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30/06/2009

Le paraître inauthentique que nous nous sommes construit.

Inutile de chercher sur la carte où se situe ce « pays des Gadaréniens » : vous ne le trouverez pas. Il fonctionne dans le récit comme le symbole de notre monde soumis au Prince des ténèbres que Jésus est venu affronter pour nous délivrer de sa tyrannie.
Le comité d’accueil en dit long : deux possédés, deux personnes aliénées, sortant du cimetière, c’est-à-dire du séjour des morts. En clair : des morts-vivants qui errent, en quête de leur identité perdue depuis qu’ils se sont coupés de Dieu par le péché. Deux individus qui n’en font qu’un puisqu’ils n’ont qu’un seul discours, qui n’est d’ailleurs pas le leur. Image de notre pauvre humanité divisée en elle-même : nous n’avons plus accès à notre être profond, d’où nous pourrions prononcer une parole vraie, qui nous exprimerait en tant que sujet personnel ; aussi nous n’avons d’autre ressource que d’habiter notre moi superficiel, d’endosser une identité d’emprunt et de produire des discours dont nous sommes absents. Nous nous découvrons ainsi douloureusement divisés entre l’être inaccessible et le paraître inauthentique que nous nous sommes construit et auquel nous sommes attachés, faute de mieux.
La confrontation avec le « Fils de Dieu » qui, lui, possède une identité personnelle clairement définie, puisque en tant que Fils, il est tout entier référé à son Père, cette confrontation suscite l’inquiétude. Car la lumière de la vérité menace, par sa seule présence, les ténèbres du mensonge. Le dia-bolos, le diviseur, celui qui nous détourne de nous-même et de la connaissance du Dieu intérieur en nous tenant captifs de la fascination du monde extérieur, se sent menacé et réagit vivement. Il sait qu’un « moment a été fixé » où son règne prendra fin ; il est conscient qu’il ne pourra pas toujours tromper le genre humain ; mais il veut prolonger autant que possible sa domination en redoublant de ruses, allant jusqu’à proposer des pseudo voies spirituelles pour éviter que l’homme découvre le vrai chemin vers Dieu.
Jésus n’a encore rien dit : c’est sa seule présence qui ébranle l’adversaire et suscite ses cris. De plus en plus inquiets devant le silence de Notre-Seigneur, les possédés - ou plutôt les démons en eux - passent de la menace à la supplication et mendient le droit de changer de « véhicule ». L’animal n’est pas choisi au hasard : il représente l’impur, c’est-à-dire ce qui n’est en aucune manière compatible avec Dieu, et que tout homme qui veut se tenir en présence du Saint, doit à tout prix éviter. Le porc symbolise ici la partie animale de notre humanité dans la mesure où elle n’est pas maîtrisée, orientée, dirigée par la dimension spirituelle. Le fils prodigue, aliéné de son identité filiale profonde, se trouve lui aussi réduit à « garder les porcs » (Lc 15, 15).
Avec l’autorisation du Seigneur, les démons vont quitter les deux hommes et passer dans les animaux, démontrant par le fait même le rapport purement objectivant qu’ils entretiennent avec leur victime : le démon est incapable de vraies relations. Il est l’être non pas impersonnel, mais « a-personnel » par excellence, celui qui refuse toute ouverture à l’autre, et est entièrement replié sur une auto-idolâtrie narcissique. A l’aide de leur nouveau véhicule, les démons ne vont d’ailleurs pas s’attarder en présence de Jésus ; ils retournent à leur lieu propre : la mort, symbolisée non plus par le cimetière mais par la mer où ils s’abîment.
Les témoins de la scène, impressionnés par l’autorité de Jésus, « prennent la fuite » et vont colporter la nouvelle dans le village voisin. Nous découvrons ainsi que cette terre inhospitalière est belle et bien habitée ; mais ses habitants vivaient cachés, enfouis « dans les ténèbres et l’ombre de la mort » (Lc 1, 79). L’intervention de Jésus qui a assaini la région en la débarrassant de ceux qui la tyrannisaient, leur permet de sortir au grand jour, de venir à la lumière. Ils peuvent enfin réfléchir, parler, discerner, décider, agir par eux-mêmes. Mais ils ne reconnaissent pas immédiatement l’identité de celui qui leur donne de naître à leur vie humaine en les libérant de l’aliénation diabolique. Ne sachant comment gérer cette relation, et craignant sans doute de retomber dans une autre aliénation, « ils supplient Jésus de partir de leur région ».
Il est frappant de constater que l’Eglise accepte de prononcer un exorcisme sur une personne non-croyante qui en fait la demande. Peut-être par fidélité à ce que Jésus vient de faire dans notre péricope. Le Seigneur offre gratuitement la délivrance à tous les enfants du Père qui reconnaissent leur aliénation, et font appel à lui par la médiation de son Eglise, pour recouvrer leur liberté. Il ne cherche pas pour autant à s’imposer, car il sait que dans la mesure où nous accéderons à notre identité profonde, nous le retrouverons comme l’Hôte intérieur – à condition bien sûr de persévérer dans notre quête, sans nous égarer sur des chemins sans issue.

« Seigneur, c’est “pour que nous soyons vraiment libres que tu nous as libérés”(Ga 5, 1). Accorde-nous de “tenir bon, et de ne pas reprendre les chaînes de notre ancien esclavage. Que la liberté dans laquelle tu nous as rétablis ne soit pas un prétexte pour satisfaire notre égoïsme ; mais qu’au contraire, nous nous mettions, par amour, au service les uns des autres” (Ga 5,13), comme il convient à des enfants d’un même Père. »


Père Joseph-Marie.

