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08/12/2006

Demain, une société de contrôle.

Nous sommes tous susceptibles, dans nos vies quotidiennes, de nous adresser à un de ces professionnels : enseignant, médecin, infirmière, psychologue, psychiatre, puéricultrice, assistante sociale, conseillère en économie sociale et familiale, travailleuse familiale, éducateur spécialisé, animateur, etc.

AUJOURD’HUI :

Ce qu’ils savent sur nous, ce que nous leur confions, est protégé par l’éthique, la déontologie ou le secret professionnel attachés à ces métiers. Cela a permis jusqu’à maintenant de garantir à chacun, en toute équité et en toute confiance, une relation pédagogique, d’aide ou de soins. Or ces métiers de l’aide à la personne sont soumis aux dispositions du projet de loi dit de « prévention de la délinquance », élaboré sous l’égide du ministre de l’Intérieur, et qui doit être présenté au Parlement à la fin de cette année.

DEMAIN :

« Tout professionnel intervenant au titre de l’action éducative, sociale ou préventive est tenu d’informer le maire de la commune de résidence de la personne au bénéfice de laquelle il intervient, ou le représentant désigné par le maire, de l’action entreprise au bénéfice de cette personne. »

Ainsi devront être communiquées au maire (sous peine de sanctions disciplinaires) des informations d’ordre privé concernant les personnes victimes de l’insécurité sociale (chômeurs, travailleurs précaires), ayant des difficultés financières (surendettés), les parents confrontés à des difficultés éducatives, les enfants en échec scolaire (ou trop souvent absents de l’école), des personnes malades (alcoolisme, toxicomanie), ...

NOUS SOMMES TOUS CONCERNÉS !

Avec cette loi, tout citoyen est susceptible d’être soumis au contrôle du maire et d’être fiché en tant que délinquant potentiel.

Le projet de loi prévoit aussi, avec la création d’un fichier national des hospitalisations psychiatriques, de ficher les personnes en souffrance mentale ayant recours à l’hospitalisation (450 000 environ chaque année).

La question des définitions de la délinquance et de la prévention se pose !

Le projet de loi ne comporte aucune mesure pour remédier aux causes économiques et sociales de la délinquance, pas plus qu’il n’octroie au maire de moyens en matière d’action sociale. Il s’agit uniquement de contrôle.

Sous couvert de « prévention », cette loi sonne la fin du travail social, médico-social et éducatif, en supprimant ses valeurs éthiques et déontologiques de respect de la personne, en obligeant les intervenants sociaux à être des auxiliaires de police.

C’est la fin de l’intimité des personnes, la systématisation du contrôle, au nom du partage de l’information, avec le maire désigné comme « le pilote en matière d’animation et de coordination de la prévention de la délinquance », et également avec les services de police (dans le cadre, notamment, des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance).

Nous, citoyens, parents, professionnels, dénonçons l’amalgame entre le champ social, éducatif, sanitaire, et le champ répressif et sécuritaire refusons l’obligation de délation qui rend impossible toute politique de vraie prévention et d’accompagnement des personnes.

Nous exigeons le retrait du projet de loi de « prévention de la délinquance ».

Bruno LEROY.

Directeur du Service Éducatif et Action Sociale.

et la Fédération des syndicats Sud éducation

17, boulevard de la Libération 93 200 Saint-Denis

13:09 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MILITANTISME. | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social, Gauche |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

07/12/2006

UNE CONFÉRENCE DE GUY EST TOUJOURS UNE EXPÉRIENCE DE VIE.

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Guy Gilbert s'exprime toujours avec cet espace de liberté de langage qui le caractérise. Ses mots issus des blessures béantes de la rue, ont la saveur des profondeurs. En effet, Guy est un intellectuel, voire un théologien sans le savoir ou sans le vouloir.
Ses approches des problématiques sociétales même si elles sont enrobées d'un certain humour sont toujours d'une grande rigueur analytique.
Cela peut surprendre chez ce prêtre que l'on qualifie souvent de rockeur des rues.
Et pourtant, son expérience parle pour lui. Lorsqu'il évoque l'inculturation prônée par Vatican II, comprend-t-on réellement sa démarche d'éducateur ?
Parfois, j'en doute. Tant de reproches lui furent jetés en pleine figure à cause de son look et de ses mots ; qu'il lui fallut un courage indestructible pour affronter les critiques stériles.
Guy est toujours debout avec les mêmes convictions chevillées au corps. Ces valeurs qui donnent sens à son existence et qu'il s'oblige, en tant que Témoin du Christ, à transmettre.
Ces convictions qui génèrent un sens à toutes vies. Rien n'est inaccessible chez lui. Rien non plus n'est facile. S'il est bien un domaine dans lequel Guy ne transige pas c'est l'éducation inculquée avec laxisme. Chaque parent ou éducateur doit être en capacité de refus. Au risque de voir tomber sur sa pauvre tête les foudres injurieuses des adolescents en révolte.
L'adulte doit poser des repères afin que les jeunes ne se perdent point. Ces Ados dont on a tout accepté par peur du conflit.
Voyez les dégâts dont notre société refuse de comprendre les causes. Les violences sans nom provoquées par le malaise des jeunes qui ne savent plus pour quelles raisons obscures ils respirent dans ce monde qui les ignore allégrement.
Ils n'ont plus rien à perdre pas même la vie. Les adultes que nous sommes devenons chaque jour indifférents aux problèmes qui les habitent.
Guy Gilbert veut tracer de nouveau les balises qui nous ont fait grandir et que nous refusons de transmettre volontairement aux ados.
Volontairement, pas tout à fait, je dirai plutôt involontairement par lâcheté, par peur.
Oui, nos sociétés ont peur de leurs jeunes et surtout de leurs réactions. Aurions-nous oubliés que nous avons été enfants avant de prétendre tout savoir ?
Un Homme qui sait tout est un être arrêté et figé pour l'éternité. Il est un mort-vivant croyant comprendre les autres tout en les ignorant.
Il nous faut des vivants, nous martèle Guy Gilbert. Il nous faut des êtres de Lumière. N'est-il pas vrai que la Lumière peut éclairer le chemin rocailleux des meurtris de la vie.
Guy est éducateur, certes mais également prêtre. Voilà, la source de sa Force. Cette Foi indicible dont transpire toute sa personne. Le Témoignage sans prosélytisme est pour lui essentiel. C'est la preuve certaine que Dieu travaille aussi dans le coeur des plus petits.
Son secret, la prière celle qui donne ce souffle de liberté pour mieux s'épanouir.
Transmettre cette puissance de vie inoculée par l'Esprit est capital dans sa mission d'éducateur.
Puissent chaque chrétien et chrétienne, comprendre cette puissance invincible d'une osmose permanente avec Dieu.
Ce Dieu des combats pour une culture où l'oppression ne serait que mauvais souvenir. Ce Dieu qui nous fait vivre les authentiques valeurs pour une liberté responsable aux yeux de l'Humanité.
Ce Dieu qui nous pousse à parler pour dire aux Jeunes les convictions joyeuses de notre vie. Ce Dieu qui nous offre le courage d'affronter toutes les peurs pour exprimer ce qui nous tient debout envers et contre tout.
Ce Dieu qui fait sourire les enfants par son humour sur les événements. Ce Dieu qui suinte d'Espérance et dont le feu se reflète sur notre visage.
Ce Dieu qui sait nous dire " Non " pour nous faire pénétrer dans la maturité spirituelle.
Cette maturité dont les Jeunes attendent quelques signes des adultes souvent, en vain.
Aimer, c'est savoir dire " Non " quand les garde-fous ont délimités le terrain. Aimer, c'est être constamment présent avec distance pour que fleurisse la liberté individuelle.
Guy Gilbert, comme bon nombre de chrétiens, a trouvé depuis sa tendre enfance sens à son existence. Il se fait un devoir de dévoiler ce bonheur qui fomente aux tréfonds de son être.
En fait, ce que nous admirons chez lui, c'est ce que nous ne sommes pas capables de dire ou de faire.
Et pourtant, ayez confiance Frères et Soeurs bien aimés, l'Esprit-Saint vous donnera le comportement et les mots selon vos charismes pour devenir à votre tour des successeurs de Guy Gilbert. Des Témoins de l'Amour et de l'Espérance. Des Témoins du Christ vivant dans ce monde aux senteurs de culture de mort. Des ressuscités face à cette terre déprimée de ne plus saisir le sens, l'essence même d'une transcendance voulue par un Dieu d'Amour.
Répandre l'Amour dans les moindres gestes quotidiens devient contagieux pour ceux et celles qui nous entourent et nous regardent vivre.
De plus, l'amour est inventif à l'infini et permet de trouver des solutions face à la misère humaine dont les jeunes sont les premières victimes.
Guy Gilbert ne fait rien d'autre que suivre les pas de la Providence. Suivons-le, sur les sentes où notre destin est donné en offrande à chacun, comme le Christ par Amour désintéressé pour l'Humanité.
Bruno LEROY
Éducateur de rue.

19:27 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans MAÎTRES A PENSER ET A VIVRE. | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social, poesie |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

05/12/2006

L'artiste en devenir...

 Il est bien connu aujourd'hui qu'au sein des milieux chrétiens évangéliques on témoigne très peu d'intérêt pour les arts. Quand le changement se manifeste, au fur et à mesure que la jeune génération née et élevée au sein de ces milieux prend conscience de l'importance des arts, toutes sortes de problèmes et de tensions surgissent. Ces jeunes manquent des connaissances et du discernement qui leur permettraient d'exercer leur esprit critique.
Aussi bien dans leur famille que dans leur milieu religieux,on n'a jamais essayé de comprendre l'art ; le goût artistique est quasiment inexistant. Il 'y a pas d'intuition artistique, rien digne d'éveiller la curiosité, aucune réponse aux questions de la génération montante afférentes à ce sujet.
Beaucoup de jeunes veulent devenir artistes dans un esprit chrétien, mais ils ont à découvrir par eux-mêmes les réponses à leurs points d'interrogation. Comment pourraient-ils aller de l'avant ? Quel est le sens de tout cela ?
Beaucoup se sont éloignés du christianisme ou, ce qui est plus tragique, du Christ, quant ils ont fini par comprendre que, si cet aspect primordial de la vie humaine reste banni de la religion ou de la foi, alors quelque chose de fondamental doit être défectueux dans la foi. Ce qu'on attend d'eux c'est qu'ils se joignent à une lutte spirituelle contre l'esprit de leur époque qui se concrétise avec vigueur dans les arts - et beaucoup succombent, car la lutte est trop dure. Ils n'obtiennent aucun appui, même s'ils sont chrétiens, de leur milieu : famille, pasteur, professeurs, et aucun livre adéquat n'est à leur disposition. Il n'est pas trop possible, naturellement, d'adopter la même attitude puritaine aujourd'hui ; se tenir à l'écart des arts, car ils sont mondains, séculiers et corrompus. Or ce n'est pas la solution. Elle manque le coche. Tout d'abord, elle ignore le fait que les arts sont des protagonistes particulièrement puissants dans un nouveau mode de pensée non chrétien.
Il se pourrait bien que les arts soient vraiment une " avant-garde " en ce sens qu'ils sont en tête de la quête pour une forme de spiritualité non chrétienne. Pourquoi ? Parce que pendant trop longtemps les chrétiens n'ont pris aucune part à la discussion ou à l'action artistiques. Quelle place devrait donc occuper l'art ? Peut-il exister un art chrétien portant témoignage, parallèlement à l'autre art ? Y a-t-il même à vrai dire un art chrétien ? L'art peut-il être utilisé à des fins chrétiennes ? A ce point, je me dois d'affirmer avec force : l'art ne doit jamais être utilisé pour prouver la validité du christianisme. C'est plutôt la validité de l'art qui devrait être étayé par le christianisme. L'art chrétien n'est pas l'art qui se sert de thèmes bibliques et chrétiens. Picasso a peint plus d'une Crucifixion ; mais c'étaient des malédictions plutôt que l'expression de la foi. Nombre de thèmes bibliques furent manipulés dans un esprit humaniste après la Renaissance. Et, bien entendu, presque toutes les hérésies ont inspiré quelque forme d'expression d'art. Non, ce qui est chrétien dans l'art ne réside pas le thème, mais dans l'esprit qui l'anime, dans la sagesse et dans la compréhension de la réalité qu'il reflète.
De même que le fait d'être chrétien ne consiste pas à chanter partout et tout le jour des alléluias, mais à montrer le renouveau d'une vie en Christ, consacrée en tous ses actes, de même un tableau chrétien n'est pas celui où tous les personnages sont couronnés d'une auréole et qu'on entend (si on colle son oreille à la toile) chanter des alléluias. L'art chrétien n'est rien de spécial. C'est un art sain, bien portant et de bonne qualité. C'est un art en accord avec les structures d'art données par Dieu, un art qui a une conception bienveillante et libre de la réalité, qui est bon et vrai. En un sens il n'y a pas d'art spécifiquement chrétien. On ne peut différencier que l'art bon de l'art mauvais, l'art sain et bon de l'art faux et inquiétant dans son interprétation de la réalité. Il en est ainsi, qu'il s'agisse de peinture, de théâtre ou de musique…
Bruno LEROY.

09:32 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans SPIRITUALITÉ | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social, poesie |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

03/12/2006

Sida et spiritualité...

À la mémoire de Jean-Gilles Godin qui, blessé par l'Ange Noir du Sida, s'est battu contre lui pendant une longue nuit. Puisse la blessure être devenue, pour lui, bénédiction.

*

Il n'est pas facile trouver ce qu'on pourrait appeler «le ton juste» pour parler du SIDA, de l'expérience de ceux et celles qui vivent avec le SIDA, mais aussi bien de ce monde dans lequel nous sommes pris pour vivre avec cette redoutable maladie sans doute un bon moment encore. On se sent en effet comme écartelé entre l'envie de hurler - de colère, de révolte ou de défi -, celle de pleurer - de tristesse, d'impuissance ou de rage -, mais aussi, simplement, de se taire - par pudeur, par respect, ou juste par conscience de la prodigieuse prétention, de la vertigineuse futilité des mots... Pourtant, dans ce vaste combat qu'est la lutte pour la vie et pour l'espoir, toutes les ressources, en fin de compte, doivent être mises à contribution: la science, l'argent, le temps, la tendresse - et sans doute aussi, dès lors, ces choses infiniment fragiles que sont les mots.

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Sida et spiritualité...

En voyant ces deux mots associés, il nous vient fort probablement, en vrac et pêle même, toute sorte d'images, toute sorte d'autres mots: Dieu, foi, doute, valeurs, morale, amour, culpabilité, sagesse, souffrance, angoisse, compassion, mort, vie, espoir - et bien d'autres encore...

Ce qu'on appelle - sans toujours très bien savoir ce qu'on veut dire par là - «spiritualité», «sagesse de vie», «expérience intérieure», «religieuse» ou «mystique» , semble en tout cas avoir au moins ceci de commun avec le SIDA que cela concerne ce qu'on pourrait appeler, pour reprendre la vieille expression de la Bible, le «combat des humains avec l'Ange», l'expérience - la bataille - des hommes et des femmes «autour» des limites de la condition humaine et de ce qui la déborde. Si la réalité du SIDA nous interpelle aussi directement, aussi brutalement aujourd'hui au plan de la «spiritualité», c'est bien possiblement parce que, dans une large mesure, nous vivons dans un monde où nous avons souvent la tentation de croire qu'il n'y a plus de limites, que celles-ci ont été abolies:

- plus de limites aux horizons que la science explore - que ce soit dans l'infiniment grand, l'infiniment petit ou l'infiniment complexe;

- pas de limites à la puissance que la technique met en oeuvre et au progrès qu'elle permet d'entrevoir;

- pas de limites à la créativité, à l'inventivité humaine;

- pas de limites, non plus, au désir que tous et toutes nous portons en nous et aux possibilités de l'accomplir sans contrainte ni retenue;

- pas de limites à la vie elle-même, à la possibilité de la fabriquer presque, déjà, d'en améliorer la qualité, de la prolonger de plus en plus, voire - pourquoi pas - à l'inifini...

Ou bien, alors - et ce serait au fond une autre manière de dire à peu près la même chose -, nous avons le sentiment de vivre dans un monde que nous contrôlons . De contrôler le monde dans lequel nous vivons:

- nous partageons l'ambition d'une société qui continue - «Phase II» de la Baie James - de harnacher les rivières pour produire de l'électricité;

- nous avons encore au moins l'«illusion démocratique» de pouvoir élire ceux qui nous gouvernent;

- la terre que nous habitons a été sillonnée par d'innombrables réseaux de communications - qui faisaient dire à MacLuhan que la planète était devenue un «village global» où l'on sait tout ce qui se passe, presque instantanément;

- nous vivons dans des maisons chauffées en hiver et climatisées en été, dans un monde où tout est prévu, géré, «sous contrôle». De notre naissance à notre mort - celle-ci comprise! -, nous sommes «pris en charge» par les institutions et les spécialistes de toutes sortes, des pédiatres aux thanatologues, en passant par les dentistes, les psycho-thérapeutes, les sexologues, les agents d'assurance et les réparateurs Maytag...

Or, si le SIDA nous interpelle aussi directement au plan de ce qu'on peut appeler une «interrogation spirituelle», c'est vraisemblablement parce qu'il vient brutalement nous rappeler la présence de brutales limites au coeur de notre monde, de nos vies, de nos désirs. C'est parce qu'il vient brutalement nous rappeler les limites de notre contrôle .

*

Certains se souviendront sûrement d'avoir lu, dans une livraison du Devoir de novembre dernier, la fort intéressante réflexion d'un professeur de philosophie, Pierre Bertrand, à partir du tremblement de terre qui venait de secouer le Québec quelques jours auparavant. «Il faut, écrivait Bertrand, que les puissances du dehors absolu fassent inopinément intrusion dans nos habitudes de vie pour que nous nous mettions à mettre en doute la belle assurance qui est la nôtre.» Et même là, ce n'est pas si évident que ça: il nous faut en effet toujours beaucoup de temps pour enregistrer ce qu'il y a d'imprévu , d'inédit dans un évènement comme celui-là. Nous le savons, nous l'avons tous plus ou moins vécu ainsi: nous ramenons tout d'abord cet inédit à du familier, à du connu: c'était les enfants qui faisaient du bruit dans la chambre ou qui donnaient des coups de pied sous la table, les chats qui se couraient après dans le couloir, la laveuse qui vibrait plus fort que d'habitude, un autobus ou un gros camion qui passait dans la rue...

«En fait, poursuivait le professeur de philosophie, la prise de conscience du tremblement de terre comme tel n'eut lieu qu'après coup, comme dernière hypothèse explicative, après que toutes les autres furent essayées et épuisées. Tellement l'inconnu doit insister avant que nous acceptions de lui ouvrir enfin la porte, et combien nous sommes prompts à la lui refermer sur le nez à la première occasion» - à travers nos bavardages, par exemple, ou ceux des média, qui finissent rapidement par banaliser complètement l'évènement. Pourtant, de conclure, le philosophe: «Il ne faut pas s'empresser d'oublier trop rapidement ces moments où le dehors surgit à l'intérieur de nos vies. Il y a là quelque chose qui gronde en dessous de nos certitudes».

*

L'image est forte, mais elle donne à penser: le SIDA est un tremblement de terre dans nos vies. C'est un ébranlement des certitudes sur lesquelles nous vivions depuis un moment déjà - aussi bien celle d'une sexualité sans «risques» et sans «conséquences» que celle de la toute puissance de la science à nous délivrer de ce qui nous empoisonne encore l'existence. Et même là, il nous faut une très forte secousse sur l'échelle de Richter de nos certitudes pour vraiment ébranler celles-ci: combien parmi nous, par exemple, échappent complètement à la tentation, quand ils pensent au SIDA, de penser d'abord au moment où cette «toute puissance» de la science et du progrès médical aura enfin trouvé un remède, un vaccin, un antidote - une «solution»?

Une telle attitude est bien sûr tout à fait compréhensible et légitime. Mais elle amène à suggérer que, par comparaison, la spiritualité , ce serait probablement, plutôt, la manière d'habiter humainement le présent, de donner un sens au présent dans lequel nous sommes pris pour vivre - d'une manière ou d'une autre - avec le SIDA, comme avec nos vieilles certitudes ébranlées par le tremblement de terre.

*

Dans un monde comme le nôtre, par ailleurs, parler de spiritualité, c'est parler de quelque chose que plusieurs d'entre nous avions plus ou moins rangé depuis un bon moment dans la naphtaline - quand nous ne l'avions pas simplement «mis au chemin», avec les vieilleries inutiles et encombrantes.

Parler de spiritualité dans un monde comme le nôtre, c'est aussi, nécessairement, parler au pluriel . Et le fait est que l'apparition du SIDA dans le paysage de nos vies a fait émerger toutes sortes de recherches, de questionnements spirituels, souvent très différents les uns des autres - allant par exemple de la redécouverte d'une expérience religieuse très traditionnelle (au sens pas du tout péjoratif du terme) à l'exploration de pistes nouvelles, ou en tout cas moins familières à nos traditions occidentales - qu'il s'agisse par exemple de diverses «techniques de soi», de diverses formes d'auto-thérapie ou d'actualisation des pouvoirs souvent insoupçonnés de guérison que nous portons en nous.

Sauf à se situer dans une perspective très étroitement confessionnelle, il est difficile de soutenir que des spiritualités seraient plus «vraies» que d'autres. On admettra plus volontiers qu'il y a plutôt des façons différentes d'habiter humainement un présent, de «négocier» avec des limites. En revanche - et il est important de ne pas l'oublier -, les voies que peut emprunter cette recherche de spiritualité sont fort différentes les unes des autres, et elles peuvent même, à l'occasion, paraître contradictoires ou incompatibles entre elles. On peut ainsi penser - et l'exemple est loin d'être purement théorique - à la confrontation qu'il peut y avoir entre des «voies spirituelles» davantage centrées sur un «apprivoisement» de la souffrance et de la mort, disons, et d'autres qui, au nom d'un combat acharné «pour la vie», pourraient être tentées de considérer les premières comme une sorte d'«abdication», voire une «trahison défaitiste». En ce sens là, on peut penser qu'il nous faut, tous, et en tout état de cause, faire de la place dans nos démarches pour une «spiritualité de la tolérance et de la cohabitation».

Mais on peut également songer à des courants spirituels issus de traditions très différentes de la nôtre, qui ont cependant influencé plusieurs de nos contemporains depuis un certains nombre d'années: spiritualités d'origine orientale notamment, pour lesquelles notre petit «moi» n'est au fond qu'une illusion bien fragile et bien éphémère. Pour bien des courants spirituels ainsi marqués par l'Orient, nous ne sommes que des lieux passagers où la vie se cristallise un moment, où la vie parle un instant avec notre précaire petit «JE» - avant que celui-ci ne retourne, comme une goutte d'eau, à l'insondable «océan de l'être» d'où il provient. On comprend aisément que, dans un paysage spirituel de ce type, le drame qui affecte l'histoire particulière de chacun de nos petits «moi» n'a pas la même résonnance qu'il a sans doute pour la majorité d'entre nous. À la limite, la mort elle-même y est perçue davantage comme une libération que comme une tragédie...

Pour le meilleur et pour le pire, l'Occident auquel nous appartenons nous a appris à accorder une importance beaucoup plus grande - voire absolue - aux petits «moi» que nous sommes et qui ont, pour cette raison, beaucoup de mal à accepter la limite de leur minuscule royauté - que ce soit celle de la frustration du désir, de l'échec, de la maladie, et, bien sûr, la plus scandaleuse de toutes: celle de la mort, surtout lorsque cette limite surgit (comme un tremblement de terre) au moment où on s'y attend le moins, comme c'est le cas des maladies incurables qui frappent les enfants, par exemple, et comme c'est le cas du SIDA, qui semble s'en prendre avec une cruauté particulière à des hommes et à des femmes au plus vigoureux de leur vie, au creux de leur plus vivante passion.

*

Dans cette tradition occidentale qui est la nôtre (que l'on soit beaucoup, un peu, très mal ou pas du tout croyant) viennent à l'esprit un certain nombre de «figures», susceptibles d'inspirer notre recherche d'une spiritualité au temps du SIDA, et qui ont entre autres choses l'intérêt de nous montrer - si l'on en doutait vraiment - que les questions fondamentales auxquelles le SIDA nous confronte aujourd'hui sont loin d'être complètement nouvelles. On en retiendra deux, parmi bien d'autres possibles.

La première de ces figures est connue - quoique souvent assez mal, et de manière plus ou moins caricaturale. C'est celle de Job, héros fictif d'un récit vieux de 2500 ans, qui pose au fond une seule question - laquelle n'a jamais, depuis lors, cessé de hanter la conscience occidentale (jusqu'à Camus par exemple, en notre temps): pourquoi les humains souffrent-ils - et, surtout, pourquoi la souffrance des innocents ?

Dans le récit biblique, Job est présenté comme un «honnête homme», un «juste», qui vivait à l'aise, heureux et sans histoire. À partir de là, l'auteur imagine un scénario où Dieu permet à Satan (qui est un peu, si l'on ose dire, son «exécuteur des sales boulots») de mettre Job à l'épreuve, pour voir si celui-ci va demeurer aussi «fidèle» dans ses malheurs. Job perd ses biens, il perd ses enfants -- un peu comme Martin Grey dans son récit autobiographique. Ça l'affecte, bien entendu, mais ça ne l'ébranle pas dans ses assises profondes: Job accepte que Dieu reprenne ce qu'il lui avait donné. Même atteint dans son propre corps par une lèpre répugnante, Job refuse de suivre sa femme qui lui conseille de maudire Dieu à cause de la manière dont celui-ci l'a injustement traité.

C'est alors que trois de ses amis viennent pour le réconforter. Ceux-ci arrivent avec les «gros sabots» de leur bonne volonté et de leur bonne conscience: ils ne sont évidemment pas eux-mêmes aux prises avec le drame de Job! Et, au fond, les trois finissent par défendre les croyances traditionnelles de leur époque en essayant de convaincre Job que ce qui lui arrive est certainement de sa faute, qu'il s'agit sûrement d'une punition divine - puisque Dieu est juste... Mais Job n'est pas d'accord et il proteste de son innocence, en même temps qu'il se heurte au mystère de ce Dieu que lui aussi, pourtant, il continue de croire juste. Job se débat avec sa question, oscillant entre la révolte et la résignation, entre des crises de souffrance et des périodes de rémission.

Arrive encore un autre personnage qui, du haut de sa certitude, se met à faire la leçon à tout le monde, en prétendant, lui, carrément, justifier la conduite de Dieu. Mais, là, c'est Dieu lui-même qui en a pour ainsi dire assez, et qui intervient pour dire aux amis de Job: «bon, ça suffit, vous parlez à travers votre chapeau...» Pourtant, Dieu ne répond pas vraiment lui non plus à la question de Job - sinon en manifestant qu'il est plutôt d'accord avec celui-ci, que ce qui arrive à Job n'a, de fait, rien à voir avec une quelconque «punition». Mais Dieu n'essaie pas davantage de se défendre lui-même ou de s'expliquer.

Ce qui ressort de ce récit c'est que, au fond, il n'y a pas de réponse - au moins, en tout cas, au plan des explications rationnelles. Dieu se contente de demander à Job - et ce sont parmi les plus belles pages de la Bible qu'il faut hélas se résoudre à résumer ici bien rapidement: «Job, étais-tu là quand j'ai fait le monde, quand j'ai installé le ciel et fixé les étoiles? Où étais-tu, Job, quand j'ai organisé la terre et semé la vie dans les océans, quand j'ai réglé le cours des astres et celui des saisons?...»

Et Job prend conscience de la limite à laquelle il se heurte, malgré sa sagesse et son intelligence: celle d'un univers qui le dépasse, d'un monde où les choses fonctionnent en général plutôt bien - mais où il leur arrive aussi à l'occasion de se dérégler. Un monde où il se produit aussi, de temps en temps, des tremblements de terre. Quelque chose pourtant, devant cet ordre grandiose de la Création qui se déploie devant lui, réduit sa révolte au silence d'une confiance que la raison seule ne saurait expliquer.

*

Nous ne sommes pas si loin ici, quand on y pense, d'une spiritualité d'inspiration très différente: celle de la Chine ancienne - que l'on retouve par exemple dans le taoïsme et le Yi-king ; une spiritualité fondée essentiellement sur la conviction que le monde est en perpétuelle transformation - comme le courbe d'un biorythme - et que les humains ont le choix: ou bien de se casser les dents et de se rendre malheureux à vouloir qu'il en soit autrement, ou bien de se mettre en harmonie avec ce mouvement du monde, et de faire la paix avec ce mystère d'un univers dont le sens, ultimement, échappe à notre entendement.

Étrangement, nous ne sommes pas très loin non plus d'une autre «spiritualité» très différente : celle de la «responsabilité» et du «projet», dans la philosophie - athée - de Jean-Paul Sartre pour qui, dans ce monde en lui-même absurde , le sens ne peut être donné que par les humains eux-mêmes. (Comme le disait Sartre, par exemple, à propos de Jean Genet, devenu écrivain et poète même si toute son éducation avait d'abord fait de lui un criminel et un voleur: «l'important n'est pas ce que l'on a fait de nous mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce que l'on a fait de nous».)

*

La deuxième figure que l'on évoquera rapidement ici est connue elle aussi, et même beaucoup plus sans doute - quoique souvent de manière également un peu simpliste. C'est celle de François d'Assise, que l'on se représente peut-être un peu trop à la manière naïve des images pieuses - ou à celle de Zeffirelli! - avec des grands yeux candides en train de parler aux petits oiseaux... On aura plutôt ici à l'esprit un très beau texte de François d'Assise, le Cantique des créatures - qui est une grande prière de louange, de reconnaissance pour la beauté du monde, dans laquelle saint Françoi se présente en quelque sorte comme le frère de toutes les créatures:

Loué sois-tu, Seigneur, pour notre frère, monseigneur le Soleil,

et pour notre soeur la Lune;

pour notre frère le Feu et pour notre soeur l'Eau;

loué sois-tu pour la Terre, notre soeur et notre mère,

et pour mon frère, le Corps;

mais, aussi, loué sois-tu pour notre soeur la Mort

- à qui nul vivant ne peut échapper...

*

Nul ne peut dire, bien sûr, si François d'Assise, aujourd'hui, pousserait l'audace jusqu'à parler, dans sa louange, de «son frère», le SIDA...

L'auteur de ces pages n'aurait sans doute pas eu lui-même celle de le proposer s'il ne l'avait entendu presque dans ces termes l'été dernier, dans la bouche d'un jeune prêtre vivant depuis un moment avec le SIDA. Et celui-ci d'exprimer comment, après un temps de révolte et de colère (que personne n'aura de mal à comprendre), il avait fini par apprivoiser cette proximité de la mort au travail dans son corps - comme on le dit pour un douloureux travail d'enfantement; et que, à travers cette sorte d'étrange amitié, de mystérieuse et presque fraternelle complicité avec le SIDA, c'est avec la VIE qu'il était en train de régler ses comptes, de se réconcilier.

*

Il y a sans nul doute bien d'autres voies possibles en vue d'une spiritualité «au temps de SIDA», y compris dans cette tradition de l'Occident judéo-chrétien qui nous marque souvent plus que nous ne pensons, même à notre insu:

celle des croyants qui vivent la souffrance de leur corps comme communion à celle du Christ - un juste , lui aussi injustement mis à mort;

celle pour laquelle il est illusoire de prétendre rencontrer Dieu ailleurs qu'à travers les hommes et les femmes qui, justement parce qu'ils ont mal dans leur corps et dans leur âme, sont, parmi nous, les frères et les soeurs privilégiés de Jésus-Christ («Ce que vous aurez fait au plus fragile d'entre ces êtres douloureux qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'aurez fait» . Évangile de saint Mathieu , 25);

ou celle encore - plus guerroyante - des preux chevaliers qui se battent héroïquement jusqu'à la mort - avec la conviction que ce n'est pas la mort qui aura le dernier mot...

*

Ces pages ont voulu autant que possible éviter «le coup» des amis de Job - qui prétendaient avoir LA réponse... D'une manière infiniment plus modeste, elles ont plutôt cherché à exprimer le souhait que nous nous laissions ébranler par ce «tremblement de terre» qui surgit dans nos vies sans crier gare. Mais aussi bien, comme le suggérait le beau texte de Jean-Gilles Godin paru dans le Devoir du 1er décembre 1988, que nous ayons le courage de croire que l'espoir ne peut pas être «faux» si on le place là où est le seul véritable lieu de la «spiritualité»: celui du coeur.

12:37 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans THÉOLOGIE CONTEXTUELLE. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social, poesie |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

30/11/2006

ANDRÉ TU ES UN SAINT...

Chers Amis,
Frères et Soeurs bien Aimés,
Ce jour est la Fête de tous les Andrés de la Terre. Et mon père se prénomme " ANDRÉ ".
Il a déjà un âge avancé mais, ce qui le maintien debout est son Amour incommensurable pour la Vie et pour autrui !
Certains sont tellement aseptisés intérieurement qu'ils estiment que fêter un prénom ne représente rien.
Et pourtant, c'est le mot que nous entendons le plus fréquemment durant toute notre Existence.
Je vous partage ce modeste texte en Hommage à mon Père et tous les Andrés qui suintent d'Amour donné !
Votre Frère,
Bruno.
ANDRÉ TU ES UN SAINT...
Aujourd'hui le mois de Novembre expire de joie,
Il fête le prénom d'un homme d'une immense Foi,
Ne te ressemblait-il pas cet apôtre là ?
Frère de Pierre sans se prendre pour Roi.
Actif comme le feu ardent présent en Toi,
Rayonnant tel ton regard empli de Lumière,
Convaincant tel ton sourire jamais éphémère,
Tu es un Saint Papa André qui brûle d'Amour,
Penché sur la conscience des autres Toujours,
Seul t'importe le Bonheur régnant en leurs coeurs,
Je me mets à genoux devant tant d'Amour donné,
Je prie tous les Andrés de savoir ainsi aimer,
Comme tu sais nous le démontrer,
Sans te forcer mais avec humilité,
Aujourd'hui je te dis que tu es aimé,
Pour cette Bonté que tu as toujours semée.
Tu es un Saint André chaque jour que Dieu fait,
La sainteté consiste à vivre en Vérité,
Et je sais que ta sagesse naturelle,
Donne sur Terre les parfums du ciel,
André ton fils t'Aime et s'imprègne,
De cette dévotion dans laquelle il baigne,
Ce chant des anges qui nous enchantent,
Chantent pour Toi cette douce romance,
Où l'Amour garde toutes ses chances,
Car tu incarnes cet Amour en sa tolérance.
Heureuse Fête de Saint André
Toi que nous ne cesserons d'aimer !
De toute éternité...
Ton Fils, Bruno qui t'Aime de toute son âme.

13:34 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans POÉSIE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social, poesie |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

29/11/2006

UN SOUFFLE DE LIBERTÉ INTÉRIEURE ?.

 

Une libre extériorisation de toutes les pensées est sans doute difficile à admettre dans un cadre d'existence normal ; mais c'est pourtant sur elle que reposent la plupart des traitements psychologiques que l'on pratique de nos jours. Il ne suffit d'ailleurs pas d'obtenir que le sujet dise tout ce qu'il a conscience de penser, mais bien qu'il ose prendre conscience de tout " ce qui se pense en lui " afin de pouvoir secondairement l'exprimer en paroles. Il faut en effet distinguer les choses que que nous pensons, c'est-à- dire auxquelles nous donnons notre adhésion, et celles qui se pensent en nous, idées ou sentiments fugitifs, à peine aperçus et rejetés avec horreur comme incompatibles avec notre idéal moral ou avec notre personnalité. Ce sont le plus souvent des pensées que nous jugeons injustes ou monstrueuses et contre lesquelles tout notre être proteste. Elles n'en existent pas moins en nous, bien que détachées de nous ; et quand elles nous tourmentent sournoisement, il n'est pas d'autre remède que de les amener à s'extérioriser pour nous en délivrer, sans pour cela d'ailleurs leur accorder davantage notre approbation ni croire utile de les traduire par des actes. Il est à la vérité très difficile d'obtenir une liberté complète de verbalisation au cours de ces traitements psychothérapeutiques.

Quel est donc le comportement qu'il nous faut adopter pour accéder à une libération totale de ces inhibitions ?

Tout d'abord la suppression des barrières habituelles permet une décharge affective et motrice qui réduit la tension intérieure de l'individu et par suite le rend disponible pour de nouvelles tâches ; des facultés inemployées jusque-là trouvent à s'exercer ; les mauvais " plis ", formés sous l'effet d'anciennes contraintes maladroites ou inopportunes parviennent à s'effacer et l'individu, débarrassé d'un poids qui l'accablait, peut redevenir créateur et constructif. Il retrouve ainsi le sens de sa propre vie, que des interventions abusives avaient obscurci. L'évolution de l'individu, bloquée par un conflit névrotique, reprend son cours, dans des conditions redevenues favorables : une contention excessive exaspère en effet les conflits, en les empêchant de trouver leur solution naturelle. C'est ainsi que bien souvent la présence d'adultes qui prétendent faire régner l'ordre et la justice par la force envenime les climats psycho-relationnels au point de déclencher des états névropathiques.

Le second mode d'action de la liberté thérapeutique consiste donc à permettre d'épuiser les plaisirs enfantins ou régressifs dont la nostalgie inconsciente a empêché l'évolution de l'individu de se poursuivre d'une façon simple et normale. La liberté agit enfin en provoquant des prises de conscience éclatantes mais, elle peut être génératrice d'angoisses car dépourvue de réalisme. C'est au moment où toutes les contraintes sont supprimées qu'apparaissent en plein jour, de la façon la plus irréfutable, les exigences de la Réalité. L'individu peut alors découvrir la nécessité de la remplacer par une morale et une discipline intérieures.

Ainsi la liberté, moyen thérapeutique, comporte une posologie qui n'est pas la même dans tous les cas. La brusque suppression de toutes barrières convient à certains ; pour d'autres au contraire, il est souhaitable d'agir d'une manière moins systématique et plus progressive. Cela me fait penser à une phrase attribuée à Paul Valéry : " Tout homme a en lui un dictateur et un anarchiste ". Mais, contrairement à ce que l'on pourrait penser, il semble que ce soit là deux personnages contradictoires. Le dictateur n'est-il pas, comme l'anarchiste, un homme qui n'accepte d'autre loi que la sienne propre ?

Chacun aspire plus ou moins, en effet, à cet état d'indépendance, presque absolue ; mais y aspirer ne signifie pas qu'on soit forcément de taille à la supporter. Il faut avoir assez de force pour y faire face, car la contrepartie de cette indépendance, c'est la solitude : il ne faut plus compter sur l'appui des autres ; il faut tout tirer de soi-même ! Il y a de ces remèdes énergétiques qu'on ose prescrire qu'à ceux dont on sait l'organisme résistant ; sinon, pour y recourir, on est obligé, concurremment, de soutenir l'organisme. De même, quand on soigne par la liberté, il faut tenir compte des forces du patient et, au besoin, lui fournir les ressources nouvelles : c'est ce qu'on fait quand on lui donne, par exemple, à jouer un rôle qui l'exalte et lui permet d'accepter le principe de l'autorité, à la condition d'en détenir une parcelle.

Il ne convient donc pas de faire de la liberté un talisman utilisable en toutes circonstances. Ce n'est pas non plus un philtre magique ; mais je viens de m'efforcer de le montrer, c'est dans certains cas un remède tout à fait rationnel dont il faut apprendre à se servir, comme tel, à bon escient.

Bruno LEROY.

10:37 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans PSYCHOLOGIE. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

26/11/2006

Dieu se révèle dans le silence.

L’adresse du discours de Jésus ne laisse aucune ambiguïté : « en vérité je vous le dis ». C’est à nous que Jésus s’adresse personnellement, c’est à nous qu’il donne cette veuve en exemple, à nous qu’il livre la mise en garde associée.

La première exigence pour nous est celle de l’écoute. En effet, il faut être particulièrement vigilant pour remarquer la scène que Jésus porte à notre attention. On voit beaucoup de monde dans le temple. Beaucoup d’allers et venues. Beaucoup d’ostentation. Des gens importants, des gens qui apportent de riches offrandes. Beaucoup d’hommes et d’animaux. Des marchands et des prêtres, des pèlerins et des badauds. Et une veille femme.

On entend également beaucoup de bruit dans le temple. Beaucoup de cris et de prières, de lamentations et de discussions. Des pas qui se pressent, des sabots qui résistent. Des pièces d’or et des vases sacrés. Et deux piécettes qui tombent dans un tronc.

« Levant les yeux » sur les réalités d’en haut, Jésus ne voit que cette vieille femme, il n’entend que ces deux piécettes.

« Cette pauvre veuve a mis plus que tout le monde », affirme-t-il. Certes non, dirait l’évidence : deux fois dix centimes ! Mais Jésus n’a pas le même regard que nous. Nous, nous évaluons ce que nous donnons. Nous le comptons en fonction de ce qu’il nous a coûté, de ce à quoi nous avons renoncé, de ce à quoi nous aurions pu prétendre. A nos propres yeux, notre don dit notre valeur, nos moyens, nos qualités ou tout au moins notre générosité. Cependant Jésus ne regarde pas ce que nous donnons, mais ce que nous gardons. Voilà ce qui fait la différence entre la vieille femme et les riches qui déposent leur offrande dans le trésor : elle n’a rien gardé. « Aimer, c’est tout donner » reprend en écho sainte Thérèse.

Jésus nous alerte ainsi sur le danger qu’il y a à pervertir la dynamique du don de soi. Elle peut devenir, par nos calculs experts, une subtile machine à faire du profit, que ce soit en termes de réputation, d’autosatisfaction ou de reconnaissance de soi. Pire, comme c’est le cas pour les scribes de l’évangile, en espèces sonnantes et trébuchantes.

A l’exemple de cette femme que Jésus désigne, celui qui donne comme Dieu aime qu’on le fasse, ne compte que sur le Seigneur. On ne peut tout donner que lorsqu’on a déjà rencontré Dieu dans sa providence ; on ne peut risquer une telle vulnérabilité que lorsqu’on a placé sa confiance dans le Seigneur qui est notre rempart ; on ne peut oser une telle dépendance qu’après avoir découvert le Père, source de tous bienfaits.

Or il ne se révèle que dans le silence de nos vies. Préparons donc nos cœurs à sa rencontre en fuyant le tumulte qui les agite, les pensées futiles et les calculs mesquins, les projets insipides et les vaines rivalités, pour découvrir la source de tout amour qui se livre à nous sans rien attendre en retour et sans rien retenir pour lui.

Seigneur Jésus, tu vas te donner à nous dans cette eucharistie, sans rien retenir pour toi, en désirant nous combler de ta grâce. Donne-nous de t’accueillir comme tu te donnes, sans rien retenir pour nous, en ne gardant dans nos cœurs aucun attachement qui puisse faire obstacle à ta venue. Nous t’avons fêté comme notre roi, viens régner dans nos vies.


Frère Dominique

18:43 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social, poesie |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

25/11/2006

La vie et rien d’autre !

Depuis ses premiers pas, la "gueule" de Philippe Noiret n’a jamais vraiment quitté le paysage du cinéma français. Ni le coeur du public. Drôle, émouvant, justicier à ses heures et un brin provocateur, son secret, un grand appétit de la vie.

"Immense figure du 7e art" (Renaud Donnedieu de Vabres), "toujours prêt à prendre des risques" (Bertrand Blier), "Un homme hors clan, hors norme, hors des sentiers battus" (Charles Berling)… Amis, collègues, admirateurs ou personnages politiques, tous ceux qui ont aimé Philippe Noiret mesurent la perte causée par sa mort, survenue jeudi 23 novembre 2006 en fin d’après-midi. Derrière la jovialité de l’un des acteurs les plus populaires de notre patrimoine culturel, Philippe Noiret était surtout un homme de caractère.


Entrée en scène

Est-ce parce qu’il n’aimait pas l’école que Philippe Noiret est devenu acteur ? C’est en tout cas après avoir raté trois fois son bac qu’il s’inscrit au cours de théâtre du Centre dramatique de l’Ouest. C’est aussi parce qu’il aime jouer et chérit plus que tout son âme d’enfant. Elève de Roger Blin pendant près de trois ans, il apprend vite et monte déjà ses premières pièces. Puis en 1953, il intègre le Théâtre national populaire de Jean Vilar, où il passera dix années de sa vie et interprétera environ quarante rôles. Une broutille pour celui qui deviendra l’acteur aux 130 films ? Certainement pas, car c’est à cette époque qu’il s’éveille à la comédie à travers des pièces aussi variées que ‘Lorenzaccio’, ‘Le Cid’, ‘Ruy Blas’, ‘Le Malade imaginaire’, ‘MacBeth’ ou encore ‘Oedipe’. Avec son ami Jean-Pierre Darras, il constitue aussi un duo de cabaret comique dans lequel on découvre son grand sens de l’humour. Philippe Noiret vit au fil des rencontres. C’est celle d’Agnès Varda - dont on dit qu’elle fut émue par sa "nuque exquise" - qui engendrera ses premiers pas au cinéma, dans ‘La Pointe courte’ en 1954. Il déclarera d’ailleurs : "J'avais peur de cette aventure. J'ai tâtonné. Finalement, je suis absent du film."


Le caméléon

En 1960, Louis Malle le choisit pour interpréter l’oncle Gabriel de ‘Zazie dans le métro’. Sa bonhomie et son visage affable n’y sont certainement pas pour rien. Mais le film ne récolte pas les faveurs du public et Philippe Noiret connaît une période de flottement durant laquelle le succès le boude. Il devra attendre 1966, avec ‘La Vie de château’ de Jean-Paul Rappeneau, et surtout 1967, avec ‘Alexandre le bienheureux’, éloge de la paresse signée Yves Robert, pour percer. Obstiné, il n’hésite pas à bousculer son image pour échapper à la carrière de jeune premier vers laquelle son physique semble l’orienter. Les rôles s’enchaînent jusqu’à la révélation en 1975, sous la caméra de Robert Enrico, avec ‘Le Vieux Fusil’. Les spectateurs le plébiscitent et Philippe Noiret devient "acteur populaire". Homme au tempérament fort, si la Nouvelle Vague l’ignore, il lui préfère les "vrais" auteurs. Il travaille ainsi avec les plus grands réalisateurs de la deuxième moitié du XXe siècle et contribue au renouvellement du cinéma français. Spécialiste des rôles de composition, il passe non sans panache du clown (‘Les Ripoux’, 1984) à l’homme blessé (‘L’Horloger de Saint-Paul’, 1973) ; du méchant (‘Masques’, 1987) au gentleman (‘Père et fils’, 2001), avec un goût certain pour la comédie. Sa carrière connaît quelques rebondissements. Un grand succès en Italie notamment, avec des films comme ‘La Grande Bouffe’ de Marco Ferreri, qui fit scandale à Cannes en 1973, ‘La Famille’ d’Ettore Scola ou ‘Cinema Paradiso’ de Giuseppe Tornatore, et une escapade à Hollywood où George Cukor le dirige dans ‘Justine’, suivi d’Alfred Hitchkock dans ‘L’Etau’. Quand le cinéma lui laisse un peu plus de temps libre au milieu des années 90, il en profite pour renouer avec le théâtre et joue avec plaisir dans ‘Les Côtelettes’ de Bertrand Blier, qui sera par la suite adapté pour le grand écran. Gourmand, il était encore en 2005 à l’affiche d’‘Edy’, une comédie policière de Stéphan Guérin-Tillié.


Le goût des autres

Outre l’acteur, Philippe Noiret était aussi un homme au grand coeur, que l’on disait tendre et disponible. Très fidèle dans le travail, il a notamment tourné huit longs métrages avec Bertrand Tavernier, son réalisateur fétiche. Si tout le monde estime avoir aujourd’hui perdu l’une des figures les plus attachantes du cinéma français, c’est aussi parce qu’il était très proche de son public, pour qui il incarnait une personnalité généreuse, authentique, qui ne cherchait jamais à surjouer. Dans la vie privée Philippe Noiret n’avait qu’une seule femme, Monique Chaumette, comédienne elle aussi. Pourtant, à l’écran, il s’est illustré à plusieurs reprises dans de mythiques duos avec Catherine Deneuve, Romy Schneider, Simone Signoret ou encore Annie Girardot qui gardent encore, certainement, le souvenir de cet homme à la silhouette imposante, à la voix puissante et douce, reconnaissable entre mille.


Le style Noiret

Et puis derrière ce physique singulier, il y avait la fumée des cigares qu’il appréciait tout particulièrement et sa constante élégance, qu’il se plaisait à cultiver pour lutter contre ce qu’il appelait lui-même le "débraguetté". Côté caractère, en épicurien, il aimait faire la fête, rire avec ses amis, mais n’hésitait pas à user de son cynisme aiguisé pour écarter les opportuns. En personnalité entière, ses colères pouvaient être aussi grandes que ses joies, ses déceptions ou ses obsessions. A propos du monde qui l’entourait, il se plaisait à dire : "Il me reste tellement peu d’illusions sur la nature humaine que cela devient difficile de se mettre en colère. Je suis désolé pour les autres, le monde et moi aussi. Je suis un désolé gai." Ce qui ne l’empêchait pas de s’étonner chaque fois du plaisir qu’il prenait à jouer la comédie.

Celui qui restera dans les esprits comme un acteur passionné et un être humain accessible fait d’ores et déjà partie de notre histoire collective. Philippe Noiret aura su dissimuler les doutes qui l’assaillaient et préserver son image positive, si chère à son public, afin porter le cinéma français plus fort, plus loin. "Quand je me retourne, disait-il, je vois quelqu'un qui a fait correctement son métier d'artisan. J'ai fait des films difficiles, peu. Des films pas assez exigeants, peu. La moyenne n'est pas mal : je suis un acteur populaire et j'aime cette idée."

20:15 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans ARTISTES. | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social, poesie |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

20/11/2006

QUE SONT LES ÉDUCATEURS DEVENUS...

On connaît l’ambiguïté de la fonction du travailleur social. Chargé de venir en aide aux plus exploités et aux plus démunis, le travailleur social est aussi un des instruments de la paix sociale, condition nécessaire au bon fonctionnement de cette société d’exploitation et de profit. Vivant au quotidien cette situation schizophrénique, il est sans cesse confronté au cynisme du pouvoir et à la détresse des populations marginalisées, paupérisées, mises au rebut. Sous l’égide notamment du pouvoir socialiste, la gestion de la misère fût rationalisée dans les années 80 par la multiplication des associations dites d’aide sociale, d’aide par le travail ou de réinsertion. L’affaire est rentable ! L’État, la région, le département se déchargent sur ces associations de la gestion de la pauvreté en échange de quelques subsides leur permettant de faire tourner la boutique. Statut bancal, salaire minimum, horaires démentiels, le travailleur social est pris au piège. Face à la misère des personnes, il bosse le plus souvent sans compter, jonglant avec les démarches administratives, les lois arbitraires, les décrets scélérats, tentant dans ce dédale de paperasse d’aider ses semblables à rester debout, à sortir de l’impasse dans laquelle le système les pousse inexorablement.

Mais les années 80 sont bien loin. Le temps de l’aumône paternaliste est passé. Aujourd’hui, le secteur social est sommé de s’adapter aux lois du marché qui s’appliquent à la misère comme au reste de la société. Les mots clés ont changé ! Évaluation, contrôle, rentabilité, productivité, voilà les nouvelles valeurs qui régissent le fonctionnement du secteur social. A quelques exceptions près, les aides publiques aux associations de réinsertion sont de plus en plus maigres, tandis que les exigences du pouvoir sont de plus en plus fortes. Sous couvert d’insertion, le travailleur social devient malgré lui un indic, un contrôleur de la misère, un auxiliaire de police qui assure la surveillance des personnes "hors circuit". Et les gens ne s’y trompent pas. Nombreux sont ceux qui lâchent leur droit au RMI pour éviter les contrôles sur leur vie, leur façon de survivre dans la débrouille. Et nombre d’exclus ont encore plus de difficulté à vivre, ne correspondant pas aux normes administratives nécessaires pour recevoir l’aumône.

On le sent quotidiennement, la misère n’est plus un mal à enrayer, c’est devenu une tare dangereuse qu’il faut gérer, maîtriser, encadrer. Cette reprise en main concerne tout le monde : l’exclu comme le travailleur social. Face aux restrictions des subventions, les associations serrent les boulons. Le statut du travailleur social dès lors n’est pas très loin de celui de son "client". CDD à répétition.. CES, vacations, travail à temps partiel, SMIC horaire... sont le plus souvent les conditions de travail de l’éducateur lambada. Et l’inique de la situation veut qu’il ne soit pas rare de voir dans le même temps les dirigeants de ces associations se verser des salaires de plusieurs milliers d’euros par mois.

Des précaires pour gérer la précarité, il fallait y penser. A Montauban, un travailleur social demanda le mois dernier à un "client" venu pour des démarches administratives quelle profession il exerçait avant de connaître les affres du chômage, puis du RMI : "Éducateur, répondit celui-ci, mais faute de subvention, l’association a mis la clé sous la porte".

LA FINALITÉ DU TRAVAILLEUR SOCIAL : DISPARAÎTRE !

Créer une organisation sociale de la misère, c’est décréter que cette organisation s’inscrit dans la durée que ce n’est pas un événement conjoncturel, mais une structure qui fait partie intégrante du système capitaliste.

C’est aussi aux travailleurs sociaux de comprendre le rôle qu’on veut leur faire jouer. Dans une société où régnerait la justice et l’équité, le travailleur social aurait comme finalité de disparaître le plus rapidement possible !

Bruno LEROY.

Éducateur de rue.

19:30 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans COUPS DE GUEULE. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

10/11/2006

POUR UNE ÉDUCATION LIBÉRATRICE !

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Les pauvres sont les plaies du système. Par moments, les administrations publiques ont tendance à en finir avec ce problème de pauvreté en éliminant sa formulation. C'est pourquoi on fait souvent appel à la politique qui consiste à " nettoyer la ville " : on expulse les prostituées d'une zone, on renvoie les gitans d'un terrain, on démolit des maisons, on élargit une rue. Mais, dans tous ces cas, on ne s'occupe pas vraiment des personnes qui vivent dans un état de prostration sociale. Le problème se trouve posé quelques rues plus loin ou dans le quartier voisin. Et finalement, il subsiste.

La seule solution se doit donc d'être plus radicale : il faut que, dans toutes couches sociales, on lance le défi d'humaniser le système, de changer le style de notre monde occidental. Il se peut que dans certains cas nous réussissions à aider ces personnes qui sont dans la misère. Mais il se peut aussi que dans de nombreux autres cas nous nous heurtions à l'échec. Toutefois, ce qui est évident est que nous rendrons notre vie plus humaine en essayant d'humaniser la leur, et ce, que nous parvenions ou non à les faire sortir de la pauvreté. Si, de l'intérieur de notre système, nous essayons de faire en sorte qu'ils ne soient plus en marge, nous échouerons peut-être ; mais nous ferons naître, probablement, un système ou un mode de vie qui ne sera pas générateur d'exclusion. Et c'est ce qui, à la longue, constitue la plus grande victoire. La personne installée dans le confort ne parviendra à devenir plus humaine que si elle accepte de sortir d'elle-même pour se rapprocher de l'autre, qui vit dans la misère. Et cet autre ne sera humanisé que dans la mesure où il pourra entrer en contact avec celui qui vit dans le confort. Ainsi, en faisant naître une relation à la place de ce qui était un mur, les deux parties du système deviennent plus humaines et avancent dans le même direction. Toutes deux deviennent davantage des personnes.

Alors que la révolution ne pouvait être faite que par les grands collectifs, l'humanisation apparaîtra à la portée de tout un chacun, et son efficacité sera d'autant plus grande que des gens se sentiront impliqués. Ceci ne veut pas dire que c'est une tâche facile à réaliser, mais c'est une tâche à la mesure de nos possibilités. Révolution et humanisation poursuivent exactement le même but : permettre à tous les hommes de vivre leur dignité humaine. Il y a pratiquement toujours eu des pauvres, d'une façon ou d'une autre. Cependant les caractéristiques des marginaux actuels, dans les grandes villes nanties, présentent des différences significatives par rapport à d'autres formes de pauvreté. A première vue, on a l'impression qu'il est très difficile de résoudre le problème que pose cette nouvelle marginalisation, non pas tant à cause de sa dimension quantitative que par la complexité de sa réalité plurielle, et par les difficultés auxquelles nous nous heurtons quand nous voulons mettre un frein aux tendances à la reproduction de ce fait social. Les solutions trouvées par le passé pour lutter contre d'autres formes de pauvreté ne peuvent être réutilisées sans être adaptées. Mais, par ailleurs, il est vain de refuser de profiter de l'expérience d'altruisme de tant d'hommes qui nous ont précédés. Tirons donc des leçons du passé sans l'imiter. Les pauvres et marginaux sont les personnes qui n'ont pas suivi le progrès rapide du modernisme et se sont trouvées parquées sur le bas-côtés d'une autoroute où les voitures roulent tous les ans plus vite. Et plus la rapidité du progrès, des changements techniques et culturels, est grande, plus grande est la difficulté du marginal à réintégrer le système social. La seule existence des pauvres remet en cause ce système social.

En disant ceci, nous touchons l'un des points que les éducateurs qui travaillent auprès des marginaux soulignent le plus : la réalité de la marginalisation est symptomatique d'une maladie dont souffre tout notre système social. Et pour que ce constat entre réellement dans les mentalités, nous avons une dure bataille à livrer, car nous avons toujours tendance à penser que le problème des pauvres est celui des pauvres. Nous disons volontiers : " ils n'ont pas eu de chance dans la vie ", alors qu'à la vérité c'est un problème de la société tout entière. Tout le corps est malade, mais les plaies n'apparaissent qu'à certains endroits. C'est pour cette raison, que le travail de terrain des éducateurs devient une tâche de plus en plus difficile et ardue. Et c'est aussi, pour cette raison que je me sens plus proche d'un éducateur tel que Guy Gilbert, qui vomit les technocrates du social qui se contentent de réfléchir sans jamais appliquer les valeurs humaines pour les porter au service des plus pauvres. Puis, les idéologues d'éventuelles révolutions sociales qui meurent avant de voir le jour car, elles ne sont que de purs concepts de l'esprit. C'est pour cette raison également que, jamais je ne fermerai ma gueule en tant qu'éducateur pour dénoncer les perversités de nos systèmes et y porter remèdes au quotidien, jusqu'au bout, sans jamais me lasser de vouloir humaniser notre société. Toujours, je témoignerai des carences que nos contextes socio-économiques génèrent et parlerai pour tous ceux et celles qui n'ont que le droit de se taire. Cela devrait être la vocation de tout acteur social et de tout être Humain. Et des perpectives enrichissantes pour une nouvelle éducation Populaire vécue dans l'humus des dures réalités des pauvres, en travaillant avec eux et non sans eux, car la libération des opprimés sera l'oeuvre des pauvres conscientisés, dont les éducateurs seront les humbles accompagnateurs des mutations radicales qui se préparent en vue de leur dignité humaine.

Bruno LEROY.

10:07 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans Projets éducatifs et sociaux. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, action-sociale-chretienne, spiritualite, social |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |