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21/03/2009

Amour fugitif comme la brume du matin.

« Que vais-je te faire, Ephraïm ? Que vais-je te faire, Juda ? Votre amour est fugitif comme la brume du matin, comme la rosée qui s’évapore à la première heure » (Première lecture : Os 6, 1-6). Pourquoi cette plainte du Cœur de Dieu ? Pourquoi ce gémissement impuissant ? Les fils d’Israël ne sont-ils pas pleins de bonnes intentions ? Ne viennent-ils pas d’exprimer la décision de se convertir, de revenir au Seigneur et de chercher sa face ?
Sans doute, mais leur discours trahit que leur cœur est encore loin de Dieu ; ils ne le connaissent pas vraiment. D’ailleurs ce n’est pas à lui qu’ils s’adressent : il s’agit d’une délibération collective qui parle du Seigneur à la troisième personne.
Comme le fils prodigue, leur contrition est intéressée : ils veulent échapper au châtiment et jouir de la bénédiction du ciel mais sans s’engager vraiment envers Dieu dans une relation filiale. Leurs paroles trahissent même un arrière-fond de revendication : « puisqu’il nous a déchiré, qu’il nous guérisse ; puisqu’il nous a meurtris, qu’il panse nos blessures » ; voire de complot : « allons-y, pour sûr « il » sera bienfaisant, et nous nous vivrons à nouveau en sa présence ». Devant ce marchandage, voire ce chantage, le Seigneur proteste douloureusement : « c’est l’amour que je désire et non les sacrifices ».
Le psalmiste a compris la leçon ; aussi confesse-t-il : « le sacrifice qui plaît à Dieu c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu un cœur brisé et broyé » de repentir. Voilà ce qui fait cruellement défaut dans l’attitude des fils d’Israël, comme dans celle du pharisien de la parabole proposée par Jésus dans l’Evangile.
La traduction de Gen 1,26 la plus proche du sens hébreux serait selon les spécialistes : « Dieu crée l’homme debout » (nous traduisons habituellement : « à son image »). Nous avons hélas perdu la dignité de cette position par le péché qui nous courbe vers la terre. Jésus seul peut nous « relever » dans la puissance de sa résurrection et nous donner de nous tenir à nouveau « debout » devant notre Dieu. Or, le pharisien adopte cette attitude comme un droit qu’il possèderait par nature - ou en raison de son appartenance au peuple élu - oubliant l’abîme qui le sépare du Très-Haut. Son discours confirme cette suffisance : il « rend grâce » certes, mais c’est davantage pour étaler sa « justice » - acquise par ses bonnes œuvres - que pour glorifier Dieu, dont il n’attend apparemment rien ; il ne formule en tout cas aucune demande. Le publicain par contre adopte spontanément l’attitude juste, l’attitude vraie : il sait combien son péché l’éloigne du Seigneur ; c’est pourquoi il se tient « à distance », n’osant pas « lever les yeux vers le ciel », mais les gardant tournés vers la terre, s’abaissant devant son Dieu. La prière, qui exprime le repentir de son cœur est une confession de foi : « Mon Dieu » ; une supplication : « prends pitié » ; et un aveu : « du pécheur que je suis ».
Le psaume 50 (51) reprend cette humble prière pour en expliciter toutes les harmoniques et en faire le plus bel hymne de pénitence qui soit monté vers le ciel ; hymne inspiré que le Seigneur met à notre disposition pour que notre cœur en le méditant, puisse se mettre au diapason du sien et accueillir son pardon : « quand ce dernier rentra chez lui, c’est lui qui était devenu juste ».

« “Seigneur Jésus, Fils de Dieu, Sauveur, prends pitié de moi, pécheur”. Que cette prière comme une flèche traverse les nuées et parvienne jusqu’à toi, Seigneur. Je ne suis pas capable de faire de longues oraisons : mes distractions et mes soucis me rejoignent et m’envahissent. Je ne suis pas capable de prouesses ascétiques : ma volonté est trop faible, je ne tiens pas mes résolutions. Mais je t’offre ce que je peux : ces cris que je lance vers toi ; autant pour me rappeler que je suis sous ton regard, que pour invoquer ta miséricorde sur le pauvre type que je suis : “Seigneur Jésus, Fils de Dieu, Sauveur, prends pitié de moi, pécheur”. Inscrit cette prière sur mon cœur en lettres de feu, qu’elle ne quitte pas ma mémoire ; que je la murmure jour et nuit, que je sois levé ou que je sois couché ; et qu’elle monte vers toi avec mon dernier souffle quand tu rappelleras mon âme, et que l’heure sera venue de me présenter devant toi. »



Père Joseph-Marie.


12:34 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

20/03/2009

J’aime Saint Joseph !

Je vais vous faire une confidence : j’aime Saint Joseph !
J’en vois quelques-uns qui sourient malicieusement ! Mais savez-vous que l’opinion commune des théologiens, des saints et des papes est que Saint Joseph est le plus grand saint après Marie ? Dès le IVe siècle, saint Grégoire de Nazianze écrivait :
« Le Seigneur a réuni en Joseph, comme dans un soleil, tout ce que les saints ont ensemble de lumière et de splendeur ».

Si telle est la dignité et la grandeur de Joseph, on reste perplexe devant la discrétion de la dévotion à ce saint patriarche ! Le plus glorieux semble le plus caché ; le pape Pie XI écrivait le 19 mars 1928 :
« Là où est plus profond le mystère, plus épaisse la nuit qui le recouvre et plus grand le silence, c’est justement là qu’est plus haute la mission et plus brillant le cortège des vertus requises ainsi que des mérites qui en découlent. Mission unique, très haute, celle de garder la virginité et la sainteté de Marie, celle d’entrer en participation du grand mystère caché aux yeux des siècles et de coopérer ainsi à l’incarnation et à la rédemption. »

La dignité suréminente de Saint Joseph vient de la part essentielle qu’il a prise dans le Mystère de l’Incarnation rédemptrice. Aucun saint n’a été aussi proche de Jésus et de Marie et aucun n’a vécu aussi longtemps dans leur intimité que Saint Joseph. Dire que les cœurs de Jésus, Marie et Joseph ne faisaient plus qu’un est beaucoup plus qu’une pieuse image : c’est la réalité profonde de leur vie quotidienne selon le dessein de Dieu.
Certes Joseph n’a pas eu, comme Marie, une part directe dans la conception de Jésus, mais celui-ci lui fut donné réellement comme fils. La psychologie nous a suffisamment démontré combien la place du père est essentielle dans l’édification de la conscience personnelle, et l’humanité très sainte de Jésus ne s’est pas soustraite à cette règle. L’évangile de ce jour témoigne du parfait accomplissement de ce ministère. Non, la parole de Jésus : « C’est chez mon Père que je dois être » n’est pas un démenti de la paternité de Joseph, bien au contraire ! Par ces quelques mots Jésus atteste que Joseph a su le conduire jusqu’au seuil du mystère de la Paternité divine, et par le fait même, l’a introduit à la découverte de sa propre identité filiale unique. C’est sous la conduite patiente, attentive, aimante, vigilante de Joseph, que Jésus « a grandi en sagesse et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes » (Lc 2, 52). Telle est sans aucun doute la plus grande gloire de Saint Joseph : il a été le miroir de la paternité divine, qui a permis à Jésus de découvrir que Dieu est son Père.
Ce ministère qu’il a exercé en faveur du Christ, l’Église nous assure qu’il continue de l’assurer en faveur des membres de son Corps, c'est-à-dire de tous ceux qui, par le baptême et par la foi, sont « nés d’eau et d’Esprit » (Jn 3, 5). Chacun de nous est ainsi confié à la paternité bienveillante de Joseph, qui est chargé de nous conduire jour après jour jusqu’à la pleine conscience de notre filiation adoptive dans le Christ.
Oui Joseph fut vraiment le père de Jésus. Sa paternité fut partielle, certes, puisqu’il n’est pas le géniteur du Fils de Dieu. Mais elle est néanmoins bien réelle, puisqu’il assume toutes les responsabilités paternelles qui découlent de la fonction d’engendrement. Il est celui qui donne son nom au Fils de Dieu, celui qui l’inscrit dans la famille humaine en l’insérant dans sa généalogie, celui qui le nourrit, celui qui le protège, celui qui l’éduque.
La pâte humaine du Fils de l’Homme qui était aussi Fils de Dieu, a été pétrie à l’école du charpentier de Nazareth qui lui apprit à lire, à prier, à travailler. Nul doute que le tempérament et le caractère de Jésus ont été marqués par ceux de son « père » : le regard contemplatif sur la nature, le sens pratique, la ténacité et le courage, le goût de la prière solitaire et silencieuse, l’attention et la tendresse compatissante pour les démunis. Méditant sur ce mystère d’enfouissement, Bossuet disait :
« Entre toutes les vocations, j’en remarque deux, dans les Écritures, qui semblent directement opposées : la première, celle des Apôtres, la seconde, celle de Saint Joseph. Jésus est révélé aux Apôtres pour l’annoncer par tout l’univers : il est révélé à Joseph pour le taire et le cacher. Les Apôtres sont des lumières pour faire voir Jésus au monde. Joseph est un voile pour le couvrir ; et sous ce voile mystérieux on nous cache la virginité de Marie et la grandeur du Sauveur… Celui qui glorifie les Apôtres par l’honneur de la prédication, glorifie Joseph par l’humilité du silence. »

Aussi ces quelques réflexions ne veulent-elles pas jeter une trop vive lumière sur celui dont toute la gloire est d’avoir été parfaitement l’ombre du Père, mais elles sont une invitation à venir nous réfugier de l’autre côté du voile, dans l’intimité de celui qui reçut autorité sur le Fils de Dieu et sur sa mère. Le pape Pie XI n’hésitait pas à écrire :
« La source de toute grâce est le divin Rédempteur ; auprès de lui se trouve Marie, dispensatrice des divines faveurs. Mais si quelque chose doit susciter encore une plus grande confiance de notre part, c’est, d’une certaine façon, la pensée que Saint Joseph est celui qui peut tout auprès du divin Rédempteur et auprès de sa divine Mère, en une manière et avec une autorité qui dépassent celles d’un simple dépositaire. »

Puisque l’Église nous le suggère, faisons donc l’expérience de l’efficacité de son intercession. Sainte Thérèse d’Avila n’écrivait-elle pas :
« Je ne me souviens pas de lui avoir rien demandé jusqu’à ce jour qu’il ne m’ait accordé… Il me semble que Dieu accorde à d’autres saints la grâce de nous secourir dans certains besoins ; mais je sais par expérience que Saint Joseph nous secourt en tout. Comme si Notre-Seigneur voulait faire voir que, de même qu’il lui était soumis sur la terre parce qu’il lui tenait lieu de père et en portait le nom, il ne peut dans le ciel rien lui refuser… Je ne me souviens point de lui avoir, depuis quelques années, rien demandé le jour de sa fête que je ne l’aie obtenu. »

Dépêchons-nous, il est encore temps de formuler notre demande !

« Saint Joseph, sois notre père comme tu fus celui de Jésus ; bénis-nous, conduis-nous, veille sur nous et garde-nous chaque jour de notre vie ; introduis-nous toujours plus profondément dans le Mystère de Nazareth et porte devant Dieu tous nos projets. »



Père Joseph-Marie.

22:29 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

17/03/2009

La « déconstruction » est aujourd’hui le maître mot.

Il n’y a rien à faire : on aura beau tenter de relire les Ecritures à la lumière des principes de la postmodernité, il est des textes qui résistent opiniâtrement à la réinterprétation. Le passage d’aujourd’hui est un de ceux-là.
Le refus de toute référence normative, qu’elle soit intrinsèque (la loi naturelle) ou extrinsèque (la loi civile) caractérise notre époque. Nos contemporains sont tout au plus disposés à s’entendre sur quelques règles indispensables pour la bonne gestion de la collectivité, et pour la défense de la liberté et des droits individuels. Quand au domaine moral, il relève selon la postmodernité, exclusivement de la sphère privée : il serait en effet impossible de se prononcer de manière universelle en des matières aussi relatives que le « bien » et le « mal ».
La « déconstruction » est aujourd’hui le maître mot : il faut déconstruire le langage pour nous libérer des faux absolus ; déconstruire la morale pour nous libérer des vieux tabous ; déconstruire l’anthropologie pour nous libérer des contraintes de concepts vides tels que la « nature » ou la « loi naturelle » ; déconstruire la société pour la libérer des schémas désuets et obsolètes tels que le primat de la famille monogame, du contrat de mariage durable, du caractère hétérosexuel du couple, etc.
Tout ce travail de déconstruction se fonde sur un a priori, qui semble définitivement acquis - malgré les résistances de quelques retardataires de l’évolution humaine - à savoir : que les cieux sont vides, qu’il n’y a jamais eu de Dieu transcendant, fondement ultime des valeurs, qui aurait inscrit dans sa création les règles de conduite (loi naturelle) qu’il convient d’adopter pour demeurer dans son Alliance. Dieu est mort - entendons le Dieu transcendant judéo-chrétien - vive l’Homme-dieu !
C’est sur l’horizon de cette situation culturelle, trop rapidement esquissée, qu’il nous faut entendre l’évangile de ce jour. Il est clair que pour nos contemporains, les paroles de Notre-Seigneur sont scandaleuses. Ne nous étonnons pas qu’elles suscitent le mépris voire la violence : à l’heure où l’humanité s’est enfin libérée du joug de toutes les antiques contraintes, comment l’Église ose-t-elle encore brandir ce discours qui parle d’« accomplissement de la Loi » ? Quand donc les chrétiens vont-ils prendre conscience que leur Jésus est totalement anachronique ? Bien plus : sa doctrine est dangereuse, car elle risque de réveiller de vieilles culpabilités enfouies, et par le fait même, elle menace l’acquis des révolutions culturelles et scientifiques du siècle dernier : pleine disposition sur la vie comme sur la mort, programmation génétique des générations futures, clonage des meilleurs représentants de la nouvelle race, levée de tous les tabous en quelque matière que ce soit ; bref : le retour à la spontanéité instinctive prôné par Nietzsche, mais enrichie des possibilités illimitées offertes par le progrès des sciences et des techniques - sans oublier les champ d’investigation fabuleux qu’ouvre devant nous la collaboration avec les entités des plans occultes.
« Celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux ». Jésus ne conteste pas ; il ne s’engage pas dans des débats stériles ; il se contente de proposer un chemin, et avertit avec tristesse ceux qui refusent de s’y engager, de quoi ils se privent eux-mêmes. Mais qui se soucie du « Royaume des cieux », à l’heure où nos contemporains attendent avec impatience l’avènement d’un nouvel âge : « l’ère du Verseau », qui verra fleurir sur terre la tolérance, l’harmonie, la paix universelle, et toutes les valeurs que le christianisme s’était empressée de renvoyer dans une lointaine eschatologie.
« Mais alors, me direz-vous : comment faire pour annoncer la Bonne Nouvelle à un monde qui ne veut rien entendre ? » Avant tout : nous garder purs de toute compromission ; car sur ce chemin la pente est glissante, et de concession en concession nous aurions tôt fait de renoncer à la spécificité de l’Evangile. Ensuite : ne jamais oublier ce que les yeux de la foi nous ont fait voir ; « ne pas le laisser sortir de notre cœur un seul jour » (1ère lect.), c’est-à-dire lire, méditer, prier la Parole afin qu’elle nous remplisse et nous transforme à son image. « L’enseigner à nos fils et aux fils de nos fils » (Ibid.). Enfin, « garder et mettre en pratique » (Ibid.) les commandements de Dieu et de l’Eglise : « ils seront notre sagesse et notre intelligence aux yeux de tous les peuples ».
Un jour viendra - et il est proche - où les hommes verront le caractère prométhéen de leurs ambitions et la vanité de leurs efforts. Ce jour-là ils chercheront autour d’eux s’il reste un chrétien qui soit demeuré fidèle à l’Evangile et qui puisse les conduire au Christ, pour obtenir de lui la libération de leurs liens, le pardon de leurs péchés, la guérison de leur âme. Ce jour-là sera le jour de la victoire de la miséricorde, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut du monde.
Préparons-nous, hâtons l’avènement de ce temps de grâce par une conversion sincère. Re-choisissons toujours plus fermement le Christ comme unique Seigneur et Sauveur, et demandons à l’Esprit de nous donner de marcher fidèlement dans ses voies.

« Seigneur dans ce monde qui t’est de plus en plus hostile, ne permets pas que je sois envahi par la peur ou la honte. Non je ne veux pas rougir de toi devant les hommes (cf. Mc 8, 38), car tu n’as pas rougi de moi devant Dieu ton Père. “Donne à ceux qui te servent, d’annoncer ta parole avec une parfaite assurance” (Ac 4, 29) afin qu’en nous entendant, la conscience de nos interlocuteurs se réveille, et qu’ils puissent reconnaître, dans la lumière de l’Esprit : “Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme celui des croyants” (cf. 1ère lect.) ».



Père Joseph-Marie.

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14/03/2009

Jésus est un Temple totalement pur.

L’évangile nous présente Jésus qui chasse les marchands du Temple de Jérusalem. Jésus ne joue aucun rôle dans la hiérarchie religieuse du Temple et la demande des juifs est naturelle : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » N’ayant aucune charge dans le Temple, il devait être accrédité directement par Dieu comme son envoyé à travers un signe.

La réponse de Jésus va donner alors la clef de lecture de l’épisode tout entier : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Et Jean d’expliquer qu’il était en train de parler de son corps. Le Temple c’est Jésus lui-même, Jésus qui sera crucifié et qui ressuscitera le troisième jour.
Voilà la grande nouveauté : le Temple, le lieu où Dieu se rend présent et où l’homme peut rencontrer Dieu c’est Jésus le crucifié, ressuscité d’entre les morts, vivant à jamais.