16:54 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

28/06/2009

Un carême spécial - dit « carême des apôtres »

Fils de pêcheur et pêcheur lui-même, simple, sans éducation ni culture qui l’auraient préparé à jouer un rôle de premier plan, Simon-Pierre Pierre était de Capharnaüm en Galilée, ville située au bord du lac de Tibériade. Paul était un juif de la diaspora, de Tarse en Asie Mineure, pharisien disciple de Gamaliel, et qui plus est : citoyen romain. Tous deux verront leur vie bouleversée par la rencontre avec Jésus de Nazareth, dans des circonstances, certes, bien différentes.
Après une pêche miraculeuse, le Seigneur interpelle Simon : « Viens derrière moi. Je ferai de toi un pêcheur d’hommes » (Mc 1, 17). Saul, « animé d’une rage meurtrière contre les disciples du Seigneur » (Ac 9, 1), est enveloppé de lumière sur le chemin de Damas, tandis qu’une voix retentit : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes ». Simon devenu Pierre laisse ses filets et son foyer pour suivre le rabbi ; Saul devenu Paul se met à la disposition des apôtres. Pierre reçoit de l'Esprit-Saint la révélation de l’identité de son Maître : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Paul entend « des paroles inexprimables, qu’on n’a pas le droit de redire » (2 Co 12, 4). Pierre reçoit la charge de paître le troupeau de l'Eglise : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Paul a reçu l’imposition des mains d’Ananie, qui était avant lui sous l’onction du Saint Esprit (Ac 9, 17) ; il a soumis son apostolat à l'approbation de l’Eglise réunie à Jérusalem (Ga 2, 2) ; mais il a toujours considéré, eu égard aux révélations extraordinaires dont il fut bénéficiaire, que sa mission était celle d’un authentique apôtre. Même s’il n’avait pas connu Jésus « selon la chair » (2 Co 5, 16), sa connaissance du Christ, toute spirituelle et reçue par grâce, n’en fût pas moindre que celle des « témoins oculaires devenus serviteurs de la Parole » (Lc 1, 2). Aussi ne voulut-il jamais sacrifier ses propres convictions aux vues du plus autorisé des apôtres ; il « s’opposa ouvertement à Pierre à Antioche » (Ga 2, 11) afin de préserver la liberté spirituelle acquise dans le Christ.
Paul se voit confier par Dieu « l’annonce de l’Evangile aux païens, comme il l’avait confié à Pierre pour les Juifs » (Ga 2, 7). Tous deux donneront le suprême témoignage du martyr : Pierre sera crucifié et Paul décapité. La Tradition raconte que touché par les larmes des fidèles, Pierre songea d’abord à fuir la persécution que venait de soulever l’empereur Néron ; mais, comme il sortait de Rome, il vit le Christ Se présenter à lui :
- Où allez-vous, Seigneur ? lui demanda-t-il.
- Je vais à Rome, répondit Jésus, pour y être à nouveau crucifié.
A ces mots, le Sauveur disparut, et Pierre comprit qu’il devait revenir à Rome pour y subir le sort de son Maître.
C’est ensemble qu’ils représentent, dans la complémentarité de leur mission et charisme respectifs, le ministère apostolique de l’Eglise toute entière. C’est pourquoi, après son intronisation solennelle en la Basilique Saint Pierre, Benoît XVI s’est immédiatement rendu en la Basilique Saint Paul pour signifier cette double allégeance. C’est également en la fête des Apôtres Pierre et Paul qu’étaient traditionnellement ordonnés les prêtres ; si de nos jours, la date précise n’est plus aussi scrupuleusement respectée, vous ne risquez pas de vous tromper en félicitant votre curé s’il est de la génération précédente !
La liturgie byzantine souligne le lien spirituel qui unit la solennité de ce jour et celle de la Pentecôte ; le témoignage des apôtres est en effet le fruit direct de la descente sur eux du Saint-Esprit. Un carême spécial - dit « carême des apôtres » - prépare même les fidèles à cette solennité : c’est en dire l’importance. La période de jeûne - en pratique assez adouci - commence le lundi qui suit le premier dimanche après la Pentecôte et prend fin avec la journée du 28 juin. Puissions-nous nous ouvrir à la grâce de cette solennité et nous laisser renouveler dans notre vocation missionnaire, fidèles à l’institution pétrinienne et au charisme paulinien.

« Réjouis-toi, ô Pierre l'Apôtre, toi le grand ami du Maître, Christ notre Dieu. Réjouis-toi bien aimé Paul, prédicateur de la foi et docteur de l'univers. A cause de cela, intercédez tous deux auprès du Christ notre Dieu pour le salut de nos âmes » (Oraison de la liturgie byzantine).



Père Joseph-Marie.

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25/06/2009

Jésus s’efface derrière l’agir de son Père.

