09/09/2006
Prière pour faire de sa journée un chant de louange.
Le psaume 47 est un chant en l'honneur de Sion, la « cité du grand roi » (Ps 47, 3), alors siège du temple du Seigneur et lieu de sa présence au milieu de l'humanité. La foi chrétienne l'applique désormais à « la Jérusalem d'en-haut », qui est « notre mère » (Ga 4, 26). La tonalité liturgique de cette hymne, l'évocation d'une joyeuse procession (cf. versets 13-14), la vision pacifique de Jérusalem qui reflète le salut divin, font du psaume 47 une prière qui peut ouvrir la journée pour en faire un chant de louange, même si quelques nuages s'accumulent à l'horizon.
Trois acclamations
Pour saisir le sens du psaume, trois acclamations peuvent nous venir en aide, qui sont placées au début, au milieu et à la fin, comme pour nous donner la clef spirituelle de sa composition et nous introduire en son climat intérieur. Voici ces trois invocations : « Il est grand le Seigneur, hautement loué, dans la ville de notre Dieu » (v. 2) ; « Dieu, nous revivons ton amour au milieu de ton temple » (v. 10) ; « Ce Dieu est notre Dieu pour toujours et à jamais, notre guide pour les siècles » (v. 15).
Le triomphe pour Jérusalem
Ces trois acclamations, qui exaltent le Seigneur mais aussi « la cité de notre Dieu » (v. 2), encadrent deux grandes parties du psaume. La première est une joyeuse célébration de la ville sainte, la Sion victorieuse des assauts des ennemis, sereine sous le manteau de la protection divine (cf. v. 3-8). Nous avons comme une litanie de définitions de cette ville : elle est une montagne admirable qui se dresse comme un phare de lumière, une source de joie pour tous les peuples de la terre, l'unique véritable « Olympe » où le ciel et la terre se rencontrent. Elle est - pour employer une expression du prophète Ezéchiel - la ville-Emmanuel, parce que « Dieu est là », présent en elle (cf. Ez 48, 35). Mais autour de Jérusalem se massent les troupes qui vont l'assiéger, comme un symbole du mal qui attente à la splendeur de la cité de Dieu. Le combat a une issue escomptée et presque immédiate.
En effet, en attaquant la cité sainte, les puissants de la terre ont provoqué aussi son Roi, le Seigneur. Le Psalmiste montre combien se dissipe l'orgueil d'une armée puissante, par l'image suggestive des douleurs de l'enfantement : « Et voilà qu'un tremblement les saisit, douleurs de femme qui accouche » (v. 7). L'arrogance se transforme en fragilité et en faiblesse, la puissance en chute et en défaite.
La même idée est exprimée par une autre image : l'armée en marche est comparée à une invincible armada navale sur laquelle s'abat un typhon engendré par un terrible vent d'est (cf. v. 8). Demeure, donc, une certitude indéracinable pour qui se tient à l'ombre de la protection divine : le dernier mot n'est pas confié au mal mais au bien : Dieu triomphe des puissances hostiles, même quand elles semblent grandioses et invincibles.
De génération en génération
Le fidèle, alors, célèbre justement dans le temple son action de grâce au Dieu libérateur. Son hymne est une hymne à l'amour miséricordieux du Seigneur, exprimé par le terme hébreu hésed, typique de la théologie de l'Alliance. Nous sommes ainsi dans la seconde partie du psaume (cf. v. 10-14). Après le grand chant de louange au Dieu fidèle, juste et sauveur (cf. v. 10-12), se déroule une sorte de procession autour du temple et de la cité sainte (cf. v. 13-14). On compte ses tours, signes de la sûre protection de Dieu, on observe ses fortifications, expression de la stabilité donnée à Sion par son Fondateur. Les murs de Jérusalem parlent et ses pierres rappellent les faits qui doivent être transmis « aux générations futures » (v. 14) par le récit qu'en feront les pères à leurs fils (cf. Ps 77, 3-7). Sion est le lieu d'une chaîne ininterrompue d'actions salvatrices du Seigneur, qui sont annoncées dans la catéchèse et célébrées dans la liturgie, pour que demeure chez les croyants l'espérance en l'intervention libératrice de Dieu.
L'antienne qui conclut le psaume est très belle, une des plus hautes définitions du Seigneur en tant que pasteur de son peuple : « Celui qui nous guide » (v. 15). Le Dieu de Sion est le Dieu de l'Exode, de la liberté, de la proximité avec le peuple esclave en Égypte et en pèlerinage dans le désert. Maintenant qu'Israël est établi dans la terre promise, il sait que le Seigneur ne l'abandonne pas : Jérusalem est le signe de sa proximité, et le temple est le lieu de sa présence.
Vers la Jérusalem céleste
En relisant ces expressions, le chrétien s'élève à la contemplation du Christ, le temple nouveau et vivant de Dieu (cf. Jn 2, 21), et il se tourne vers la Jérusalem céleste, qui n'a plus besoin de temple et de lumière extérieure, car « son temple, c'est le Seigneur, le Dieu tout-puissant, et l'Agneau... La gloire de Dieu l'illumine, et sa source de lumière, c'est l'Agneau » (Ap 21, 22-23). Saint Augustin nous invite à une telle relecture « spirituelle », convaincu que dans les Livres de la Bible, « plus rien ne se rapportera exclusivement à la Jérusalem terrestre, si tout ce qui est prédit et accompli à son sujet se rapporte aussi par quelque aspect allégorique à la Jérusalem céleste » ( La Cité de Dieu, XVII, 3, 2). Saint Paulin de Nole lui fait écho lorsque, commentant précisément notre psaume, il exhorte à prier afin que « nous puissions être trouvés comme des pierres vivantes dans les murs de la Jérusalem céleste et libre » ( Lettre 28, 2, à Sévère). Et, contemplant la solidité et la compacité de cette ville, ce même Père de l'Église continue : « En effet, celui qui habite cette ville se révèle comme l'Un en trois Personnes... Le Christ en a constitué non seulement le fondement, mais aussi la tour et la porte... Si donc la maison de notre âme se fonde sur lui et si sur lui s'élève une construction digne d'un si grand fondement, alors la porte d'entrée en sa cité sera pour nous précisément celui qui nous guidera au long des siècles et qui nous établira dans le lieu de son pâturage ».
Audience générale du 17 octobre 2001
la documentation catholique, numéro 2258 du 18/11/2001. Rubrique Actes du Pape Jean-Paul II, paru en page 973
14:56 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Quelle Bonne Nouvelle !
« C’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu », clame le prophète dans la première lecture. Et pas seulement ! « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient ». L’annonce est radicale. Notre Dieu se présente à nous comme un Dieu vengeur. Il faut reconnaître que ce n’est pas forcément pour nous déplaire. Le Seigneur semble avoir enfin entendu nos cris et vu notre détresse, il a vu l’infamie et les injustices dont nous souffrons. L’ordre des choses va être rétabli, « il vient lui-même et va nous sauver ». Quelle bonne nouvelle.
Mais, dans la vengeance comme dans les autres choses de la vie, le Seigneur notre Dieu a des pensées plus élevées que les nôtres. Il est très important de le comprendre et de l’accueillir comme tel. En effet, nous avons souvent le reflexe de prêter à Dieu notre propre vertu ou l’image de notre qualités morales. Mais Dieu est bien plus grand que ça. Il ne se contente pas des demi-mesures qui font notre fierté : « se venger n’est pas beau ». Non, Dieu est réellement un Dieu vengeur et il a décidé de rendre justice lui-même. Mais ses pensées sont bien au-delà des nôtres. S’il s’agissait seulement de punir les coupables, ce serait encore faire le jeu du mal qui cherche l’avilissement et la destruction de l’homme. Quand il se venge, Dieu détruit le mal.
Ainsi, s’il nous est agréable d’entendre le psaume promettre un tribunal : « Le Seigneur fait justice aux opprimés », il ne faut pas interrompre l’élan de la prophétie d’Isaïe... Voici sa vengeance : « alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds ». Alors nous verrons le monde tel qu’il est, tel que Dieu l’aime. Alors nous verrons les chemins sur lesquels le Seigneur nous conduit selon leur vraie valeur de sainteté et de gloire, quand bien même aujourd’hui ils revêtent encore l’apparence de la médiocrité et portent souvent le poids de la souffrance. Le psaume décrit bien cette merveille : « Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes ». Même ceux qui ont été humiliés dans leur corps par la maladie ou le handicap, même ceux qui ont souffert dans leur psychisme, même ceux qui n’auront jamais connu le bonheur, seront libérés et partageront la récompense des justes : l’amour du Seigneur. La victoire de notre Dieu est totale.
Les yeux fixés sur cette victoire, nous abordons la deuxième lecture, où saint Jacques implore les chrétiens dans le même registre : « ne mêlez pas des considérations de personnes avec la foi en Jésus-Christ, notre Seigneur de gloire ». Le Seigneur nous a élevés à la hauteur de ses pensées, conformons donc nos actes à ses projets, vivons de sa victoire ! Arrêtons de « juger selon des valeurs fausses » et vivons déjà dans l’unité et la charité de ceux qui partagent les fruits de la résurrection.
Voilà qui nous prépare à accueillir l’évangile de ce jour. Une nouvelle fois, en effet, le Seigneur franchit les frontières que les hommes ont établies. Alors que ses proches amènent à Jésus un infirme, et lui demandent de lui imposer les mains, Jésus n’en fait rien. Il l’emmène à l’écart de la foule pour un tête-à-tête loin des regards indiscrets. Évidemment, la présence des témoins n’est pas nécessaire à la réalisation d’un miracle, mais divers signes montrent qu’il y a plus dans cet isolement temporaire. Cette guérison a un caractère particulier.
En effet, il n’est pas non plus nécessaire que Jésus touche les organes malades pour guérir ; sa parole suffit. Or il les touche, il prend de sa salive et il soupire fortement, comme on le ferait devant un travail difficile, comme on le fait quand on souffre soi-même. Certes, par ces gestes Jésus apparaît comme médecin, en ce sens qu’il travaille comme tous les médecins de l’époque. Mais il est un médecin particulier : il lève les yeux au Ciel, montrant que sa médecine n’est pas humaine. Et il parle en araméen ; l’emploi spontané de sa langue maternelle dit combien Jésus est impliqué personnellement dans cette guérison. Il s’investit tout entier dans un acte qui le mobilise, dans une relation où il se dit en profondeur, sans barrières. L’opération implique sa relation à Dieu et l’engage envers les hommes dans ce qu’il a de plus intime.
Alors, la langue de l’homme fut « déliée », libérée. Entendant bien, il peut maintenant parler « droitement ».
Sans doute pouvons-nous lire dans cette guérison le cœur de ce que Jésus vient nous apporter : l’appel à la vie, le « ouvre-toi » qui donne d’entendre le Seigneur et d’entrer en relation avec lui comme il convient, dans l’amour. Jésus s’implique tout entier car le salut qu’il apporte consiste en cela : nous réconcilier avec le Père et avec nous-mêmes, rétablir les relations rompues et redonner la capacité de les vivre.
Mais les amis du malade n’ont pas perçu cela. Certes, ils ont vu la grandeur de Jésus et se mettent à prêcher. Ce faisant, ils font une belle déclaration de foi, tissée avec les mots du prophète Isaïe. Ils sont pourtant passés à côté de l’essentiel. Ils prétendent que « les sourds entendent et les muets parlent » comme si Jésus avait traité distinctement deux catégories de malades. Il a fait bien plus : il a guérit la surdité qui empêche de parler correctement. Assurément, ces hommes qui ont amené leur ami à Jésus auraient dû s’avancer à leur tour, pour demander à Jésus de prononcer sur eux aussi le « ephphata » qui restaure dans l’intimité de Dieu et dans la relation fraternelle.
Prenons cette mécompréhension à notre compte, et ne la sous-estimons pas : les disciples en effet sont étrangement absents de cet épisode. Il est donc possible de vivre avec Jésus et de rester étranger à la profondeur de son amour. Aussi avançons-nous bien vite vers le Seigneur.
Seigneur Jésus, prononce sur nous le « ephphata ». Touche nos cœurs fermés et malades, commande-leur de vivre de ta vie. Exerce sur nous ta vengeance en détruisant toute compromission avec la surdité de nos cœurs qui nous fait mal parler avec toi et avec nos frères. Ne permets pas que nos journées s’écoulent dans l’indifférence et la méconnaissance des signes de ta présence. Ouvre-nous, Seigneur, aux merveilles de ton amour, et nous serons sauvés.
Frère Dominique
14:50 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Dieu accompagne notre route.
L’amour vrai n’étouffe pas la liberté
C’est aussi ce qui rend le moment présent si important et si passionnant : c’est là que se vit la grande aventure de la sainteté! D’instant en instant, quels que soient ma situation, ma condition, mon âge, l’appel de Dieu prend une forme très concrète, inédite, et m’invite à des décisions que personne ne peut prendre à ma place. En m’appelant à la sainteté, Dieu en appelle à ma liberté, seule capable d’entendre pareil appel, seule capable d’y répondre par un choix bien précis, d’accueil ou de refus. Même si ces choix dessinent des méandres, l’amour de Dieu les suit patiemment et fidèlement, comme une offre toujours renouvelée, aussi neuve et inédite que le moment présent… Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe dans une éducation réussie pour comprendre que l’amour vrai n’étouffe pas la liberté mais la suscite et l’aide à grandir. «Dieu s’élance vers l’homme pour que l’homme s’élance vers lui» : Il crée devant nous du possible, pas du nécessaire ni du fatal!
Marguerite Léna |
11:11 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
08/09/2006
Hymne au Seigneur, roi de l’univers.
Psaume 46.
« Le Seigneur, le Très-Haut, le grand roi sur toute la terre ! ». Cette acclamation initiale est répétée selon des tons divers tout au long du psaume 46. Il se présente comme une hymne au Seigneur souverain de l'univers et de l'histoire : « Dieu est le roi de toute la terre... Il règne, Dieu, sur les païens » (v. 8-9).
Cette hymne au Seigneur, roi du monde et de l'humanité, comme d'autres compositions semblables qui se trouvent dans le psautier (cf. Ps 92 ; 95-98), suppose une atmosphère de célébration liturgique. Nous sommes donc au coeur spirituel de la louange d'Israël, qui monte jusqu'au ciel en partant de la terre, le lieu où le Dieu infini et éternel se dévoile et rencontre son peuple.
La toute-puissance de Dieu
Nous suivrons ce chant de louange joyeuse en ses moments fondamentaux, semblables à deux vagues qui avancent vers la plage de la mer. Ils diffèrent dans la manière d'appréhender la relation entre Israël et les nations. Dans la première partie du psaume, la relation est de domination : Dieu « nous soumet des nations, il tient des peuples sous nos pieds » (v. 4) ; dans la seconde partie, au contraire, la relation est d'association : « Les chefs des peuples se sont rassemblés avec le peuple du Dieu d'Abraham » (v. 10). On note donc un beau progrès. Dans la première partie (cf. v. 2-6), on dit : Tous les peuples, battez des mains, acclamez Dieu par vos cris de joie » (v. 2). Le centre de cet applaudissement festif est la figure grandiose du Seigneur suprême, auquel on attribue trois titres glorieux : « très-haut, grand et redoutable » (v. 3). Ils exaltent la transcendance divine, le primat absolu dans l'être, la toute-puissance. Lui aussi, le Christ ressuscité s'exclamera : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28, 18).
À l'intérieur de cette seigneurie universelle de Dieu sur tous les peuples de la terre (cf. v. 4), l'homme en prière met en évidence sa présence particulière en Israël, le peuple de l'élection divine, « le bien-aimé », l'héritage le plus précieux et le plus cher au Seigneur (cf. v. 5). Israël sent donc qu'il est l'objet d'un amour particulier de Dieu, qui s'est manifesté par la victoire remportée sur les nations hostiles. Au cours de la bataille, la présence de l'Arche de l'Alliance près des troupes d'Israël leur assurait l'aide de Dieu ; après la victoire, l'Arche remontait au mont Sion (cf. Ps 67, 19), et tous proclamaient : « Dieu s'élève parmi les ovations, le Seigneur aux éclats du cor » (Ps 46, 6).
Le Dieu de l’Alliance universelle
Le second moment du psaume (cf. v. 7-10) est ouvert par une autre vague de louange et de chant festif : « Chantez des hymnes pour notre Dieu, chantez des hymnes ; chantez des hymnes pour notre roi, chantez... Que vos musiques l'annoncent » (v. 7-8). Maintenant aussi on célèbre par des hymnes le Seigneur assis sur son trône dans la plénitude de sa royauté (cf. v. 9). Ce siège royal est appelé « saint », parce que l'homme limité et pécheur ne peut s'en approcher. Mais le trône céleste est aussi l'Arche de l'Alliance présente dans la zone la plus sacrée du Temple de Sion. De cette manière, le Dieu lointain et transcendant, saint et infini, se rend proche de ses créatures, s'adaptant à l'espace et au temps (cf. 1 R 8, 27-30).
Le psaume finit sur une note qui surprend par son ouverture universaliste : « Les chefs des peuples se sont rassemblés avec le peuple du Dieu d'Abraham » (v. 10). On remonte à Abraham, le Patriarche qui est à la racine non seulement d'Israël mais aussi d'autres nations. Au peuple élu qui descend de lui est confiée la mission de faire converger vers le Seigneur toutes les nations et toutes les cultures, parce qu'il est le Dieu de toute l'humanité. De l'Orient et de l'Occident, elles se rassembleront alors à Sion pour rencontrer ce roi de paix et d'amour, d'unité et de fraternité (cf. Mt 8, 11). Comme l'espérait le prophète Isaïe, les peuples animés d'hostilité réciproque recevront l'invitation à jeter à terre leurs armes et à vivre ensemble sous l'unique souveraineté divine, sous un gouvernement régi par la justice et la paix (Is 2, 2-5). Les yeux de tous seront fixés sur la nouvelle Jérusalem où le Seigneur « monte » pour se révéler dans la gloire de sa divinité. Ce sera « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues... Et ils proclamaient d'une voix forte : "Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l'Agneau" » (Ap 7, 9-10).
Jésus, sauveur des hommes
La Lettre aux Éphésiens voit la réalisation de cette prophétie dans le mystère du Christ rédempteur, quand elle affirme, s'adressant aux chrétiens qui ne viennent pas du judaïsme : « Souvenez-vous donc de ce que vous étiez autrefois, marqués comme païens dans votre corps... En ce temps-là, vous n'aviez pas de Messie à attendre, vous n'aviez pas droit de cité dans le peuple de Dieu, vous étiez étrangers aux alliances et à la promesse, vous n'aviez pas d'espérance et, dans le monde, vous étiez sans Dieu. Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C'est lui, le Christ, qui est notre paix ; des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine » (Ep 2, 11-14).
Dans le Christ, donc, la royauté de Dieu, chantée par notre psaume, s'est réalisée sur terre à l'égard de tous les peuples. Une homélie anonyme du VIIIe siècle commente ce mystère en ces termes : « Jusqu'à la venue du Messie, espérance des nations, les peuples païens n'ont pas adoré Dieu et ne l'ont pas connu. Tant que le Messie ne les avait pas rachetés, Dieu n'a pas régné sur les nations grâce à leur obéissance et à leur culte. Maintenant, au contraire, Dieu, par sa Parole et son Esprit, règne sur elles, parce qu'il les a sauvées du mensonge et s'en est fait des amies » (Anonyme palestinien, Homélie arabo-chrétienne du VIIIe siècle, Rome 1994, p. 100).
Audience générale du 5 septembre 2001
la documentation catholique, numéro 2256 du 21/10/2001. Rubrique Actes du Pape Jean-Paul II, paru en page 871
Jean-Paul II |
10:13 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
Le Maître de la vie.
Dieu a ressuscité Jésus en le délivrant des douleurs de la mort
Pierre est le premier à annoncer l'événement fondateur de ce qui deviendra le christianisme. Cette première annonce se trouve au début du livre des Actes des Apôtres : elle est faite le jour de la Pentecôte. Jour où l'Esprit qui animait Jésus est donné à ses disciples. Jour où tous les habitants de Jérusalem, y compris les nombreux étrangers qui y résidaient, s'étonnent en écoutant les apôtres leur parler : « Comment se fait-il que, tous, nous les entendons parler des grandeurs de Dieu dans nos langues maternelles ? » (chapitre 2)
Nous touchons ici à la plus grande originalité de la prière chrétienne. Et elle est double.
1) La prière nous fait entendre les merveilles de Dieu dans notre langue, c'est-à-dire notre culture, notre sensibilité, etc. Inutile donc d'apprendre une langue étrangère pour comprendre Dieu. C'est lui qui se met à nous met à notre portée quand nous l'écoutons.
2) Prier le Dieu de Jésus-Christ, son Père et notre Père, nous conduit d'une manière ou d'une autre à entrer concrètement dans le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus. Il s'agit pour chacun d'entre nous de passer de la mort à la vie, dès maintenant, et un peu plus chaque jour, en nous laissant saisir par celui que la mort n'a pas pu retenir.
Notre coeur n'a-t-il pas brûlé lorsqu'il nous parlait sur la route et qu'il nous dévoilait les Écritures ?
L'expérience des disciples d'Emmaüs nous fait toucher du doigt le dynamisme pascal : quitter notre tristesse, notre désespérance pour nous laisser entraîner par le Christ ressuscité. Nous connaissons ce très beau récit de l'Évangile de Luc ( au chapitre 24 ) : Jésus rejoint deux disciples sur leur route, il leur demande ce qui se passe, il les écoute, puis leur ouvre les Écritures (la Bible), il reste ensuite avec eux le soir, il partage le repas, rompt le pain et le leur donne. Ce dernier geste le fera reconnaître. Convertis à la présence du Ressuscité dans leur vie, les deux disciples s'en retourneront joyeux à Jérusalem annoncer la bonne nouvelle à leurs frères !
La prière est ce moment privilégié où se joue pour chacun d'entre nous ce retournement de situation. Pour cela deux éléments sont nécessaires : parler à Dieu de ce qui habite notre coeur, lui confier nos joies comme nos peines, puis écouter sa Parole dans les Écritures, l'entendre avec les oreilles de notre coeur.
Cette même dynamique est aussi à l'oeuvre dans chaque eucharistie où l'écoute de la Parole de Dieu conduit au partage du pain. Sommet la prière chrétienne, la messe nous rassemble avec tous ceux qui cherchent le Seigneur sur les routes de leurs vies.
Comme avec Adam
tous meurent
avec le Christ aussi
tous vivront
Saint Paul parlera avec beaucoup de force de ce que produit la rencontre du Ressuscité. Une double certitude l'habite désormais : si nous mourons tous (comme Adam, être humain tiré de la terre), nous vivrons aussi avec le Christ (comme lui, être humain appelé à partager la gloire de Dieu).
La prière nous aide à faire le lien entre ce que nous vivons dans cette vie (nous sommes tous des Adam ! ce que signifie notre naissance) et ce qui nous est donné par Dieu (nous sommes tous des Christ ! ce que signifie notre baptême). Elle permet de nous donner comme des lunettes pour voir en relief notre existence. Elle est comme une aire de repos sur les voies rapides de nos existences : se reposer avec le Christ, pour mieux se laisser entraîner par lui lorsque nous reprenons la route, celle des Emmaüs de nos vies.
Concrètement, que faire ?
- Pour cette étape, commencez par contempler le Christ Sauveur de l'animation multimédia que nous vous proposons. En écho, plongez-vous également dans l'homélie ancienne pour le grand et saint Samedi : « Éveille Toi, ô toi qui dors » (lien sur la colonne de droite, en haut de cet écran).
- Prenez ensuite un temps de méditation sur le passage de la lettre de saint Paul. C'est un texte spirituel d'une haute teneur. Son abord est difficile. Mais lisez-le à voix haute plusieurs fois, vous serez surpris de l'effet produit.
- Pour aller un peu plus loin encore, consacrez un temps de prière (20 minutes par exemple) pour dire au Seigneur vos joies et vos tristesses, vos espérances et vos déceptions. Confiez-lui ce qui habite votre coeur. Il saura le rendre brûlant.
Thierry Lamboley, sj |
10:09 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
06/09/2006
Les deux types d’homme.
Les deux types d’homme Psaume 35 Chaque fois que commence une journée de travail et de rapports humains, tout homme peut prendre deux attitudes fondamentales : celle du bien, ou alors céder au mal. Le psaume 35 présente précisément ces deux aspects antithétiques. D'un côté, il y a celui qui, dès qu'il est sur le point de quitter son « grabat », trame des projets iniques ; de l'autre, celui qui, au contraire, cherche Dieu, « source de la vie » (verset 10). À l'abîme de la malice de l'impie s'oppose l'abîme de la bonté de Dieu, source vive qui désaltère et lumière qui éclaire le fidèle. Ce sont donc deux types d'homme qui sont décrits par la prière psalmique, et que la Liturgie des Heures nous propose pour les Laudes du mercredi de la première semaine. La malice du pécheur Le premier portrait que le Psalmiste nous présente est celui du pécheur (cf. versets 2-5). En lui, comme le dit l'original hébreu, il y a « l'oracle du péché ». L'expression est forte. Elle fait penser à une parole satanique qui, par contraste avec la parole divine, retentit dans le coeur et le langage de l'impie. Chez lui, le mal semble connaturel à sa réalité intime, de sorte qu'il sort de lui en paroles et en actes (cf. versets 3-4). Il passe ses journées à choisir « des voies qui ne sont pas bonnes », et cela depuis tôt le matin, quand il est encore sur son « grabat » (verset 5), jusqu'au soir, quand il est sur le point de s'endormir. Ce choix constant du pécheur découle d'une option qui implique toute son existence et engendre la mort. Le chercheur de Dieu Mais le Psalmiste est entièrement tendu vers l'autre portrait dans lequel il souhaite se refléter : celui de l'homme qui cherche le visage de Dieu (cf. versets 6-13). Il élève un véritable chant à l'amour divin (cf. versets 6-11), qu'il fait suivre, en finale, d'une invocation suppliante pour être libéré de l'obscure fascination du mal et être enveloppé à jamais de la lumière de la grâce. Dans ce chant, se déploie une véritable litanie de termes qui célèbrent les traits fondamentaux du Dieu d'amour : la grâce, la fidélité, la justice, le jugement, le salut, l'ombre protectrice, l'abondance, les délices, la vie, la lumière. Plus particulièrement, il faut souligner quatre de ces traits divins, exprimés par des mots hébreux qui ont une valeur plus intense que ceux qu'emploient les traductions dans les langues modernes. La quadruple bonté du Seigneur Il y a tout d'abord le terme de hésed, « grâce », qui est tout à la fois fidélité, amour, loyauté, tendresse. C'est un des termes fondamentaux pour exalter l'Alliance entre le Seigneur et son peuple. Et il est significatif qu'il apparaisse au moins 127 fois dans le psautier, plus de la moitié des fois où ce mot revient dans le reste de l'Ancien Testament. Il y a ensuite l'émunah, qui vient de la même racine que le mot amen, le mot de la foi, et qui signifie stabilité, sécurité, fidélité inébranlable. Vient ensuite la sedaqah, la « justice », qui a une signification surtout salvifique : c'est l'attitude sainte et prévoyante de Dieu qui, par son intervention dans l'histoire, libère son fidèle du mal et de l'injustice. Voici enfin la mishpat, le « jugement », par lequel Dieu gouverne ses créatures, se penchant sur les pauvres et les opprimés, et faisant plier les arrogants et les puissants. Quatre mots théologiques, que l'homme en prière répète dans sa confession de foi, alors qu'il s'avance sur les routes du monde, certain d'avoir à ses côtés le Dieu plein d'amour, fidèle, juste et sauveur. Et ce n’est pas tout ! Aux divers titres par lesquels il exalte Dieu, le Psalmiste ajoute deux images suggestives. D'un côté, l'abondance de nourriture : elle fait penser avant tout au banquet sacré que l'on célébrait dans le Temple de Sion, avec les viandes des victimes sacrificielles. Il y aussi la source et le torrent, dont les eaux désaltèrent non seulement la gorge desséchée, mais aussi l'âme (cf. versets 9-10 ; Ps 41, 2-3 ; 62 2-6). Le Seigneur rassasie et désaltère l'homme en prière, il le rend participant de sa vie plénière et immortelle. L'autre image est donnée par le symbole de la lumière : « Par ta lumière, nous voyons la lumière » (verset 10). C'est une luminosité qui se répand comme « en cascade » et elle est un signe de la révélation de Dieu à son fidèle. Il en fut ainsi pour Moïse au Sinaï (cf. Ex 34, 29-30), et cela se passe ainsi pour le chrétien dans la mesure où, « un voile sur le visage, nous reflétons tous la gloire du Seigneur, et nous sommes transfigurés en son image » (2 Co 3, 18). Dans le langage des psaumes, « voir la lumière du visage de Dieu », cela signifie concrètement rencontrer le Seigneur dans le Temple, où l'on célèbre la prière liturgique et où l'on écoute la parole divine. Le chrétien fait lui aussi cette expérience quand il célèbre les louanges du Seigneur au début de la journée, avant d'emprunter les routes, qui ne sont pas toujours rectilignes, de la vie quotidienne. Audience générale du 22 août 2001 |
11:47 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
05/09/2006
Dieu peut régner dans le cœur des hommes.
La péricope de ce jour comporte trois parties : la guérison de la belle-mère de Pierre ; le ministère de compassion de Jésus auprès des foules ; la prière nocturne du Seigneur et le dévoilement de la raison de sa venue.
Sortant de la synagogue où il vient de manifester la puissance de sa Parole en libérant un homme d’un esprit impur, Notre-Seigneur entre sans transition dans la maison de Simon. Son action y est semblable : il interpelle vivement - littéralement il « menace » - la fièvre qui est obligée d’obéir à sa Parole et de quitter la malade sans tarder. « A l’instant même elle se leva et elle les servait ».
Le médecin Luc sait apprécier l’efficacité de l’intervention : pas besoin de convalescence, la femme est immédiatement disponible pour le service. Cependant, la transformation instantanée suggère qu’il ne s’agit précisément pas d’une guérison - celle-ci suppose toujours une inscription dans la durée - mais plutôt de l’irruption d’une vie nouvelle, qui vient prendre la place de l’ancienne, déficiente ; le terme utilisé pour exprimer le relèvement de la malade, suggère une participation anticipée à la résurrection de Jésus lui-même.
Sans plus attendre, la belle-mère de Simon se met à servir le Seigneur, prolongeant ainsi la liturgie qui vient de s’achever à la synagogue. Avec la venue du Christ, la présence de Dieu passe des lieux de culte institués, dans la maison des hommes, où l’Emmanuel veut prolonger l’intimité qu’il a vécue trente ans avec Marie et Joseph à Nazareth.
Le second volet prolonge la révélation de la toute-puissance de la Parole de Jésus en faveur de tous, sans distinction. Jésus « se penche » sur la misère de chacun en particulier, leur signifiant par le geste de l’imposition des mains, qu’il leur transmet une effusion de cette Force mystérieuse qu’il possède en surabondance, et que l’Evangile et les Actes nous permettront d’identifier progressivement. Il se confirme aujourd’hui que cette Puissance dérange les esprits impurs, au point qu’ils sont obligés de se retirer. Hier déjà nous les avions entendu confesser la sainteté unique de Jésus : « Je sais qui tu es : le Saint de Dieu », s’était exclamé un des leurs ; aujourd’hui la reconnaissance se précise encore : « Tu es le Fils de Dieu », titre qui est attribué à Jésus précise saint Luc « parce qu’ils savaient eux qu’il était le Messie », c’est-à-dire le Oint, celui sur qui repose l’Esprit Saint de Dieu.
Jésus ne les laisse cependant pas parler ; non seulement en raison de l’ambiguïté de leur proclamation, mais surtout parce qu’il ne veut recevoir de témoignage sur son identité que de Celui qui l’a envoyé et qui s’est déjà prononcé sur lui lors du baptême au Jourdain : « Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » (Lc 3, 22). C’est dans l’aujourd’hui de cet engendrement éternel que Jésus a pu proclamer : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il ma conféré l’onction ; il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération » (4, 18). Ce que le Seigneur vient précisément de faire en libérant par sa Parole ces hommes enchaînés dans les conséquences du péché.
Le troisième volet est une conclusion et une ouverture. Jésus a exercé son ministère toute la nuit, profitant de la fraîcheur. Au lever du jour, tandis que les autres prennent quelques heures de repos, il se retire à l’écart, hors de la ville - saint Marc précise : « pour prier » (Mc 1, 35). Mais bientôt les foules inquiètes de sa disparition, le rejoignent, bien décidées à garder auprès d’elles ce thaumaturge hors de l’ordinaire. Mais lui ne l’entend pas ainsi : il ne reçoit pas sa mission des hommes mais de son Père : « Il faut que j’aille aussi dans les autres villes : c’est pour cela que j’ai été envoyé ». On ne met pas la main sur la Parole, nul ne peut se l’approprier. Elle est toute entière à chacun de nous et toute à tous ; elle demeure libre et c’est dans la mesure où nous acceptons cette pauvreté de ne jamais la posséder, mais de toujours devoir la recevoir à nouveau, qu’elle nous libère à notre tour.
Si nous voulons jouir de la présence et de la puissance guérissante du Seigneur Jésus, il ne nous reste plus qu’à nous lever et à nous mettre en route à sa suite, « prêchant par la parole et par nos vies transformées, la bonne nouvelle » : Dieu peut à nouveau régner dans le cœur des hommes qui viennent chercher auprès de son Fils la délivrance et la guérison.
« Seigneur, nous ne sommes que “de faibles êtres de chair” dont “la conduite toute humaine” (1ère lect.) n’a pas grand-chose à voir avec les exigences de ton Evangile ! Pourtant nous mettons en toi notre confiance : nous ne sommes ni meilleurs ni pires que “ces hommes et ces femmes atteints de diverses maladies” qui se pressaient autour de toi aux portes de Capharnaüm, et auxquels tu as manifesté toute ta tendresse et ta miséricorde, alors qu’ils étaient tourmentés d’esprits mauvais. “Nous attendons de toi notre vie : tu es pour nous un appui, un bouclier. La joie de notre cœur vient de toi, notre confiance est dans ton nom très saint” (Ps 32). »
Père Joseph-Marie
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04/09/2006
Une Parole d'autorité qui Autorise.
Jésus est à Capharnaüm, ville cosmopolite de la Galilée des nations. Il enseigne probablement dans la synagogue, lieu de rassemblement des juifs pieux. Ici comme à Nazareth, son interprétation de la Thora surprend « parce que sa parole est pleine d’autorité ». Le terme « exousia » que nous traduisons par « autorité », implique que celui qui l’exerce est mandaté par Dieu. La conscience de sa mission unique donne à Jésus une totale assurance et une parfaite liberté. Il n’a que faire de répéter les commentaires des rabbis réputés : il parle en tant que Fils, en tant que Verbe incarné, qui récapitule et accomplit en sa Personne toutes les paroles authentiques que l’Esprit a inspirées aux prophètes pour préparer sa venue.
Même si l’enseignement de Jésus se situe en continuité avec les écrits et la tradition de la première Alliance qu’il porte à leur achèvement, la nouveauté et l’originalité de sa prédication sont telles, qu’elles ne pouvaient pas manquer de susciter des réactions. Non seulement parmi les responsables religieux qui s’inquiètent de l’orthodoxie de ce rabbi hors norme, mais aussi dans le camp du Prince de ce monde. Jusqu’à la venue de Jésus, le démon ne se sentait pas directement menacé par les discours prophétiques ; par contre le ton change avec ce rabbi de Nazareth. Aussi l’interpelle-t-il vivement par la voix d’un homme « possédé par un esprit démoniaque ». Fidèle à sa stratégie préférée, le Prince de ce monde demeure ambigu aussi bien dans la partie interrogative que dans la partie affirmative de son intervention, cherchant avant tout à jeter le trouble dans le cœur de l’assistance.
« Que nous veux-tu ? Où veux-tu nous entraîner avec tes beaux discours ? Cherches-tu à nous égarer hors du chemin que nous ont tracé nos pères dans la foi ? » Voilà de quoi semer le doute dans l’assemblée qui avait été « frappée » par l’enseignement de Notre-Seigneur.
« Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu » : l’insistance sur le savoir semble insinuer que Jésus cacherait sa véritable identité. Quant à l’expression « le Saint de Dieu », elle a dû faire l’effet d’une bombe, jetant un grand trouble parmi les témoins. Le démon ne lésine pas sur les moyens pour discréditer Jésus aux yeux des juifs pieux et le faire soupçonner de blasphème, voire de folie. Cherche-t-il par la même occasion à faire tomber dans l’orgueil ce rabbi dont la parole pleine d’autorité le dérange ? Ce n’est pas impossible, car même si les titres qu’il décline sont véridiques, le démon ignorait la véritable identité de Jésus.
Peut-être aussi l’expression utilisée par l’ennemi est-elle une formule de défi lancée dans le contexte d’un combat singulier, tel qu’il se déroulait dans le cadre des exorcismes de l’époque. Chacun des antagonistes cherchait à prononcer le nom et à dénoncer les pouvoirs occultes de l’adversaire, afin de prendre autorité sur lui. Jésus ne rentre pas dans ce genre de stratégie ; il n’a pas besoin de dévoiler l’identité du démon qui l’agresse, pour le maîtriser. Il se contente de « l’interpeller vivement », lui impose le silence, et le somme de quitter le possédé, par la seule « exousia » de sa parole. Le résultat ne se fait pas attendre : le démon est obligé de lâcher sa victime et disparaît sans un mot.
L’effroi fait suite à la stupeur parmi les témoins, qui se posent la question de l’origine de « cette parole » qui « commande avec autorité et puissance aux esprits mauvais » ? Cette interrogation traverse l’Evangile de part en part, et rejoint tous ceux qui se risquent à s’exposer au « Dabar » de Dieu, à sa « Parole-événement ». Aujourd’hui comme hier, l’enseignement de Jésus nous bouscule dans nos « habitudes religieuses » et oblige nos démons intérieurs à trahir leur présence. « Que nous veux-tu, Jésus ? Ne vois-tu pas que la culture occidentale a rejeté ton Evangile ? Sans doute es-tu le Saint de Dieu ; mais nous ne sommes que de pauvres hommes comme tous les autres, et nous devons adhérer aux orientations de notre temps sous peine d’être exclus de notre groupe social. Ne viens pas nous demander l’impossible ! »
Ne reconnaissant pas celui qui vient nous visiter, nous demeurons prisonniers de nos peurs, de nos impuissances et des filets du Malin, alors que le Tout-Puissant vient personnellement à nous en son Fils unique, pour nous offrir la délivrance et nous recréer à son image. Si nous pouvions croire vraiment en la présence réelle et agissante de Notre-Seigneur dans sa Parole et ses sacrements, nul doute que notre vie serait radicalement transformée. Nous serions animés non plus par l’esprit du monde, mais par « celui qui vient de Dieu ; ainsi nous prendrions conscience des dons que Dieu nous a faits » (1ère lect.), et nous pourrions le servir dans la paix, la joie et la liberté des fils - que nous sommes.
« Prends patience avec nous Seigneur, Père très saint, Dieu de "tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour" (Ps 144). Renouvelle-nous dans l’Esprit Saint, car "personne ne connaît ce qu’il y a en Dieu sinon l’Esprit de Dieu" (1ère lect.). Lui seul peut nous donner d’accueillir pleinement la Seigneurie de Jésus, lui seul peut nous faire "connaître la pensée du Christ" (Ibid.) et nous donner la force d’y conformer notre vie. Nous pourrons alors te rendre grâce et te bénir, annonçant aux hommes "la gloire et l’éclat de ton règne" (Ps 144), que la Résurrection de ton Fils a inauguré en ce monde ».
Père Joseph-Marie
19:23 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
A l'écoute de la Parole.
Ecouter, début de la prière chrétienne. Ecouter qui ? Dieu. Et pourquoi ? Car le propre de Dieu est de parler, de nous adresser la parole. Alors, pour entrer en relation avec lui, commençons par l'écouter.
Écoute, Israël
« Écoute, Israël : Unique est le Seigneur, le Seigneur notre Dieu ! Et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Livre du Deutéronome, chapitre 6, versets 4-5)
La prière chrétienne s'enracine dans la tradition juive. Elle y trouve son fondement (Jésus a appris à prier comme tous les juifs de son époque) et elle s'y nourrit encore aujourd'hui (pensons aux psaumes). Cette citation du Deutéronome est l'affirmation centrale de la foi juive. C'est une prière dite quatre fois par jour par les juifs. Elle est connue sous le nom de « Shema, Israël » (littéralement, écoute Israël).
Cet appel à l'écoute renvoie à l'évidence première que Dieu parle aux hommes. Le premier chapitre de la Genèse ne nous raconte-t-il pas que Dieu a créé le monde par sa Parole ? Oui, pour les chrétiens comme pour les juifs, l'écoute de la parole de Dieu est le début de l'entrée dans la vraie vie. « Choisis donc la vie, afin que tu vives, toi-même et ta postérité, en aimant le Seigneur ton Dieu, écoutant sa voix et t'attachant à lui ! » (Livre du Deutéronome, chapitre 30, verset 20)
Celui-ci est mon fils, mon aimé. Écoutez-le.
Qui parle ainsi ? Une voix qui sort d'une nuée (gros nuage épais) et s'adresse à Pierre, Jacques et Jean, trois hommes qui suivent depuis plusieurs mois un autre homme, Jésus de Nazareth. (Evangile selon saint Marc, chapitre 9, verset 7). Ecouter Jésus, c'est écouter Dieu, le Père, qui nous parle par son fils.
Saint Jean traduira cette certitude avec ces mots :
« La parole a pris chair parmi nous
elle a planté sa tente
et nous avons contemplé son éclat
éclat du fils unique du Père
plein de tendresse et de fidélité».
(Evangile selon saint Jean, chapitre 1, verset 14)
Ainsi, entrer en relation avec Jésus, c'est d'abord commencer par l'écouter. Ecouter ce qu'il nous dit et, en priorité, ce qu'il nous dit dans ce que nous relatent les Evangiles.
Écoute, mon fils, l'enseignement du maître, ouvre l'oreille de ton coeur !
« Écoute ». Tel est aussi le premier mot de la règle de saint Benoît, le grand fondateur de la vie monastique. Que font les bénédictins si ce n'est, selon leur propre devise, prier et travailler. Et pour eux, comme pour nous, cela s'apprend. Comment ? Par quelle pédagogie ? La réponse est simple : par l'écoute d'un maître spirituel qui, lui-même, a commencé à écouter, etc.
Ce dernier type d'écoute rejoint un autre aspect essentiel de la prière chrétienne : l'écoute de ce que l'Esprit Saint peut nous dire. En effet, si nous qualifions certains maîtres de « spirituels », c'est parce que leurs paroles nous conduisent à écouter l'Esprit Saint, celui-là même qui animait Jésus. Seul l'Esprit Saint peut nous faire entrer aujourd'hui dans la prière. Saint Paul ne l'écrivait-il pas aux Romains :
« Prier comme il faut, nous ne savons pas le faire. Mais le Souffle (l'Esprit Saint) lui-même intercède pour nous dans des gémissements indicibles. »
(Lettre de saint Paul aux Romains, chapitre 8, versets 26-27)
Et cet Esprit, nous l'avons tous reçu le jour de notre baptême.
Concrètement, que faire ?
- Durant les jours qui viennent, tenez ouvertes vos oreilles. Prenez le temps d'entendre ce qui se dit autour de vous, ce que les gens vous disent... sans tout de suite répondre ! Ecoutez, d'abord. Dans la vie quotidienne. Cela rejaillira ensuite dans la vie de prière.
- Consacrez du temps à l'écoute de la Parole de Dieu dans la Bible. Ecoutez Dieu qui demande de l'écouter ! Cela rejaillira ensuite dans la vie quotidienne.
- Consacrez aussi du temps à l'écoute d'une oeuvre d'art : de la musique bien sûr, mais aussi une peinture, une sculpture... Toute forme d'art qui aide à trouver une attitude d'écoute (décentrement de soi) et non de cérébralisation (centrement sur soi).
Thierry Lamboley, sj |
19:00 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |
03/09/2006
Qu’est-ce qui prouve que Dieu existe ?
Pour celui qui a l’habitude des preuves dans le domaine des savoirs scientifiques, il faut avouer que la réponse spontanée est négative! Rien ne prouve l’existence de Dieu, si j’entends par là une procédure de vérification expérimentale qui me permettrait de poser sa réalité comme on a pu poser celle du radium ou des ondes hertziennes. Mais si Dieu se vérifiait comme un objet du monde, il serait tout simplement une idole! Un Dieu contrôlable et manipulable, exactement ce que le peuple hébreu voulait se donner avec le veau d’or…
C’est par le témoignage ...
Il faut donc commencer par changer de registre, d’ «ordre», dirait Pascal. Alors je me rends compte qu’il y a des réalités, et ce sont même les plus précieuses, qui viennent à nous moins par démonstration que par témoignage : il faut rencontrer des témoins pour pouvoir affirmer la réalité de l’amour, ou de la justice ; c’est aussi par le témoignage de mes parents que je connais ma date de naissance, que je sais qui est mon père, qui est ma mère, sans que j’ai besoin habituellement pour cela des tests de l’ADN ! Non seulement j’ai besoin de témoins, mais il faut encore, de mon côté, que se creuse une oreille qui écoute, que je fasse confiance à la parole d’un autre et que je me rende disponible pour recevoir son témoignage, à travers les signes parfois minimes qu’il m’en donne.
Mais alors, quand il s’agit de Dieu, que de témoins et de témoignages viennent à notre rencontre! Il y a les mystiques de toutes les religions, il y a les prophètes et les sages d’Israël, les saints de la foi chrétienne. Il y a surtout Jésus de Nazareth, venant inscrire dans notre histoire les gestes de Dieu et traduire en mots audibles et en actes visibles sa Présence : «Qui m’a vu a vu le Père».
Seul l’amour comprend l’Amour
Alors je pressens que le monde, ma propre existence, la vie de mon intelligence et de ma conscience, les désirs de mon cœur, toutes ces réalités que je n’ai pas constituées, qui me sont données, pointent toutes silencieusement vers un Donateur. Qu’elle sont elles aussi des signes et des témoins d’un Autre. Et que peut-être il appartient à l’Amour d’être discret, de ne pas s’imposer, de demander le recueillement de l’esprit et l’ouverture du cœur pour pouvoir se manifester. Seul l’amour comprend l’Amour.
Marguerite Léna |
10:04 Écrit par BRUNO LEROY ÉDUCATEUR-ÉCRIVAIN dans BRIBES THÉOLOGIQUES. | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, foi, spiritualite-de-la-liberation | Imprimer | | del.icio.us | | Digg | | Facebook | |