Jésus est un Temple totalement pur où il n’y a de place pour aucun marchandage mais où tout est gratuit, pure grâce. Jésus, en fait, que ce soit avec son Père ou avec ses frères, vit la logique du don, de la gratuité et de la liberté de l’amour authentique. Et Jésus aime jusqu’au point le plus extrême, jusqu’à donner sa vie pour ses amis.
Après la résurrection, les disciples, illuminés par l’Esprit Saint, ont compris que la passion de Jésus pour la maison de Dieu s’est exprimée dans sa passion à lui : en souffrant, en mourrant et en ressuscitant, il a construit la nouvelle maison de Dieu, le Temple nouveau et indestructible. Dès lors, tout homme aura accès au Père « en Christ », en étant en lui comme dans un temple. Nous avons ici ce qui constitue l’ossature de toute vie chrétienne que nous trouvons exprimée dans la liturgie eucharistique à travers ces paroles prononcées par le prêtre au moment de l’élévation : « Par Lui (le Christ), avec Lui et en Lui, à toi Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint Esprit… »

Celui qui veut entrer dans le Temple doit entrer en Jésus. Il doit entrer non pas animé par un esprit mercantile, mais par l’esprit de Jésus, l’Esprit de l’Amour gratuit pour le Père et pour ses frères en humanité.
Nous aussi nous avons sans doute à chasser les vendeurs du temple : refuser toutes les formes de religiosité qui sont, plus ou moins ouvertement, des relations de donnant-donnant avec Dieu. Cela est typique des religiosités naturelles où l’on doit sacrifier quelque chose à Dieu pour obtenir en retour ses faveurs. Ce n’est pas alors notre Père céleste que nous adorons mais une idole, adoration qui peut cacher une idolâtrie que nous nous portons à nous-mêmes. Car Dieu est alors instrumentalisé, réduit à un moyen pour atteindre nos fins. C’est ici qu’il nous faut réentendre ces paroles de la première lecture : « Tu ne te feras aucune idole, car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux”.

Mais comment tromper le Seigneur qui connaît mieux que nous-mêmes ce qui habite le fond de notre cœur ! La liturgie de ce jour nous invite à lui demander de débarrasser nos cœurs de toute intention de marchandage dans notre relation à son Père et notre Père. En effet, nous devons bien reconnaître combien il nous est difficile de faire le bien gratuitement sans penser avoir des droits sur Dieu et exiger en retour quelques faveurs.

« Seigneur Jésus, viens chasser les marchands qui habitent nos cœurs. Tu nous fais la grâce de nous savoir aimés en toi gratuitement et de pouvoir alors renoncer à nos vains calculs humains – qui ne cessent de renaître en nous sous des formes toujours nouvelles et inattendues – pour entrer dans la liberté de l’amour. Béni sois-tu ! »



Frère Elie.

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La colère de Jésus contre les marchands du temple.


©F&L-C. Deher

La relation à Dieu ne peut pas se réduire à une dimension sociale, aussi pieuse soit-elle. Si les marchands se trouvent sur l’esplanade du Temple de Jérusalem ou à son entrée, c’est pour faciliter les rites des Juifs à l’égard de leur Seigneur : offrir un sacrifice. La conception de Dieu de Jésus dépasse cette perspective. Il n’est pas possible pour lui de réduire la maison du Père « à une maison de trafic » où l’on achèterait son propre salut par des offrandes. La présence de Dieu ne s’achète pas. Telle est la conversion que Jésus propose à ses concitoyens scandalisés par ses propos : « Détruisez ce Temple et en trois jours, je le relèverai. » Alors qu’il a fallu quarante ans à Hérode le Grand pour bâtir le troisième Temple, la prétention du Christ instaure une nouvelle dimension. Dieu se manifeste en Jésus par son corps, à savoir par sa mort et sa Résurrection. La véritable maison de Dieu se situe dans le Christ ressuscité au milieu de son peuple, l’Église. Corps ressuscité du Christ, corps de l’Église et transfiguration de notre corps par sa grâce sont inséparables : en Jésus Christ, l’homme est le temple de l’Esprit, perspective qui se déploie dans les sacrements célébrés par l’Église.

Ne tentons pas d’acheter à bas prix notre salut : c’est impossible. Offrons plutôt notre vie au Seigneur pour que lui-même nous sanctifie en réalisant la promesse de divinisation de tout notre être. Pour cela, prions et demandons au Christ de mieux le connaître.

 

 


 


P?re Tanguy Marie
Père Tanguy-Marie
Prêtre de la Cté des Béatitudes
Auteur des livres : La parole, don de Vie, EDB, 2006
Libres en Christ, EDB, 2008.

 

 

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Lazare un homme profondément religieux ?

Spontanément nous faisons de Lazare un homme profondément religieux, qui récolte après sa mort les fruits de sa vie vertueuse. L’homme riche par contre, nous le classons parmi les païens jouisseurs, qui se moquent autant de Dieu que des hommes. Or rien dans le récit ne justifie une telle interprétation : à aucun moment il n’est question des dispositions religieuses de nos deux personnages – du moins durant leur vie terrestre. Le contraste, l’opposition portent exclusivement sur leur train de vie respectif : l’opulence pour le riche anonyme ; la misère pour le pauvre nommé Lazare. Si ce dernier porte un nom, c’est donc qu’il est en relation ; il est inséré dans le réseau social - du moins il tente de s’y inscrire, sans grand succès hélas : ce sont plutôt les chiens qui lui tiennent compagnie. Le riche par contre est enfermé dans la bulle qu’il s’est construite, à l’abri des soucis et surtout des malheurs de ce monde. Il a creusé « un grand abîme » entre sa vie de plaisirs et le monde extérieur dont il n’a cure : il se suffit bien à lui-même dans son palais, et n’a besoin de personne.
« Or le pauvre mourut… le riche mourut aussi » : la sentence tombe, inexorable. La mort n’a pas eu de mal à trouver le pauvre, qui l’invoquait comme une délivrance. L’ombre sinistre armée de sa faux n’a sans doute pas reçu le même accueil dans le palais du riche, mais les gardes n’ont cependant pas pu lui en empêcher l’accès. Le même sort nous est réservé à tous, indépendamment de la vie que nous avons menée : le tortionnaire comme le saint ont à affronter au moment fixé le grand passage que tous nous franchirons seuls.
A peine a-t-il fermé les yeux sur ce monde peu hospitalier, que le pauvre Lazare, qui vu son état n’avait pas dû fréquenter bien souvent la synagogue, se voit emporté par les Anges « auprès d’Abraham ». Alors que le riche, dont tout porte à croire qu’il était un notable ayant une place réservée dans l’assemblée de prière, se retrouve en proie à la torture dans un lieu « enterré ».
Le narrateur - c’est-à-dire Jésus - va nous donner lui-même l’interprétation de ces traitements contrastés : « Lazare a reçu le malheur pendant sa vie ; il trouve ici la consolation. Toi tu as reçu le bonheur, c’est ton tour maintenant de souffrir ». Il semble donc que la souffrance soit inévitable pour atteindre le repos dont jouit Lazare. Non pas comme un prix que nous aurions à « payer » pour avoir droit à notre part de bonheur ; mais l’épreuve apparait comme le creuset dans lequel notre désir a besoin d’être purifié pour pouvoir se détacher des choses de ce monde, et se tourner vers les réalités d’en haut dont Dieu veut nous combler.
Aussi égoïste qu’il puisse apparaître dans son rapport au pauvre Lazare, le riche se révèle sous un tout autre jour dans la seconde partie du récit. Il garde le souci de ses frères et oubliant sa propre souffrance, il supplie Abraham de les avertir « pour qu’ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture ». Le dialogue qui s’instaure avec le patriarche va nous conduire à la pointe du récit. Le riche sait que ses frères ne se soucient guère de la parole de Moïse ou de celle des prophètes : il a partagé leur train de vie et leur indifférence religieuse ; l’appel à la conversion qu’ils entendaient lors de la lecture des Écritures à la Synagogue les laissaient parfaitement indifférents, tant leur bien-être semblait les mettre à l’abri de toute menace. Pour les arracher à leur aveuglement, il faudrait qu’ils prennent conscience du caractère éphémère de la vie ; qu’ils réalisent que la mort est inévitable et s’approche inexorablement jour après jour : « si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront ». Peine perdue nous répond Jésus par la voix d’Abraham : l’endurcissement de leur cœur est tel, qu’ils refuseront de reconnaitre l’intervention divine.
Nous avons bien sûr compris que Notre-Seigneur fait allusion à l’événement pascal, qu’il interprète comme l’ultime appel à la conversion, adressé par Dieu à l’humanité vouée à la mort. Mais en quoi la résurrection pourrait-elle être un message d’espérance pour celui qui dénie la mort, refuse de l’envisager - sinon pour les autres - et s’enferme dans l’illusion qu’il échappera au sort commun ? Hélas cette attitude est loin d’être l’exception. La désinvolture avec laquelle notre monde dispose de la vie - en particulier à son commencement et à son terme - n’est-elle pas une manière de nier notre finitude, de prétendre à une immortalité et à une toute-puissance divines ? Hélas ce défi lancé vers le ciel n’empêche pas la mort de faire son œuvre et en temps voulu, de ravir la vie à ceux qui croyaient en disposer à leur gré.

« Seigneur accorde-nous en ce temps de carême, de prendre la mesure de nos jours et d’oser nous situer dans la perspective de cette échéance inévitable, qui mettra définitivement fin à nos ambitions terrestres. Sur cet horizon, donne-nous de prendre conscience combien nous sommes prisonniers des séductions de ce monde qui passe. Apprends-nous à accueillir et à interpréter les épreuves de nos vies comme des occasions de nous détacher de ce qui nous empêche de nous tourner vers toi. Enseigne-nous à vivre “comme un arbre planté au bord des eaux de la grâce, qui étend avec confiance ses racines vers le courant” (1ère lect.). Nous pourrons alors “donner en son temps le fruit” que tu attends de nous, et le partager dans la joie avec nos frères. »



Père Joseph-Marie.

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La paternité divine.

La paternité divine s’éprouve pour chacun de nous dans une expérience existentielle ; l’expérience d’être arraché à un danger mortel et rendu à la vie par l’intervention victorieuse d’un amour qui nous libère. Autrement dit, pour pouvoir entrer dans la joie du salut, il faut d’abord que nous prenions conscience d’être en péril ; puis que nous renoncions à vouloir nous dégager tout seul de ce qui nous menace ; enfin que nous consentions à nous laisser approcher par ce Dieu que nous connaissons si mal. Pour certains d’entre nous, tout comme pour le fils prodigue, il a même fallu que nous nous éloignions d’abord de lui, que nous fassions l’expérience de la solitude, du manque, avant d’entreprendre le long chemin du retour, au terme duquel seulement nous avons découvert le vrai visage de Celui que Jésus nous apprend à nommer « Père ».
La parabole nous révèle avant tout la paternité de Dieu, sa miséricorde inconditionnelle, sa joie d’offrir son pardon et son désir de rassembler dans une même fête tous ses enfants dispersés. Mais le récit souligne également comment la démarche de conversion du cadet s’inscrit dans son histoire personnelle : ce n’est qu’au terme d’un long combat – contre les fausses images de la paternité, contre sa conception erronée de la liberté, contre la violence de ses passions – que le fils entrevoit la vanité de sa prétention à l’autonomie et envisage un retour vers Celui dont il voulait s’affranchir en prenant le large. A vrai dire, c’est dans l’étreinte que son père lui réserve à son retour, blotti tout contre ses entrailles, qu’il découvrira sa paternité véritable et qu’il entreverra quelle souffrance a pu représenter pour lui son départ.
En méditant cette parabole, Dom Louf concluait que « seul le pécheur est habilité à parler de Dieu » ; à condition bien sûr, d’avoir vécu l’expérience bouleversante de la miséricorde, qui lui donne de « connaître » le Très-Haut dans son attribut essentiel : « Y a-t-il un Dieu comme toi ? Tu enlèves le péché, tu pardonnes sa révolte au reste de ton peuple, tu ne t’obstines pas dans ta colère, mais tu prends plaisir à faire grâce. De nouveau tu nous montres ta tendresse, tu triomphes de nos péchés, tu jettes toutes nos fautes au fond de la mer ! » (1ère lect.).
Tous les hauts-faits de Dieu dans l’histoire convergent dans l’événement de la Pâque où le Père prend autorité sur tout mal en arrachant à la mort son Fils et tous ceux qui lui sont unis par la foi. C’est cet événement que nous nous préparons à revivre. Au début de ce chemin de carême, comme le fils prodigue, nous nous sommes mis en route avec une contrition bien mitigée. Puissions-nous, en nous approchant de la maison paternelle, découvrir le Père, qui, « saisi de pitié », court à nos devants, pour « se jeter à notre cou et nous couvrir de baisers ». Que cette image bouleversante d’un Dieu qui laisse éclater sa joie et sa tendresse pour les fils égarés que nous sommes, bannisse toute peur qui pourrait encore nous paralyser, et nous fasse hâter le pas sur le chemin du retour.

« Seigneur, Père très saint, dans cette parabole inépuisable, tu nous révèles que l’essence de tout péché, c’est le refus de vivre dans la dépendance de ton amour. Tout ce qui est à toi, appartient à chacun de tes fils ; mais ta joie est de nous donner instant après instant tout ce dont nous avons besoin. Le péché du cadet consiste à vouloir s’approprier “ce qui lui revient” pour s’affranchir de la dépendance du don de son père, et vivre en parfaite autonomie. Poussée jusqu’au bout, cette logique conduit à vouloir être la source de sa propre existence, c'est-à-dire : être sa propre origine, son propre père. Or c’est bien ce que dès le commencement, nous suggérait le Tentateur : “Vous serez comme des dieux” (Gn 3, 5). Ouvre nos yeux sur nos compromissions avec ce discours mensonger, et donne-nous de revenir à toi, pour recevoir de toi “la vie, le mouvement et l’être” (Ac 17, 28), et surtout ton Esprit saint, en qui nous pouvons te reconnaître comme notre Père, et t’aimer dans l’amour même de ton Fils, Jésus Christ Notre-Seigneur. »



Père Joseph-Marie.

11:22 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |

07/03/2009

La vie est une série de Pâques.

La vie est une série de Pâques, c'est-à-dire de naissances impliquant le consentement à une mort préalable ; depuis la sortie du sein maternel, jusqu’au dernier soupir, où nous devrons accepter de mourir à notre vie naturelle pour entrer dans la vie de Dieu lui-même. Entre ces extrêmes, deux autres étapes sont fondamentales : le passage de l’enfance à l’adolescence, et celui de l’état adulte à la maturité, c'est-à-dire à la découverte de notre identité véritable. Or devenir soi-même ne peut se faire qu’au prix d’une mort aux personnages que nous avons endossés pour paraître aux yeux des autres - et des nôtres. Ce passage est particulièrement délicat, car il se fait le plus souvent à l’occasion d’une épreuve, d’un échec, d’une « crise » qui remet en cause ce que nous avions soigneusement mis en place. La liturgie de ce jour présente le franchissement de cette étape déterminante par deux personnages clés de l’histoire sainte : Abraham qui ouvre la lignée des patriarches, et Jésus qui scelle l’Alliance définitive. Le récit biblique annonce clairement la couleur : « Dieu mit Abraham à l’épreuve ». Le Seigneur lui demande de lui « offrir en sacrifice son fils, celui qu’il aime » - on devine tout l’attachement que pouvait ressentir ce vieux père pour cet unique descendant sur qui reposait tous ses espoirs. Mais là où Adonaï lui demande de « sacrifier » ce fils, c'est-à-dire de le « rendre sacré » en le consacrant au Dieu de la vie afin qu’il vive, Abraham comprend que le Seigneur lui demande de l’offrir en holocauste, ce qui implique la mort de la victime. Cette interprétation erronée de l’appel de Dieu trahit une paternité abusive, qui croit pouvoir disposer de la vie et de la mort de son enfant. L’« épreuve » du patriarche consiste précisément à renoncer au droit auquel il prétend, conformément à la mentalité de l’époque. Il s’agit pour lui de découvrir que pour pouvoir transmettre la bénédiction divine - conformément à sa mission particulière - il lui faut immoler non pas l’enfant de la promesse, mais sa paternité possessive, symbolisée par le bélier.
L’épreuve est bien plus radicale encore pour Jésus : elle ne consiste pas à renoncer à disposer de la vie d’un autre, mais à la sienne. Pour transmettre la bénédiction divine à sa descendance de génération en génération, Abraham devait laisser vivre son fils ; « à la plénitude des temps », pour que cette bénédiction puisse enfin devenir agissante, Jésus devait descendre dans notre mort pour y déposer le germe de vie divine, comme un grain de blé doit être enfoui en terre pour pouvoir donner son fruit. Tous autant que nous sommes, nous subirons notre mort, cette dernière Pâque qui nous introduira dans la définitivité de la vie éternelle. Jésus l’a choisie délibérément ; car lui qui n’avait pas été effleuré par le péché, n’aurait pas dû goûter la mort. S’il est passé par ce chemin, c’est uniquement par solidarité avec nous, et afin de pouvoir triompher de la mort en y déversant la vie divine qu’il tient du Père. Sur la montagne, en présence de trois de ses proches auxquels il venait d’annoncer sa Passion prochaine, Jésus s’est offert intentionnellement au Père pour le salut du monde ; il a fait son choix : il ira jusqu’au bout. Par ce libre et plein consentement à sa mission, son humanité adhère parfaitement à son identité véritable de Fils unique, que « le Père a livré pour nous tous » (2nd lect.). La lumière resplendissante que contemplent les apôtres n’éclaire pas leur Maître de l’extérieur, mais de l’intérieur : elle jaillit du plus profond de sa divinité, d’où elle illumine son humanité. La voix dans la nuée confirme l’option que Jésus vient de faire : il est le Fils bien-aimé, celui qui accomplit la promesse annoncée par la Loi et confirmée par les prophètes. Il est la Parole vivante qui donne la vie ; c’est lui désormais qu’il nous faut écouter. Moïse et Elie peuvent disparaître : tout est dit en Jésus-Christ.
Un jour ou l’autre, nous serons tous invités à offrir librement notre « Isaac » ; à accepter de mourir à ce qu’il y a en nous d’inauthentique, à ce qui fait obstacle à la transmission de la vie. Cette « épreuve » est pour chacun de nous la condition d’accès à notre identité profonde. Certes nous désirons tous nous débarrasser des oripeaux du vieil homme et devenir ce que nous sommes aux yeux de Dieu ; mais sommes-nous prêts à payer le prix ? Nous aimerions bien revêtir notre vêtement de lumière par-dessus nos guenilles, mais le Seigneur a dénoncé clairement la vanité de cette démarche : « personne ne raccommode un vieux vêtement avec une pièce d’étoffe neuve ; à vin nouveau outres neuves » (Mc 2, 21-22). Ce qui signifie que pour entrer dans la vie nouvelle de l’Esprit, il nous faut d’abord accepter de mourir à la vie selon la chair - entendons : renoncer à être les seuls maîtres à bord de notre barque. On comprend que dans de telles conditions, nous hésitions à faire le grand saut : qui aurait le courage de quitter ses vieux repères, ses sécurités si chèrement acquises, sans avoir la moindre certitude sur ce qui l’attend ? Pourtant c’est bien le pas qui un jour ou l’autre nous sera demandé à tous. Comme Saint Pierre au matin de Pâque, nous nous entendrons dire par le Seigneur : « Amen, amen je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller » (Jn 21, 18). Simon avait déjà répondu à l’appel du Seigneur et s’était mis généreusement à sa suite ; pourtant c’est ce second appel, dans le dépouillement le plus radical, qui est véritablement fondateur de sa mission. Il a fallu que Pierre apprenne à connaître Jésus en cheminant avec lui, puis qu’à travers sa trahison, il fasse l’épreuve de sa fragilité, avant de pouvoir saisir à la fois la gratuité de l’appel de son Maître, et la radicalité de la réponse qu’il convient de lui donner.
Tel est le chemin du disciple - de tout disciple. Ne croyons pas que Dieu prenne plaisir à nous faire souffrir : « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens ! » (Ps 115), mais il n’y a pas d’autre chemin pour venir jusqu’à lui, que celui de la Pâque, sur lequel Jésus nous précède. Le Seigneur désire ardemment « briser les chaînes » qui nous empêchent de quitter ce vieux monde qui passe, pour accéder au monde nouveau ; mais il ne peut le faire sans notre consentement. Pour oser le grand passage, puisons notre courage dans la parole de l’Apôtre : « Si Dieu n’a pas refusé son propre Fils, alors comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout ? » (2nd lect.). Oui nous le croyons : par le Christ, avec lui et en lui, chacune de nos « morts » peut devenir une Pâque qui s’ouvre sur la vie, une vie toujours plus pleine, plus authentique qui nous rapproche de lui.

« “Jésus ressuscité, toi qui intercède pour nous à la droite de Dieu » (2nd lect.), augmente en nous la foi, l’espérance et la charité ; donne-nous l’audace de te suivre sur le chemin de nos Pâques quotidiennes. Illuminés par la présence intérieure de ton Esprit qui transfigurera nos pauvres vies, nous découvrirons alors qui nous sommes à tes yeux, et nous pourrons « marcher en ta présence sur la terre des vivants » (Ps 115).



Père Joseph-Marie.

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06/03/2009

UNE IMPARABLE LOGIQUE.

La logique est imparable : « Si vous prétendez avoir Dieu pour père, adoptez son comportement. Or “il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes”. Faites donc de même : comblez de bénédictions vos ennemis - c’est-à-dire “ceux qui ne vous aiment pas” - autant et même davantage que vos amis, afin qu’ils vous reconnaissent comme leurs frères ».
L’invitation de Jésus constitue une véritable révolution religieuse : le Dieu qu’il révèle n’est pas seulement le Père d’Israël, mais de tous les hommes, qu’ils soient juifs ou païens, bons ou mauvais, justes ou injustes. Il est décidément loin le temps où les prophètes prononçaient l’anathème sur les ennemis du peuple saint ! C’était bien sûr avant tout contre les idoles que fulminaient les prophètes - et contre ceux qui, en les adorant, offensaient Dieu et constituaient une tentation pour Israël. Il n’en reste pas moins que c’est au nom du Seigneur que les prophètes prononçaient l’anathème sur les ennemis d’Israël. On comprend dès lors que le caractère universel du message de salut annoncé par Jésus, a dû choquer ses auditeurs - du moins ceux qui demeuraient fermement attachés à la Tradition de leurs pères.
Inutile d’insister sur l’actualité de ce message dans le contexte de la recrudescence de la violence pour des motifs religieux. A la suite de Jean-Paul II, Benoît XVI ne cesse de dénoncer la contradiction qui consiste à tuer au nom de Dieu. Et pourtant, l’histoire de l’Église n’est pas exempte de contre-témoignages sur ce point particulièrement délicat. Certes il ne faudrait pas majorer ces comportements antiévangéliques pour lesquels le pape Jean-Paul II a courageusement fait acte public de repentance à l’occasion du Jubilé de l’An 2000. Mais ces exactions nous invitent à la vigilance : nous ne sommes guères « meilleurs » que ces chrétiens des siècles passés, et chaque époque a sa manière propre de prononcer l’anathème.
En cette période de carême, nous pourrions prendre la résolution de jeûner de toute pensée d’exclusion, de rejet, c’est-à-dire de haine. Si nous nous y rendons attentifs, nous serons sans doute surpris de découvrir à quel point nous sommes habités par ce genre de pensées et de sentiments hostiles - le plus souvent à notre insu. Reconnaissons-le : la différence fait peur, qu’elle soit religieuse, raciale, politique ou culturelle ; et devant la peur, le réflexe spontané est la fuite ou la défense agressive. Or c’est précisément contre ces réflexes « naturels » du vieil homme que Jésus nous invite à réagir vigoureusement.
« Afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux » : cette parole semble s’adresser tout particulièrement à nous, qui avons reçu par le baptême, la grâce de la filiation divine. On peut être « ontologiquement » fils du Père, sans l’être « vraiment », c’est-à-dire sans adopter le comportement qui s’impose à nous au nom de cette filiation universelle de tous les hommes. Or pour être « en vérité » fils de Dieu, il faut nécessairement l’être « en Esprit », c’est-à-dire nous laisser conduire par l’Esprit. C’est bien ce que le Seigneur nous rappelait dans la première lecture : il s’engage à être notre Dieu si nous « écoutons sa voix et gardons et observons de tout notre cœur et de toute notre âme ses commandements, ses ordres et ses décrets ». La communion avec le Christ suppose une appartenance radicale au Seigneur, appartenance que nous manifestons précisément par l’obéissance à sa Parole. Certes cette réponse est un don de Dieu ; elle est participation à l’obéissance du Christ dans l’Esprit ; mais celui-ci ne nous aide que dans la mesure de notre engagement ou plutôt de notre consentement à son action. Le « cœur droit » dont parle le psalmiste est celui qui se laisse instruire par les justes décisions du Seigneur et qui les observe dans la force que lui communique l’Esprit. C’est ainsi et ainsi seulement que nous deviendrons « un peuple consacré au Seigneur notre Dieu », c’est-à-dire un peuple qui lui appartient et qui témoigne par son obéissance au précepte de l’amour fraternel, de la Bonne Nouvelle de la filiation divine offerte à tous les hommes en Jésus Christ notre Seigneur.

« Dieu éternel notre Père, daigne tourner vers toi notre cœur, afin que nous soyons tout entiers à ton service, dans la recherche de l’unique nécessaire, et une vie remplie de charité » (Or. d’ouv.).



Père Joseph-Marie.

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05/03/2009

Puise dans ta colère la force de rétablir l’unité avec ton prochain.

L’enseignement de Jésus porte sur le mauvais usage que nous faisons de la colère. Celle-ci est un dynamisme dont Dieu a pourvu notre nature, afin de lui permettre de réagir avec fermeté contre tout ce qui tenterait de nous détourner du bien, et en particulier de Dieu, notre finalité surnaturelle et notre Bien suprême.
Pour le dire plus simplement, nous étions armés de la colère pour lutter efficacement contre le péché et faire triompher la charité. Or l’essence même du péché - celui des origines comme chacun de nos péchés personnels - consiste à résister à l’élan de charité qui nous porte vers Dieu ou vers notre prochain, pour nous replier égoïstement sur nous-mêmes. Le dynamisme de l’irascible se met alors au service de cette nouvelle orientation, s’opposant avec violence à tous ceux qui menacent notre avoir, notre pouvoir ou notre gloire.
La colère est ainsi devenue une passion qui s’éveille spontanément en nous dès que nous croyons subir une injustice. Elle trahit une forme d’auto-idolâtrie, dont l’expérience a hélas montré qu’elle peut nous entraîner à des expressions incontrôlées de violence. Un des buts de la loi - qu’elle soit civile ou religieuse - est précisément d’endiguer cette violence, si possible de la maîtriser. Voilà pourquoi « si quelqu’un commet un meurtre il en répondra au tribunal ».
Jésus cependant ne se contente pas de gérer les passions de manière à éviter leurs débordements dans le domaine social : il est venu pour éradiquer le péché et nous rétablir dans notre orientation originelle vers Dieu. Voilà pourquoi il ne dénonce pas seulement la violence physique due à la colère, mais toute forme d’expression de cette passion. Celle-ci est en effet toujours homicide, car elle est le fruit pervers de l’action du père du mensonge qui dès le commencement a voulu la mort de l’homme (cf. Jn 8, 48).
Les sanctions annoncées par Jésus et accompagnant les différents degrés de la colère, sont cependant proportionnelles aux degrés de responsabilité de celui qui s’en rend coupable. Notre-Seigneur sait bien qu’un mouvement spontané de colère peut nous aveugler au point de réduire la responsabilité de nos actes. Par contre l’insulte relève d’une volonté déterminée de nuire à la réputation de l’autre. Quant à la malédiction elle représente le comble de la malice puisqu’elle constitue la singerie inversée de la bienveillance divine : elle veut en effet consciemment détruire, en recourant à des puissances spirituelles démoniaques supposées accomplir les malheurs invoqués sur la victime. Voilà pourquoi celui qui « maudit son frère sera passible de la géhenne de feu » : il sera livré aux puissances auxquelles il a recours pour nuire à son prochain.
Ces paroles de Notre-Seigneur ne doivent pas être entendues comme des menaces proférées par un Dieu courroucé mais l’énoncé des conséquences de nos actes pervertis par le péché. Dieu lui, ne désire pas la mort du méchant mais « plutôt qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive » (1ère lect.). Aussi, après avoir dénoncé le mal et ses conséquences, Jésus poursuit-il son enseignement en exposant la fonction positive de la colère. Il s’agit de mobiliser cette puissance pour la mettre au service du dessein de Dieu, en particulier de l’unité de la famille humaine et non pas de sa division, de sa dispersion en factions ennemies. Ainsi donc « “si ton frère a quelque chose contre toi”, même si tu ne te souviens pas de lui avoir causé du tort, loin de t’enflammer de colère pour cette injustice et de contre-attaquer avec violence, laisse plutôt l’Esprit transformer cette passion en vertu constructrice : “va te réconcilier avec ton frère” ». En clair : puise dans ta colère la force de rétablir l’unité avec ton prochain.
Telle est l’offrande qui plaît à Dieu et qu’il désire que nous présentions sur son autel. N’en doutons pas : « si nous nous détournons de notre méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, nous sauverons notre vie ; si nous ouvrons les yeux et nous détournons de nos fautes, nous ne mourrons pas mais nous vivrons » (1ère lect.).

« Seigneur nous le croyons "près de toi est l’amour, l’abondance du rachat, c’est toi qui nous libères de toutes nos fautes et nous arraches aux profondeurs où elles nous avaient entraînés " (Ps 129). Donne-nous en ce temps de carême de nous laisser convertir par ta grâce afin que nous nous détournions de tous les péchés que nous avons commis, que "nous observions tous tes commandements et pratiquions le droit et la justice" (1ère lect.). Renouvelés dans l’Esprit Saint nous pourrons alors devenir des artisans de la réconciliation de la famille humaine et des bâtisseurs de la cité de la paix, la Jérusalem nouvelle où tu règneras pour les siècles ».



Père Joseph-Marie.

21:02 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation, spiritualite, action-sociale-chretienne |  Imprimer | |  del.icio.us | | Digg! Digg | |  Facebook | | | Pin it! |