Les lépreux sont tenus de se tenir à distance, ou s’ils s’approchent, d’annoncer leur venue par des cris afin de permettre aux biens-portants de s’éloigner. Exclus de la société, privés de leurs droits civils et religieux, ils n’ont plus à vrai dire le statut de personnes. La rencontre du lépreux avec Jésus dans le récit que nous venons d’entendre se situe dans un tout autre contexte : franchissant l’interdit, cet homme se présente au Rabbi dont il vient d’entendre les enseignements, de manière éminemment personnelle. Avec l’audace de celui qui n’a plus rien à perdre, il s’est probablement infiltré discrètement dans la foule pour pouvoir rejoindre Notre-Seigneur sans se faire reconnaître. Son attitude et le titre de « Seigneur » par laquelle il s’adresse à Jésus, témoignent d’une foi naissante et d’une immense espérance.
- « Tu peux me purifier » : en d’autres termes, tu en as le pouvoir effectif ; ce qui constitue à proprement parler une prérogative divine, car Dieu seul peut purifier de la lèpre.
- « Si tu le veux » : s’agit-il d’un doute sur la bienveillance de Jésus ? Ou faut-il interpréter cette réserve comme un subtil chantage : « si je ne me relève pas guéri, c’est que tu ne l’auras pas voulu, ce qui serait incohérent avec ce que tu viens de prêcher sur la montagne… ».
Notre-Seigneur répond par un geste de tendresse compatissante totalement gratuit : il touche le malade qui ne se tenait qu’à une longueur de bras, et d’une parole, il accomplit instantanément le miracle : « Je le veux, sois purifié ».
La question subsiste cependant : à qui attribuer le prodige ? A Dieu de qui vient le pouvoir de guérir la lèpre ? A Jésus qui a accordé la guérison sur la demande du malade ? Ou au lépreux lui-même, qui a réussi à convaincre Notre-Seigneur d’accomplir sa volonté ? Nous avons vu en effet que le face à face entre les deux personnages n’était pas sans ambigüité en raison du chantage mis en œuvre par le malade. Aussi Jésus lui impose-t-il silence : « ne dis rien à personne ». Ce n’est pas à lui à interpréter le miracle : les Ecritures s’en chargent. Il suffit qu’il aille se présenter au prêtre chargé de vérifier la guérison, et qu’il offre l’offrande prévue par la Loi en vue de sa réintégration sociale. Ce comportement est suffisamment éloquent par lui-même : toute parole supplémentaire risquerait de détourner l’attention de la finalité de la guérison accordée - à savoir la glorification du Dieu d’Israël, seul auteur du miracle, à qui revient dès lors l’offrande. Ce n’est que dan s ces conditions que la guérison « sera pour les gens un témoignage » de l’amour de Dieu pour ses enfants.
Une fois de plus, Jésus s’efface derrière l’agir de son Père, interprété à la lumière des Ecritures qu’il est venu accomplir : Notre-Seigneur n’est pas venu pour faire sa volonté, ni pour chercher sa propre gloire, mais pour manifester au monde la bienveillance du Dieu d’amour. Contrairement aux gourous de tous bords qui attirent sur leur propre personne l’attention et l’affection de leur entourage, enfermant ceux qui les approchent dans une dépendance carcérale, Jésus est venu pour nous libérer de la lèpre du péché et de toutes les aliénations qui s’en suivent, afin de nous restituer dans notre liberté filiale. Son seul souci est de nous tourner vers son Père et notre Père, vers son Dieu et notre Dieu (cf. Jn 20, 17) dont il est venu nous révéler le visage de tendresse.

« Seigneur, non seulement je suis sûr que tu veux me guérir, mais je crois que sur la Croix, tu as déjà accompli ma purification. Chaque jour et dans chacun de tes sacrements, tu étends la main, tu me touche et me dis : “Je le veux, sois purifié”. Accorde-moi de pouvoir reconnaître ces moments de grâce, de pouvoir les accueillir comme des manifestations de ta tendresse et des signes de l’instauration de ton Règne ; et donne-moi de pouvoir en rendre témoignage dans l’Esprit, afin qu’en voyant tes œuvres de miséricorde, le monde croie que tu es son Sauveur. »



Père Joseph-Marie.

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23/06/2009

LA NATIVITÉ DE JEAN-BAPTISTE.

L’Eglise honore d’une manière toute particulière la naissance de Jean-Baptiste. A côté du Christ, il est le seul saint qui voit sa naissance célébrée dans la liturgie comme une solennité. Quel en est le motif ? Pourquoi donc un si grand honneur ?

Jean se situe à la frontière entre les deux testaments. Né d’Elisabeth et de Zacharie, il est un personnage de la première alliance. Mais lorsqu’il bondit dans le sein de sa mère à la visite de Marie, il se manifeste aussi comme le héraut de la nouveauté. Prophète dès les entrailles de sa mère, il apparaît déjà comme le précurseur du Christ avant même que celui-ci puisse le voir.

Enfin a lieu sa naissance. Huit jours après, il sera circoncis et recevra son nom. A ce propos, saint Luc nous rapporte que l’on voulait l’appeler « Zacharie », du nom de son père, et nous relate l’intervention ferme d’Elisabeth : « Non il s’appellera Jean ». Alors qu’en dernier lieu on lui demandait son avis, Zacharie vient confirmer son épouse en écrivant sur une tablette : « Jean est son nom ». A l’instant même, nous dit l’évangéliste, sa bouche s’ouvrit et sa langue se délia.

Comment interpréter ces événements ? Jusqu’ici Zacharie était muet. Avec la naissance de son fils, son silence est rompu et il retrouve la parole. La prophétie qui avait disparu réapparaît avec l’annonce du Christ. De close qu’elle était, elle s’ouvre désormais à son avènement. Elle devient claire pour l’arrivée de celui qui était prophétisé.

Ainsi, c’est la naissance de celui qui est la voix qui vient rendre la parole à Zacharie. A ceux qui l’interrogerons ainsi : « Toi qui es-tu ? », Jean ne répondra-t-il pas : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert ». Jean est bien la voix. Le Christ est la Parole. Et dans la parole rendue à Zacharie par la naissance de celui qui est la voix n’est-ce pas déjà le Christ, la Parole vivante, qui est prophétisé ?

A celui qui sait voir et entendre, Jean-Baptiste se révèle bien dès sa naissance comme le prophète du Très-Haut qui marche devant le Seigneur pour préparer ses chemins. Il est la voix qui annonce la Parole qui viendra libérer la parole des hommes enfermés dans le mutisme à cause du péché.
En Zacharie qui parle et bénit Dieu c’est déjà toute l’humanité libérée du péché qui loue et rend grâce au Père dans l’Esprit pour son œuvre de salut accomplie en son Fils bien-aimé, le Verbe éternel fait chair.

« Seigneur, que ta Parole vienne prendre chair en nous pour nous libérer du péché qui nous enferme dans le mutisme en nous coupant de toi et de nos frères. Que ta Parole vienne germer en nous et libérer la voix de notre louange et de notre action de grâce pour ce que tu es, pour ce que nous sommes et pour ce que tu accomplis dans nos vies. Alors, à l’image de Jean-Baptiste, par notre voix, nous nous ferons les échos de ta Parole pour qu’elle puisse rejoindre les cœurs qui sont loin de toi ! »



Frère Elie.


17:47 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

22/06/2009

RÉFLEXE DE SURPROTECTION.

Quelque soit sa nature, un trésor cher à nos yeux conduit à un réflexe de protection, quelques fois même à un réflexe de surprotection. Peu importe la nature de ce trésor : ses enfants, sa fortune, ou tout autre chose. Ce à quoi l’on tient énormément incite spontanément à un repli qui n’est jamais pur d’un certain égoïsme. Pourquoi l’évangile et le Royaume de Dieu échapperaient-ils à la règle ? Ne sont-ils pas ce que nous avons de plus précieux ?

L’enseignement que nous livre Jésus aujourd’hui pourrait être de nature à nous rassurer, disons : à nous déculpabiliser. Il suggère en effet que cette attitude ne serait pas répréhensible puisqu’il dit très clairement qu’il ne faut pas donner les perles aux pourceaux ; « ce qui est sacré, ne le donnez pas aux chiens », insiste-t-il clairement.

Évidemment, avant de nous déculpabiliser, cette parole nous rappelle d’abord à notre responsabilité. Le Royaume de Dieu est notre trésor le plus précieux, certes, mais en même temps qu’il nous est offert, il nous est confié. Il nous faut donc veiller à ne pas en faire n’importe quoi. Cette attitude ne procède donc pas d’un repli sur soi, la référence n’est pas en nous-mêmes.

Voilà qui peut nous rappeler que la communication de l’Évangile n’a de sens qu’ajustée aux projets de l’Esprit. L’évangile de la paix doit rejoindre les amis de la paix, ceux que l’Esprit a préparé à le recevoir, ceux qui l’attendent. Il est donc vain de le livrer à d’autres. Et même : il est de notre responsabilité que nous ne le livrions pas n’importe comment. Dieu ne brusque jamais les cœurs : nous pourrions, en arrivant trop tôt, faire prendre bien du retard ; nous pourrions, en clamant trop fort, rendre sourd.

Enfin, dernière implication de l’interdiction de Jésus, la valeur que nous accordons à la grâce qui nous est faite, se révèle à la façon que nous avons de la partager. Si, en ce monde, il est d’usage de réserver les mets de choix aux invités de marque, combien plus dans le Royaume convient-il de réserver le trésor que le Seigneur nous confie à ceux qui sauront l’accueillir.

La prescription du Seigneur dévoile ainsi sa dynamique. L’évangile ne s’écrit pas dans une suite de défenses et de négations. Pour garder la pureté évangélique, il n’y a pas à s’enfermer dans des communautés de « purs », seuls dignes des trésors du Royaume. Il faut au contraire exercer un discernement de tous les instants qui nous ouvre sur notre prochain et nous conduit à nous interroger sur ses besoins vitaux, sur sa découverte du Royaume, sur sa connaissance du Seigneur-Jésus.

L’exigence évangélique va loin au-delà de nos frontières et résume tout l’enseignement de la Bible : « tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi, voilà ce que dit toute l'Écriture : la Loi et les Prophètes ». Vous le savez, le jeu de résumer « la Loi et les prophètes » était prisé dans les écoles rabbiniques. Mais tous ces maîtres étaient trop courts ou négatifs, y compris le grand Hillel qui disait seulement : « ce qui te déplaît, ne le fais pas à autrui ».

Jésus, lui, un résumé positif. Il ne suffit pas de respecter une sorte de pacte de non agression, de cohabitation placide, il nous faut être actifs, entreprenants, vis-à-vis de nos frères. Le bien que nous avons nous-mêmes reçu est celui que Dieu nous a fait, le bien que nous désirons pour nous-mêmes est celui que Dieu seul peut faire. Eh bien nous avons, nous-mêmes, à prendre l’initiative de faire pour nos frères le bien que Dieu fait !

Voilà sans doute que nous venons d’esquisser une description des deux portes. Il est aisé de se contenter de vivre les uns à côté des autres. Cette façon de vivre, cette porte pour reprendre l’image de Jésus, est large et bien visible. Mais l’évangile demande de vivre les uns pour les autres, les uns au service des autres. Cette voie est difficile, elle fait connaître la souffrance. Mais elle mène à la vie, elle est la vie, car Dieu lui-même vit ainsi. Accueillons donc la grâce qui nous est faite de vivre de la vie de Dieu et laissons la porter son fruit de salut pour chacun nos frères, quoiqu’il nous en coûte.



Frère Dominique.

17:35 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, foi, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

20/06/2009

« Jésus se tait, mais il agit ».

Rien ne distingue physiquement Notre-Seigneur d’un autre homme. A en juger au programme de ses journées et aux nuits passées en prière, il est certes particulièrement résistant ; mais il a néanmoins besoin de repos comme tout le monde. La journée de prédication l’a épuisé ; aussi s’endort-il sans tarder sur le coussin - à vrai dire très dur - dont se servaient les rameurs dans les barques de pécheurs de l’époque. Il dort même si profondément, que ni le hurlement du vent soufflant en tempête, ni le fracas des vagues malmenant le frêle embarquement, ne troublent son mystérieux sommeil.
A bout de ressources, craignant d’être à chaque instant engloutis par cette mer déchaînée, « ses compagnons le réveillent » tout angoissés, et lui crient leur détresse : « Maître nous sommes perdus : cela ne te fait rien ? ». Etonnement et reproches se mélangent dans ce cri qui semble l’ultime recours de ces hommes, pourtant habitués à affronter les tempêtes subites et redoutables de ce lac au microclimat capricieux. Répondant aussitôt à leur appel de détresse, Jésus se lève, et avec une autorité souveraine, « il interpelle le vent avec vivacité ». Saint Marc vient d’utiliser le même verbe que celui par lequel il décrivait la prise de pouvoir de Jésus sur les démons. Poursuivant son action, Jésus s’adresse également à la mer comme à une altérité personnelle, pour lui imposer le silence. Et les éléments obéissent instantanément, comme s’ils reconnaissaient la voix de leur Maître. On imagine sans peine la stupeur de ces pécheurs ! Non seulement les démons, mais même « le vent e t la mer lui obéissent ! ».
En évoquant cet épisode, la liturgie de ce jour nous encourage à découvrir nous aussi par la foi, celui qui est présent à l’ordinaire de nos journées si souvent bousculées. Certes sa présence est à ce point discrète qu’il semble dormir ; pourtant lui seul a autorité sur les forces du mal qui nous accablent. Comme le rappelait le pape Benoît XVI lors de sa récente visite pastorale en Pologne : « Jésus se tait, mais il agit ». Comment en effet celui qui « retient la mer quand elle jaillit du sein de l’abîme », qui la « lange de nuage » comme une mère le ferait pour son enfant, qui « fait de la nuée son vêtement et lui impose des limites » (1ère lect.), comment pourrait-il être menacé par une bourrasque, aussi impressionnante fût-elle à nos yeux ? « C’est au cœur des tempêtes qu’il nous cherche le plus » écrivait Saint Thérèse d’Avila en guise d’encouragement, à des carmélites soumises à de rudes épreuves. Mais comme il nous est difficile de discerner la présence rassurante de N otre-Seigneur, dans nos barques ballotées sur les flots en furie de nos vies en proie à tant de difficultés !
Les tempêtes sont multiples autour de nous et en nous : sans parler des conflits internationaux, pensons aux drames qui menacent la vie de notre entourage : divorce, chômage, accident de travail, maladie, deuil. Pour les uns ces événements seront source de révolte ; pour d’autres au contraire : occasion de réflexion, d’intériorisation, de conversion. Comment réagissons-nous lorsque des personnes de notre voisinage se débattent contre des vents contraires ? Prenons-nous prudemment nos distances ? Ou avons-nous le courage de leur proposer notre aide ? C’est en effet à travers cette disponibilité et cette proximité bienveillantes que nous leur permettons d’entrevoir le visage d’un Dieu proche, présent à leurs côtés malgré l’apparent abandon du ciel. Cependant, pour pouvoir réagir ainsi, il faut sans doute avoir assumé auparavant nos propres tempêtes ; avoir découvert au cœur des tourments de notre propre vie, la présence du Ressuscité, du Vainqueur des mille morts qui nous menac ent.
Remarquons bien qu’avant d’être dans la tempête, Jésus est dans la barque de Pierre. Si cette barque - qui représente l’Eglise - résiste aux assauts de la mer démontée, c’est précisément parce qu’elle porte en elle le Maître du temps et de l’histoire, celui sur qui la mort n’a plus aucun pouvoir, car il est déjà « passé sur l’autre rive ». Dès lors que « le Christ est mort pour tous » - donc aussi pour moi - les vivants peuvent se décentrer d’eux-mêmes et se confier à lui, qui « est mort et ressuscité pour eux » (2nd lect.). Car si par la foi et le baptême, nous sommes « en Jésus-Christ », nous croyons que « nous sommes devenus une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né » (Ibid.). Mais qu’il est difficile de vivre en citoyen du Royaume, au cœur d’un monde qui se moque toujours plus ouvertement de notre espérance ! C’est pourquoi il est indispensable de demeurer dans la barque de Pierre ; et aussi dans la barque intérieure de notre cœur : là où Jésus « dort sur le coussin à l’arrière ». Pour éviter de le réveiller inutilement et de lui faire des reproches comme les apôtres, il est bon de méditer longuement ses paroles pour nous les approprier profondément - « Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? »
Jésus en effet a déjà victorieusement traversé toutes nos tempêtes. La mer, symbole de la mort menaçante, ce sont en effet les pharisiens, scribes, sadducéens, hérodiens qui s’acharnent contre lui. Dans quelques mois, au moment le plus dramatique de leur complot meurtrier, alors que les disciples attendront désespérément que leur Maître produise un acte de puissance, que fera Jésus ? Il dormira ! Non plus sur un coussin, mais sur le bois de la croix, attendant avec confiance que son Père le réveille du sommeil de la mort, pour « conduire au port qu’ils désiraient » (Ps 106) tous ceux qui auront mis leur foi en lui.

« Seigneur Esprit Saint, mémoire vivante de Dieu en nos cœurs, aide-nous à nous souvenir de la présence discrète de Jésus à nos côtés, afin que nous ayons l’audace de prendre autorité en son Nom, sur les forces adverses qui se déchaînent contre la frêle embarcation de nos vies. Nous pourrons alors rendre grâce au Père de tout notre cœur, pour la liberté nouvelle qu’il nous offre en son Fils bien-aimé, Jésus-Christ Notre-Seigneur. »



Père Joseph-Marie.

14:44 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

18/06/2009

Le Fils de l'Homme s'est livré librement.

La Passion selon saint Jean est d'un réalisme frappant. L'apôtre qui a suivi le Seigneur jusqu'aux derniers instants de sa vie terrestre est le seul à nous révéler les détails si bouleversants que nous venons d'entendre. Ils sont criants de vérité, et ils nous disent l'intensité du drame dans sa dimension spirituelle.

Le Fils de l'Homme s'est livré librement, il a donné sa vie en rançon pour acquérir notre liberté. La mort et le péché ont cru trouver dans ces instants l'occasion inespérée d'affermir leur pouvoir en tuant la seule menace à leur empire de ténèbres. Car la mort ne supporte pas la force de la vie : le dynamisme de la vie, sa beauté, sa créativité, sa fécondité, sont insupportables à celle qui ne peut que détruire. Le prince des ténèbres s'est jeté voracement sur le Dieu assumant la faiblesse humaine, et il s'est imaginé capturer définitivement l'humanité dans son esclavage. La victoire lui semblait acquise, un constat de décès devait la couronner. Quelques soldats sont dépêchés pour cela. Ils brisent les jambes des brigands condamnés avec le Seigneur, pour hâter leur mort. Jésus, lui, ne respire déjà plus. Mais le bourreau ne permettra pas d’ensevelir un crucifié qui n’a pas été percé ; c'est donc avec une lance que l’on signe l'avis de décès de Jésus.

Contre toute attente, ce fut la révélation d'une source de vie. Le corps de Jésus, même mort, est source de vie ! A l'instant où l'Ennemi crut sa victoire totale, jaillit la source qui ne tarira jamais. À l’instant où le démon pensait que l’humanité tout entière sombrait, s’ouvrait, béant, le refuge des pécheurs. La blessure ouverte du Cœur de Jésus jamais ne se fermera. En laissant transpercer son Cœur, Jésus nous enseigne que l'amour qu'il nous porte est vie, vie surabondante et intarissable. Cet événement choquant et violent ne peut être expliqué que par la folie de l'amour de Dieu pour les hommes. Il a souffert sa Passion jusqu'au bout, le bois de sa croix pesait de tous nos péchés, le bois du supplice déchirait de tous nos mépris de Dieu. Mais aussi nombreux soient-ils, aussi grands soient-ils, l'ensemble de tous nos péchés ne pouvait venir à bout de l'amour miséricordieux de notre Seigneur. Après avoir aimé jusqu'à la dernière goutte de sang, ce cœur a choisi d'être ble ssé pour nous ouvrir aux dimensions de l'infini de la Miséricorde.

Cette eau jaillissant de la fontaine de vie purifie nos cœurs. Elle fait taire les bruits incessants de nos bonnes raisons de ne pas aimer et laisse résonner les promesses de jadis : « j'ai aimé Israël dès son enfance. Je l'ai appelé mon fils. C'est moi qui lui ai appris à marcher, le soutenant de mes bras ». Ce cœur blessé déchire la nuit de nos tiédeurs et réveille la chaleur première de notre alliance avec le Seigneur. Et il nous interpelle : « qui aimera l'amour ? » Oserons-nous nous abandonner ? Oserons-nous nous laisser étourdir par la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur abyssales de l'amour de Dieu ?

Alors que nous étions encore ses ennemis, Jésus-Christ nous a ouvert son cœur. Il nous a ouvert les portes du Ciel, pour que nous puissions « accéder auprès de Dieu en toute confiance ». Nous avons été libérés de nos anciens esclavages. Avançons-nous donc joyeusement, dans l'action de grâce. Laissons-nous recréer par la Miséricorde qui se donne et se vit dans le sacrement de la réconciliation avec le Dieu trois fois saint.

Approchons-nous de la table eucharistique où ce Cœur se donne en nourriture pour fortifier l'homme intérieur et nous transformer en lui. Alors, enfin, nous connaitrons « l'amour du Christ qui surpasse tout ce qu'on peut connaître ».


Frère Dominique.

 

22:28 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

06/06/2009

Le mystère de la Trinité.

Le mystère de la Trinité que nous fêtons aujourd’hui est le mystère central de notre foi. N’est-ce pas « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », comme nous le rappelle l’évangile, que nous avons été baptisés ? Croire en Dieu, d’autres religions le proposent ; mais croire en un Dieu unique, Père, Fils et Saint Esprit, c’est là le propre de la foi chrétienne. Les trois parties du Credo que nous confessons chaque dimanche ne sont-elles pas structurées autour des trois personnes divines ? Saint Irénée les appelait « les trois chapitres de notre sceau (baptismal) » (Cf. Démonstration 100).

Mais, en tant que mystère de Dieu, le mystère de la Sainte Trinité ne nous est connu que dans la mesure où il nous est révélé par Dieu lui-même. C’est ici qu’il faut nous plonger dans les textes de l’Ecriture et particulièrement ceux de ce dimanche. Le Deutéronome nous rappelle : « Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu… ? […] Le Seigneur est Dieu, là-haut dans le ciel et ici-bas sur la terre, et il n’y en a pas d’autres » (Cf. 1ère lecture). Nous nous retrouvons ici devant une affirmation clef de l’Ancien Testament où Dieu se révèle comme l’Unique.

Dans le Psaume, pas un mot du mystère de la Trinité, au moins apparemment.
Ce Mystère du Dieu Unique en Trois Personnes n’a certes été découvert par les croyants qu’après la Pentecôte, mais ce fut sur le matériau de l’Ecriture Sainte à commencer par l’Ancien Testament. Dans le Psaume de ce jour, Dieu se révèle comme Parole, comme Verbe. Tout d’abord, comme Parole créatrice : « Le Seigneur a fait les cieux par sa Parole, l’univers, par le souffle de sa bouche. Il parla et ce qu’il dit exista. » ; Ensuite comme Parole de Providence : « Dieu veille sur ceux qui le craignent… » ; Enfin, comme Parole de miséricorde : « Nous attendons notre vie du Seigneur… Que ton amour Seigneur soit sur nous comme notre espoir est en toi. » A la lumière de la venue du Christ, nous comprenons que la Parole de Dieu dont ce psaume a tant parlé est une Personne. Nous entendons comme en écho ces versets du Prologue de l’évangile de saint Jean : « Au commencement était le Verbe... Tout fut par lui, et rien de ce qui fut ne fut sans lui ». Nous comprenons alors qu’en Dieu, le Père et le Fils - qui est la Parole du Père
- ne peuvent agir que de concert.

Enfin, dans la deuxième lecture, Paul s’arrête sur notre condition de fils de Dieu qui nous permet de reconnaître et de confesser Dieu comme Père. A travers les mots de l’Apôtre, nous est révélé que c’est l’Esprit Saint qui en Jésus, le Fils unique, fait de nous des fils et nous fait nous tourner vers le Père pour l’appeler « Abba ».

Dieu tout entier, Père, Fils et Esprit Saint, s’est donc engagé dans la Révélation et dans l’histoire du salut. Le Concile Vatican II résume cela admirablement : « Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine » (Constitution dogmatique Dei Verbum 2).

Cette affirmation du Concile met en relief que si le mystère de la Sainte Trinité est le mystère central de notre foi, il est aussi celui de toute vie chrétienne. Notre espérance n’est-elle pas de pouvoir un jour partager la gloire de Dieu, c’est-à-dire d’avoir part en plénitude à la vie divine et à l’unité parfaite de la Trinité promise aux héritiers de Dieu que nous sommes (Cf. 2ème lecture) depuis le jour de notre baptême ?
Depuis ce jour, nous bénéficions des ares de cette vie éternelle en étant habités par la Sainte Trinité dans laquelle nous avons été plongés. Cette vérité de l’inhabitation de la Trinité dans notre âme doit nous soutenir et nous stimuler au quotidien dans notre marche vers la pleine participation à la gloire divine.

Ajoutons enfin que si l’Esprit d’Amour a été répandu dans nos cœurs, c’est aussi pour que nous nous fassions les porteurs de cette espérance au cœur du monde. Remplis de l’Esprit Saint, nous n’avons pas peur de témoigner à temps et à contre temps de la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu pour tout homme.
C’est là tout le sens de la finale de l’évangile de Matthieu où Jésus envoie les apôtres : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

Ainsi, fêter la Sainte Trinité, c’est nous redire que notre foi n’est pas qu’une adhésion intellectuelle à la vérité de Dieu, Un et Trine. En effet, cette vérité n’a rien de conceptuel car elle vérité sur l’infinie miséricorde du Père, vérité sur la vie filiale qui est notre héritage, vérité sur l’amour, qui est don en plénitude, à perte d’être.

« Seigneur Dieu, toi qui est Père, Fils et Saint-Esprit, puissions-nous aujourd’hui reconnaître de quel amour tu nous a aimés, accueillir cet amour pour en vivre et le répandre autour de nous. »



Frère Elie.

19:43 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

05/06/2009

Jésus, s’il est roi, est roi d’humilité.

Jésus enseigne dans le Temple. Et voilà qu’il met en garde ses disciples contre les scribes qui aiment à se mettre en avant dans les synagogues, les places publiques ou les dîners et qui dévorent les biens des veuves (cf. Mc 12, 40). La transition avec l’épisode qui suit est faite. Car c’est bien sur une veuve et sur son don de deux piécettes dans le Trésor du Temple que Jésus va attirer l’attention de ses disciples.

Arrêtons-nous un peu sur le geste de cette femme. Que nous en dit Jésus ? Elle fait une offrande à Dieu qui dépasse celles –fussent-elles mêmes ajoutées les unes aux autres – de tous les riches qui l’avaient précédée devant le tronc du trésor du Temple : « en vérité je vous le dis, cette veuve, qui est pauvre, a mis plus que tous ceux qui mettent dans le Trésor (Mc 12, 43).

Qu’est-ce qui fait la valeur de l’offrande de cette veuve ? Ce n’est pas sa quantité, son contenu matériel. Que sont en effet deux petites pièces face à tout l’or déposé chaque jour dans le Trésor du Temple. Alors en quoi peut bien résider la valeur du geste de cette veuve ? Jésus nous donne lui-même la réponse : « Tous ont mis de leur superflu, mais elle, de son indigence, a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre » (Mc 12, 44).

« Elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre » : Voilà en quoi réside la valeur de l’offrande de cette veuve : elle est totale, elle est un don. Et ce don est d’autant plus beau qu’il n’est pas ostentatoire, qu’il s’opère dans la discrétion et l’indifférence la plus totale de tous ceux qui se trouvaient dans le Temple à ce moment-là. Une veuve, misérable qui plus est, tout comme le bruit de deux piécettes tombant dans le tronc du trésor perdu dans le brouhaha d’une multitude de voix… Qu’elle attention pourrait-elle retenir ?

Là est vraiment toute la qualité du don de cette veuve. La pauvreté de son contenu et la discrétion qui l’accompagne laissent transparaître qu’il n’y a derrière lui aucune recherche de soi, aucune vanité. En outre, le fait que cette veuve donne tout ce qu’elle a manifeste également sa confiance et son abandon total entre les mains de celui à qui elle fait cette offrande. En donnant tout ce qu’elle a, elle s’en remet totalement à la Providence divine.

Et si Jésus se donnait lui-même à reconnaître en cette veuve ? Ne serait-il pas en train de nous révéler de manière anticipative le sens de sa Passion ?
Jésus, s’il est roi, est roi d’humilité. Cette veuve opprimée et généreuse est bien l’image vivante de Jésus, ce roi sans argent et sans palais, qu’on veut exclure de sa maison comme de sa vigne, et qui, dans le don le plus total, offre sa vie à son Père pour tous ceux qui le tuent, dans la confiance absolue qu’il le ressuscitera le troisième jour. Ainsi se révèle la royauté du Christ. Par son humilité, il a triomphé de l’orgueil. Par sa radicalité dans le don, il a triomphé de l’égoïsme. Par son abandon entre les mains du Père, il a triomphé de l’autonomie et de la défiance mensongère.

« Seigneur, par l’évangile de ce jour, tu nous rappelles que la pauvreté, le silence et la discrétion doivent toujours crier en nous plus fort que la richesse, le bruit et la vanité du monde. A travers cette veuve, Jésus, notre roi, tu nous supplies et nous cries encore : « Heureux les pauvres de cœur le Royaume des cieux est à eux ! ». Que ces paroles nous réveillent de la torpeur mortifère de notre péché et nous ouvre à la vie éternelle du Royaume ! »



Frère Elie.

17:12 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

04/06/2009

La pédagogie du Seigneur consiste à provoquer ses interlocuteurs à la réflexion.

Scribes, prêtres, sadducéens, pharisiens et même hérodiens se sont succédés auprès de Jésus pour le mettre à l’épreuve, épiant ses moindres paroles pour y trouver un motif d’accusation, mais en vain ; aussi « personne n’osait plus l’interroger » (12, 34). Profitant de ces instants de répit, Notre-Seigneur reprend son enseignement dans le Temple. La foule a été témoin des passes d’armes entre les chefs religieux et le Rabbi Yeshua et ne sait plus trop dans quel camp se situer. Elle pressent la nouveauté du message de Jésus, mais demeure attachée aux enseignements traditionnels. Devant la perplexité de son auditoire, Notre-Seigneur va essayer de leur faire pressentir que sans être faux, l’enseignement des scribes demeure cependant incomplet ; qu’il nécessite un complément ; qu’il doit s’ouvrir à un accomplissement, sous peine de tomber dans la contradiction interne.
« Comment les scribes peuvent-ils dire… ? » : la tournure de la phrase ne laisse aucun doute : la forme interrogative suggère non seulement de l’étonnement, mais aussi du scepticisme, voire une pointe de contestation. L’affirmation mise en cause concerne le Messie, que la Tradition situe dans la lignée de David en s’appuyant sur la prophétie de Nathan (2 Sam 7, 11-16). Jésus ne récuse pas cette interprétation : on imagine mal Notre-Seigneur contester la Parole de Dieu ! Nous en voulons pour preuve qu’il ne corrigera pas l’aveugle BarTimée lorsque celui-ci l’appellera « Fils de David » (10, 48) ; pas plus qu’il ne fera taire la foule lorsqu’elle criera : « Béni soit le Règne qui vient, celui de notre père David ! » (11, 10). La pédagogie du Seigneur consiste à provoquer ses interlocuteurs à la réflexion, en opposant à cette conception traditionnelle - fondée dans les Écritures - un autre passage inspiré qui semble incompatible avec le premier. Jésus cite en effet le psaume 10 9 (110) - psaume messianique traditionnellement attribué à David – dans lequel celui-ci nomme le Messie « son Seigneur ». Comment le Messie peut-il être à la fois son fils et son Seigneur ?
En argumentant ainsi, Jésus pose les termes d’une aporie : ces deux affirmations - le Messie fils et Seigneur de David - jouissent toutes les deux de l’inerrance en raison de leur caractère inspiré ; pourtant elles semblent contradictoires. Nous sommes donc obligés de nous élever à un niveau supérieur, afin de trouver une synthèse plus englobante, dans laquelle les deux propositions soient vérifiées. Jésus ne fait pas le travail à notre place : il énonce clairement les termes de l’aporie, et se contente de poser une question pour orienter notre recherche : « D’où vient qu’il (le Messie-Seigneur) est également son fils (de David) ? » Le « comment » de l’étonnement initial qui a mis en route notre réflexion, est devenu « d’où », suggérant que la solution est à chercher du côté d’un lieu d’origine : « d’où vient ? » La réponse ne peut être que « de Dieu » puisque lui seul est Seigneur et peut donner part à sa seigneurie. Mais alors s’il vient de Dieu, comment le Messie peut-il s ’inscrire dans la lignée de David ? La question reste pour le moment sans réponse, du moins pour la foule nombreuse qui écoute Jésus. Nous pressentons que nous nous acheminons vers le mystère de l’Incarnation, auquel saint Marc ne fait pas allusion au début de son Évangile. Il faudra attendre la pleine manifestation de la seigneurie du Christ au matin de Pâques, pour que nous puissions reconnaître que le Fils unique de Dieu s’était incarné non par la volonté d’un homme, mais par l’action de l’Esprit dans le sein de la Vierge Marie, donnée pour épouse à Joseph, de la maison de David (Mt 1, 20).

« Seigneur, que de contestations s’élèvent de nos jours contre ton origine divine ! Chacun te réduit à un simple homme, incarnant ses propres idéaux : humaniste, libéral, révolutionnaire, poète, moraliste, homme politique de gauche ou de droite, hippie ou écologiste, mage ou chamane… Ne permets pas que ces voix discordantes nous troublent ; que l’Esprit Saint nous porte sur ses ailes et nous fasse accéder à l’intuition du Mystère de ton incarnation, par laquelle tu nous “rends participants de ta nature divine” (2 P 1, 4) en partageant notre condition humaine. »



Père Joseph-Marie.

20:32 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |