrible expérience et il n'en gardera aucune amertume. «Car, dira-t-il en substance, c'est à ce moment-là que j'ai éprouvé jusque dans le creux de ma chair le silence, la pauvreté, la croix et que j'ai dû trouver mon propre chemin dans la pensée et l'action. Sans cette période de mort, je ne serais jamais allé si loin.»
Bientôt, il trouve un poste de second aumônier chez les bénédictines de la rue Monsieur. Il commence à respirer à nouveau. Il y noue de grandes amitiés avec l'abbé Montini, Charles Du Bos, Louis Massignon...
De ce temps-là date la rencontre de Zundel avec saint François d'Assise. Le Dieu pauvre devient à tout jamais vie en lui: «La présence de saint François d'Assise, je l'ai rencontrée à ce moment-là. Je ne pouvais pas imaginer l'influence qu'il devait avoir sur moi, qui concordait avec ce que la théologie m'avait apporté de meilleur [...]. L'incendie s'est allumé en moi; je percevais que la mystique trinitaire était l'expression d'une générosité, l'esprit pouvait aller plus loin. Saint François m'est apparu comme celui qui a eu la mission unique de chanter la pauvreté comme une personne et de voir en elle Dieu Lui-même. Ce que les théologiens disaient admirablement, sèchement, devenait vivant et le regroupement s'est fait de lui-même, la sagesse de Dieu s'identifiait avec la pauvreté.»
Dès lors, l'hymne à dame Pauvreté illuminera toute sa pensée et Zundel désignera le Poverello, non sans quelque humour, comme le plus grand «théologien» de tous les temps.
L'exil lui donna aussi la possibilité d'écrire. Et son premier ouvrage -- qui demeure le plus célèbre -- traite justement du silence et de la liturgie avec le lyrisme de la contemplation. Il s'agit du Poème de la sainte liturgie que Mgr Montini prit la peine de faire traduire en italien, dans le souvenir des belles heures de la rue Monsieur.
La vie errante continua. Zundel fut successivement aumônier chez les assomptionistes de Londres, aumônier de pensionnats de jeunes filles à La Tour-de-Peilz (Suisse) et à Neuilly. Il publia deux ouvrages d'une grande limpidité et d'une saveur spirituelle intacte: L'Évangile intérieur et Notre-Dame de la Sagesse.
En 1937, il peut enfin réaliser un de ses rêves les plus chers; il va passer une année à l'École biblique de Jérusalem. Il y étudie les langues et le texte bibliques avec une véritable frénésie, ne dormant souvent que moins de quatre heures par nuit. Il voulait de toutes ses forces comprendre qui était le Pauvre de Bethléem, de Nazareth et de la Croix.
J'aimerais noter ici qu'on a souvent reproché à Zundel son «mépris» de l'Ancien Testament. Car il en parlait souvent de façon critique. Il est clair qu'il n'ignorait pas la Loi et le Prophètes et qu'il savait en goûter la grandeur (son temps à Jérusalem l'atteste). Mais Zundel était si pénétré de la grandeur et de la merveille du Dieu trinitaire, il était si jaloux du Dieu d'Amour, que tous les passages de l'Ancienne Alliance où Dieu apparaît sous des traits de colère, de punition, d'interdit, lui paraissaient indignes de Dieu. Il y voyait simplement la patiente pédagogie divine, où le Tout Amour a dû parfois laisser qu'on le désigne d'une manière indigne de lui à cause de la faiblesse des hommes et de la lenteur de leur cheminement. Pour lui, il faut donc tout interpréter à partir de la nouveauté radicale apportée par la Révélation de Jésus-Christ.
De retour à Neuilly, en 1938, il publie un nouveau livre: Recherche de la personne. Ce livre sera retiré du commerce sur ordre de son évêque. Zundel y parlait de façon trop réaliste et audacieuse du mariage et de l'amour. C'était à l'époque inconvenant sous la plume d'un prêtre. Mais par ailleurs Zundel n'était pas moins exigeant que Paul VI dans sa manière d'entrevoir la morale conjugale, tout en n'enfermant personne dans des catégories culpabilisantes.
À la déclaration de guerre, en 1939, il retourne en Suisse et il est hébergé pendant quelque temps dans une chambrette du clocher de Bex (canton de Vaud). Comme il est toujours sans travail, il écoute les conseils de ses amis Louis Massignon et Mary Kahil. Il se rend au Caire, où il assumera jusqu'en 1946 toutes sortes de ministères. Il se sent utile -- enfin -- d'autant plus que beaucoup de prêtres ont dû quitter l'Égypte à ce moment-là.
Inévitablement, il rencontre l'islam. C'est un choc, où se mêlent l'admiration et l'effroi. Il admire la poésie et la grandeur du Coran; il goûte les mystiques musulmans, notamment Hallaj. Mais il est gêné par le poids sociologique de la religion, lui qui est si attentif à la liberté de la personne. Surtout, il vit comme un cauchemar le Dieu de l'islam, quelque belle que puisse être la litanie de ses quatre-vingt-dix-neuf noms. Dans ce Dieu solitaire, il craint de voir une sorte de «pharaon tout-puissant», de «despote inaccessible» devant lequel on ne peut que plier et qui est totalement incompréhensible pour la vie spirituelle d'un homme libre.
Il découvre alors avec une profondeur nouvelle le mystère trinitaire. «Dieu est unique, mais pas solitaire», «Dieu est Don», «Dieu est Amour», «Dieu est Partage», dans son être même. Dieu crée l'homme dans une structure d'Alliance; il crée l'homme libre. Dieu rachète l'homme dans une structure d'Alliance.
Dès lors, il ne cessera de clamer avec toute son énergie que la Révélation trinitaire constitue la clé de tout le mystère de l'homme et qu'elle représente le fondement de la libération de l'homme, qui, libre de soi et de tout, peut se jeter dans les bras d'un Dieu qui est Liberté. Il ne cessera de parler du mystère de la Trinité avec fougue, mais aussi avec précision, car il est probable, dit-il, que si Mahomet avait connu avec exactitude la révélation trinitaire, il n'aurait pas parlé ainsi du Dieu révélé en Jésus-Christ.
De ce passage au Caire, il gardera beaucoup d'amis, qu'il continuera de visiter jusqu'à sa mort.
En 1946, il revient en Suisse. Enfin, il reçoit à nouveau une affectation dans son diocèse: le poste assez vague d'auxiliaire à la paroisse du Sacré-Coeur-d'Ouchy à Lausanne. Il le gardera jusqu'à sa mort.
Pendant près de trente ans, il mène une vie de prédicateur itinérant, qui le conduit à Paris, à Londres, en Égypte, au Liban. Il donne d'innombrables retraites et récollections. Il fait de la direction spirituelle avec une disponibilité de chaque instant. Il vide ses poches pour les pauvres. Il écrit quelques livres: Dialogue avec la Vérité, Morale et Mystique, Je est un Autre, etc.
Sa parole est flamboyante. Elle est authentique, parce que parfaitement accordée à sa profonde vie spirituelle. Elle est riche et séduisante, appuyée sur une immense culture. Surtout, elle dit l'homme et elle dit Dieu, avec une transparente conviction. Quelques-uns y trouveront une ineffable nourriture. Trop peu nombreux... le succès ne fut pas son lot. Mais il existe des fécondités d'après la mort.
C'est dans cette vie humble, tragique parfois, qu'arriva l'appel de Paul VI à prêcher la retraite au Vatican en 1972. Sainte audace du pape. Le petit abbé, si souvent incompris, parla en grande simplicité devant l'auditoire le plus auguste que l'on puisse imaginer. À la fin de la retraite, le pape dans son homélie dira: «Nous venons de suivre [...] toutes ses méditations si spirituelles, si profondes, et en même temps si près de nous, si proches de notre expérience. [...] Mais plutôt que le ressort d'une dialectique ou d'une méditation discursive, il me semble que nous avons été invités à découvrir une méthode et à imprimer dans notre âme une attitude: celle de rechercher la profondeur des choses, de faire germer l'intériorité de ce que nous connaissons et vivons, à commencer par notre propre personne.»
Au début de 1975, il subit une embolie cérébrale qui le priva de la parole. Dernier dépouillement pour lui qui savait tant de langues. Une sourde angoisse l'étreignit devant sa vie qui se disloquait. Il écrivit: «Toi dont le silence est créateur, dans l'excès de mes maux, ne laisse pas s'éteindre mon esprit. Apaise mon angoisse par Ta présence de lumière.»
Il vit la Lumière éternelle le 10 août 1975. Beaucoup de ceux qui l'ont connu dirent qu'il était un saint.
11:52 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
11/10/2006
Dieu est la Pauvreté.
Maurice Zundel a très souvent parlé de la pauvreté de Dieu. Comment se fait-il qu'on en parle encore si peu dans l'Eglise alors que cela pourrait sans doute changer beaucoup de choses en elle et dans le cœur d'un chrétien ?
A Lausanne en 1966 il disait : « Saint François d'Assise est sans doute l'homme qui s'est approché le plus prés de Dieu, qui a compris le plus profondément que Dieu était une passion lorsqu'il a compris que Dieu est la Pauvreté . Dieu est celui qui n'a rien : qu'est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire qu'en Dieu la Vie est uniquement, exclusivement, une communication, un don, un élan vers l'Autre.
Nous, quand nous disons « moi », ce moi est une possession, c'est une limite, une frontière, un refus, une annexion, et nous avons toutes les peines du monde à ne pas dire souvent : « moi ». Les gens qui prétendent aimer le plus fort, ceux qui sont capables de magnifiques passions, il est rare finalement que leur amour-propre ne soit pas le plus fort. Il y a peu d'amours qui résistent aux blessures de l'amour-propre parce qu'en nous, spontanément, le moi est une possession, une annexion, une appropriation, et non pas un élan, un don, une générosité : c'est exactement le contraire en Dieu.
C'est exactement le contraire en Dieu : en Dieu toute la vie est jaillissement. Chaque Personne divine s'enracine dans la Divinité, s'approprie toute la substance de la Divinité en La donnant et pour La donner, si bien qu'en Dieu, littéralement « JE est un Autre », le Père dans le Fils, le Fils dans le Père, et le Père et le Fils dans le Saint Esprit, le Saint Esprit dans le Père et le Fils, dans une éternelle circulation où tout est absolument donné : Dieu est Celui qui perd tout ! qui perd tout ! qui éternellement se perd, chaque Personne l'une dans l'Autre, et c'est par là que Dieu apparaît justement comme une formidable passion, une passion infinie où tout est vraiment altruisme (souci de l'Autre), où tout est uniquement un regard vers l'Autre, une communication de tout l'être à l'Autre, sans repli, sans réserve, sans retour à soi. Cela nous paraît incroyable parce qu'en nous le retour à soi est tellement habituel, tellement fatal, que nous n'imaginons pas une vie qui soit toute entière, et uniquement, et éternellement, et d'une manière toujours nouvelle, un élan vers l'Autre.
François l'a compris, François l'a vécu, aussi François est-il entré lui-même dans cette immense passion qui le jetait sans cesse vers le martyre : il voulait donner, tout donner, donner sa vie pour Dieu, donner sa vie à Dieu dans les autres avec lesquels il se sentait apparenté en Dieu. Car, évidemment, si Dieu est cette passion éternelle et infinie, ce feu dévorant, il est impossible de Le connaître, de Le rencontrer, de L'aimer, sans être soi-même saisi par cette passion, sans être jeté dans cet élan , sans être saisi par cet altruisme infini, sans comprendre que l'on est parent avec les autres, d'une parenté infinie et éternelle, parce qu'on est branché avec eux sur le même circuit de l'éternelle communication.
Une parenté divine et infinie, une parenté qui suscite une passion sans réserve, c'est cela qui fonde l'apostolat des saints ! L'apostolat, c'est-à-dire ce désir invincible de faire circuler cette Vie divine, de révéler cette parenté qui fait que tous les hommes sont une seule personne en Jésus-Christ. »
Maurice Zundel.
12:31 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
10/10/2006
La mort est la condition de notre accomplissement.
Le problème de la mort : il s'agit pour nous d'entrer toujours plus profondément dans l'authenticité de la vie, d'entrer aujourd'hui dans la vie éternelle : nous ne sommes des vivants que dans la mesure où nous vivons de Dieu.
" Le problème de la mort est un problème terrible pour notre sensibilité parce qu'elle semble radicalement absurde. Il y a quelque chose de si brutal, et en apparence de si injuste, à voir disparaître un être en une seconde ! On était en dialogue avec lui et puis, brutalement, c'est fini, et irrévocablement fini ! Il n'y a plus qu'un cadavre qui est un agrégat. Il n'y a plus personne.
Sous cet aspect, la mort est inacceptable. Elle ne peut que provoquer la révolte ! la révolte parce que l'homme sait qu'il doit mourir. Les animaux, eux, ne le savent pas et, bien sûr, l'homme peut désirer la mort quand la vie lui est à charge, mais ce n'est pas la mort qu'il désire alors, c'est d'être délivré de sa charge, sans savoir d'ailleurs ce qui peut l'attendre au-delà de la mort. On comprend le geste du désespéré qui rejette son fardeau, mais ce n'est pas la mort qu'il veut, c'est la paix, c'est la tranquillité qu'il espère.
Mais, en dehors de ces cas, la mort ne peut pas ne pas être un scandale. Elle semble être une agression contre l'homme, et ressurgissent à cette occasion toutes les objections que Nietzsche proposait justement contre l'existence de Dieu. L'homme peut se sentir violé par la mort ! car enfin, il a conscience d'exister, il a rencontré en lui une intimité inviolable, il la défend contre autrui, il la respecte en lui-même, il sait que Dieu dans le Christ la respecte jusqu'à la mort de la Croix, mais, s'il ne le sait pas, s'il ne connaît pas ce mystère de la Croix où Dieu meurt de notre mort justement pour la dégager de la gangue du péché, comment pourrait-il accepter cette agression ?
L'homme peut voir derrière le mur, il ne peut pas ignorer ce qui se passe derrière le mur, et nous sommes dans cette situation devant la mort : nous pouvons regarder derrière le mur. L'animal périt sans savoir qu'il périt, l'homme le sait et il lui paraît injuste, je dirais même sadique, qu'il dispose d'assez d'intelligence pour voir au-delà du mur, donc pour prévoir au-delà de sa mort, et d'être condamné à mourir, comme si on lui arrachait son existence en le séparant de tout ce qu'il aime, en suscitant d'ailleurs la même peine à tous ceux qui l'aiment.
Nous voyons que les morts subites se multiplient. Est-ce à cause de la pollution qui nous environne ? A cause du bruit qui nous agresse constamment ? Est-ce la fatigue extrême que l'on éprouve dans la vie urbaine où l'on foule l'asphalte et où l'on ne respire plus les effluves de la nature ? Toujours est-il que les morts subîtes se multiplient et rendent le problème toujours plus aigu.
Pourquoi la mort ? Saint Paul nous redit, et cela est d'une grande importance et d'une très grande valeur, que la mort est entrée dans le monde avec le péché, qu'en effet Dieu ne l'a pas imposée à l'homme mais qu'il l'a subie, Lui, Dieu, par la volonté de l'homme, et le Christ justement dans son agonie va vivre toutes les morts, toutes les agonies, toutes les séparations, tous les déchirements, toutes les ténèbres de la douleur, comme le répondant de cette humanité qui s'est séparée de la source dès le début parce que, dès le début Dieu est crucifié, dès le début Dieu est mis en question, dès le début Dieu peut échouer, et II échoue effectivement, comme II échouera sur la Croix, et éternellement tant qu'il y aura un être qui se refuse à Son Amour.
La mort n'est pas de Dieu, c'est la vie qui est de Dieu, mais quelle vie ? Justement une vie éternelle aujourd'hui , et c'est cela qui est capital de nouveau, c'est qu'en fait nous ne sommes des vivants ici, maintenant, nous ne sommes des vivants que dans la mesure où nous vivons de Dieu, donc de l'Infini dont l'acceptation et le rayonnement fait de nous des personnes, et quand nous ne vivons pas de cette vie, nous ne sommes pas des vivants humains, nous végétons, ou nous sommes des animaux ! Notre vraie vie, c'est cette vie divine qui circule en nous, qui nous éternise et qui nous permet de communiquer aux autres l'Infini.
Voyez votre expérience : dans la mesure où Dieu est pour vous une réalité actuelle, vous rendrez sans doute témoignage à ce fait que vous devez à la rencontre avec quelqu'un qui était pour vous un espace, un espace de lumière et d'amour, vous devez à la rencontre avec quelqu'un d'avoir rencontré Dieu, c'est parce que vous avez vu cette lumière divine en l'homme, et c'est là que vous avez rencontré l'homme dans toute sa grandeur et dans toute sa beauté, de même que nous ne pouvons nous rencontrer nous-mêmes qu'à travers cette Présence et celle de la Beauté si antique et si nouvelle.
Donc il est certain qu'ici-bas la seule vie authentique, c'est la vie éternelle , ce que Mounier appelait la survie ici maintenant, une transcendance aujourd'hui. Et si l'on vit, si nous en vivions, de cette vie éternelle, si nous étions libérés de notre condition originelle, de nos déterminismes physiques et mentaux, si nous étions libérés de tout cela, nous serions à jamais des vivants.
Et de fait, lorsqu'un être s'en va, lorsqu'il disparaît derrière le voile de la mort, ce que nous cherchons à ressaisir en lui, ce sont les moments d'éternité, les moments où ils nous ont comblés, les moments où il a été pour nous une lumière qui demeure jusqu'à aujourd'hui, et là s'actualisent alors toutes les présences dans cette rencontre avec le même Dieu Vivant.
Alors évidemment, pour celui qui vivrait pleinement de cette vie éternelle, comme la vit le Père Kolbe qui réalise dans la liberté suprême d'un homme qui a vaincu la mort et devient un grand vivant dans la mort, pour un tel homme, pour celui-là il n'y a plus de mort ! la mort ne l'arrache plus à rien ! la mort est la condition même de son accomplissement parce qu'il porte la vie en lui et que cette vie est une liberté subsistante, une liberté par où il a émergé de l'enveloppe cosmique où il était inséré. Cette liberté ne peut périr, sinon l'univers serait plus fort qu'elle, il l'engloutirait, il ne serait plus l'univers-esprit que nous venons de considérer.
Quand la mort est libre, ce n'est plus la mort parce qu'elle ne peut être libre qu'en face de cette Présence intérieure à nous-même qui est la vie éternelle, il y a simplement un changement de plan ! Celui qui meurt n'habite pas un ailleurs, il ne s'agit pas d'une espèce d'éloignement dans l'espace ou dans un ciel imaginaire ! Dès là que l'espace et le temps ne comptent plus, la présence du défunt, c'est-à-dire de ceux qui se sont accomplis selon la force du mot, peut demeurer en nous un ferment de vie, et c'est là le signe précisément que la vie a été authentiquement vécue, qu'elle puisse demeurer en nous un ferment de vie.
D'ailleurs il n'y a pas de raison de penser que la structure qui nous constitue, cette structure qui est un chiffre, qui est une mélodie, qui est une musique, qui est un rayon, un sourire, ce je ne sais quoi, ce rien qui fait que vous reconnaissez l'être au plus profond de lui-même, il n'y a aucune raison de penser que cela ne subsiste pas, au contraire ! L'essence de la personnalité demeure et pourrait éventuellement se manifester, se reconstruire un corps dont il est difficile de nous faire une idée puisque, selon Jésus, au-delà de la mort, il n'y a pas de mariage et il n'y a pas sans doute de besoins à satisfaire, il n'y a pas de nourriture à prendre, il n'y a pas de digestion à favoriser, il n'y a pas de désassimilation, il n'y a sans doute pas de respiration (sinon celle, éternelle, de l'Esprit-Saint). Qu'est-ce que peut être le corps, c'est-à-dire l'être humain, puisqu'on ne peut pas le diviser, qu'est-ce qu'il peut être dans une telle situation ?
Eh bien, il peut être ce qu'il est justement quand nous le percevons dans sa grandeur et dans sa dignité, quand nous le voyons dans ce point central que j'évoque si souvent, quand nous le voyons dans cette lumière qui nous pénètre et nous assure de la présence qui nous est chère.
Il s'agit donc pour nous d'entrer toujours plus profondément dans l'authenticité de notre vie , de la vivre selon la dimension infinie qu'elle comporte dans tout notre être et, pour cela, de vivre notre recueillement sans cesse reconquis, c'est-à-dire dans une attention d'amour à cette Présence qui est la respiration de notre esprit et de notre cœur.
Et le Seigneur a voulu affirmer Sa Présence à travers les siècles dans le silence de l'Eucharistie. Rien n'est plus émouvant - et on voudrait qu'on le sente davantage - rien n'est plus émouvant, quand vous entrez dans une église solitaire, que de vous trouver face à face avec le Saint Sacrement, de voir clignoter la lampe qui vous indique les battements de son Cœur : le Christ est là, Il ne parle pas, quel bonheur! Il oppose justement à tous nos bavardages l'immensité de l'accueil de Son Silence. C'est cela qu'il faut, il faut arriver à ce silence vivant, à ce silence plein de voix, à ce silence qui est le Mystère même de Dieu, à ce silence qui est au cœur de notre intimité, à ce silence qui est la plus haute expression de l'Amour, un silence bien sûr qui ne doit pas être un mutisme mais qui peut durer et circuler à travers toutes les paroles quand demeure cette attention d'amour à la Présence qui est la Vie de notre vie.
Vous voyez que ce n'est pas un paradoxe de dire que le monde est esprit, que notre corps est esprit, que c'est cette dimension infinie qui est la seule surface de contact entre nous et l'univers, entre nous et nous-mêmes, entre nous et les autres, et entre nous et Dieu.
Combien belle est l'humanité ! disait Shakespeare, combien belle est l'humanité ! Oui, quand elle arrive jusque là.
Quand nous voyons un tout petit poupon qui commence à sourire, nous avons l'impression qu'enfin c'est arrivé, qu'un monde nouveau se lève et que cet enfant réalisera ce que personne n'a pu réaliser avant lui, c'est le signe de notre espérance. Mais nous savons bien qu'il n'y a pas là une promesse infaillible et qu'il faut commencer par nous-même.
En tous cas, ce qu'il faudra devenir, c'est cela. Nous sommes vêtus de ce Dieu, nous portons Dieu, et notre aventure, c'est de faire naître Dieu dans un monde qui croira éperdument en Lui lorsqu'il verra Son Visage à travers notre vie comme le Visage même de la Liberté et de l'Amour dans une dignité infinie. "
Maurice Zundel.
20:19 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Dans l'Église le seul témoignage possible est celui de la vie.
Maurice Zundel à Lausanne en 1955.
L'Eglise .. comme une partition musicale. L'Eglise, il faut la vivre. .. On ne saurait être catholique sans se transformer tous les jours. .. Là encore tout serait à souligner.
" Paul nous enseigne que l'Eglise est le Corps du Christ. L'Eglise est un corps. Bien souvent sous cet aspect l'Eglise prête à confusion, et devient, même pour des hommes sincères, une pierre d'achoppement. L'Eglise est un Corps, un Corps mystique, cela veut dire qu'on ne peut pas la connaître ni reconnaître sans une vie mystique, une vie d'union avec Dieu. On ne peut pas la reconnaître sans s'enraciner dans l'intimité de Jésus-Christ que l'Eglise veut nous communiquer. Elle veut nous introduire dans cette intimité, et, dans ce même jour de l'intimité avec Jésus-Christ, nous connaissons l'Eglise comme un sacrement, comme Le sacrement immense et éternel qui nous conduit à Lui.
Le Credo n'est pas une liste de propositions auxquelles il faut souscrire, mais le sacrement d'une expérience qu'il nous faut devenir : si nous ne naissons pas de nouveau, comme Jésus le dit à Nicodème, si nous ne passons pas par la nouvelle naissance, ces mots du Credo resteront éternellement incompréhensibles. On ne peut connaître les mots du credo que du dedans, que par la foi qui est en nous le regard même de Dieu, on ne les connaît que par l'Amour.
L'Eglise n'est pas un parti. Il est facile de connaître le programme d'un parti, il suffit de lire l'affiche qui le promulgue. Ce n'est pas cela dans l ‘Eglise. L'Eglise est plutôt comme une partition musicale : on la remet entre nos mains mais nous ne pouvons rien y comprendre à la lecture si nous ne sommes pas nous-mêmes musiciens. Et même celui qui est musicien, encore faut-il pour qu'il la comprenne, qu'il la sonorise au-dedans de lui, qu'il devienne en quelque sorte musique. Et, s'il l'exécute, il y aura dix mille manières de l'exécuter. Et un musicien pourra toujours faire des progrès dans sa lecture et entrer plus profondément dans le secret de la musique. Il en est ainsi de l'Eglise.
Il en est ainsi de l'Eglise : on ne pourra jamais dire qu'on en a terminé la connaissance et la lecture : il faut la vivre, il faut se cacher dans l'intimité de Jésus-Christ, il faut aimer Notre Seigneur et Le laisser vivre en nous . Et, à mesure que l'on vit davantage du Christ, et donc plus profondément de Son intimité, dans la même mesure aussi l'Eglise prend un sens nouveau. Et cela, l'Evangile lui-même nous le donne à comprendre. Voyez le lavement des pieds : que signifie-t-il ?
Les Apôtres avaient entendu Jésus, ils L'avaient suivi, ils avaient bu et mangé avec Lui, et pourtant ils ne Le connaissaient pas ! Ils avaient entendu des mots qu'il avait prononcés et ils avaient d'abord pris ces mots pour de simples mots alors que ces mots étaient la Vie, la Présence, l'Eternelle Parole : ces mots étaient Dieu Lui-même. Et c'est pourquoi ces mots n'éclairaient pas les apôtres, au contraire ! ils créaient dans leur esprit de fausses perspectives. Les apôtres les tournaient dans leur sens à eux, ils y attachaient des espérances égoïstes et intéressées. C'est pour cela que Jésus est à genoux devant eux au lavement des pieds : Il veut éveiller leur cœur, ouvrir leur esprit, leur faire comprendre toute la distance qu'il y a entre ce qu'ils comprennent et ce qu'il faudrait comprendre. Il veut qu'ils passent par la nouvelle naissance et qu'ils découvrent dans leur cœur ce trésor caché en eux et confié à leur amour.
Et il faudra la mort de Jésus, il faudra que le grain de blé soit jeté en terre, il faudra la Résurrection et la Pentecôte, il faudra le feu de l'Esprit-Saint, il faudra cette nouvelle naissance de l'eau et de l'Esprit pour que leur cœur s'ouvre, pour que leur intelligence s'ouvre, pour qu'ils comprennent, pour qu'ils pénètrent jusqu'au fond le sens des promesses que Jésus leur a faites en s'enracinant dans l'intimité de Jésus. Il faut donc beaucoup de prudence quand on parle de l'Eglise car nous risquons tous de faire écran , d'être un obstacle au mystère de Jésus en oubliant que, pour atteindre Son mystère et celui de l'Eglise, il faut une vie mystique.
On s'imagine trop souvent que le catholique est celui qui avale tout crus des mots tout faits, qui les récite sans les comprendre, alors qu'au contraire, on ne saurait être catholique sans se transformer tous les jours , sans dépasser tous les jours les mots et les formules, sans voir dans les mots ce qu'ils sont réellement : un sacrement, c'est-à-dire un signe qui nous communique l'intimité même de Jésus-Christ.
Rien n'est plus difficile que d'être chrétien, justement parce qu'un chrétien doit toujours dépasser le signe et aller plus loin que les mots pour se perdre dans l'Unique Parole qui est une Vie, une Présence, un Visage, dans l'unique Parole qui est l'Eternel Amour.
Saint Jean de la Croix nous avertit. Il montre que les âmes les plus parfaites, celles qui traversent les nuits mystiques dans lesquelles elles sont en train de se purifier, ces âmes-là sont dans une sorte de purgatoire : elles s'imaginent que Dieu les poursuit, qu'il est leur ennemi, que Dieu veut absolument les crucifier et se plaît à les faire souffrir ! Et elles ont l'impression qu'elles-mêmes se dérobent à Dieu et sont ses ennemies ! Et Saint Jean de la Croix se demande comment c'est possible puisque bientôt ces âmes, en sortant du tunnel découvriront Dieu comme la joie immense et parfaite, la joie infinie. Comment est-il possible qu'elles voient Dieu sous ce jour, comme un ennemi, comme une souffrance, comme une torture ?
Eh bien, s'est dit saint Jean de la Croix, c'est uniquement du fait de leur imperfection. Car Dieu est toujours l'Amour, toujours la Joie, toujours le Don, toujours la Générosité infinie, c'est nous qui ne le sommes pas ! C'est nous qui sommes absents tandis que, Lui, est toujours présent. Nous lui avons donné notre propre visage et nous en faisons une idole. Si les âmes les plus saintes risquent ainsi de se tromper et se trompent effectivement, en quelque sorte inévitablement à une certaine étape de leur ascension, à combien plus forte raison nous autres sommes-nous exposés à nous tromper et à faire de Dieu une caricature et une idole !
Aussi n'y a-t-il finalement qu'un seul témoignage possible, celui de la vie. Et rien ne pourra jamais convaincre ceux qui nous entourent, de la présence de l'Eglise et de Jésus sinon quand ils auront compris qu'avec Jésus tout est changé, tout est transfiguré, tout est transformé, parce que Jésus est là en nous, avec nous, au-dedans de nous. Si la présence de Jésus ne change rien, alors c'est que tout cela n'est que mensonge et illusion. "
20:16 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |