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23/09/2008

MAURICE ZUNDEL LE LIBÉRATEUR.

Philosophe, M. Zundel a fait sa thèse de doctorat sur L'influence du nominalisme sur la pensée chrétienne. Il a saisi le courant de pensée qui va du nominalisme du XIVe siècle à Kant et qui donne à la morale de l'obligation son fondement. C'est cette morale qui est remise en question, ébranlée dans ses bases. «Où trouver désormais, écrit-il, un absolu moral jouant le rôle de l'impératif catégorique qui était pour Kant une évidence première et incontestable» (J.E.A, p. 59). Pour M. Zundel, il faut redonner à la morale un fondement ontologique. «Le règne de l'obligation présente trop de fissures pour durer. Il faut chercher à l'ordre moral, pour l'enraciner en nous, un autre fondement que le simple diktat, le décret souverain autant qu'arbitraire d'une volonté absolue, quelle qu'elle soit» (3).

Le philosophe Occam, qui est à l'origine du nominalisme du XIVe siècle, affirmait qu'il n'y a ni bien ni mal en soi : l'un et l'autre reposent sur la seule volonté de Dieu qui aurait pu décréter le contraire.

C'est du moins ainsi qu'il fut compris. Autre conséquence, l'homme ne peut connaître le bien et le mal que par révélation. En d'autres termes : un acte est bien parce que Dieu me dit qu'il est permis, un acte est mal parce que Dieu m'a dit qu'il est interdit. Zundel, lui, veut montrer que Dieu permet tel acte parce que cet acte est bon pour moi, pour mon épanouissement ou pour le bien de la société et qu'Il défend tel acte parce qu'il est mal, destructeur pour moi ou pour la société.

Théologien, M. Zundel s'est aussi appliqué à montrer comment le règne de l'obligation s'enracine profondément dans l'Ancien Testament et comment, malgré les évangiles et saint Paul, ce règne de l'obligation a influencé l'éthique de la chrétienté (M.M., pp. 25 ss). Pour sortir la morale du règne de l'obligation, il faut retrouver son fondement ontologique. Pour l'abbé Zundel la morale est une exigence d'être. «Le devoir humain est simplement le devoir d'être, d'être tout ce que l'on est» (R.P., p.189).

La morale, une exigence d'être

Dans cette perspective, la morale est «une promotion d'existence» (4) une exigence de mon véritable épanouissement, une exigence d'épanouissement de mon être. M. Zundel rejoint profondément, au delà d'une scolastique décadente, la pensée de Thomas d'Aquin pour qui la morale est une morale du bonheur, une morale de l'épanouissement de l'homme. «Être ou ne pas être, toute la question est là, déclare-t-il ; sous cet aspect, la morale est l'ontologie ou la métaphysique d'un être inachevé qui doit se faire autant qu'il faut pour atteindre à soi» (D.V., p.151).

Les commandements de Dieu expriment alors les exigences authentiques de mon être, de ce que je suis en profondeur. C'est pourquoi la morale me dit: «Sois, deviens ce que tu dois être.» Il s'agit là d'une ontologie créative. «Le seul problème est finalement de se faire homme» (D.V., p. 99). «C'est dans cette marche vers un plus-être, où s'atteste le progrès de notre liberté, que notre expérience nous incline à situer la morale, en identifiant celle-ci avec les exigences de l'ontologie créatrice où notre existence est promue au niveau humain, où elle devient origine» (D.V., p.156).

Et c'est finalement dans et par la communion avec Celui qui est l'Être absolu, Dieu, que l'homme trouvera l'épanouissement plénier de son être. Cet Autre, selon M. Zundel, est intérieur à nous-mêmes: «Il est Celui que nous rencontrons, dès que nous nous rencontrons vraiment nous-mêmes : comme le coeur de notre intimité. Et c'est pourquoi dans le silence de nous-mêmes, quand nous faisons taire tous les bruits, nous percevons cette musique silencieuse qui est le Dieu vivant» (J.E., p. 30).

Dieu n'est plus alors une limite, une menace mais une Présence qui veut m'aider à être, à devenir celui que je dois être, en m'unissant à Lui. Cette morale de l'être implique tout un travail de libération de tout ce qui nous empêche d'être, de nous faire homme. «Pour être plus qu'un objet, il faut passer de quelque chose à quelqu'un» (J.E., p. 26). Il faut conquérir notre liberté.


Une morale de libération

Pour devenir pleinement homme, il faut devenir pleinement libre. Il s'agit donc de se libérer de toutes les contraintes intérieures et extérieures et de choisir tout ce qui va dans le sens d'une valeur infinie, absolue, capable de combler le besoin d'infini inscrit dans notre être et jusque dans nos passions. M. Zundel a cherché à intégrer dans sa conception de la morale les découvertes de la psychologie des profondeurs et de la psychanalyse. Il a fortement insisté sur la nécessaire libération de ce qu'il appelle le «moi-biologique» ou «le moi infantile», «le moi captatif». «Le premier pas à faire, dit-il, est de prendre conscience que ce je-moi primitif, passionnel et complice, qui domine habituellement tout le champ de notre vie psychique, est lui-même préfabriqué, qu'il tend à nous ramener à un univers instinctif et animal, qu'il nous voile notre pouvoir être et qu'il nous détourne de l'accomplir. D'où il suit qu'il s'agit, d'abord, de nous libérer de ce je-moi où se concentrent toutes nos servitudes» (J.E., p. 67).

Il s'agit d'ordonner nos instincts, nos passions dans la lumière de l'esprit, d'établir en nous l'harmonie entre les tendances diverses qui nous habitent dans la force de l'esprit. «Si, en effet, l'inconscient peut nous dominer autant que Freud le démontre, la seule manière de ne pas le subir est de l'éclairer et de l'ordonner par le fond, en purifiant les racines de notre être. Nos passions, j'entends tout ce dynamisme instinctif qui bouillonne sous le seuil de la conscience comme un immense «Le devoir humain est simplement le devoir d'être.»

Réservoirs d'énergies, nos passions seront mises, par cette harmonisation foncière, au service de notre libération, Le plus souvent elles nous égarent, parce que nous engageons en elles, à l'envers, toute notre capacité d'infini, comme si elles pouvaient réellement nous donner l'infini dans une tumultueuse vibration qui aboutit toujours, finalement, à la domination sur nous des instincts non rectifiés. Nous pouvons faire heureusement de nos passions un meilleur usage, en les intériorisant, en les personnalisant : jusqu'à cet apaisement diaphane où le bruit se transforme en musique. Alors elles deviennent le clavier des Vertus» (J.E. pp. 70-71). C'est dans cette lumière et dans cette perspective que M. Zundel parlera de la sexualité humaine comme d'un «altruisme scellé dans notre chair» et de la nécessaire vertu de chasteté pour tous et pour chacun (R.P., pp. 169197 et J.E., pp.145-160, etc.).

Fondamentalement, cette libération des contraintes intérieures appelle une désappropriation radicale de soi, une pauvreté qui s'épanouit dans un amour oblatif, dans le don de soi. Désappropriation, dépossession, désaliénation, autant d'expressions pour exprimer cette bienheureuse pauvreté de soi dont M. Zundel voit la source et l'exemplaire dans «la désappropriation qui fait de chaque personnalité divine une pure relation aux deux autres, par le don total de soi qui la constitue» (5). Cette libération intérieure, ce passage du moi-biologique captatif au moi-personne, au moi-valeur, au moi-oblatif n'est pas chose facile ; elle est un long et patient processus. «Elle correspond à la grandeur de notre vie, qui a la Croix pour mesure» (J.E., pp. 27 et 72).

La morale sociale


La conquête de notre liberté implique aussi la libération des contraintes extérieures. Je ne peux donner ici qu'un bref aperçu de la morale sociale de l'abbé Zundel. Nous l'avons vu, la morale veut permettre l'éclosion du moi-personne. C'est donc aussi la personne qui est au centre de la morale sociale de M. Zundel la société humaine doit favoriser l'épanouissement de la personne humaine et non l'asservir, elle doit créer un contexte social qui favorise sa libération intérieure (6).

C'est ainsi que le droit de propriété et le travail doivent permettre le développement du moi-personne dans la relation aux autres. Ainsi, écrit-il, «la définition du droit de propriété qui s'est imposée à nous - un espace de sécurité qui garantit un espace de générosité - implique précisément cette régulation interne qui en rend l'abus strictement impossible. Comment pourrais je, en effet, réclamer pour moi les conditions matérielles qui me permettent d'accéder à la dignité humaine, de devenir source et fin, valeur et générosité, et accepter qu'autrui demeure écrasé par sa biologie dans une situation qui l'empêche d'émerger ? Et, à plus forte raison, comment pourrais-je, en étendant indûment mon espace de sécurité au détriment du sien, assumer la responsabilité de son écrasement ? Il est clair qu'à ce point le droit m'abandonne et me condamne, qu'il cesse de couvrir ma propriété et qu'elle en perd immédiatement toute légitimité» (7). Quant au travail, M. Zundel reviendra souvent sur cette affirmation qu'il considère comme un principe fondamental : «Le travail doit produire des hommes avant de produire des choses ou, plus exactement, doit viser essentiellement à une promotion humaine à travers la production des choses» (J.E., p. 190). Pour cela «il en faut modifier essentiellement la structure» (C.V.H., p. 89.).

Dès les années 30, M. Zundel est préoccupé, angoissé devant le développement des structures économiques mondiales. Il serait urgent, dit-il, «d'organiser l'école et l'usine, la ferme et la cité, en faisant de chacun de ces milieux un instrument d'humanisation» (C.V.H., p. 89). Aussi appelle-t-il les chrétiens à s'engager pour sauver l'homme : «II faut que les chrétiens n'aient point de repos avant d'avoir fait aboutir toutes les réformes que la justice réclame et que la charité exige avec l'urgence infinie qui émane de 1 Esprit» (R.P., p. 217). Lui-même s'est essayé à faire des propositions concrètes comme celle d'une Union économique universelle dont il détermine les buts et les structures (8).


Une morale de l'amour

Libération intérieure et libération extérieure doivent permettre l'élan vers les valeurs infinies, absolues. Cet élan vers l'Infini est lui-même libérateur car: «Il n'y a que le don de soi qui rende libre» (IT., p. 92). En effet, «être libre, c'est d'abord être libre de soi et, comme un oiseau qui ne serait que vol, se projeter tout entier en élan où le don de soi s'accomplit» (IT., p.186) .

Morale de libération, la morale telle que la conçoit Maurice Zundel est une morale de l'amour. L'épanouissement de notre être est dans l'amour. Un amour oblatif, un amour don de soi, un amour qui nous libère de nous-mêmes, nous arrache à nous-mêmes, nous fait sortir de nous-mêmes. L'amour est extatique. L'amour, dira M. Zundel, «est la clé de voûte d'une morale de libération» (J.E., p.73). On le sent, lorsqu'il parle d'une morale de l'amour, très marqué par la pensée de saint Augustin. «L'amour, dit l'abbé Zundel, est vraiment la seule clé de ce monde de l'esprit où résident toutes nos valeurs. Nous n'y pouvons pénétrer, progresser et demeurer que par un engagement sans cesse renouvelé, que par un amour toujours plus généreusement donné, que par un dépouillement plus profond. Il n'y a pas d'autre voie pour résoudre le problème que nous sommes, qui est au fond le seul problème» J.E., p. 29).
 

Si l'amour-don me libère de moi-même, s'il est (épanouissement authentique de mon être dans l'ouverture aux autres et à l'Autre, il est alors vraiment ma suprême règle de vie. C'est pourquoi, M. Zundel citera souvent la parole d'Augustin : «Aime et fais ce que tu veux» Saint Paul ne dit-il pas lui aussi

«La charité est donc la Loi dans sa plénitude» (Rm, 13,10). Réaliste, M. Zundel est bien conscient des risques d'une telle assertion car, dit-il, «cette formule ambiguë est invoquée par le moi-biologique pour se dissimuler sous les traits usurpés du moi-personnel» (LT., p. 108). Il faut donc l'entendre selon la pensée d'Augustin «d'un amour parfait du souverain Bien, devenu l'unique principe d'action, l'unique foyer de tout amour» (LT., p. 108). De même, bien conscient qu'en l'homme pécheur la raison est obscurcie, captive de notre moi-biologique, M. Zundel met en garde contre un mépris de la loi divine décalogue, béatitudes - précieuse pour éclairer notre intelligence dans la connaissance de notre vrai bien. (J.E., p. 72).

Aime et fais ce que tu veux, oui s'il s'agit de l'amour de Celui qui habite au fond de nous-mêmes et qui est Lui-même l'Amour. C'est cet amour qui est libérateur. «La seule possibilité d'un tel affranchissement est de nous donner, par le fond de nous-mêmes et jusqu'à la racine de notre être, à un Amour capable de nous accueillir et de nous combler. C'est par là que nous devenons des ex-sistant, que nous sortons de nous-mêmes pour parvenir à nous-mêmes : à travers une Présence plus intime à nous-mêmes que le plus intime de nous-mêmes» (J.E., p. 68).


Une vie dans le Christ

 

La conception de la morale de l'abbé Zundel peut nous apparaître comme un idéal inaccessible. Il l'est certainement si nous sommes livrés à nos seules forces. Mais pour M. Zundel, cet idéal moral est rendu accessible par le Christ et le don de son Esprit d'amour. Commentant dans une homélie le passage de l'épître aux Philippiens - «pour moi, vivre c'est le Christ. Ce n'est plus moi qui vit, c'est le Christ qui vit en moi» = il disait: «C'est une découverte qu'il faut faire sans cesse. Le Bien est Quelqu'un, le Bien est une Personne, le Bien est une Vie, le Bien est un Amour et toute la sainteté est là : laisser vivre cet Autre en nous, qui est confié à notre amour, nous retirer devant Lui, Lui être un espace, Lui devenir toujours plus transparent afin que notre vie soit la révélation de la sienne ...»

C'est aussi le conseil qu'il nous donne lorsque nous sommes tentés de nous replier sur notre moi-biologique, sur nos instincts et nos passions : «Une lutte exaspérée contre nous-mêmes ne fait que rendre la tentation plus violente et plus fascinante. Il s'agit bien plutôt d'échapper à nous-mêmes en nous rassemblant en Dieu, en nous recueillant dans sa Présence, en cessant de faire du bruit avec nous-mêmes» (T.V.M., p. 311).

Finalement, toute la morale de M. Zundel est une invitation à devenir ce que nous devons être dans et par une union toujours plus profonde avec le Dieu d'amour qui habite en nous et qui va inspirer tous nos actes. C'est dire que la frontière entre morale et mystique s'estompe. C'est pourquoi, il pourra dire dans une homélie : «Il n'y a pas de morale chrétienne. Il y a une mystique chrétienne. L'immense majorité des chrétiens ne s'en sont pas aperçus» (T.V.M., p. 290).


Une morale de l'intériorité


Dans le même sens et dans toute la perspective de sa morale, il a pu dire : «Permis ou défendu, ce sont des choses qui n'ont pas de sens au regard de 1 Évangile, parce que Dieu n'est plus perçu comme extérieur à nous, comme étranger levé sur la montagne, et qui donne sa loi parmi le déchaînement de la foudre et du tonnerre. Nous voyons dans ]Évangile s'esquisser cette nouvelle morale ... C'est l'ordre de l'amour qui importe, c'est le don de soi, c'est la générosité provoquée par la générosité divine» (TV.M., p. 290). Dans l'optique de toute la morale de l'abbé Zundel, le péché n'apparaît plus comme une désobéissance au commandement d'un Dieu qui, à l'extérieur de nous-mêmes, dicte ses volontés mais comme un refus de devenir ce que je dois être, un refus de l'amour qui me sollicite intérieurement pour me conduire au véritable épanouissement de mon être

«C'est se river à son individu, en exaltant ses limites, en refusant d'être universel, en refusant d'être éternel, ou comme dit saint Paul d'un mot unique, en éteignant 1'Esprit» (R.P., pp. 178 -179).

Décrire en un article toute la conception de la morale de l'abbé Zundel, c'est un peu la quadrature du cercle. La richesse de sa pensée est telle qu'il est difficile d'en faire saisir toute la profondeur et toutes les nuances. Dans la crise actuelle que connaît la morale, M. Zundel nous donne les fondements d'un enseignement de la morale renouvelée. Morale de l'être, morale de libération et d'amour, la morale de l'abbé Zundel est une morale de l'intériorité et de la personne. Elle appelle des éducateurs et des accompagnateurs avisés, des éveilleurs à l'intériorité de la personne et aux exigences d'un amour authentique. Dans la préface de Quel homme et quel Dieu, le Père Carré écrit : «L'actualité de son message ne fait que commencer.» Cela me paraît particulièrement vrai de son message moral.

11:01 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

21/09/2008

Lire Zundel m’a appris à voir le monde avec un regard d'enfant.

Comment passe-t-on de la recherche et de l’enseignement à la vie d’un curé de montagne dans le village le plus haut d’Europe, après quinze années dans l’industrie comme ingénieur de recherche en mécanique (hydraulique, nucléaire, acoustique sous-marine, aéro-spatiale).? Il fallait sans doute tomber " Très-bas " pour monter aussi haut. Quelle folie créatrice, quel vide fallait-il traverser pour faire ce passage? Dans quel abîme de désespoir fallait-il être plongé pour aller chercher si haut quelque chose que l’on cherchait ici-bas? Chercheur de vérité et de beauté, ne suis-je pas toujours en marche vers de nouveaux horizons, vers de nouvelles découvertes, de nouveaux visages, toujours émerveillé par la beauté et sensible au désespoir des hommes d’aujourd’hui.

La rencontre de Maurice Zundel m'a permis de sortir d'un regard soi-disant scientifique sur le monde. Soi-disant, car en fait ce regard était un regard rempli de désespérance, fruit d'une éducation trop exclusivement rationnelle. Avec Zundel, je suis progressivement sorti du monde de l'extériorité, de l'horizontalité et du bruit, pour atteindre des sommets de silence et de la solitude. N’oublions pas que Zundel est né et a vécu aux pieds du Jura et des Alpes, à Neufchâtel, à Lausanne et à Bex, entre lac et montagne où la beauté des paysages ouvre le regard sur l’autre coté du monde. En montagne, la nature nous invite à prendre de la hauteur, à changer de perspective, à voir les choses autrement, à passer des vérités de la plaine aux vérités de la montagne.

Lire Zundel m’a appris à voir le monde avec un regard d'enfant, c’est-à-dire avec plus de simplicité et de transparence; Zundel ne sacralise pas, il ne cherche pas à idéaliser, mais il accueille la présence des choses et des êtres dans leur nudité, tels qu’ils adviennent dans leur apparaître. Il ne s’agit pas ici ni de rêver ni de fuir dans un autre monde mais de voir et de vivre, ce monde-ci, autrement. Zundel ne nous fait pas changer de monde, mais plutôt de vision du monde. Il m'a libéré de la simple subjectivité de l’artiste mais surtout de la froide objectivité du scientifique pour m’initier à un regard autre sur un monde Ouvert, Vierge et Transfiguré.

Ce regard zundelien ne vit pas dans un rapport fusionnel avec les choses, ni ne s'en sépare en les jugeant de l'extérieur, mais, simplement, il s'émerveille de leur présence, sans jugement ni exaltation. Ce regard d’espérance, n’est pas une simple illusion, ni un optimisme béat, mais une douce folie, celle de l'évangile; par-delà les illusions et les désillusions, l’enchantement et le désenchantement du monde, Zundel nous apprend à écouter la musique silencieuse des choses, celle que le Verbe chante à travers sa création. Par delà les contradictions de l’existence, Zundel nous initie à une logique autre que celle de la simple rationalité fondée sur le principe d’opposition. Zundel nous fait retrouver dans la grande tradition Taoïste, que l’on rencontre chez Nicolas de Cuse, qui est réconciliation des contraires et coïncidence des opposés. Folie humaine ou divine sagesse? Ou simplement " Docte Ignorance " de l’expérience du vide chez nombres de mystiques d’Orient et d’Occident?

Ne voir que les contradictions ne nous enferme-t-il pas dans le monde clos de la rationalité. Ne voir les choses que du dehors, n'est-ce pas méconnaître leur intériorité et donc la dignité et la grandeur de l'homme, c'est à dire sa liberté. En ne regardant que les oppositions, ne risque-t-on pas de ne voir que la face défigurée du monde en oubliant son coté transfiguré? Notre foi ne nous appelle-t-elle pas, d’abord, à regarder du coté de la Lumière de Pâques? C'est là le pari et peut-être la folie zundelienne. Les signes de désespérance ne sont-ils pas aujourd'hui les traces du Visage défiguré du Christ dans l'agonie de notre civilisation?

Les choses, alors, n'engendrent-elles qu’angoisse du vide et ne plongent-elles pas l'homme dans le néant et l'absurde? Ne sont-elles pas aussi des appels à la liberté et à l’éveil de la conscience. Zundel a ce regard d’éternité, qui sauve l’homme parce qu'il le libère de lui-même, en le libérant de tout jugement sur les événements, sur les autres et sur Dieu. Le monde visible n'est plus clos sur lui-même, il s'ouvre sur l'infini. "L'univers n'est plus qu'un immense sacrement, l'infini est au cœur de la matière transfigurée". Zundel nous apprend à devenir libre des jugements qui nous enferment, et donc vide d’angoisse et rempli d'espérance. Pourquoi croire en quelque chose, dans des espoirs humains quand il nous faut croire en Quelqu'un. Alors le donné est transformé en don, le visible n'est plus désespérant car il est la trace de l'invisible.

Par delà les espoirs et les désespoirs humains, l'espérance zundelienne est une épreuve, celle d’un saut dans le vide,… de l'abandon et de la confiance en la vie. Elle n'est pas seulement une espérance sur un Au-delà, elle se tient dans la pure éclaircie du tombeau Vide, dans l'attente de la résurrection qui est à la fois déjà là et pas encore. "La présence efficace, quelle qu’elle soit, écrivait Heidegger, se tient dans la pure éclaircie du Vide ou du Rien…Ce vide n’est pas l’évacuation du monde, le Rien n’en est pas l’anéantissement, mais la condition de sa manifestation." Le vide est le contrepoids de la pesanteur. Ou plutôt, entre la pesanteur et la grâce, il y a le vide, qui est le centre de gravité de tous les équilibres physiques et spirituels. Depuis Pascal, ce n'est plus la nature qui a horreur du vide, mais la pensée des hommes. Si l'homme désespère, c'est parce qu'il a peur du vide et de la pauvreté, qu'il a peur d'avancer sans voir et sans maîtriser son avenir. Au contraire à l'épreuve de la réalité, Zundel nous montre que le vide, l’abandon et la pauvreté en esprit sont, au cœur de l'être, la condition nécessaire à tout équilibre sur terre comme dans le ciel.

 

Il y a un temps pour tout, un pour le plein, un pour le vide, il y a un temps pour construire, un temps pour détruire. il y a un temps pour naître et un pour mourir. Un avant et un après. Mais entre les deux il y a le "maintenant", " l’entre-deux " de nos deux mains vides, il y a le temps de vivre la grâce de l’instant présent. Entre le vide et le plein, " il y a ", ce " je ne sais quoi ", ce " presque rien " qui ne mène " nulle part ", sinon à la dynamique créée par la tension entre l’ombre et la lumière. Entre l'absence et la présence, il y a une porte étroite, un vide qui permet de passer de l'autre coté des choses, il y a un saut dans le vide, celui de la foi, comme l’écrit G. Bernanos : "La foi, c’est vingt quatre heures de doute, moins une minute d’espérance". De cette foi de Zundel, jaillit alors son espérance dans l’homme, comme espérance de Dieu. "La vraie vie, alors, ne peut se saisir et la mort ne l'arrête pas. Au delà du tombeau, où le cœur spirituel bat éternellement, des mains invisibles sont tendues vers nous, écrivait Zundel. La vie, par delà les espoirs et les désespoirs humains, aboutit inévitablement à cette rencontre, à cette Présence inépuisablement nouvelle où la personne respire."

 

François Darbois, le 15 juin 1997

19:45 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

Le mystère de l'Église.

 Fin des notes des conférences données à Val saint François en août 1933.

 
    « L'Église, c'est Jésus, et non pas tel ou tel gouvernement d'église.
    Saint Paul n'a-t-il pas entendu ces paroles: "Je suis Jésus que tu persécutes" et lui voulait persécuter l'Église.
    Faire la rencontre de l'Église ne peut signifier que faire la rencontre de Jésus. Au sens le plus large, l'Église est un Corps Mystique qui comprend toutes les âmes de l'Église souffrante, du purgatoire, et toutes celles de la terre, capables de la vie de Jésus.
    Par rapport à l'Église, Corps Mystique, l'Église catholique est comme le sacrement, comme la pointe du navire.
    Toutes les âmes baptisées du baptême de la sincérité sont en état de grâce et font partie du Corps Mystique. Cependant,   quiconque a la possibilité de s'instruire de l'Église catholique doit le faire.     C'est dans ce sens qu'il faut entendre la parole : "Hors de l'Église, pas de salut". Ceux qui en font partie ne peuvent la quitter sans compro­mettre leur salut.
    Dès que le prêtre cesse de nous donner le Christ, il n'est plus rien pour nous. Toutes les fois que nous rencontrons le mal dans les représentants de l'Église, nous n'avons plus à faire à l'Église. Ce n'est pas au nom de son titre d'apôtre que Judas a trahi Jésus.
    On ne peut pas voir le Pape, on ne peut que le croire. Ainsi, pour le prêtre, on ne peut que le croire.
    On ne peut pas parler des crimes de l'Église : elle est sainte puisqu'elle est le Christ.
    L'ordination sacerdotale exproprie pour ainsi dire le prêtre et l'intro­duit dans le Christ, et il peut dire : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang.»          
    Plus on a d'autorité dans l'Église, plus on est effacé jusqu'à n'être plus qu'un signe, un sacrement. Il faut qu'il grandisse et que je diminue.
    Dans le prêtre, chaque fois que vous chercherez le Christ, il vous Le donnera et vous Le trouverez par la foi, et chaque fois que vous cher­cherez l'homme,  hélas, vous trouverez aussi l'homme avec toutes ses misères. Vous n'avez à faire à l'Église que lorsque vous avez à faire au Christ.
    Le Christ a voulu instituer une religion sociale. C'est la raison des rites et de la hiérarchie dans l'autorité. Notre religion est celle de Notre Père et non de mon Père.
    Elle est une communion où chacun doit aller à la recherche de ses frères pour les amener à la foi, à la joie. Tous les chrétiens sont prêtres (pas avec la même fonction que le prêtre ordonné) puis­qu'ils vivent de Jésus, ils sont prêtres avec Jésus
    Vous êtes l'Église. Oh ! ce mystère de l'Église ! Vous avez tout le poids des âmes à sauver, autant que le Pape, et cela jusqu'au dernier souffle de votre vie.
    Revivez le mystère de Jésus pour le faire vivre dans les autres.    Quel sens prend alors votre vie, ou plutôt la Sienne en vous ? Jésus vous attend, vous supplie d'ouvrir votre cœur afin de laisser passer le courant de lumière divine pour sauver le monde.
    Votre mission est de porter dans votre cœur le mystère de Jésus,  le mystère de l'Église, pour faire naître Jésus dans les âmes.
    Que Jésus nous prenne,  puisque nous ne savons pas nous donner,   qu'il nous embrasse et alors nous pourrons dire : "Ce n'est plus moi qui suis, c'est le Christ qui est moi ! "
 
    Fin des notes prises pendant la retraite de Val saint François en août 1933.
Maurice ZUNDEL.

10:17 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

20/09/2008

Nous sommes tous appelés à la maternité de l'esprit.

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Nous sommes tous appelés à la maternité de l'esprit.      

Notes (non revues par Zundel), trop elliptiques, sur le mariage.

"L'amour est ce poids qui m'entraîne", dit Saint Augustin. Si l'amour est à sa place, toute la vie est à sa place, sinon tout est dévié.
L'homme et la femme sont deux êtres complémentaires et chaque fois qu'il y a rencontre, il y a un attrait, un amour dans le sens vaste (sans qu'il soit dans un but de mariage), sympathie, amour, qui peuvent être très profonds et très purs.
La phase critique de l'amour est l'appel de l'enfant qui cherche son père, qui cherche sa mère (1). Ce mystère de vie est un miracle de grandeur, de tendresse et de confiance de la part de Dieu.
Plus une fonction est grande, plus la joie, le plaisir qui l'accompagnent seront grands. Ce plaisir est divin, si la vie est divine, toutes ces choses doivent être vues avec un immense respect et on ne doit jamais rire de l'amour.
L'impureté consiste à prendre en nous la part de l'enfant (= à prendre en nous, égoïstement, ce qui revient à l'enfant).
Ne rougissons pas du corps, c'est Dieu qui l'a créé, et toutes ses parties sont pures. L'acte sexuel lui-même est parfaitement pur, ce qui est impur, c'est de le retourner d'une manière sacrilège.
Saint Augustin veut que nous aimions notre corps d'un amour de charité, de vénération. Il faut le vêtir comme une église, le rendre transparent comme une cathédrale, le regarder comme une hostie. Il est le temple de la Sainte Trinité. Amour ! Vie ! Lumière ! Quelle merveilleuse montée !
Virginité dans le mariage.
Mariage = sacrement = participation à la mort rédemptrice de Jésus. Mariage, sacrement de l'Eglise, c'est-à-dire signe qui représente et qui engendre l'Eglise.
Rien n'est plus proche du sacerdoce que le mariage, donc rien n'exige davantage les vertus du sacerdoce. Il s'agit de concevoir et d'engendrer en esprit les fils de l'Esprit,- les fils de Dieu.
Virginité en esprit, cela va sans dire : ne pas oublier que le mariage de Marie et de Joseph est un vrai mariage.
L'idée que l'on se fait de la vie est celle que l'on se fait de l'amour.
N'ayez pas un coeur sec. Il faut aimer, il y a du divin dans l'amour, et le divin de l'amour est Dieu Lui-même, en Personne. Mais il n'y a plus d'amour vrai quand on a perdu Dieu, car il ne peut être divin que par la présence de l'Infini. Dès que cette vue cesse, l'amour se retourne contre la vie. Hélas, l'homme est arrivé à ce point de folie en posant l'acte créateur en refusant la création. Alors les époux demeurent seuls !
C'est par la maternité que la femme réalise cette circumincession qui la fait devenir un seul être avec son mari. L'amour ne peut se garder que s'il s'accomplit en esprit et en vérité. Il faut qu'il soit un sacre­ment qui représente l'amour de Dieu et le donne. Les paroles de Saint Paul à ce sujet sont admirables : "Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise ! Femmes, aimez et soyez soumises à vos maris. . . " (épître de la Messe de Mariage)
Ainsi, ce n'est plus moi qui suis, c'est toi qui es moi ! Don infini. L'amour est une folie divine. S'il est cela, il est saint et sanctifica­teur, c'est le sommet de la sainteté.
Pour que ce soit possible, il faut porter le mystère de l'amour avec respect. Je dirai plus : avec agenouillement. Il faut que l'homme trouve sa femme toujours supérieure à lui dans l'ordre de l'esprit, de la pureté, de la sainteté. Il faut qu'il se sente agenouillé devant elle et, par elle, devant Dieu.
L'amour est un sacerdoce, et le mariage une ordination qui dépouille deux êtres de soi-même. Dieu et nous, don infini d'où résulte l'enfant qui est comme un rejaillissement du mystère de Jésus et l'image analogique de la Sainte Trinité.
Etat de sainteté. On ne peut faire de sacrilège qu'à l'occasion d'une chose sainte. Etat de virginité aussi, car on ne la perd pas en donnant la vie : on la confirme, on ne la perd qu'en la profanant.
Demandons la grâce de respecter nos corps, il ne faut ni en rougir, ni les mépriser, il faut les aimer et les posséder dans l'esprit, ainsi il n'y a plus de concupiscence.
L'acte créateur est un consentement, un sacrifice de l'un à l'autre, non plus l'acte de chair, mais l'acte de vie éternelle, transfiguré dans la lumière de Dieu.
Il ne faut pas appeler amour ce qui est péché, acte vide et frauduleux.
Toute la noblesse de la femme vient de la Sainte Vierge. Redisons avec une immense reconnaissance cette parole : "Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Nous ne sommes pas tous appelés au mariage mais nous sommes tous appelés à la paternité et à la maternité de l'esprit qui se donne à tous. Pensez-y dans la lumière de la Vierge Mère, accueillez dans votre coeur toutes les âmes qui n'ont pas de mère. Maternité divine pour faire naître Jésus dans toutes les âmes.
L'amour est le don de soi, jusqu'à la mort de soi.
La pureté est l'expression suprême de la charité envers les corps. Etre pur, c'est donner l'esprit à son corps pour qu'il devienne capable de donner et faire mieux. Faisons de notre corps un sacrement de la Présence de Dieu.
Le détachement chrétien est un immense amour. Ne nous détachons que de nous. Le corps porte l'empreinte de la Sagesse divine : il peut devenir lumière, il faut l'immortaliser.

Maurice ZUNDEL.

(1) Zundel voit donc, semble-t-il, l'appel de l'enfant en et vers son père et sa mère avant même qu'il soit conçu en eux. Saint Paul ne nous voit-il pas choisis, donc existant, dès avant la création ?

11:45 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

19/09/2008

DIEU EST LA BEAUTÉ.

Début de la retraite donnée par M. Zundel au Val Saint François en août 1933. Notes succinctes.


« Laissez-vous entraîner par Jésus, laissez-vous faire par Dieu, cessez de vous voir vous pour voir le Christ.
La religion n'est pas un devoir, c'est un mariage d'amour avec Dieu, regardons le visage d'amour du Père, du Fils , du Saint Esprit. Que ce soit votre principale occupation pendant cette retraite, faites-la sans contention, avec une grande joie.
Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous, vous êtes le tabernacle vivant où Dieu demeure.
Seigneur, puisque vous êtes là en moi, faites que je vive de cette Présence, même sans la sentir.
Priez toujours en écoutant, faites du silence.



Le problème de Dieu, sa recherche.

Pour le monde la religion est une sorte d'assurance contre l'enfer. A part cela, elle ennuie. Pour nous, faisons la découverte de Dieu.
Dieu est la beauté. Toutes les oeuvres d'art ne sont qu'un coup d'aile vers la beauté, elles ne sont qu'un lieu de passage et elles ne deviennent parfaites que lorsqu'elles nous font les dépasser elles-mêmes. Cependant, on ne l'atteindra jamais, puisqu'elle est infinie. Dieu seul est LA Beauté.
Notre conscience nous dit de monter toujours. Nous avons un idéal qui nous porte, nous appelle ou nous condamne, l'Idéal, c'est Dieu. Il est pure lumière. Nous devons immoler toutes les fibres de notre être pour Dieu : Idéal de Sainteté. Idéal de Beauté. Idéal de pureté. Idéal de Lumière.
La plus belle et la plus dangereuse des expérience : l'amour. Goethe a dit : c'est de l'amour seul que nous sommes amoureux. Il n'y a rien de plus juste.
Le langage de l'amour est l'adoration, mais c'est Dieu seul que l'on peut adorer, et l'amour en soi doit conduire au coeur du Christ, source du premier amour.
Dieu est la réalité de la Beauté, de l'Amour, de la Sainteté, de la Vérité, de la Bonté et, de fait, nous n'agissons jamais que pour atteindre ces choses et c'est ce que nous demandons dans ceux que nous aimons.
Dieu est une découverte perpétuelle, toujours nouvelle. Nous savons ce que Dieu n'est pas, mais nous ne Le connaissons pas, nous entrons dans le nuage de l'Inconnaissance . On peut L'aimer mais on ne peut ni Le penser, ni Le dire. » ...

12:01 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

Dieu, c'est quand on s'émerveille!

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DIEU C'EST QUAND ON S'ÉMERVEILLE


Homélie prononcée à Notre Dame du Valentin, Lausanne, le 5 février 1961

Publiée dans Ton Visage ma lumière, Éd. Desclée



Un prêtre que je n'ai vu qu'une seule fois dans ma vie traversa, un matin, ma chambre à Neuilly et me dit : Dites-moi un mot que je puisse emporter en voyage. Et je lui dis : Eh bien ! Que Dieu, que Dieu vous soit neuf, chaque matin !  Et il disparut, pressé qu'il était d'aller prendre son train. Il est mort depuis lors, et je m'émeus de penser que le seul lien entre lui et moi a été ce mot : Que Dieu vous soit neuf, chaque matin ! 

En effet, il est impossible de concevoir une religion vivante si Dieu ne nous est pas neuf, chaque matin. Nous nous lassons du déjà vu, nous éprouvons constamment le besoin d'un renouvellement. Et un amour qui chaque jour ne découvre pas dans le visage aimé un trait encore inaperçu est bientôt condamné à mort.

La vie de l'Esprit est une découverte inépuisable et il est indispensable, pour que Dieu devienne pour nous un objet passionnément aimé, il est indispensable que, chaque jour, Dieu soit pour nous une découverte nouvelle. Nous avons l'habitude de parler de Dieu dans les termes du catéchisme, et il nous semble que nous tournons dans un cercle fermé. En réalité, les mots du catéchisme, si nous les comprenons bien, ce sont des mots-sacrements, ce sont des mots ouverts, ce sont des mots qui nous invitent à nous engager dans une aventure inépuisable et merveilleuse.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard que l'Église, dans sa liturgie, ait rassemblé autour de l'autel les parfums, les couleurs et les sons. Ce n'est pas un hasard que les plus grands artistes aient travaillé pour l'Église et édifié leurs plus beaux chefs-d’oeuvre dans la cathédrale et autour de l'autel de l'Agneau éternellement immolé. C’est que, justement, ils sentaient qu’en Dieu et pour Dieu, toute cette nostalgie en eux de la Beauté allait trouver sa plus haute expression et son suprême épanouissement.

Tous les grands hommes, tous les génies, tous les savants, tous ceux qui sont à la tête de la course dans l'humanité, sont des êtres qui ont su admirer et s'émerveiller. Et c'est Einstein, un des plus grands savants de tous les temps, qui a dit ce mot magnifique où il nous révèle son âme : L’homme qui a perdu la faculté de s'émerveiller et d'être frappé de respect est comme s'il était mort.

Il est donc nécessaire qu'en accord avec la beauté de ce jour, où nous éprouvons tant de joie à revoir le soleil, que nous apprenions à nous émerveiller.  Car les prières que nous disons, ici, à l'église, les prières que nous disons ensemble, ces prières veulent nous engager dans cette prière secrète, dans cette prière silencieuse, dans cette prière personnelle où le plus intime de nous-même se dit.

Chacun de vous a des goûts particuliers. Chacun de vous est attiré par un certain aspect de l'univers : il y en a qui aiment les bois, il y en a qui aiment la mer, il y en a qui aiment la montagne, il y en a qui aiment la musique, d'autres la poésie; il y en a qui aiment les mathématiques, d'autres l'astronomie, qui d'ailleurs les comprend d'une manière nécessaire, mais chacun dans cette recherche, chacun dans cet amour, chacun dans cette passion, trouve sa source, cette source que Jésus révélait à la Samaritaine au puits de Jacob, et qui nous fait entrer, tous et chacun, dans cette vie éternelle qui est le Dieu vivant au plus intime de nos coeurs. 

Il ne faut donc pas penser que la prière pour nous s'épuise dans les formules que nous récitons à l'église, dans le chapelet, dans le chemin de croix, dans le « Notre Père» où le « Je vous salue Marie ». La prière, c'est la respiration de l'âme qui découvre, tout d'un coup, le visage imprimé dans notre coeur.

Et, comme chacun de nous est différent, comme chacun de nous est irremplaçable et unique, comme Dieu ne se répète jamais en créant une âme, il donne à cette âme, justement, il lui confie un rayon de lui-même, et il l’appelle à exprimer sa beauté dans son langage à elle, qui est unique, afin que toutes les âmes, ensemble, constituent une immense symphonie où la beauté de Dieu ne cesse jamais d'être chantée.

Il est donc nécessaire que vous consultiez, que nous consultions chacun nos goûts, que, en dehors de la prière communautaire, nous ayons chacun notre prière personnelle et que, chaque jour, en suivant justement notre élan intérieur, en faisant un tour de piste, en regardant les jeux de la lumière, en admirant le soleil couchant sur les montagnes, en respirant le silence du matin, en écoutant le chant des oiseaux, en mettant un beau disque, en lisant un beau livre ou en contemplant une belle oeuvre d'art ou en nous émouvant sur le sommeil d'un tout petit enfant, il est indispensable que, par tous ces chemins, nous renouvellions en nous notre admiration, sans laquelle notre amour ne saurait se maintenir.

Au fond, tous les saints ont été de grands passionnés et, le plus grand de tous, saint François d'Assise, a voulu mourir en écoutant chanter le Cantique du Soleil. Et saint Augustin, lorsqu’il veut exprimer le mouvement le plus intime de sa conversion, se tourne vers cette beauté toujours nouvelle et toujours ancienne  qui est au-dedans de nous, et dans laquelle nous trouvons la plus personnelle et la plus vivante révélation de  Dieu, puisque c'est Dieu lui-même, caché en nous comme un soleil, dont la lumière est le jour de notre intelligence et le repos de notre coeur. 

Tous les saints sont de grands passionnés et c'est justement, parce qu'ils ont l’enthousiasme de Dieu, que leur vie, naturellement, s'exprime et fleurit en Dieu.

Pour nous aussi, la sainteté, je veux dire cette plénitude d'adhésion qui fait de la vie divine, comme disait saint Augustin,  la vie de notre vie, pour nous aussi, la sainteté doit se couler à l'intérieur de cet élan, de cet attrait qui constitue notre goût essentiel, qui constitue notre passion maîtresse, et à travers laquelle nous atteignons à notre enthousiasme le plus total et le plus profond. Il faut donc que chacun de nous, quittant les chemins battus, ne se croie point lié à des formules toutes faites, et ne pense pas qu'il soit indispensable pour prier le matin ou le soir, de dire quoi que ce soit. L'essentiel est de se recueillir.

L'essentiel est d'écouter. L'essentiel est de s’émerveiller. Car, lorsqu'on s'émerveille, lorsqu'on admire, nécessairement on se quitte soi-même, on demeure suspendu à la beauté de Dieu, on se réjouit de sa Présence, on se perd dans son amour.

Et, c'est pourquoi l'essentiel pour nous, pour chacun de nous, ce n'est pas tant de suivre telle ou telle démarche déjà connue, mais c'est, bien davantage, chaque jour, de nous donner la possibilité de nous émerveiller. Si chaque jour, nous respirons, pendant cinq ou dix minutes, le silence où notre vie retrouve son origine, si chaque jour, Dieu nous apparaît sous des traits absolument nouveaux, si chaque jour, nous sommes promus, comme dit un grand poète, à la dignité d'être admirants, alors Dieu n'aura jamais pour nous ce visage du déjà vu, qui nous lasse et qui nous ennuie.

Comment Dieu pourrait-il être pour nous, une source d'ennui et de lassitude s'il est vraiment l'origine de toute beauté, si tous les chants du monde ont leur source en lui, s'il est le lien de toutes nos tendresses, et si tous les grands contemplatifs, qu'ils soient savants, poètes, sculpteurs, musiciens ou mystiques, si tous les grands contemplatifs à travers l'univers, devenu pour eux, transparent à Dieu, ont senti en lui la source d'une découverte qui ne pourra jamais s'épuiser ?

Celui qui aime chante, a dit saint Augustin. Celui qui aime chante, justement, parce que l'amour jaillit toujours de l'émerveillement.

Nous voulons donc essayer de découvrir quelle est en nous la source d'eau vive. Nous voulons aller, chaque jour, à la rencontre de ce puits de Jacob où Jésus nous attend, pour nous révéler le secret le plus profond de notre amour. Nous voulons écouter, nous voulons nous cacher au coeur du silence. Nous voulons entrer dans cette grande procession de la Beauté et alors nous découvrirons, en effet, un Dieu qui nous sera neuf chaque matin, et nous pourrons souscrire à ce raccourci audacieux, qui bouleverse quelque peu le langage, mais qui contient une si profonde vérité :  Dieu, Dieu, c'est quand on s'émerveille !

Ne l’oublions pas :  « Dieu, c'est quand on s'émerveille! ».
 
Maurice Zundel

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LA JOIE CHRÉTIENNE.




Article publié dans Foi Vivante, revue des Carmes à Bruxelles en 1964
puis Dans le silence de Dieu, Éd. Anne Sigier


Le grand poète Oscar Wilde écrivit, en prison, que la plus grande bénédiction de sa vie lui advint quand la société lui imposa cette réclusion, qui scellait son déshonneur en le privant à jamais de son foyer et de tous ses biens.  Il lui fallut du temps pour parvenir à cette conviction. Pendant une année il ne connut guère que la révolte et le désespoir.  Le souvenir de l'hommage rendu à sa détresse, le jour de sa condamnation, par le seul ami qui lui fût demeuré fidèle, finit par s'imposer à lui avec la force d'une présence.  Quelqu'un avait cru en lui quand sa déchéance avait paru irrémédiable; quelqu'un s'était incliné devant une valeur qui pouvait encore vivre en lui; quelqu'un, bravant le mépris public qui l'accablait, n'avait pas cessé de l'aimer.
     
C'est dans la lumière de cette amitié qu'il découvrit l'Amour infini qui l'attendait au plus intime de lui-même et auquel il suffisait de consentir pour jouir d'une liberté qu'il n'avait jamais connue et que les murs de sa prison ne pouvaient aucunement restreindre.  Il n'était plus seul dans sa cellule. Un Ami invisible ne cessait de le visiter, en ouvrant à son âme un espace illimité.
     
En des circonstances bien différentes, une femme totalement  paralysée depuis 39 ans et aveugle depuis 30 ans me confiait le  secret de son courage et de sa sérénité:  dans le bonheur d'avoir été épousée avec cette double infirmité par l'homme qui l'avait aimée - avant qu'elle n'en fut atteinte - dans tout l'éclat de sa jeunesse et qui attestait, par cette fidélité, la valeur unique qu'il attachait à sa personne, véritable sanctuaire de la Divinité.

En des conditions peut-être plus tragiques encore, une Française déportée au cours de la dernière guerre, eut la grâce de découvrir Dieu dans le camp de Ravensbruck où elle endurait d'exceptionnelles privations.  Elle en éprouva un tel bienfait que, libérée par la victoire, elle craignit de perdre, dans la dispersion d'une vie dite "normale", la permanence du seul contact qui la pouvait combler.
     
Qui se douterait de la misère matérielle de Mozart en entendant sa musique, où sa foi ingénue anticipait la joie qu'il espérait de la rencontre avec le Seigneur dont son Requiem respire l'attente Qui sentirait autre chose que pure jubilation dans le "Te decet hymnus" du Requiem de Gilles, où toute chair ressuscite dans la gloire de la Jérusalem nouvelle, dont le Gloria de la Messe en si de Bach semble saluer l'avènement.
               
L'amour est plus fort que la mort... Il n'y a pas de douleur qu'il ne puisse transfigurer, pas d'infirmité dont il n'allège la pesanteur. Les aveugles sont les grands voyants du monde sonore et c'est à un sourd que nous devons  l'Hymne à la Joie le plus triomphant.
          
Mais si de grandes âmes ont pu vaincre la souffrance, la pauvreté, la prison, les deuils, les humiliations et rendre grâce au poteau d'exécution, comme d'Estienne d'Orves,  et chanter jusqu'à l'échafaud comme les Carmélites de Compiègne, on ne s'étonnera pas que l'Amour qui les portait confère à toute existence, pourvue du nécessaire sans épreuve héroïque, un surcroît infini de bonheur et de grandeur, dont témoignent, chacun dans son langage tous les génies, tous d'accord pour reconnaître dans cet Amour qui aimante leur recherche:  "La Vie de leur vie."
     
"Pourquoi vouloir être quelque chose quand on peut être quelqu'un?" écrit Flaubert dans son journal, scandalisé par un billet de Baudelaire qui lui demande de pousser sa candidature à  l'Académie Française.  C'est qu'il n'ambitionne, lui, Flaubert, d'autre récompense que d'exprimer toujours mieux, en s'effaçant devant elle, cette "Beauté toujours ancienne et toujours nouvelle" qui ravissait le coeur de Saint Augustin.  Avec la même humilité Einstein affirmait que "l'homme qui a perdu la faculté de s'émerveiller et d'être frappé de respect est comme s'il était mort", car il n'aspirait qu'à ce dialogue "mystique" avec un univers perçu dans la Pensée créatrice dont la nôtre tire toute sa lumière.  Et qui a mieux chanté "la joie de connaître" que Pierre Termier déchiffrant la genèse de la terre dans le grand Canyon du Colorado?
     
Mais non moins admirable est ce témoignage d'une pauvre bergère illettrée qui n'arrivait jamais au bout de son "Notre Père" parce qu'elle éclatait en sanglots dès les premiers mots, en pensant qu'une chétive créature comme elle jouissait du privilège incroyable d'invoquer Dieu comme son Père.
     
Si le message de Jésus s'achève dans ce testament de Joie: "Je vous ai dit ces choses pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite", c'est que tout l'Evangile est la révélation et la communication personnelle du Dieu-Charité, du Dieu qui n'est qu'Amour et dont le Coeur est le berceau de toute réalité.
     
Ce dimanche rose de "Laetare" oriente nos regards, au milieu du Carême, vers l'univers pascal qui doit fleurir de la Croix, où la création sera ré-engendrée par le Verbe fait chair, en qui l'Amour éternel s'immole pour faire contrepoids à tous nos refus d'amour.
     
La Musique qui est le chant du Silence, par le ministère des grands Artistes qui sont nos hôtes, va nous disposer à entendre selon le mot de Saint Ignace d'Antioche, ce "mystère de clameur accompli dans le silence de Dieu", dont chaque Liturgie renouvelle la présence et l'appel.
          
Il ne suffit pas, en effet, que Dieu se donne pour que sa joie soit en nous.  Seul le consentement de notre amour peut fermer l'anneau d'or des fiançailles qu'Il ne cesse de nous proposer, comme en témoigne Saint Paul aux Corinthiens dans cette parole qui s'adresse à nous:  "Je vous ai fiancés à un Epoux unique pour vous présenter au  Christ comme une vierge pure".
     
Mais comment cela peut-il nous atteindre réellement?  Allons- nous verser dans une sensiblerie pseudo-mystique en nous imaginant favorisés, plus que le commun des hommes, des prédilections divines?
     
Toute illusion à cet égard est écartée par le mandatum qui fait de l'amour effectif envers les hommes le critère exclusif de notre amour envers Dieu.  C'est d'abord dans le jardin d'autrui que doit fleurir, par nos soins, la rose du Laetare.
 
Qu'exige de nous, en famille, au travail et dans toutes nos relations humaines la joie des autres?  Nous verrons, sans tarder, qu'elle réclame une attention si constante. un effacement de nous-même si soutenu, qu'ils sont rigoureusement impossibles sans une permanente reprise de contact avec Dieu.
     
C'est là le noeud des deux préceptes qui n'en font qu'un: l'amour de Dieu et l'amour de l'homme.

L'Evangile  est la bonne nouvelle de l'Emmanuel: "Dieu est avec nous". Mais comment l'apprendra l'homme d'aujourd'hui, si le sourire de notre amitié ne lui rend pas sensible le Visage qu'un coeur humain, ne peut reconnaître qu'à travers un amour humain où il transparaît?

Le Testament de joie est remis entre nos mains, comme le plus urgent appel à notre générosité qui en peut seule assumer  l'accomplissement dans le monde contemporain, au cours du temps  dont chacun de nous dispose pour s'éterniser.
 
Maurice ZUNDEL.

09:02 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

18/09/2008

Le mystère de la Trinité et ce qu'il entraîne quant au mystère de la création.

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    « L'amour est l'identification de l'une et de l'autre personne en même temps que la distinction de ces personnes, c'est ainsi que dans la sainte Trinité il y a la distinction des Personnes et l'Identité totale d’une même Vie.
    Altruisme et circumincession :
    A l'âme qui se demande comment l'Amour de Dieu peut s'exercer par rapport à Dieu et qui recule devant l'idée d'un égocentrisme infini, la foi répond : la prise de conscience personnelle en Dieu est altruisme, élan vers l'autre. Le moi est toute effusion, tout don, et la Personne est ce don même, cet élan comme un oiseau qui ne serait que vol.
    Le Père prend conscience de Soi en engendrant le Fils, et Il est cet engendrement même. Il n'est que paternité, regard vivant vers l'Autre, extase subsistante vers le Fils qui est tout élan vers Lui, et, comme la connaissance est extatique, l'amour l'est aussi.
    Pour le Père et le Fils, aimer (la Déité), c'est communier dans une suprême extase dont le terme est le Saint Esprit, baiser vivant en qui s'échange l'Amour du Père et du Fils, l'Esprit ne pouvant se vouloir que comme lien subsistant entre le Père et le Fils.
    C'est-à-dire que le moi en Dieu, au lieu de séparer, relie, et qu'il n'est même que cela : relation, référence, extase, élan, altruisme, et c'est parce que le moi est pur don que l'intimité des Trois est absolue et s'exprime par le mot circumincession, habitation de l'une dans l'autre, fusion jusqu'à l'identité totale, étreinte absolue où les termes qui distinguent sont eux-mêmes les agents, les charnières de la coïncidence. Ainsi se trouve réalisée, une fois dans sa plénitude, l'exigence de l'Amour.
    Etre plusieurs en un. L'Amour, en effet, à moins d'être égocentrique, suppose au moins deux termes (L'Amour est altruiste, il tend vers l'autre) et vise à leur identification. Ici-bas l'amour n'y réussit jamais complètement. En Dieu, c'est la Trinité dans un éternel aujourd'hui où cet échange est toujours actuel. Nous ne réaliserons jamais pleinement notre amour que là.
    "Qu'ils soient un en vous, Père, comme vous et moi, nous sommes Un."   C'est en passant par le Coeur de Dieu, en entrant dans la circumincession des Personnes Divines que nous réaliserons la circumincession des âmes, l'indissoluble habitation de l'une dans l'autre.
    Tous les déchirements de l'amour ne tendent qu'à l'entière désappropriation du moi qui empêche cette totale circumincession.
    Alors se produit la résurrection dans la vision de la foi et le retour des bien-aimés dans l'unité d'un seul être. Voilà ce qu'on peut dire de l'Ineffable. Dieu n'aime pas, il EST l'Amour.
    Dieu est OUI, jamais non, il n'y a jamais de refus en Lui. La création est comme le rejaillissement de Son Amour, et la vocation essentielle de toute créature est de retourner par voie d'amour à son Créateur.
   L'Amour de Dieu n'est pas concevable comme un égocentrisme, ce qui serait inadmissible, mais comme un diffusion totale.
   Le mystère de la grâce est l'enracinement de la Sainte Trinité en nous.
   La circumincession des Personnes divines trouve son expression dans la circumincession des âmes qui est la communion des Saints. Les âmes n'ont qu'une  seule vie en Jésus, l'éternité en est le lien, et nous pouvons arriver à cette identification totale de l'amour à travers le mystère de la Sainte Trinité.
    La Création est non seulement créée mais créante. Plus on s'approche de Dieu, plus on est capable de faire naître Dieu au coeur de la création.      
    La vocation de l'âme chrétienne est d'être mère de Dieu.
    Notre Seigneur a dit : "Qui est mon père, ma mère, mes frères ?"
    Quel intérêt passionné il y a dans la vie ! D'un regard, d'une poignée de mains,  Dieu peut grandir dans une âme. Nous devons empreindre sur chaque âme l'empreinte du Christ Jésus.
     La vie est un sacrement. Tout ce que nous faisons, c'est Dieu qui le fait en nous, c'est cela, la vie catholique : embrasser tout l'univers pour le faire monter dans le Coeur de Dieu.
    Voyez comme l'univers vous attend, chaque créature peut recevoir de vous la présence de Dieu en elle. Il n'y a pas un battement de notre coeur qui nous appartienne, et toute âme qui s'élève élève le monde !
Maurice ZUNDEL.

11:27 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

17/09/2008

La prière, c'est se laisser prendre par Dieu.

  

    La prière, c'est se laisser prendre par Dieu.
    Elle ne le renseigne pas sur nos besoins. C'est une action spirituelle qui nous rapproche de Dieu.
    Il nous traite en fils qui ouvrent leur coeur.
    La prière est une démarche d'amour et nous laisse voir toujours plus le Visage d'Amour de Dieu, elle immatérialise.    
     Il n'y a pas besoin de dire quelque chose pour prier, la prière, c'est toute la vie. Les Pater, les Ave, les formules, donnent un élan vers la prière.
    Se servir de tout pour découvrir Dieu. Il est toujours nouveau.   
    Aimez le monde créé par Dieu, car si on n'aime pas la création, on n'aime pas Dieu, c'est logique. Le monde à haïr, c'est le monde des trois concupiscences parce qu'il est contraire à Dieu.
   Créer, pour Dieu, c'est simplement vouloir, aimer. Etre créé, c'est être aimé, c'est exister par cette dépendance à l'égard de l'Amour.
    Dieu créé continuellement,  donc aime continuellement. Oh ! se dire que nous n'existons que parce que nous sommes aimés à chaque instant.
 
Maurice ZUNDEL.

20:02 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

Dieu est l'éternel ineffable.

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 « Si Dieu est une réalité, il faut que nous la trouvions au coeur de notre vie.

    Lorsqu'une personne vous dira qu'elle ne croit pas en Dieu, attention, ne vous attachez pas aux mots, car tous les hommes cherchent Dieu, puisqu'ils cherchent la beauté, la bonté.  …
    Nos tentations sont des ressources pour trouver Dieu et nos fautes mêmes sont des recherches de Dieu qui ont avorté.
    La valeur d'un être, c'est de laisser passer à travers lui autre chose que lui,  à l’exemple de Saint Jean-Baptiste qui disait : Il faut qu'il grandisse et que je diminue.
    Toute réalité vaut dans la mesure où elle repose entièrement sur Dieu.
    Les permissions de Dieu sont l'expression de son respect de notre liberté.
    Toutes les fois que nous présentons Dieu à notre mesure, en hommes, nous nions Dieu. Ne parlez pas de Dieu, vous l'abîmeriez ! disait l'Abbé Viollet. Dieu est l'ineffable, c'est-à-dire l'intraduisible.
    Qu’est-ce que le mérite ? C'est la capacité d'amour, et la récompense sera l'Amour : Dieu.
    C'est à pas d'amour que nous approchons de Dieu, dit Saint Grégoire. N'essayons pas de nous  représenter l'éternité par le temps additionné, ce serait la négation de l'éternité, car elle est un présent total.
    Dieu est l'éternel ineffable, Il n'est pas un théorème à épuiser. Ne discutons pas …
    Nous ne savons rien de Dieu sinon qu'il est Amour ! Et pourquoi sommes-nous contraints de l'affirmer ? Parce que Dieu ne peut rien recevoir de nous et ses rapports avec nous sont de donner. Nous recevons tout de Dieu et nous ne Lui donnons que ce que nous avons reçu. Nous serons donc jugés sur l'amour. L'enfer n'existe que dans la mesure où l'on a refusé d'aimer Dieu, il ne faut le concevoir que dans la lumière de l'amour de Dieu.
    Dieu appelle toujours et ne repousse jamais. Il reste toujours lumière et amour. Le seul obstacle est l'amour tourné vers soi.
    La révélation que nous avons Dieu ne pourrait intervenir même en enfer. Car Dieu aime même les damnés qui, sans Son Amour, n'exis­teraient plus !  une révélation reçue ne vaut que pour ici-bas et rien ne nous donne le droit de dire que privée (qui n'a donc pas d'autorité de foi) à une mystique anglaise le laisserait supposer, elle  s'inquiétait de beau­coup de choses et Notre Seigneur lui aurait dit : "Ne t’inquiète pas,  tout finira dans le Bien. "
    Nous ne connaissons pas l'autre côté du voile. Jésus n'a-t-il pas dit "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter. "
    Pour comprendre l'enfer, il faut partir du sens de nos responsabilités (données de la conscience)
    Montrer que tout acte pleinement conscient (ce qui est relativement rare dans la plupart des vies dévorées de vitesse et de soucis) engage en soi une responsabilité infinie, puisque tout acte vraiment humain est recherche de bonheur (infini) ou de ce qui peut y conduire.
    Conclure de là à la nécessité d'admettre le ciel (possession et jouis­sance de l'infini en Dieu) et l'Enfer (recherche toujours frustrée de l'infini en soi) (souffrance = écart entre la recherche, de l'infini et l'objet que l'on trouve : le moi)
    Une volonté tournée obstinément vers soi exclut évidemment ce mariage avec Dieu, cette vie d'Amour qui est le Ciel. Ce n'est pas Dieu qui ex­clut, mais l'ego, le moi, bloqué dans cette adoration de soi.
    Celui qui n'aime pas demeure dans la mort. La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont point comprise.
    Cette obstination, Dieu peut-Il la vaincre ? On ne peut en douter. Interviendrait-ïl encore dans le monde des désespérés par obstination ? Nous ne le savons pas. La révélation se borne à nous proposer nos responsabilités, à considérer l'ordre des choses en soi, elle n'exclut pas,  pas plus qu'elle n’y fait allusion, une intervention impossible à concevoir de ce côté-ci du voile.
    Mais justement la révélation qui nous est faite ici-bas nous propose ce que nous avons besoin de savoir ici-bas, et non tout ce qui peut être ou sera au-delà du voile. On peut s'en remettre à l'Amour de Dieu. (Il est entendu que tout ira bien et que l'Amour aura le dernier mot. Mais nous ne savons pas comment)
    La seule chose qui nous est demandée, c'est l'amour, et, si Dieu nous a mis tant d'amour dans le coeur, comment oserions-nous mesurer le Sien et en douter ? Lorsque nous sommes en souci pour le salut de ceux que nous aimons, la seule chose à faire est de les remettre dans les mains de Dieu qui est Amour.
    On demandait un jour à un aviateur s'il n'avait pas peur de tomber et il répondit : "Peur ? Oh non ! je ne peux tomber qu'entre les mains de Dieu." Comme c'est beau !
    Es-tu tenté de fuir loin de Dieu ? Prends la fuite en Dieu ! dit Saint Augustin. »
 
Maurice ZUNDEL.

11:24 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAURICE ZUNDEL. | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |